Tribune de Christian Saout (président de Aides)
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Invité, dans Ce que nous avons retenu...,
président de Aides
Aujourd'hui en France, l'épidémie à VIH-sida est mieux mesurée qu'elle ne l'a jamais été. Les inquiétudes restent fortes vers les gays, jeunes et moins jeunes, vers les personnes d'origine étrangère et chez les femmes. Faut-il alors abandonner toute politique de prévention des risques de contamination par le VIH-sida en direction des consommateurs de drogues, au motif que l'épidémie les concernent de moins en moins ? Évidemment non.
Source : CIRC Paris PresseCar on aurait tort de croire la partie gagnée. Et le Parlement a bien fait de consacrer l'existence légale des programmes de réduction des risques en direction des consommateurs de produits psychoactifs.
Mais ce moment d'égarement « libertaire » était sans doute un peu too much. Deux sénateurs, M. Plasait et Del Agnolla, proposent de remplacer la loi du 30 décembre 1970 relative à la lutte contre la toxicomanie. Loi funeste, renvoyant les consommateurs de drogues à la clandestinité ou dans les marges d'une société prompte à les rejeter, et qui s'est révélée impuissante face à une morbide hécatombe. Seule la lutte contre le sida aura permis après quinze ans d'un combat acharné d'obtenir au détour des années quatre-vingt-dix que des politiques de réduction des risques viennent avec succès promouvoir une approche sanitaire. C'est à cette approche que l'on doit une chute du nombre de décès par overdose jamais atteinte : près de 80 %. Et une chute comparable de la délinquance associée.
Mais nos sénateurs ne se proposent tout au plus que d'aménager l'édifice répressif de 1970. Au lieu des peines de prison inappliquées parce que l'usage de drogue s'est massifié et que les prisons sont pleines, ils envisagent un système de contraventions hiérarchisées selon la fréquence de la récidive. Des millions de jeunes et de moins jeunes peuvent donc s'attendrent à disposer rapidement d'un casier et à voir leurs téléphones portables et leurs moyens de locomotion retenus par la police !
La France va donc encore s'afficher comme l'un des pays les plus archäques de l'Europe occidentale. Nous continuerons à lutter contre les drogues en frappant l'usage des produits stupéfiants d'un opprobre disproportionnée. Du moins en regard des dépendances et des dommages causés par l'alcool et le tabac. Mais il est vrai qu'une autre proposition de loi envisage de faire du vin un produit de culture régionale. Vive l'exception culturelle française !
Quand accepterons-nous d'être comme les autres ? Capables de regarder l'alcool, le tabac et les drogues de la même façon. Et soucieux de penser que ce qui nous intéresse ce sont les dépendances, qui sont des questions de santé publique et non de politique pénale. Vraiment, de l'air.
L'Humanité