Le cannabis bientôt en vente libre chez nous ? "Les dealers vendent des produits de plus en plus mauvais qui ne sont pas contrôlés"
Pourrons-nous acheter bientôt du cannabis en toute légalité, dans une pharmacie ou un magasin ? C’est l'une des questions posées ce matin sur le plateau de C’est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI.
Le PS et Ecolo sont favorables à la vente libre du cannabis en Belgique. Julien Uyttendaele, député socialiste, explique les raisons de cette position.
"Je crois que l’on partir d’un constat clair, c’est que la politique prohibitionniste qui fonctionne depuis 50 ans n’a jamais atteint les objectifs fixés, c’est-à-dire diminuer le nombre de consommateurs, à fortiori dépendants, diminuer l’accessibilité des produits et assécher les réseaux criminels. Actuellement, le cannabis n’a jamais été aussi accessible, par ailleurs d’une très mauvaise qualité, et on n’a jamais autant consommé et de plus en plus jeune", indique le député bruxellois.
D’après les statistiques européennes, le nombre de jeunes qui fument ou ont fumé du cannabis a beaucoup augmenté entre 2001 et 2008.
"Les trafiquants se font beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs"
Les écologistes ont les mêmes arguments. Muriel Gerkens, députée fédérale Ecolo, souligne également l’échec de la politique actuelle."Il y a des dealers, des trafiquants qui se font beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs en leur vendant des produits de plus en plus mauvais et qui ne sont pas contrôlés puisque l’on ne régule pas la production et la vente", regrette-t-elle.
Du côté des opposants à une légalisation du cannabis, on trouve notamment Paul Verbanck, professeur à la faculté de Médecine de l'ULB. "Un utilisateur de cannabis qui développe des troubles mentaux importants vit 20 ans de moins", assure cet ancien directeur de l'Institut de psychiatrie et de psychologie du CHU Brugmann.
Damien Thiéry, député fédéral MR, estime aussi que la répression est nécessaire et se dit contre la "dépénalisation simple" du cannabis car ce n’est pas la "solution".
Jusqu’à présent, seuls les « petits partis » avaient fait cette proposition. Désormais, quatre des cinq principaux candidats proposent la contravention ou la légalisation, qui divisent les acteurs de terrain.
C’est la fin d’un tabou français. Pour la première fois dans une campagne présidentielle, quatre des cinq principaux candidats à l’Elysée proposent de faire évoluer la loi du 31 décembre 1970 punissant théoriquement d’un an de prison et de 3 750 euros d’amende la consommation de stupéfiants, quels qu’ils soient. Emmanuel Macron (En marche !) et François Fillon (Les Républicains) veulent sanctionner par des contraventions le simple usage de cannabis, quand Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et Benoît Hamon (Parti socialiste) vont beaucoup plus loin et prônent sa légalisation encadrée.
Jusqu’à présent, seuls les « petits partis », comme le Parti radical de gauche ou les écologistes, s’étaient aventurés sur ce terrain. Les candidats issus des partis dits « de gouvernement » jugeaient eux qu’il n’y avait que des coups – et des accusations de laxisme – à prendre. Mais en cinq ans, les esprits semblent avoir mûri.
De nombreux pays, dont les Etats-Unis – au niveau des Etats fédérés, puisque la prohibition reste la règle à l’échelon fédéral – et bientôt le Canada, ont engagé des réformes majeures sur le sujet. Aujourd’hui, en France, à l’exception de Marine Le Pen (Front national), le statu quo ne paraît plus tenable.
Il faut dire que la loi de 1970 affiche un piètre bilan. Des quartiers entiers sont ravagés par le trafic de cannabis. Malgré l’extrême sévérité du texte, en un peu plus de quarante ans, le produit s’est banalisé. Sa disponibilité sur le marché s’est accrue, et sa consommation est devenue massive. Près de 700 000 Français fument chaque jour des joints. En 2014, 11 % de ceux âgés entre 18 et 64 ans déclaraient avoir consommé du cannabis au moins une fois au cours de l’année écoulée, selon une étude de Santé publique France parue en avril 2015.
Un niveau de consommation parmi les plus élevés d’Europe, qui sonne comme un échec pour les policiers, gendarmes et douaniers chargés de lutter contre le trafic. « C’est un combat perdu d’avance », considère, résigné, un officier de police judiciaire. Alors que 77,6 tonnes de résine et d’herbe ont été interceptées en 2015, selon l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, un douanier estime « n’intercepter qu’une petite partie de ce qui passe. On court après quelque chose qu’on ne rattrapera jamais ».
Certains tribunaux frôlent l’embolie en raison des affaires de « shit ». Selon les derniers chiffres du ministère de la justice publiés en mars, 227 300 personnes ont été présentées à la justice en 2015 pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. Soit 10 % du total des affaires traitées par la justice dans l’année, un niveau record. Un peu moins de la moitié de ces cas (100 900 personnes) ne concerne que l’usage illicite de produits stupéfiants, essentiellement du cannabis.
Dès lors, comment faire évoluer la loi pour faire baisser l’usage d’un produit dont la consommation précoce est dangereuse ? Deux scénarios sont aujourd’hui en balance. Aucun ne fait consensus sur le terrain. Les contraventions : dans l’air du temps
C’est le scénario sans doute le plus consensuel aux yeux du grand public, même s’il a été catégoriquement rejeté tout au long du quinquennat Hollande, au nom de la « nécessité de l’interdit ». Partisan d’une « dissuasion proportionnée, immédiate et efficace », Emmanuel Macron propose de sanctionner l’usage et la détention de cannabis par une amende « d’au moins 100 euros ». Ce qui signifie de fait une dépénalisation (ou décriminalisation) de la consommation. « L’individu interpellé pourra payer immédiatement, ou sera conduit au poste de police pour établir une contravention », détaille son équipe.
François Fillon restreint davantage la mesure. Dans son programme, il dit vouloir « punir systématiquement par ordonnance pénale (amende) l’usage de stupéfiants » pour une première interpellation pour ce motif. « Quand il y a récidive, c’est un délit, et je suis pour la criminalisation du trafic », avait-il fait valoir lors de la primaire de la droite.
La « contraventionnalisation » est le scénario qui séduit le plus les policiers. « Ça ne sert à rien d’encombrer les services avec un contentieux de masse et des procédures chronophages, estime Patrice Ribeiro, du syndicat Synergie Officiers. Ces infractions terminent en outre dans les poubelles des magistrats. Du coup, neuf fois sur dix, quand un policier croise un consommateur, il lui fait jeter son joint et l’enjoint de quitter les lieux. »
La contravention pour usage simple est vue comme un outil efficace, car immédiat et dissuasif. « Il faut évoluer, gagner du temps et de la disponibilité opérationnelle, tout en développant davantage les actions de prévention », appuie Philippe Capon, du syndicat de gardiens de la paix UNSA-Police, pour qui « le tout-répressif a montré ses limites et sa relative inefficacité ».
« En redonnant du pouvoir à la police, la contraventionnalisation serait paradoxalement plus répressive que la loi de 1970 », analyse Ivana Obradovic, chercheuse à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. « Ce ne sera pas une nouvelle politique des drogues, car cela fait toujours passer le gros de l’action par la procédure policière, ajoute Jean-Pierre Couteron, le président de la Fédération Addiction, une structure qui regroupe des professionnels de la prévention et de la réduction des risques. C’est une demi-mesure qui ne mettra pas fin à l’hyper-usage de cannabis en France. »
Les magistrats se montrent eux aussi réservés, voire réticents. « Si l’usage est passible d’une simple contravention, cela priverait l’autorité judiciaire d’un outil dans la lutte contre les trafics », affirme Jacky Coulon, le secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Selon lui, dès lors que la police ne pourra plus mettre des consommateurs en garde à vue – acte réservé à un délit passible de prison – il craint « une déperdition d’informations utiles pour remonter les filières ». La légalisation : option audacieuse
L’autre scénario, plus radical, c’est la légalisation contrôlée et encadrée du cannabis, qui deviendrait un bien marchand comme le tabac. C’est ce qu’a fait l’Uruguay. Pour faire diminuer la consommation de drogue, Benoît Hamon propose de légaliser l’usage du cannabis pour les majeurs, d’encadrer sa distribution, en passant par des points de vente d’Etat pour « tarir les trafics à la source », et de réaffecter les 568 millions d’euros économisés sur la répression vers la prévention.
C’est, peu ou prou, ce que propose aussi Jean-Luc Mélenchon. Un scénario qui rapporterait plus de 2 milliards d’euros à l’Etat, avait estimé le think tank Terra Nova en 2014, mais dans lequel, à prix inchangé, le nombre d’usagers quotidiens augmenterait de plus de 47 %. Les magistrats sont très divisés. Si l’USM est fermement opposée à la légalisation, le Syndicat de la magistrature (classé à gauche) y est favorable.
Pour Katia Dubreuil, sa secrétaire nationale, c’est d’ailleurs « le seul moyen de tenir une politique publique de prévention efficace ». Quant aux policiers, ils se montrent réticents, craignant que tout ou partie des réseaux se reportent sur d’autres trafics ou développent une offre de contrebande. « Les enjeux financiers sont tels qu’ils maintiendront les trafics en proposant, par exemple, des taux de THC [le principe actif] plus élevés », redoute Céline Berthon, du Syndicat des commissaires de la police nationale.
« Légaliser permettra de diminuer le risque de nocivité du cannabis », avance pour sa part Amine Benyamina, le chef du département de psychiatrie-addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif (Val-de-Marne). Si l’Académie de médecine reste opposée à tout ce qui permettrait d’« inciter à la banalisation de l’usage de cette drogue », de nombreux médecins, comme le pneumologue Bertrand Dautzenberg, assurent aujourd’hui qu’à tout prendre, en termes sanitaires, la légalisation encadrée a plus de vertus qu’une prohibition inefficace.
Cannabis, légaliser ou non
La sanction par contravention de l’usage de cannabis a bonne presse dans les programmes de plusieurs candidats. En infligeant des amendes aux consommateurs de stupéfiants, François Fillon y voit le moyen de lutter plus efficacement contre eux. Emmanuel Macron défend la même mesure. De son côté, Jean-Luc Mélenchon veut sanctionner par contravention l’usage de stupéfiants mais légaliser celui du cannabis. Plus tranché, Benoît Hamon promet de légaliser le cannabis et d’encadrer sa distribution pour « tuer les trafics à la source ». Marine Le Pen, enfin, n’évoque pas le sujet dans son programme.
Par François Béguin, Jean-Baptiste Jacquin et Julia Pascual
Une femme de 51 ans domiciliée à Cadenet (Vaucluse) a été condamnée hier à six mois d’emprisonnement avec sursis, 3 000 euros d’amende et privation de ses droits civiques et familiaux pendant cinq ans par la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel à Nîmes (Gard).
Me Edith Delbreil et Valérie Robion lors du procès à Avignon.
Photo DL/Archives Jim GASSMANN
Elle faisait pousser à son domicile du cannabis qu’elle fumait afin de soulager ses douleurs au dos, sa moelle épinière ayant été détruite à 70 % après une chute d’escalade. Cette décision vient contrer celle prononcée en première instance l’année dernière à Avignon. Elle avait été relaxée compte tenu de « l’état de nécessité ».
Ce nouveau produit, issu de croisements génétiques, connaît un succès foudroyant. Pauvre en THC, ce n’est pas un psychotrope, il échappe donc à la loi sur les stupéfiants. Mais pas toujours aux débats fumeux.
Les producteurs de cannabis légal se multiplient.
Mais ils doivent obtenir le feu vert de Berne pour commercialiser leurs produits.
(Photo: Keystone)
C’est la ruée. Le monde en vert et à l’envers: le cannabis légal déferle sur la Suisse depuis l’automne dernier. Un cannabis certes un peu «pour de faux», puisque devant légalement contenir moins de 1% de THC, la substance euphorisante.
Les points de vente se multiplient: kiosques, shops spécialisés, stations d’essence et naturellement le web. Et donc aussi les producteurs, qui doivent obtenir une autorisation de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), après des tests en laboratoire, pour mettre leurs produits sur le marché. La substance dominante du cannabis légal est le cannabidiol (CBD), sans effet psychotrope, mais supposé apporter calme, relaxation et détente, notamment musculaire. Des sportifs de haut niveau y recourent par exemple.
Même si le produit est nouveau et donc encore peu étudié, sa réputation médicale semble déjà bien établie. On parle d’effets anticonvulsifs, antiépileptiques, anti-inflammatoires, antiémétiques, etc. Ce cannabis peut être fumé, infusé, transformé en comprimés, en liquide pour cigarette électronique, en huile, etc.
Le CBD a bien sûr ses détracteurs, comme le Groupement romand d’études des addictions (GREA) qui pointe les mêmes dangers que la cigarette en raison de la combustion. La vente en kiosque fait également débat, certains y voyant une incitation propre à saper le travail de prévention. Même si la vente du produit est interdite aux mineurs et qu’il convient de bien séparer le bon grain CBD de l’ivraie THC.
«Ce produit, c’est un peu comme le Canada Dry»
Olivier Guéniat, criminologue et chef de la police judiciaire de Neuchâtel.
Comment expliquer l’essor soudain du cannabis légal?
Par l’apparition de cultures permettant, grâce à des croisements génétiques, de produire du cannabis avec un taux de THC inférieur à 1% et un taux élevé de cannabidiol (CBD) compris entre 10 et 20%. Disons que ceux qui ont mis la main sur ce marché ont eu du flair, même si l’autorisation d’un tel produit date déjà de 2011. Difficile de savoir pourtant aujourd’hui s’il s’agit d’un marché éphémère ou s’il perdurera.
Ce cannabis légal va-t-il un jour supplanter le cannabis illégal?
Sûrement pas, de la même manière que le jus de raisin ne remplacera pas le vin. Le CBD n’a pas d’effets psychotropes, même s’il a plus de «vertus pharmacognosiques» que le jus de raisin, je l’admets. C’est le THC et ses effets qui sont recherchés en premier lieu par les consommateurs de cannabis. Ce nouveau marché ne devrait ainsi pas profiter aux dealers. Les consommateurs qui voudront du cannabis légal iront l’acheter, j’imagine, dans les points de vente légaux.
Pourquoi n’est-il pas possible de distinguer le CBD lors de simples contrôles de police?
Seule une analyse chimique peut identifier cette molécule. L’odeur caractéristique du cannabis est produites par d’autres molécules, les terpènes, présentes dans toutes les plantes de cannabis, quel que soit leur taux de CBD et de THC. Un chien par exemple ne réagit pas au THC, ni au CBD, mais à l’odeur de la plante.
Le coût élevé des analyses – 500 francs – ne rend-il pas le dépistage aléatoire?
Non, car nous sommes capables d’effectuer un pré-test, qui est très bon marché et consiste en une analyse semi-quantitative, un bon pronostic pour quelques francs, vérifiant s’il y a plus ou moins que 1% de THC et entre 10 et 20% de CBD. La précision n’est pas énorme mais suffisante.
Le cannabis sans THC s’apparente-t-il à une simple cigarette?
On ne peut pas comparer. C’est une substance active pharmacologiquement, mais différente de la nicotine, car elle n’induit aucune dépendance. Le point commun cependant reste la fumigation qui nécessite les mêmes mises en garde en matière de santé.
Quelle est la procédure en cas de contrôle d’une personne en possession de CBD?
Nous ne contrôlons que les sachets ouverts. Si la personne admet qu’il ne s’agit pas de CBD, elle peut payer l’amende d’ordre de Fr. 100.-. Elle peut aussi attendre les résultats des analyses. S’il s’agit de CBD, la marchandise est restituée. S’il s’agit de cannabis illégal, la personne sera dénoncée au Ministère public et devra payer, en plus d’une amende, les frais d’analyse et de dossier.
Cela ne complique-t-il pas excessivement le travail de la police? Une légalisation générale ne serait-elle pas plus simple?
Non, parce que pour nous, en réalité, cela ne change pas grand-chose. Les pré-tests sont très simples et ne nécessitent pas énormément de matériel. Des études sont actuellement en cours sur la consommation de ce produit, notamment par rapport aux normes de circulation routière. Nous avons été certes un peu surpris par le phénomène, mais nous sommes en train de rattraper le retard. Pour nous c’est un peu un non-sujet.
Mais qui fait néanmoins beaucoup parler...
Sans doute parce que nous sommes imprégnés par soixante-huit ans d’interdiction. Etre confronté tout à coup à cette appellation de «cannabis légal» vendu en kiosque inspire la méfiance. A tort: ce produit est hors psychotrope, Swissmedic et l’OFSP ont donné leurs consignes, je ne vois pas où est le souci. Ce cannabis c’est un peu comme le Canada Dry, il a l’odeur, la couleur, mais pas la substance.
Les licences ont bien été distribuées mais pas encore assez : en conséquence, c’est le cannabis illégal qui tient encore le haut du pavé.
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Marijuana Stocks
C'est la conséquence la plus inattendue de la légalisation du cannabis récréatif dans six états américains, dont la Californie en novembre dernier. Et c'est assez logique : pour fournir tous les fumeurs de joints désormais légaux, ils faut planter, planter, planter...
C'est même devenu une véritable ruée vers ce qu'on appelle désormais l'or vert : un marché de près de 3 milliards de dollars en 2015 et estimé à 6 milliards de dollars en 2020 ! Le problème, c'est que la production « officielle », celle qui a reçu une licence officielle, ne suis pas. Sans compter qu'il faut en plus fournir les vingt-trois états où le cannabis thérapeutique est légal. Le seul moyen d'arriver à fournir tout le monde sans passer par les narcos mexicains ou autres, ce sont les milliers de plantations illégales.
Ce sont elles qui empoisonnent les rivières, en utilisant massivement des herbicides et des insecticides dont beaucoup sont interdits aux Etats-Unis depuis très longtemps. C'est dire leur dangerosité. Que se passe-t-il en fait ? Impossible d'avoir une plantation illégale au vu et au sus de tout le monde. Pour les cacher, le nord de la Californie a la solution idéale : les parcs nationaux. Des centaines de milliers d'hectares où l'agriculture, l'industrie, l'urbanisation est interdite. Mieux encore, ces parcs sont surveillés par quelques gardes, tout au plus. On compte en moyenne quatre rangers ou gardes forestiers pour un territoire grand comme la moitié de la Corse. 80% des prises de cannabis illégal vient des parcs nationaux !
Or, pour minimiser leurs interventions, les cannabiculteurs déversent des quantités ahurissantes de pesticides et d'insecticides. Pas question de perdre un seul plant alors qu'un plant mature peut rapporter jusqu'à 5 000 dollars ! Cette pollution pose un tel problème que certains rangers font désormais leur tournée équipés de masques et de combinaisons de protection. Voilà comment la légalisation du cannabis est en train de devenir un véritable cauchemar écologique !
Depuis des années, des Occidentaux sombrent dans la toxicomanie et la dépression lors de leur périple sur le sous-continent.
Les cheveux gras et épars, les yeux hagards et les bras constellés de croûtes, Robert* avait l'air mal en point. Je l'ai croisé en 2014, remontant à grandes enjambées la plage paradisiaque de Gokarna, dans le sud-ouest de l'Inde. Il s'arrêtait tous les matins à la guesthouse où je résidais. À son approche, le patron, l'air un peu blasé, barrait la porte de son établissement. Robert lui grommelait quelques mots confus, mélange peu clair d'anglais et de français. S'il ne souhaitait – à ce que j'ai cru comprendre – que quelques galettes de pain gratuites, le patron le rembarrait à chaque fois. Robert repartait alors en murmurant des obscénités, glissant néanmoins un sourire aux rares clients assis à la terrasse de l'hôtel. Il n'avait plus aucune dent.
Intrigué, j'ai plusieurs fois essayé de comprendre d'où venait Robert. Originaire de Besançon, il avait débarqué en Inde quinze ans auparavant et n'en était jamais reparti. Selon lui, il devait avoir dans les 50 ans, mais en paraissait 60. Je n'ai jamais pu en savoir plus. Robert s'exprimait dans un jargon incompréhensible et me demandait dès qu'il le pouvait de le dépanner de quelques grammes de charas, le haschisch indien. Les marques qu'il avait sur les bras laissaient présager une consommation régulière d'héroïne. Les Indiens qui avaient affaire aux touristes de Gokarna, le rabrouaient sans ménagement. Il n'avait aucune source de revenu. Seuls quelques touristes charitables lui assuraient pain et défonce. Mais jamais il ne semblait vouloir rentrer en France. Robert s'était littéralement perdu dans le sous-continent, victime de ce que l'on appelle le syndrome indien.
Robert est loin d'être le seul occidental à s'être paumé en Inde. En 1984, dans son roman Nocturne Indien, l'auteur italien Antonio Tabucchi écrivait : « En Inde, beaucoup de gens se perdent ... c'est un pays fait exprès pour cela ». Personnellement, j'ai souvent ressenti ce désir de tout plaquer et de vivre sur les routes de ce pays-continent, où je me sentais, plus qu'ailleurs, chez moi, sans que je puisse pourtant expliquer ce qui m' y attirait irrésistiblement. Et plus je vivais en Inde, plus je me rendais compte que je n'étais pas le seul occidental à subir le magnétisme envoûtant de Mother India.
L'idylle entre les hippies et l'Inde s'est souvent transformé en désastre. Toxicomanie, dépression, bouffées délirantes, les incidents impliquant des Français se sont multipliés.
Lorsque le psychiatre Régis Airault est arrivé à Bombay au milieu des années 1980, il s'est souvent posé la question suivante : « L'Inde rend-elle fou ou les fous vont-ils en Inde ? ». Dans son essai Fous de l'Inde, délires d'Occidentaux et sentiments océaniques , dont il a tiré un film, il décrit les rencontres qu'il a pu faire dans le cadre de sa mission en tant que médecin pour le consulat de Bombay. La fin des années 1970 a marqué, pour nombre de jeunes touristes occidentaux, la fin du rêve que semblait promettre la route de Katmandou.
Comme le relate Charles Duchaussois dans Flash ou le grand voyage, l'idylle entre les hippies et l'Inde s'est souvent transformé en désastre. Toxicomanie, dépression, bouffées délirantes, les incidents impliquant des Français – et les Occidentaux en général – se sont multipliés. En 2014, la police de Gokarna a interdit les raves organisées par les touristes qui squattaient la plage. Plusieurs raids des autorités se sont finis en passage à tabac. Les flics ont été aussi violents parce qu'un touriste français avait pénétré dans un temple en pleine montée de LSD. L'incident avait causé un scandale sans précédent dans ce lieu sacré des adorateurs de Shiva, comme me l'a expliqué le pandit du temple.
Les autorités françaises ont décidé de confier ces malades à des psychiatres. Régis Airault fut le premier à aider les victimes de ce qu'il a dénommé le syndrome indien. S'il a pris en charge des toxicomanes, il note aussi que « Des personnes jusque là indemnes de tout trouble psychiatrique, et n'ayant consommé aucune drogue, éprouvent soudain un sentiment d'étrangeté et perdent contact avec la réalité. » Il ajoute, qu'« en Inde plus qu'ailleurs, et de manière plus spectaculaire, il semble que notre identité vacille ». Régis Airault explique ce bouleversement identitaire en distinguant deux phénomènes préalables : « le choc de l'Inde » et « l'épreuve de l'Inde ».
Le premier est un sentiment de « déréalisation auquel est confronté tout voyageur à l'arrivée ». Un choc culturel en somme, qui, malgré tous les fantasmes orientalistes décrits par Edward Saïd, peut être « à l'origine de symptômes : angoisse, attaques de panique, sidération, effondrement dépressifs... ». Régis Airault se souvient de cette jeune femme, sans antécédent psychiatrique, qui avait décidé de retrouver ses parents à la nage , de l'Inde jusqu'à Marseille. Sans le secours d'une amie, elle se serait noyée.
Le second phénomène, l'épreuve de l'Inde, intervient après plusieurs semaines de voyages et « déclenche des tableaux psychiatriques aigus : dépersonnalisation, idées délirantes – le plus souvent mystiques – et vécu persécutif flou ». L'Inde, pour Régis Airault « parle à l'Inconscient » parce qu'elle « provoque un séisme de l'intime et stimule l'Imaginaire par le biais d'émotions esthétiques intenses qui peuvent cependant faire basculer le voyageur occidental dans l'angoisse la plus totale ».
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De même, Régis Airault remarque deux caractéristiques de ce syndrome. Il peut être dû à un voyage pathologique, c'est-à-dire que la pathologie provoque le voyage ; ce sont « les fous qui vont en Inde ». Dans le cas des toxicomanes, la drogue bon marché peut être, par exemple, la raison du départ en Inde. Mais il pense que le voyage peut être aussi pathogène : le voyage est la cause de l'accident psychiatrique ; il s'agit de « l'Inde qui rend fou ».
Charles Sobhraj est le cas le plus extrême auquel Régis Airault ait été confronté. Il a eu l'occasion de rencontrer ce tueur en série, vedette des années 1970 et 1980. Ce Franco-indien né en Indochine a passé des années de sa vie à escroquer et tuer des touristes en Inde. Aux yeux de Régis Airault, l'Inde a fait chavirer l'identité fragile de Sobhraj et renforcé ses tendances narcissiques et manipulatrices. Celles-là mêmes qui l'ont conduit à commettre des crimes épouvantables.
La folie en Inde est un thème qui a la vie dure. Que ce soit dans le roman Le Vice-consul de Marguerite Duras ou dans L'Homme qui voulut être roi de Rudyard Kipling, les héros sont happés par l'immensité du possible que semble offrir ce pays et perdent tout contact avec la réalité. Ce n'est peut-être pas par hasard si le « poison qui rend-fou » de Tintin et les cigares du Pharaon sont originaires d'Inde. 30 ans après la mission de Régis Airault au consulat de Bombay, ce phénomène existe toujours.
Au consulat de Pondichéry, les autorités françaises s'occupent aujourd'hui des Français touchés par ces crises de folie. Le consulat prend en charge une demi-douzaine de personnes par an. Une équipe de trois personnes est chargée de leur venir en aide et de les rapatrier si nécessaire. Mais trouver les personnes sujettes à des difficultés psychiatriques n'est évidemment pas facile dans un pays de plus d'un milliard d'habitants. Selon une source du consulat, il est difficile de repérer les victimes du syndrome indien. Les autorités consulaires comptent sur la police locale, qui signalera tout désordre sur le voie publique impliquant un ressortissant français. De plus, une fois ces personnes prises en charge surviennent d'autres difficultés : est-il possible d'hospitaliser le patient ? Est-il assuré ? Qui va payer l'hôpital et le rapatriement ? etc.
Les services psychiatriques indiens n'étant pas toujours en mesure de traiter des pathologies aussi lourdes, s'occuper de tels cas relève du parcours du combattant pour les autorités françaises. Mais en règle générale, le syndrome indien ne s'exprime qu'épisodiquement et les conséquences sont minimes. Lors de l'entretien que j'ai eu avec Régis Airault, nous avons convenus que nous étions tous les deux sujets au syndrome indien. Nous ne pouvons nous empêcher d'y retourner dès que possible. J'ai même décidé d'y vivre.
Selon Airault, personne n'échappe à ce syndrome ; l'Inde, et le voyage dans ce qu'il comporte de fantasme et d'initiation, ne laisse personne indifférent : on s'y adonne avec passion ou on rejette l'Inde en bloc. À l'aéroport de New Delhi, il n'est pas rare de croiser des touristes qui viennent tout juste d'arriver mais qui refusent de sortir de l'aéroport, choqués par ce qu'ils ont entrevu du chaos ambiant.
Plus que l'Inde elle-même, c'est bien le voyage même qui bouleverse notre stabilité mentale, qui nous pousse à remettre en cause ce que l'on croyait connaître. Et si l'Occident se confronte psychiquement à l'Orient, l'inverse est aussi vrai. Le syndrome des Japonais à Paris a été décrit dès la fin des années 1980. Bercés par des clichés romantiques du Paris de la belle époque, plusieurs Japonais déçus de la réalité de la capitale française ont connu des bouffées délirantes ou des crises de paranoïa. Voyager n'est jamais anodin, et peut-être en Inde plus qu'ailleurs. Comme l'écrivait Nicolas Bouvier dans L'Usage du monde, « on croit que l'on va faire un voyage, mais bientôt, c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »
Un chercheur de l'Université de la Colombie-Britannique (UBC) est parvenu à isoler 30 gènes au sein du génome du cannabis qui sont responsables de l'arôme et du goût de la plante. Une découverte qui pourrait permettre d'établir des normes gustatives comme dans l'industrie du vin, suggère le scientifique.
Des scientifiques travaillent avec de la marijuana dans un laboratoire. Photo : Reuters/Blair Gable
Peu importe le commerce dans lequel ils se rendent, les amateurs de vin ont, généralement, une idée du goût de la bouteille qu’ils achètent en fonction de la variété qu’ils choisissent. Cela pourrait bientôt être également le cas pour les consommateurs de marijuana, selon le professeur Jörg Bohlmann.
Les 30 gènes du cannabis qu’il a découverts avec son équipe constituent, dit-il, une première étape vers la création de normes gustatives qui pourront ensuite être répliquées. Tous lesdits gènes ne sont pas actifs dans chaque plante, ce qui explique les variations d’arômes, comme un fort goût de pin ou de citron. Cette trouvaille a été publiée mercredi dans la prestigieuse revue scientifique Plos One.
Le professeur Bohlmann estime qu’avec la légalisation à venir du cannabis il y a un réel besoin de standardisation du goût et de la puissance psychoactive du produit. Pour l’heure, bien que les souches permettent de donner une idée plus ou moins précise du goût, les consommateurs restent peu sûrs de ce qu’ils achètent, selon le chercheur.
« Cette situation est largement due au fait que le cannabis a été une industrie illégale. Les gens font pousser leurs propres souches n’importe où, dans un jardin comme dans un sous-sol », explique-t-il.
Une symphonie de goûts
Il imagine que des normes pourraient être instaurées comme celles de l’industrie du vin où le type de cépage et le climat donnent à la récolte un goût qui peut ensuite être reproduit fidèlement sur d’autres grappes plantées dans des conditions similaires.
« Pensez à toute la musique formidable que vous pouvez créer, à toutes les variations que vous pouvez créer avec 30 musiciens dans un orchestre, qu’ils jouent seuls ou tous ensemble », dit le chercheur qui compare sa découverte à une symphonie. D’autres recherches sont en cours pour tenter de déterminer d’éventuels sous-ensembles de gènes et de comprendre leur fonctionnement.
« Ce que l’on sait pour le moment c’est qui sont les joueurs dans cette symphonie, mais on n’est pas encore sûr du rôle exact de chacun. Il faut aussi que l’on détermine qui est le chef d’orchestre et comment il choisit d’appeler au-devant de la scène un musicien plutôt qu’un autre », conclut-il.
L’économiste Kenza Afsahi explique ce que ne dit pas le rapport d’Etat américain ayant affirmé que la production du cannabis serait potentiellement équivalente à 23 % du PIB marocain.
Le 5 janvier 2017, la police de Gibraltar a saisi près de 800 kg de résine de cannabis en provenance du Maroc et à destination de l’Espagne. Crédits : HO/AFP
Début mars, un rapport du département d’Etat américain a fait grand bruit, affirmant que la « production de cannabis » au Maroc équivalait à 23 % du produit intérieur brut marocain (PIB), qui s’est élevé, en 2016, à 100 milliards de dollars (93 milliards d’euros). Un chiffre considérable lancé comme un écran de fumée qui masque des réalités complexes en termes de culture et de transformation de la matière première.
La sociologue et économiste Kenza Afsahi, chercheuse au Centre Emile Durkheim (CNRS), maître de conférences à l’Université de Bordeaux et chercheuse associée au CESDIP de Versailles-Saint-Quentin et au Centre Jacques-Berque de Rabat, a réalisé sa thèse sur la culture de cannabis au Maroc. Décryptage.
Ce chiffre spectaculaire vous paraît-il crédible ? Kenza Afsahi La production de cannabis occupe une place importante dans l’économie du Maroc, mais ce chiffre doit être pris avec précaution. Il est issu du dernier rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui estime la production de haschich, ou résine de cannabis, au Maroc à 700 tonnes. Le rapport du département d’Etat parle, lui, de 700 tonnes de cannabis qui, une fois transformées en résine, seraient potentiellement équivalentes à 23 % du PIB. Il y a là une première confusion entre cannabis à l’état brut et cannabis transformé en résine.
D’autre part, on ne sait pas si l’estimation de la production de résine est faite sur la base du volume des saisies effectuées par les services de police et de douane au Maroc et à l’international, ou sur la base de l’estimation des surfaces cultivées de cannabis. Dans les deux cas, la méthodologie, qui n’est pas expliquée, est imprécise.
Vous semble-t-il refléter la réalité ? Non, car elle est plus complexe. Entre 2003 et 2005, l’ONUDC et le gouvernement marocain ont réalisé des enquêtes conjointes sur les surfaces cultivées et la production de résine avec une méthodologie connue et détaillée. Mais elles ont cessé depuis 2006. Or la culture du cannabis au Maroc a connu des changements ces dix dernières années. La diminution des surfaces cultivées s’est accompagnée de l’introduction de nouvelles variétés hybrides importées d’Europe aux rendements et au taux de THC (tétrahydrocannabinol, la principale substance psychoactive) plus élevés.
Ces nouvelles variétés sont beaucoup plus gourmandes en eau, en engrais et en pesticides, nécessitent des nouvelles techniques de culture et demandent davantage de main-d’œuvre. Leur rendement n’est pas non plus assuré, parce que certains cultivateurs ne maîtrisent pas encore le savoir-faire lié à ces hybrides et que les sols sont épuisés par des années de surexploitation du cannabis.
Enfin, le prix de la résine de cannabis à la consommation en Europe est beaucoup plus élevé que le prix à la ferme chez les paysans du Rif, et une grande partie des recettes du marché du haschich profite à l’étranger et pas à l’économie marocaine, encore moins aux paysans dont une partie vit dans une grande précarité.
Au-delà de cette estimation chiffrée, le Maroc est présenté comme le premier producteur et exportateur mondial de cannabis. Comment expliquer cette situation ? Cette assertion alimente régulièrement le débat public parce que le haschich marocain est exporté massivement vers l’Europe et que, selon les services de police et de douanes, notamment européennes, la majorité du haschich saisie dans le monde proviendrait du Maroc. Mais c’est là aussi une information à prendre avec précaution.
D’abord, la répression du trafic du haschich est plus développée entre les deux rives méditerranéennes qu’elle ne l’est dans d’autres régions du monde. Ensuite, les estimations d’autres pays producteurs importants à l’échelle mondiale – l’Afghanistan, ou même le Liban et l’Inde qui seraient de plus petits producteurs – ne sont pas fiables, ce qui ne permet pas d’avoir de réels points de comparaison. Enfin, les pays industrialisés sont devenus d’importants producteurs de cannabis – pour l’herbe en tout cas –, un phénomène qui a débuté il y a une dizaine d’années et qui va se renforcer avec la probable légalisation dans plusieurs pays.
Que le Maroc soit ou pas le premier producteur au monde n’est pas le plus important. Compte tenu des changements dans le marché mondial et de la concurrence européenne, l’accent devrait plutôt être mis sur l’incertitude quant à l’avenir de milliers de familles de paysans déjà incriminés et marginalisés, qui dépendent fortement de cette économie dans le Rif. Le rapport du département américain, et plus globalement les rapports d’expertises internationaux sur le cannabis au Maroc, est un bon exemple de l’inégalité de traitement entre les Etats occidentaux et les pays du Sud. Les pays du Nord débattent de la légalisation du cannabis, en se concentrant sur la santé publique de leur population en matière de consommation de drogues, tandis que les pays du Sud sont stigmatisés et contrôlés à travers la publication des chiffres sur la production et le trafic.
Le Rif est la principale région de production. Y a-t-il d’autres ? Aujourd’hui, le Rif est la seule région de culture de cannabis et de production de résine. Il y en a eu d’autres par le passé : au XXe siècle, la France, à travers la Régie des tabacs et du kif, a introduit et développé la culture de cannabis, notamment à Beni Mellal, dans le Haouz, et à Ouazzane.
Par ailleurs, le produit est destiné au marché international, mais aussi national. Tout n’est pas exporté. Hormis dans la région du Rif, la consommation au Maroc est importante. Elle est toutefois peu connue car il n’y a pas eu d’études réalisées sur ce sujet.
La culture du cannabis est une source de revenus pour de nombreux agriculteurs marocains. Le pays peut-il se passer d’une telle source de revenus ? Si on veut faire évoluer la situation, les acteurs étatiques et les organisations doivent mettre en place une stratégie sur le moyen et le long terme en concertation avec des acteurs locaux. C’est ce qui manque aujourd’hui. Pourtant, le nord est devenu la deuxième région la plus riche du Maroc alors qu’elle était extrêmement marginalisée sous le règne du roi Hassan II.
Sous l’égide de Mohammed VI, certains pôles ont été mis en valeur : Tanger Med, Tétouan, Chefchaouen, Taounate, Taza, etc. Mais l’espace historique de culture du cannabis ne profite pas de ce développement, en raison notamment du très fort enclavement de ces zones montagneuses.
Les autorités ne peuvent pas y supprimer la culture de cannabis, car les populations sont convaincues que la terre est impropre à tout autre culture. Répondre à cela demande de la créativité, de la concertation et le désenclavement de ces zones. La région a un réel potentiel, entre montagne et mer, avec des parcs régionaux, et pourrait connaître un développement touristique durable et écologique.
La légalisation du cannabis peut-elle être une solution ? Le débat sur la légalisation de la culture du cannabis pour des usages textiles (chanvre) et pharmaceutiques a été lancé par des acteurs associatifs, puis repris par des partis politiques. Le projet de légalisation n’émane pas des acteurs locaux. Les paysans y sont opposés ou s’interrogent sur ses enjeux. Par exemple, ils craignent qu’après avoir été sous l’emprise des trafiquants, ils soient désormais sous celle des lobbies pharmaceutiques, ou que la légalisation profite à d’autres régions agricoles où il y a moins de problème d’eau, où les terrains sont plus fertiles et moins accidentés.
Quoi qu’il en soit, le fait que les Marocains discutent de l’avenir du cannabis dans le pays est une très bonne chose, à la condition que les personnes les plus concernées – paysans, consommateurs – soient au cœur des débats. Le fait que la plupart des acteurs soient considérés comme des « illégaux » complique cet accès à la négociation.
Quelle est la stratégie adoptée jusqu’ici par les autorités vis-à-vis de ce phénomène ? Avant 2001, tous les projets de cultures alternatives au cannabis financés par l’UE ont échoué. Globalement de 2003 à 2011 (date des « printemps arabes »), la stratégie a été l’éradication et la limitation des surfaces cultivées autour du centre historique. Depuis quelques années, les autorités se sont concentrées sur la répression du trafic au-delà de l’espace de culture de cannabis et les saisies se sont multipliées. En matière de développement, des projets de décloisonnement des routes communales ont été réalisés sans réelles retombées.
Malheureusement, les grands projets de développement dans les provinces situées autour des espaces de culture ne semblent pas profiter aux cultivateurs et ces espaces restent encore marginalisés et sous-développés.
Les autorités marocaines sont dans la protection du territoire contre la menace terroriste. Comment expliquez-vous qu’elles ne parviennent pas à faire face à ce trafic ? Mais les autorités marocaines sont efficaces dans le Rif ! Pourquoi pensez-vous qu’il n’y a pas de violences et de conflits liés à la drogue ? Et puis, on ne réprime pas le trafic lié à une activité traditionnelle ancestrale, comme on réprimerait des filières terroristes. Malgré l’internationalisation des échanges du cannabis, cette économie est restée profondément ancrée dans le local, avec un savoir, des acteurs, des conventions qui lient le pouvoir aux cultivateurs. Grâce au contrôle des autorités, la formation des réseaux de commercialisation n’a pas abouti à des réseaux menaçant la sécurité de l’Etat et il n’y a pas de conflit majeur dans le Rif à ce jour.
La seizième Marche mondiale du cannabis se tiendra samedi 13 mai à Chartres. Cette journée a pour but de montrer au public les vertus du cannabis thérapeutique sur les malades.
Le collectif "Un combat de malade pour les malades" œuvre pour le bien-être des personnes atteintes, entre autres, de maladies auto-immunes, dont les myopathies inflammatoires, mais aussi pour les personnes atteintes par le VIH, le cancer, ainsi que d'autres pathologies.
Il milite pour l'application du décret de juin 2013, signé par la ministre de la Santé Marisol Touraine, autorisant l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) à examiner les demandes de mise sur le marché de médicaments à base de dérivés de cannabis. Gregory Leroy, organisateur de la Marche mondiale du cannabis, reconnaît : « Aujourd'hui, on stigmatise, on met en prison les malades qui utilisent du cannabis. Ce n'est pas normal, on a des revendications sérieuses et des projets de loi très sensés. »
Mieux supporter les souffrances
Certains rapports médicaux ont prouvé les vertus du cannabis dans les pays ayant déjà opté pour le cannabis thérapeutique. En France, à ce jour, les autorités refusent de permettre aux malades de pouvoir se procurer en toute légalité des médicaments à base de cannabis pour les aider à mieux supporter les souffrances qu'elles endurent chaque jour.
Dans la région, le collectif ne compte pas s'arrêter là. Prochainement, il souhaite mettre en place quelques événements pour informer le public sur les bienfaits du cannabis sur les malades, comme des colloques où des scientifiques étrangers, qui travaillent sur cette plante, pourraient être présents, mais aussi rencontrer des élus locaux, des députés, des sénateurs pour essayer de faire bouger les choses. Laura Girard
De nombreux chrétiens conservateurs demandent à obtenir l’autorisation de donner de la marijuana à leurs enfants autistes.
Seuls les parents d’enfants autistes connaissent les souffrances engendrées par ce trouble encore largement méconnu. Certains enfants sont parfois sujets aux angoisses, ou à des explosions de violence qui peuvent mettre en danger l’enfant et son entourage.
Aux États-Unis, des parents considèrent qu’ils n’ont plus rien à perdre, et se tournent désormais vers la prise de cannabis thérapeutique. Il ne s’agit pas de faire fumer l’enfant, mais plutôt d’en administrer sous forme de patchs par exemple. La chrétienne Amy Lou Fawell, co-fondatrice et directrice de l’organisation MAMMA, Mothers Advocating Medical Marijuana for Autism, plaide pour la légalisation de l’usage thérapeutique de marijuana pour les enfants autistes.
“Nous sommes les personnes les moins prédisposées à faire cette démarche”
Il y a plus de 3 ans, désespérée par les difficultés de comportement de son fils, Amy Lou a fait le choix de lui administrer de la marijuana. Contre toute attente, le comportement du garçon s’est amélioré. C’est ainsi qu’est né le premier groupe MAMMA à Austin, au Texas.
“Si Dieu l’a fait, et que notre corps en a besoin, alors l’argument est chrétien.”
Il existe des groupes de ce type dans 12 états des États-Unis. Les parents réclament le droit d’utiliser le cannabis pour apaiser leurs enfants. Matthew J.Cox, ministre au Texas a déclaré que son parti pris résolument anti-marijuana commençait à s’adoucir.
“Il y a peut-être une utilisation de la marijuana, un plan pour cela… Je ne peux pas croire que ce serait pire que les médicaments psychotropes donnés sur ordonnance, aujourd’hui aux enfants.”
Car ses parents militent effectivement pour une utilisation thérapeutique, et non pour une utilisation récréative. Il est avéré que la consommation de cannabis provoque des dommages irréversibles sur le cerveau, et peut déclencher l’apparition ou aggraver des troubles psychiatriques majeurs.
L’utilisation de la marijuana est ici mise en balance avec l’utilisation de psychotropes aux effets secondaires dévastateurs.
L’efficacité de tels traitements n’a pas été vérifiée selon un protocole scientifique. Certains parents y ont recours de manière empirique, et prennent ensuite le risque de faire connaître les histoires de succès sur Internet. Orrin Devinsky, neurologue à l’Université de New York s’exprime ainsi :
« Nous en tant que société politique, médicale et scientifique, nous devrions nous déplacer pour obtenir des données scientifiques de haute qualité. Si c’est sûr et efficace, les gens devraient être en mesure d’utiliser leurs prescriptions et d’en obtenir. Si elle est dangereuse ou si elle est inefficace, personne ne devrait y avoir accès. »