Trente ans après «l'Appel du 18 joint», la France continue à pénaliser les fumeurs de joints et amplifie la répression.
En 1976, Libé publiait «l'Appel du 18 joint».Qui oserait aujourd'hui pareille irrévérence ? A peine osons-nous rappeler que le cannabis, ça fait rigoler. Nous avons oublié le contexte de la loi de 1970. «Un fléau menace la République», avait annoncé gravement le législateur. Les fumeurs de joints, ces babas cool comme on les nomme par dérision, font pâle figure comme ennemis de la République. Quant à la santé publique, comment la prendre au sérieux alors que les consommateurs d'alcool ou de tabac n'ont pas les mêmes sanctions ? C'est la liberté de choisir son mode de vie qui est condamnée. Ni la prison, ni le traitement médical ne sont justifiés simplement pour l'usage.
Source : Libération
Trente ans plus tard, c'est la conclusion de toutes les expertises officielles, de 1978 à 2001, et pourtant l'argument est plus inaudible que jamais. Ecoutons ce que nous nous disons les uns aux autres :
Le cannabis n'est pas anodin, il rend dépendant et peut révéler des troubles psychiatriques sous-jacents. En effet. Mais la dépendance au cannabis n'a rien à voir avec les dépendances à l'héroïne ou au tabac, également douloureuse. Quant au trouble psychiatrique sous-jacent, il ne doit pas être confondu avec ce qu'on appelle un «bad trip», une expérience désagréable mais qui révèle rarement une psychose. Les troubles de la mémoire ou de la concentration devraient suffire à limiter la consommation, mais sans doute ces risques-là sont-ils trop anodins. Coûte que coûte, il faut faire peur.
Autoriser le cannabis alors qu'on veut interdire le tabac ? Effectivement, la tolérance traditionnelle envers le tabac et l'alcool recule, et ce n'est pas pour promouvoir le cannabis. Au-delà des produits, c'est l'ensemble de nos comportements quotidiens qui sont sur la sellette. Chacun de nous est responsable de sa santé. Responsable ou coupable ? Convaincus de notre propre faiblesse, il nous faut reconnaître que l'interdit est structurant. Mais la santé publique a bon dos. Il n'est pas de justification à la judiciarisation de comportements qui ne nuisent pas à autrui.
La loi marque une limite symbolique, mais on ne met pas les usagers de cannabis en prison. Un des arguments paradoxaux qui justifie le maintien de la loi, c'est qu'elle ne serait pas appliquée. C'est tout simplement faux. En 2003, 2 789 sanctions judiciaires ont été prononcées pour usage simple, c'est-à-dire sans produit. Il s'agit essentiellement de sursis, mais pour la détention, nécessairement associée à l'usage, 10 256 peines de prison ferme ont été prononcées sur un total de 39 851 sanctions ouvrant à un casier judiciaire.
Dépénaliser, ce serait envoyer un «mauvais message», qui a conduit l'Espagne à la catastrophe que l'on sait. Depuis plusieurs années, la France a dépassé l'Espagne en nombre de consommateurs. La France est le pays le plus répressif d'Europe, c'est aussi le pays où la progression du cannabis est la plus rapide. Contrairement à une idée reçue, c'est la réalité des risques et non la peur qui freine la consommation. En témoignent la stabilisation et même le recul des consommations de nos voisins en Europe qui ont tous dépénalisé l'usage.
Pour 2008, l'objectif officiel est la politique de tolérance zéro. Ces trois dernières années, le coût de la répression équivaut à celui des dix années précédentes. Entre 1993, année où le Circ réactivait «l'Appel» lancé par Libération, à 2005, 1 292 565 personnes ont été interpellées. Actuellement, près de 90 % sont des usagers de cannabis, soit 10 % de la lutte contre la délinquance. Aux Etats-Unis, la politique de tolérance zéro fait plus d'un million et demi de prisonniers. C'est un autre choix qu'ont fait nos voisins, en Europe. Ils ont fait le bilan d'une répression aussi inutile pour la sécurité que pour la santé publique. La dépénalisation de l'usage, associée à la tolérance de la détention et de l'autoproduction, permettrait à la France de se mettre au diapason. Il ne s'agit pas d'exiger un statut particulier pour le consommateur de cannabis mais au contraire de le faire entrer dans le droit commun. C'est une mesure simple. Elle ne résout pas tout mais elle évite d'en rajouter.
Dans dix-neuf des vingt-cinq pays de l'Union européenne, fumer un joint n'est plus réprimé. En France, ce n'est toujours pas le cas. Publié il y a trente ans dans ces colonnes, et aussi stupéfiant que cela paraisse, le précurseur «Appel du 18 joint» reste d'une totale actualité.
Source : Libération
Près de cent mille personnes sont interpellées chaque année en France pour avoir allumé un pétard. Contrairement à tous ses voisins, l'Hexagone n'a pas assoupli d'un iota sa législation antidrogue. Un paradoxe, un anachronisme presque, pour un pays qui a su montrer à plusieurs reprises de l'audace sur le plan des moeurs. L'usage du cannabis a beau avoir explosé, qui voit quatre millions de Français de toutes générations et de tous milieux sociaux en consommer chaque année, rien ne bouge. Dans une grande hypocrisie, le débat s'est même durci, au point de voir des signataires de l'appel à la dépénalisation d'il y a trente ans refuser de signer sa version 2006. L'échéance présidentielle n'arrange rien, la classe politique est embarrassée, quand elle ne promet pas, à l'instar de Sarkozy, une répression encore accrue contre le «cancer» de la drogue. Alors que toutes les études démontrent que le cannabis est moins nocif que l'alcool ou le tabac, les pouvoirs publics ont complètement changé d'orientation il y a quelques années, passant d'une relative indulgence à l'égard de cette drogue à sa «diabolisation», au point que la France est le premier pays au monde à lancer une campagne contre le cannabis au volant. Un virage qui correspond à l'air du temps, qui voit le triomphe des discours hygiénistes et le retour, à gauche comme à droite, d'un moralisme bien pensant. L'heure est aux croisades antialcool et antitabac, et la bonne santé publique fait désormais partie du credo politique. Tout cela cadre mal avec le relâchement d'une prohibition ravageuse dans ses effets et, si l'on en croit les chiffres de la consommation du cannabis, totalement inefficace.
Lancé en 1976 pour la légalisation du cannabis, l'Appel du 18 joint est relancé, alors que la France reste l'un des pays européens les plus répressifs.
Source : Libération
Combien seront-ils dimanche sur la pelouse de la Villette à Paris, à se mettre «en pétard» contre la pénalisation des fumeurs de joints ? Jean-Pierre Galland, président du Collectif d'information et de recherche cannabique (Circ), qui a lancé les invitations, ne se fait pas trop d'illusions. Il espère néanmoins que cette célébration de «l'Appel du 18 joint», lancé il y a trente ans par Libération, relancera le débat sur la dépénalisation du cannabis. Le 8 juin, Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, a admis que la législation actuelle était inappliquée et a conclu à la nécessité de réviser la loi de 1970 qui punit de un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende l'usage de stupéfiants. Le PS, lui, promet d'ouvrir un vague débat «sur la pertinence d'une régulation publique».
En 1976, l'Appel demandait la «dépénalisation totale du cannabis» et «l'ouverture de centres d'informations sur les psychotropes». Il avait recueilli environ 2 500 signatures. Version 2006, l'Appel tient à peu près le même discours, «l'usage en privé est toujours interdit et la chasse aux amateurs est ouverte toute l'année». Mais trente ans après, beaucoup d'ex-signataires manquent à l'appel. Parce qu'ils sont morts, parce qu'ils font les morts. Ou parce que, comme l'écrit à Galland ce directeur de recherche au CNRS, «j'ai appris des choses en trente ans. [...] Les connaissances changent, les façons de se faire plaisir aussi [...]. Cela ne m'empêche pas d'approuver toute résistance contre une répression qui serait menée contre ceux qui ne portent atteinte qu'à eux-mêmes». Réaction du destinataire, cela «résume assez bien l'état d'esprit trente ans plus tard». A l'époque, André Glucksmann avait signé. Isabelle Huppert et Maxime Leforestier aussi. Philippe Val (Charlie Hebdo) ou Bernard Kouchner (à l'époque fondateur de Médecins du monde) en étaient également. «Ils étaient jeunes, ils ne le sont plus. Leur position a changé, entre temps, ils ont fait des enfants. Ils trouvent que le cannabis pose des problèmes de santé.» Trente ans plus tard, quelques artistes toujours, des intellectuels encore, de nombreuses associations pour la réduction des risques, et désormais «pas mal de politiques», note Jean-Pierre Galland. Jeunes Verts ou LCR pour la plupart. Mamère, Besancenot oui, Voynet non. Car si comme le dénonce l'Appel 2006, «les discours officiels n'ont pas évolué», les pratiques si.
Luxe. Léon Mercadet, journaliste à Canal + et signataire des deux appels, se souvient qu'en 1976 le cannabis «était une drogue de luxe». Quelques milliers de personnes grand maximum. «Le rapport Pelletier de 1978 considérait que les fumeurs de cannabis n'étaient que de jeunes contestataires en pleine crise d'adolescence. Il préconisait de ne pas les envoyer en prison et jugeait inutiles les traitements thérapeutiques», raconte Anne Coppel, sociologue. Jusqu'à l'épidémie de junkies aux drogues dures dans les années 80. En 1986, Chirac veut faire la guerre aux stupéfiants. «Pour la première fois, la classe politique a voulu appliquer la loi de 1970», continue Anne Coppel. La prison ou l'injonction thérapeutique. Héroïnomanes ou fumeurs de joints, «tout le monde dans le même sac». Grâce aux traitements de substitution, les héroïnomanes ont quitté la rue. Les fumeurs, eux, ont décuplé. D'après les estimations de l'OFDT, ils sont presque 4 millions à fumer occasionnellement chaque année. Entre 1990 et 1999, la police en interpelle environ 320 000 pour usage. Et plus de 380 000 entre 2000 et 2005.
Frein. «Les sanctions tombent majoritairement sur les usagers de cannabis (91 %), note Anne Coppel. C'est inutile en terme de sécurité publique, mais ça fait du chiffre.» Inutile aussi en terme de santé publique : la France est l'un des seuls pays d'Europe où le nombre de fumeurs de cannabis augmente. Parce qu'ici, «on ne croit pas à la prévention, analyse-t-elle. Or si les gens ne consomment pas, ce n'est pas à cause de la répression, mais à cause de la réalité des risques.» Elle cite les problèmes de concentration, de mémoire, les émotions exacerbées... «Les pays qui ont lancé de bonnes campagnes de prévention s'appuient sur cette préoccupation nouvelle de la population pour les problèmes de santé publique. C'est le meilleur frein à la consommation de psychotropes.»
L'ancien patron de SOS-Racisme Malek Boutih, devenu membre de la direction du PS chargé des questions de société en 2003, s'est fait une spécialité : celle de produire des rapports iconoclastes que son propre parti s'empresse de glisser sous le tapis. Après ses propositions controversées sur l'immigration, en 2005, voici aujourd'hui le cannabis, ou comment "contrôler son usage pour protéger les citoyens".
Source : Le Monde
Dans une note de cinq pages, rédigée pour la commission nationale du projet du PS, M. Boutih milite pour la réforme de la loi de 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses. Il la qualifie de "ligne Maginot", et prône la "reprise du marché par la puissance publique" afin de lutter contre la "mafia". La "fin de l'hypocrisie, écrit-il, apporterait bien-être et ordre là où la clandestinité et le malaise se sont installés". Car pour M. Boutih, le cannabis " est la clé de voûte de la ghettoïsation et de l'insécurité dans les quartiers populaires".
2 M2 POUR LES PARTICULIERS
Plutôt que sa dépénalisation, il recommande donc une "régulation" par l'Etat et lance quelques idées audacieuses, inspirées du modèle néerlandais, pour "une nouvelle filière agricole". Le responsable socialiste imagine ainsi des "coopératives chanvrières outdoor (plein champ)" cultivées par des agriculteurs "sur des surfaces sécurisées" et "restreintes à 2 hectares". Ces coopératives "garantissent la production de masse du haschich et de l'herbe de consommation courante". Des "chanvrières sous serres", limitées à "1 hectare", permettraient de cultiver des "boutures de variétés de cannabis" et de "soutenir la concurrence qualitative avec les marchandises d'importation". Enfin, toujours "indoor" (sous serre), des horticulteurs exploiteraient des surfaces de 500 m2, et les producteurs "indépendants", 50 m2. Pour les particuliers, "une surface de 2 m2 de floraison "indoor" et 10 pieds "outdoor" par foyer semble une limite raisonnable, précise le rapport. Les cannabiculteurs les plus passionnés devront se professionnaliser."
Côté distribution, des "associations pourront ouvrir des clubs de consommateurs", de 18 heures à minuit en semaine, jusqu'à 2 heures le week-end, à condition de ne faire aucune publicité extérieure. Bien sûr, M. Boutih sait que dans la "forme actuelle, le PS ne va pas tout reprendre". Mais, dit-il, "c'est ma façon de travailler". Un peu poil à gratter.
La question du cannabis sera-t-elle un enjeu de la campagne présidentielle ? A l'occasion des trente ans de "l'Appel du 18 joint", lancé le 18 juin 1976 dans le quotidien Libération, les partisans de la dépénalisation de l'usage des stupéfiants interpellent les candidats à l'élection présidentielle sur la question des drogues. Alors que la consommation du cannabis, produit illicite, a explosé ces dernières années, notamment chez les jeunes, un consensus se fait jour, à gauche comme à droite, sur la nécessité de réviser la loi de 1970, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende l'usage de stupéfiants. Les modalités de cette révision divergent en revanche radicalement : si le Parti socialiste s'est prononcé pour une "régulation publique" de l'usage de cannabis, l'UMP souhaite au contraire renforcer sa prohibition.
Source : Le Monde
Adoptée dans les années post-1968, pour endiguer la consommation d'héroïne, la législation sur les stupéfiants n'est que très minoritairement appliquée. Un demi-million de personnes fument quotidiennement du cannabis, mais "seules" 90 630 personnes ont été interpellées en 2003 pour usage, et 484 ont été incarcérées en 2002.
Estimant que "la prohibition (induite par la loi) a dynamisé le trafic, multiplié le nombre de consommateurs, et enrichi les mafias", le Collectif d'information et de recherche cannabique (CIRC) a relancé l'Appel du 18 joint, signé par près de 3 000 personnes, dont Oliver Besancenot (LCR), Jean-Luc Benhamias, Alain Lipietz et Noël Mamère (Verts), Razzye Hammadi (président du Mouvement des jeunes socialistes) ou Jean-Luc Romero (conseiller régional UMP). "Il y a de plus en plus de gens qui dans leur tête ont légalisé le cannabis, c'est une force politique qui veut faire bouger les choses, estime Jean-Pierre Galland, président du CIRC. Nous demandons des solutions sociales pragmatiques de réduction des risques envers le cannabis et les autres drogues."
"INTERDIT SOCIAL"
Sur le plan électoral, la thématique ne fait cependant guère recette, même à gauche. Les Verts sont ainsi moins en pointe sur une question qui a longtemps appartenu au corpus de l'écologie politique. Officiellement, ils militent toujours pour la dépénalisation de l'usage, le contrôle et la distribution de haschich dans des cannabistrots. Mais Dominique Voynet, candidate à l'investiture, a refusé de signer l'appel. "Nous sommes nous aussi touchés par le recentrage du débat politique et les thématiques du rappel à la loi", déplore Sergio Coronado, porte-parole des Verts et signataire.
Au Parti socialiste, la question du cannabis a été vivement discutée lors de l'adoption du projet pour 2007, le 7 juin. Alors que le gouvernement de Lionel Jospin s'était refusé à réformer la loi de 1970, les membres du bureau national ont pris acte de son échec, en relevant qu'elle n'avait empêché ni le trafic ni l'augmentation de la consommation. Ils ont cependant écarté l'idée de dépénalisation du cannabis pour lui préférer une "régulation publique" de l'usage.
Soutenue par le MJS et par Malek Boutih, secrétaire national chargé des questions de société, cette proposition revient à une forme de légalisation de l'usage de cannabis. "La dépénalisation ne peut plus être un mot d'ordre, elle revient à dire qu'on fout la paix aux consommateurs, estime M. Boutih. Soit on maintient coûte que coûte la prohibition, mais il faut prouver que cela a un effet, soit on évolue vers une maîtrise du produit. On pourrait imaginer une politique de prévention avec vente de cannabis dans des lieux autorisés, interdiction pour les mineurs et production contrôlée par les pouvoirs publics."
Cette position tranche sur les options de la droite, pour laquelle toute tentative de modifier la loi pourrait être interprétée comme une incitation à l'usage, est écartée. "Nous prenons acte que la consommation est largement répandue, mais la dépénalisation ne pourrait être perçue que comme un mauvais signal", explique Marielle de Sarnez, vice-présidente de l'UDF.
La majorité penche aujourd'hui pour une pénalisation accrue de l'usage de cannabis. Qualifiant, le 8 juin, la drogue de "cancer", le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a opté pour une révision de la loi de 1970 dans le sens d'un renforcement de "l'interdit social". Le ministre de l'intérieur, qui avait milité, sans succès, pour une réforme législative par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en 2004, propose de remplacer la peine d'un an de prison par une contravention de 1 500 euros, inscrite au casier judiciaire. Il souhaite également la mise en place de sanctions alternatives, comme "l'obligation d'aller à l'hôpital pour voir des usagers de drogues".
Pour les trente ans de l’Appel du 18 joint, publié par « Libération » en 1976, les militants de la dépénalisation du cannabis ont rédigé un nouvel Appel, qui n’a pas recueilli les soutiens impressionnants de son prédécesseur. Retour sur trois décennies de (non-)débat sur l’usage de cannabis. Et confrontation de deux époques, deux regards sur la société et deux morales.
Source : politis.fr
Pour les trente ans de l’Appel du 18 joint, publié par « Libération » en 1976, les militants de la dépénalisation du cannabis ont rédigé un nouvel Appel, qui n’a pas recueilli les soutiens impressionnants de son prédécesseur. Retour sur trois décennies de (non-)débat sur l’usage de cannabis. Et confrontation de deux époques, deux regards sur la société et deux morales.
Le 18 juin 1976, Libération publiait le fameux « Appel du 18 joint », qui, pour la première fois en France, rendait publique une demande de dépénalisation de l’usage de cannabis. Rédigé sur le modèle du « Manifeste des 343 » (femmes pour le droit à l’avortement), il comportait une liste de cent-cinquante premiers signataires, qui surprend aujourd’hui. Parmi ceux qui déclaraient « avoir déjà fumé du cannabis et avoir, éventuellement, l’intention de récidiver » se trouvaient des philosophes : Gilles Deleuze, Félix Guattari, Edgar Morin, Jean-François Lyotard. Des écrivains : Philippe Sollers, Christiane Rochefort. Et quelques noms qui laissent maintenant songeur : Bernard Kouchner, Alain Geismar, Philippe Val ou André Glucksman. Sans oublier Maître Henri Leclerc, Isabelle Huppert, Bertrand Tavernier, ou la revue les Cahiers du cinéma.
Trente ans plus tard, le Collectif d’information et de recherche cannabique (Circ) a rédigé un nouvel Appel (1). En quête de soutiens, Jean-Pierre Galland, porte-parole du collectif (voir p. 13) a contacté les anciens signataires. Mais seuls deux d’entre eux ont répondu : le journaliste Léon Mercadet et l’ancien spécialiste « ès drogues » de Libération, Jean-Pierre Géné, l’un des initiateurs du texte de 1976. La version 2006 a toutefois recueilli quelques soutiens politiques : Jean-Luc Bennahmias (Verts), Alain Lipietz (Verts), Chiche !, Olivier Besancenot (LCR), Jean-Luc Roméro (ex-UMP, président d’Élus locaux contre le sida), le Mouvement des jeunesses socialistes, Act Up-Paris, ou Asud (Auto-Support d’usagers de drogues). On trouve aussi la sociologue Anne Coppel (voir entretien p. 11), les journalistes Karl Zéro, Philippe Manoeuvre ou Frédéric Beigbeder. Bernard Kouchner, l’une des signatures les plus emblématiques de 1976, n’a pas souhaité expliquer à Politis les raisons pour lesquelles il n’a pas soutenu le deuxième Appel.
Comment expliquer ce contraste, trente ans après ? Le nombre de fumeurs aurait-il diminué ? Au contraire, la consommation de cannabis a explosé en un quart de siècle. Les enquêtes de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) montrent que son usage s’est généralisé, notamment chez les jeunes. En 2003, près d’un sur deux déclarait avoir déjà fumé du cannabis à 17 ans, 11 millions de Français au moins une fois dans leur vie, et 4,2 millions au cours de l’année écoulée. 450 000 Français se disaient usagers quotidiens (2). Alors que rares sont les personnalités qui osent dire qu’elles en consomment, ou militent pour sa dépénalisation, le cannabis connaît une banalisation sans précédent. Mais, si la législation française en matière de drogues est reconnue comme l’une des plus répressives du monde occidental après les États-Unis, les discours ont parfois varié en ce qui concerne sa légitimité.
Ainsi, les parlementaires qui adoptent la loi du 31 décembre 1970 (toujours en vigueur) pensent-ils surtout à lutter contre le fléau... de la contestation ! Après Mai 68, le drogué est l’un des seuls « contestataires » contre lesquels presque tout le monde s’entend. De la droite, qui souhaite réaffirmer les « valeurs morales », jusqu’aux gauchistes pour qui la drogue le véritable « opium du peuple » annihile l’énergie révolutionnaire et profite à des capitalistes mafieux qui exploitent le tiers monde... Précision : la loi de 1970 vise essentiellement le cannabis (associé aux hippies américains). L’héroïne, dont l’usage est encore marginal, n’est quasiment pas évoquée.
Quand Valéry Giscard d’Estaing arrive au pouvoir, la droite se divise sur la question entre « libéraux » et « conservateurs », ces derniers s’exprimant surtout chez les gaullistes. Jacques Chirac, Premier ministre jusqu’en septembre 1976, tient le traditionnel discours défendant les fondements moraux de la Ve République. C’est dans ce contexte que l’Appel publié par Libération relance le débat. Mais, quand Raymond Barre entre à Matignon, les « libéraux » se retrouvent seuls à tenir les rênes, et Giscard charge Monique Pelletier d’une étude sur « l’ensemble des problèmes de la drogue ». Comme la plupart des experts consultés à l’époque, elle voit dans le jeune usager de cannabis « un déviant ». Un rapport puis une circulaire (Pelletier) vont donc recommander de ne pas incarcérer les usagers, et émettre un avis négatif concernant les soins obligatoires. C’est, implicitement, reconnaître l’absurdité de la pénalisation de l’usage de cannabis. Cependant, une sorte de « pacte républicain » (expression d’Anne Coppel) tacite fige le débat politique. Tous les partis savent la loi mal appliquée, mais préfèrent parler de répression à une opinion supposée « pas encore prête »...
Une fois élu, François Mitterrand ne déroge pas à ce pacte, et fait taire l’ensemble de la gauche sur le sujet. Pourtant, clin d’oeil aux jeunes pendant sa campagne, il avait fait figurer la dépénalisation de l’usage du cannabis parmi ses « 110 propositions ». En 1986, Jacques Chirac, de retour à Matignon, rompt le silence en musclant son discours sur les drogues. Mais, en même temps, la droite prend au sérieux le problème de l’héroïne, qui s’est largement accru depuis la fin des années 1970. Le cannabis sort donc un temps d’un débat public où le sida prend une place importante. Avec Charles Pasqua à l’Intérieur, la répression se fait néanmoins plus féroce : la réforme de la procédure pénale qui réintroduit les contrôles d’identité signifie, pour des milliers de jeunes, la chasse à l’éventuelle « boulette » de hasch dans les poches.
En 1993, alors que le débat se concentre sur l’héroïne, le cannabis revient sur le devant de la scène. Les pouvoirs publics commencent à s’inquiéter de la mortalité qui frappe alors massivement les « toxicomanes ». Devant l’urgence, Simone Veil, ministre des Affaires sociales, initie la politique de « réduction des risques liés à l’usage de drogues » (RdR), qui peut sembler contradictoire avec la loi de 1970. En effet, pourquoi distribuer des seringues si le fait de s’en servir est interdit ? Selon Anne Coppel, la réduction des risques lancée dans l’urgence du sida se fonde sur un « raisonnement simple » : « Il vaut mieux ne pas consommer de drogues, mais si certains en consomment, il convient de les encourager à utiliser les produits les moins dangereux dans un cadre sécurisé. »
Lire la suite et l’ensemble de notre dossier dans Politis n° 906
(1) www.18joint.org
(2) Cf. Drogues et dépendances, données essentielles 2005, OFDT, La Découverte, 208 p., 14,50 euros.
La Prohibition des drogues. Regards croisés sur un interdit juridique, Renaud Colson (dir.), Presses universitaires de Rennes, 144 p., 12,50 euros.
Les festivités du trentième anniversaire de l’appel du 18 joint ont commencé et dureront jusqu’au 21 juin 06. Vous pouvez trouver le programme sur le site www.18joint.org à la rubrique programme et flyer.
Source : Chanvre-info
L’information principale :
Dimanche 18 juin
Le CIRC vous attend avec vos banderoles, vos instruments de musique et votre bonne humeur à partir de seize heures sur la pelouse du parc de La Villette pour partager des idées et des pétards.
Village associatif, scène slam animée par Nico K et Dagobleen (1 poème dit un verre offert !), percus, prises de parole...
> A Paris de 16 à 21h, parc de La Villette, M° Porte de Pantin - Suivez les flèches.
> A Lyon de 11 à 18h place Carnot : repas et ébats sur l’herbe.
Toujours sur le 18 joints, le site du Nouvel Observateur y consacre un dossier avec notamment un article résumant l’histoire et deux séries d’interviews. D’abord, « pourquoi je signe », une dizaine de signataires s’en expliquent. Ensuite, des journalistes travaillant aujourd’hui à l’Obs « Pourquoi j’ai signé » et je ne signe pas aujourd’hui.
Certains arguments sont trop simplistes ou mal documentées sur les vrais enjeux, tant chez les signataires que chez les vétérans revenus de presque tout. Elles montrent le travail d’information et de négociation qu’il reste à accomplir pour que la France, la Suisse, l’UE, l’ONU, les USA et le reste du monde adopte enfin une politique des drogues et des dépendances pragmatique et efficace, intégrant un modèle de production, de distribution et de consommation de cannabis.
Chanvre-Info participe pleinement à cette course de fond. J’ai fait une proposition de modèle inspiré de la politique des 4 supers piliers. La partie spécifique sur le cannabis ressemble beaucoup à une autre proposition “A model for regulation of the cannabis market” de Jaume Prats du journal Cañamo en Catalogne. L’union fait la force, nous devons trouver une base commune, adaptable aux spécificités de chaque pays. D’autres contributions sont les bienvenues, surtout dans l’optique de l’AG d’ENCOD du 23 au 25 juin à Anvers.
Laurent Appel
Signataire du nouvel appel du 18 joint et pourtant presque revenu de tout
Le Conseiller national Kurt Wasserfallen avait déposé une motion très prohibitionniste juste après le refus d’entrée en matière du Conseil National en juin 2004. Il préconisait l’interdiction de la consommation, de la culture et de la vente de cannabis avec un renforcement des sanctions pour les producteurs et les dealers. Exactement la politique qui place les Français en tête de la consommation européenne et les Américains en tête de la consommation mondiale. Après avoir échoué si prêt d’une régulation du marché, la Suisse va-t-elle sombrer dans la prohibition hardcore ? Le Conseil Fédéral et le Conseil national, par 90 voix contre 80, ont repoussé cette proposition. Il est pourtant trop tôt pour crier victoire. La répartition et les explications du vote font craindre une nouvelle attaque ultra-prohibitionniste.
Source : Chanvre-info
En effet, une partie de l’UDC n’était pas présente lors du vote et une partie des chrétiens ont repoussé cette motion en estimant que les options défendues par Wasserfallen avaient été intégrées dans la proposition de révision de la Lstup de la CSSS-N et que la sous-commission qui travaille sur le statut spécifique du cannabis et doit répondre à l’initiative populaire Pro-chanvre travaille« avec la même idée que Monsieur Wasserfallen sur cette question ». Heureusement Pascal Couchepin pour le Conseil Fédéral, les socialistes, les Verts et même certains membres du parti de Kurt Wasserfallen comme Félix Gutzwiller ne défendent pas les mêmes idées. Nous devons les encourager dans la recherche d’une solution pragmatique, bien loin de l’esprit de cette motion qu’il faut enterrer à tout jamais. Nous devons présenter ce vote comme une victoire du camp réformiste mais rester vigilant sur les projets des commissions parlementaires.
Laurent Appel
Pour information, les interventions complètes de Thérèse Meyer et Pascal Couchepin ainsi que le texte de la motion repoussée.
Cliquez ici pour accéder au débat dans son intégralité...
Meyer Thérèse (C, FR) :
Je m’exprime au nom de mon parti, mais aussi comme coprésidente de la sous-commission qui traite cette question à la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique de notre conseil. Monsieur Wasserfallen avait déposé sa motion trois jours après le deuxième refus d’entrer en matière du Parlement pour demander au Conseil fédéral de légiférer sur la question, avec des points bien précis qui stipulaient évidemment la non-libéralisation et la non-dépénalisation de la consommation de cannabis. Sur beaucoup de points, notre parti peut se rallier à son idée, bien que la politique des quatre piliers, telle qu’elle est précisée ici, soit difficile à appliquer. Cependant, il y a une difficulté technique. Nous avons déposé et traité en commission des initiatives parlementaires qui ont été acceptées déjà par la commission soeur du Conseil des Etats. Le travail est bien avancé. Pour ce qui concerne la politique des quatre piliers, nous avons terminé le travail, qui pourra être présenté au Parlement. Nous avons aussi renforcé les mesures de protection de la jeunesse et trouvé une possibilité pour les personnes souffrant par exemple de sclérose en plaques d’avoir accès au cannabis, mais comme médicament uniquement. Ce volet a été traité et il est terminé. Nous devrions donc travailler sur deux voies : une demandant au Conseil fédéral de légiférer et l’autre étant entre les mains du Parlement. En ce qui concerne la question du cannabis, nous avons une initiative populaire "pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse" qui devra être traitée par notre Parlement. Notre commission a déjà chargé sa sous-commission d’examiner la question sur la problématique de libéralisation et de décriminalisation, de trouver une réglementation qui soit plus claire, parce que celle qui est en vigueur aujourd’hui, je vous l’accorde, prête à confusion. Notre parti est opposé à la libération et à la décriminalisation de la consommation de cannabis, mais il ne soutiendra pas la motion pour la simple raison que le fait de suivre deux lignes différentes risque d’entraver le travail. Les travaux au niveau du Parlement se poursuivent en sous-commission, mais avec la même idée que Monsieur Wasserfallen sur cette question. Je voulais que ce soit clair à cette tribune. Comme coprésidente de la sous-commission, je peux certifier que nous avons travaillé dur et vite. Nous avons présenté un projet cohérent que vous pourrez soutenir très prochainement dans ce Parlement. Nous nous attaquerons aussi au deuxième volet qui concerne la consommation du cannabis très prochainement, en liaison avec l’initiative populaire. Donc, ce n’est pas pour des questions de fond sur l’idée de Monsieur Wasserfallen que nous ne soutiendrons pas sa motion, mais pour des questions de travail déjà entamé par ces initiatives parlementaires qui ont été acceptées.
Couchepin Pascal, conseiller fédéral :
Le débat sur la motion Wasserfallen a été mené de manière très respectueuse des différentes opinions ; il est très constructif. Je crois qu’en effet, dans ce domaine-là, on a vu que les positions extrêmes n’aboutissent qu’au maintien du statu quo. Le Parlement avait à l’époque refusé d’entrer en matière sur la modification de la loi sur les stupéfiants (01.024) sans que, de cette décision prise à une faible majorité au Conseil national, on puisse déduire quelle était la direction que voulait réellement prendre le Parlement. Monsieur Wasserfallen essaie de préciser certains points. Il le fait en repoussant des solutions qui sont admises par la majorité des groupes politiques, par une grande partie de la société. Je crois que sa motion date un peu. Elle date en effet de 2004. Aujourd’hui, le débat a avancé et adopter une motion comme celle-là irait à contre-courant de ce que sont en train d’essayer de bâtir les partenaires qui tentent de sortir du statu quo et de la situation très négative qui était issue de la décision du Parlement. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à rejeter la motion Wasserfallen.
Membres de la CSSS-N : Triponez Pierre (président) +, Stahl Jürg (vice-président) +, Borer Roland F. *, Bortoluzzi Toni +, Dunant Jean Henri +, Egerszegi-Obrist Christine =, Fasel Hugo*, Fehr Jacqueline =, Goll Christine =, Guisan Yves +, Gutzwiller Felix =, Hassler Hansjörg +, Humbel Näf Ruth +, Maury Pasquier Liliane =, Meyer Thérèse =, Parmelin Guy +, Rechsteiner Rudolf =, Rechsteiner Paul =, Robbiani Meinrado =, Rossini Stéphane =, Ruey Claude +, Schenker Silvia =, Scherer Marcel +, Teuscher Franziska =, Wehrli Reto + soit 25 membres dont 11 soutiennent la motion Wasserfallen, 12 la rejettent et 2 ne votent pas.
Motion de Wasserfallen Kurt 17.06.2004, Conseil national
Cosignataires : Amstutz Adrian - Beck Serge - Bezzola Duri - Borer Roland F. - Brunschwig Graf Martine - Burkhalter Didier - Dunant Jean Henri - Eggly Jacques-Simon - Engelberger Eduard - Favre Charles - Germanier Jean-René - Glasson Jean-Paul - Guisan Yves - Gysin Hans Rudolf - Haller Ursula - Hegetschweiler Rolf - Hochreutener Norbert - Humbel Näf Ruth - Hutter Jasmin - Joder Rudolf - Keller Robert - Kohler Pierre - Laubacher Otto - Leu Josef - Leutenegger Filippo - Lustenberger Ruedi - Messmer Werner - Mörgeli Christoph - Müller Philipp - Müller Walter - Müri Felix - Oehrli Fritz Abraham - Reymond André - Ruey Claude - Schenk Simon - Vaudroz René - Waber Christian - Weigelt Peter - Wobmann Walter - Zuppiger Bruno (40)
Texte déposé
Le Conseil fédéral est chargé de présenter au Parlement un projet de révision de la loi sur les stupéfiants (LStup) qui :
1. interdira expressément les activités telles que la consommation, le commerce et la culture de cannabis ; 2. modulera les peines frappant la consommation de cannabis pour répondre aux exigences d’une procédure efficiente et par souci d’efficacité (p. ex. prévoir des amendes progressives avant la dénonciation) ; 3. consacrera la politique des quatre piliers tout en veillant à ce que :
- les peines imposées pour les activités telles que le commerce, la culture, l’exportation et l’importation de drogue (cannabis y compris) soient durcies ;
- la remise d’héroïne soit considérée comme une mesure destinée à réduire les risques et non comme une thérapie, reste le seul cas possible de remise de stupéfiants, soit destinée aux seuls héroïnomanes et soit prescrite au patient pendant une durée limitée ;
- la priorité soit donnée aux thérapies axées sur l’abstinence ;
- la prévention donne des résultats ;
- la loi soit harmonisée avec les dispositions (juridiques) internationales, notamment avec celles des pays européens et, plus précisément, des pays voisins.
Préalablement à la révision de la LStup, le Conseil fédéral chargera un organe neutre d’examiner, à la lumière des connaissances (scientifiques) les plus récentes, plusieurs éléments de base, notamment :
- les dangers que présente la consommation de cannabis ;
- l’évolution possible des drogues (drogues de synthèse, etc.) ;
- l’efficacité des mesures de prévention et de protection de la jeunesse ;
- l’efficacité des différentes mesures thérapeutiques, notamment en termes de sortie de la dépendance.
Il présentera ses conclusions dans un rapport.
Développement
Le 14 juin 2004, le Conseil national a refusé pour la seconde fois d’entrer en matière sur le projet de révision de la LStup. Il faut donc engager une nouvelle révision de la LStup pour clarifier certains points et redéfinir les orientations à prendre. Le Conseil national a rejeté le projet du Conseil fédéral parce qu’il reposait sur une dépénalisation de la consommation de cannabis et partait donc dans une mauvaise direction. Il a critiqué également la politique actuelle en matière de drogue et l’absence d’informations. Avant d’entreprendre une nouvelle révision de la loi, il faut examiner l’ensemble des éléments touchant à la dangerosité de la consommation de cannabis. Il faut aussi déterminer l’évolution possible des drogues afin de savoir quelles réponses la loi doit apporter. Il faut également revoir la prévention. On a constaté en effet - dans le cas de l’alcoolisme et du tabagisme, par exemple - que les mesures de prévention et, plus généralement, les mesures de protection de la jeunesse n’avaient guère eu d’effet à ce jour ; on n’a aucune certitude qu’il existe une bonne prévention ! Enfin, il faut examiner l’efficacité de toutes les thérapies axées sur l’abstinence. Ces éléments étant définis, la loi devra être révisée. La politique des quatre piliers pourra parfaitement y trouver sa place, mais à condition que l’importance de chaque pilier soit redéfinie. Au chapitre de la prévention, il faudra s’intéresser avant tout à l’efficacité des actions. On ne peut pas mettre en avant la prévention si elle reste sans effet comme c’est le cas, malheureusement, pour l’alcoolisme et le tabagisme. On peut accorder une place importante au volet "prévention", mais il faut qu’il soit efficace. Au chapitre de la réduction des risques, il faudra s’assurer que l’on ne maintient pas inutilement la dépendance des personnes suivies et que celles-ci n’usent pas de tous les moyens possibles pour combler leur manque. Le volet "réduction des risques" devra être associé beaucoup plus étroitement au volet "thérapie". Par ailleurs, la prescription d’héroïne devra relever de la réduction des risques et non de la thérapie. Il faudra proscrire fondamentalement toute extension de la pratique de distribution de stupéfiants. La remise d’héroïne devra rester la seule mesure du genre et être limitée aux seuls héroïnomanes ; il serait aberrant d’autoriser la distribution de cocaïne ou d’autres drogues. Enfin, il y aura lieu de revoir le cas des très nombreuses personnes qui sont traitées à la méthadone, secteur dont on ne parle pratiquement pas. Le volet "thérapie" devra être renforcé et les soins thérapeutiques viser, comme le mot l’indique, la sortie de la dépendance. L’institution et l’extension de la prescription d’héroïne ont eu pour effet, entre autres raisons, d’occulter les thérapies axées sur l’abstinence. Il importera de revaloriser ces thérapies, qui sont parfois aux prises avec de sérieuses difficultés. Il faudra aussi que la remise d’héroïne soit considérée comme une mesure destinée à réduire les risques et non comme une thérapie. Enfin, il faudra lier plus étroitement les volets "thérapie" et "réduction des risques". Le volet "répression" devra être lui aussi renforcé et les peines durcies. L’arrêt bien connu du Tribunal fédéral qui distingue délits mineurs et délits graves (commerce, vente, exportation de stupéfiants, etc.) devra être corrigé par un relèvement du niveau de sanction ou par d’autres aménagements. Actuellement, les tribunaux rendent des jugements trop généreux, de sorte que les drogues douces sont considérées comme tolérées dans de larges milieux. Les peines prévues actuellement par la loi sont suffisantes en soi, mais les juges, qui se fondent sur l’arrêt précité et sur des considérations d’ordre politique, prononcent des peines légères. Les activités telles que le commerce, la vente, l’exportation ou l’importation de stupéfiants devront être passibles d’une peine pécuniaire ou d’une peine d’emprisonnement ou de réclusion. La législation devra contraindre les tribunaux à prononcer des peines plus lourdes, y compris pour les actes punissables en rapport avec le cannabis. Dans le domaine de la consommation, la privation de liberté à des fins d’assistance devra servir davantage l’objectif de la sortie de la dépendance. Enfin, la LStup devra tenir compte des réalités internationales. La Suisse n’est pas une île ; elle ne peut faire abstraction des règles adoptées par les Etats de l’UE. La Suisse n’aura une politique efficace en matière de drogue que si elle ajuste sa politique à celle des pays étrangers, en particulier à celle des pays voisins.
Avis du Conseil fédéral du 22 décembre 2004 En 2003 et 2004, le Conseil national a refusé, par deux fois, d’entrer en matière sur un projet de révision de la loi sur les stupéfiants. Ainsi, il a mis fin à cette procédure. Depuis lors, plusieures demandes - diverses interventions parlementaires, une initiative populaire - ont été déposées ou sont en cours. Elles sont contradictoires et ne permettent pas de définir une direction claire pour une éventuelle nouvelle révision de la loi. Dans ce contexte, le Conseil fédéral souhaite procéder à un réexamen approfondi de la situation politique actuelle avant toute nouvelle démarche. Une grande part des revendications émises par l’auteur de la motion contreviennent toutefois à des principes qui, relevant de la politique en matière de drogues, sont largement approuvés aux plans politique et sociétal et ont fait leurs preuves de longue date. Il s’agit notamment de la politique des quatre piliers, de la prise en charge thérapeutique avec prescription d’héroïne, de l’application scrupuleuse des mesures de prévention - surtout chez les jeunes - et de la mise à profit permanente des découvertes scientifiques les plus récentes. Le Conseil fédéral s’en tient à ses principes pour ce qui touche à la poursuite de ses activités dans le domaine de la prévention des toxicomanies.
Déclaration du Conseil fédéral du 22 décembre 2004 Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion. Chronologie : 07.06.2006 CN Rejet.
Propositions pour une nouvelle politique des drogues
La présentation du projet présidentiel des socialistes français a reçu un accueil très critique chez les acteurs de la réduction des risques (RDR) et les militants d’une réforme de la politique des drogues, y compris chez ceux qui comme moi ont participé à la commission de réflexion du PS sur les drogues et la réduction des risques. Certains dénoncent le retour de « la guerre à la drogue », d’autres fustigent le manque de courage politique des éléphants, certains regrettent la focalisation sur la légalisation du cannabis, d’autres raillent l’éternelle indécision du PS sur cette question, la plupart espèrent encore convaincre le candidat ou la candidate, de ce parti et des autres, de l’intérêt sanitaire, social et économique d’une réforme en profondeur de la politique des drogues.
Source : Chanvre-info
Vieilles recettes
Répression du trafic, promotion de l’abstinence, études des politiques de nos voisins. Ces trois axes principaux du programme socialiste inspirent une impression de déjà vu et une grande lassitude. Pas de réforme de la loi de 70, pas d’extension de la RDR, pas de dépénalisation de la consommation de toutes les substances ou seulement du cannabis, pas d’approche globale de la dépendance, pas d’éducation sanitaire au bon usage... Les socialistes n’osent toujours pas sortir du statu-quo et se contentent de déclarations de principes. Ils ne sont pas les seuls. Hormis les Verts, les Anarchistes et la LCR, aucune organisation politique ne soutient une réforme pragmatique. Pourtant les projets et les recommandations ne manquent pas.
Faire la synthèse
Certains acteurs de ce débat comme Malek Boutih ou Laurent Gourarier veulent s’attaquer à un des grands tabous de notre société : La prohibition du cannabis, facteur majeur de dérégulation socio-économique, un projet ambitieux. Anne Coppel et Olivier Poulain observent une augmentation constante d’une répression coûteuse et inefficace, ils défendent la dépénalisation de la consommation comme une mesure minimale de défense de l’usager et de bonne organisation de la sécurité publique. D’autres comme Fabrice Olivet privilégient l’approche de santé publique et l’amélioration du statut et de la qualité de vie des usagers, des préoccupations réalistes. Il convient de combiner les enjeux : · Traiter le cannabis comme les autres drogues illicites et licites dans le cadre d’une réforme du statut de l’usager et des substances, de la criminalisation arbitraire à l’encadrement socio-sanitaire objectif. · Réglementer la consommation et l’accessibilité du cannabis pour protéger les consommateurs sans perturber l’ordre public, ni inciter la jeunesse à la consommation.
Le piège cannabis
Le cannabis est de loin la drogue illicite la plus consommée et la plus médiatisée. Une réforme de la politique des drogues sera avant tout commentée au travers de son versant cannabique. Depuis 36 ans, la politique sur le cannabis est irrationnelle. De multiples commissions nationales et internationales ont observé une dangerosité acceptable comparativement aux drogues licites et recommandé au minimum une dépénalisation de sa consommation, au maximum une réglementation de son marché. Pourtant, la polémique sur le cannabis fait souvent capoter les projets de réforme de la politique des drogues, en France, en Suisse et ailleurs.
Et la RDR ?
Les acteurs de la RDR, plus concernés par les opiacés, le crack, les synthétiques et le statut socio-médical des usagers, se sentent exclus du programme du PS. La commission santé n’aborde pas leurs actions et la commission drogues focalise sur le cannabis. Après les attaques des députés UMP, avec l’explosion du polyusage et les épidémies virales toujours présentes, ce manque d’intérêt est incompréhensible et visiblement mal vécu. Une confirmation et une diversification des missions de la RDR, dans le cadre d’une réforme de la loi de 70, semblent donc des éléments indispensables au programme socialiste.
Avantages de la dépénalisation
Dans ce cadre, la dépénalisation de la consommation de toutes les substances favoriserait grandement la prévention, la RDR et l’accès aux soins. Elle n’altèrerait que faiblement la répression du trafic et ne perturberait pas la micro-économie parallèle des quartiers et la géopolitique internationale des drogues.
En somme, l’usager redevient un citoyen presque ordinaire, qui ne craint plus de se soigner et qui retrouve confiance dans la prévention, les intervenants en toxicomanie ont plus de budget et un cadre légal élargi, la police et la justice sont déchargées des usagers pour mieux cogner sur les dealers, les cités gardent le business du shit et les gangs n’ont pas besoin de pousser à la consommation d’autres substances, les narco-euros irriguent toujours l’économie mondiale. Cette politique humaniste focalise sur la qualité de vie de l’usager, l’alliance sociale et médicale pour traiter les abus, l’action individuelle et associative face au blocages structuraux du système mondial.
Dangers pour une politique efficace
Certains intervenants semblent craindre qu’un statut trop libéral pour le cannabis n’entraîne une violente opposition de principe qui ferait échouer cette réforme. Ou bien encore qu’on veuille durcir la répression sur les autres substances pour justifier un marché séparé du cannabis. Ou qu’un dispositif trop libéral n’entraîne des pressions et des sanctions suivies d’un retour en arrière, en deçà du dispositif actuel. Ils veulent poursuivre le lent et peu spectaculaire travail de réhabilitation et de réintégration de tous les usagers de drogues.
Cette politique est un succès sur les opiacés en France, comme en Suisse ou au Portugal. Le statut, la qualité de vie des usagers sont considérablement améliorés et les nuisances sociales ont beaucoup diminué. Même chose sur la scène festive, l’arrivée massive des synthétiques a été mieux encadrée que le speed des 70’s, la coke des 80’s et l’héro des 90’s. Les dommages socio-sanitaires sont bien moins importants. La prévention de terrain, l’éducation aux bonnes pratiques, la substitution ont prouvé leur efficacité sur les populations les plus précarisés par la prohibition.
Il faut bien évidemment poursuivre. Sans perdre de vue que ces mesures concernent surtout les abuseurs marginalisés de substances à hauts risques. En diminuant la morbidité et les nuisances de certaines scènes, elles limitent la casse et réduisent l’impact négatif des drogues sur le corps électoral. Par contre, elles ne correspondent pas aux préoccupations de la grande majorité des usagers de drogues illicites.
Nouveaux usages, nouvelles politiques
Le cocktail dominant est désormais caféine, alcool, tabac, cannabis, benzos, coke. Ce schéma à géométrie variable concerne aujourd’hui des millions de Français, des dizaines de millions d’Européens. Il faut établir une chaîne logique et socialement acceptable de prévention, RDR, soins et répression. Dans le cas du cannabis, une simple dépénalisation de la consommation et de la possession d’une quantité minime sera perçue comme la régularisation d’un état de fait, pas comme la fin de la galère. Pour satisfaire les millions de consommateurs, des dizaines de milliers d’usagers deviennent parfois vendeurs, des milliers produisent ou importent pour eux et vendent dans un cercle de proches. Tous seront donc encore soumis à la tentation du deal pro, de la diversification des produits et des services pour satisfaire les demandes de la clientèle et donc au risque de répression. Le cannabis est l’une des principales portes d’entrée dans la délinquance, bien au-delà des ghettos et des zones à risques et bien avant la coke. La dépénalisation ne ferme pas cette porte.
Dommages collatéraux
Pour faire avaler la dépénalisation de toutes les substances, il est fort probable que le gouvernement réformateur ordonnera une très médiatique chasse aux dealers. Une intensification de la répression sur le commerce de détail, la production locale et l’import/export aura pour conséquence une hausse des prix, une baisse de la qualité et de la diversité avec multiples produits de coupe toxiques, une augmentation des arnaques et de la violence au niveau du détail comme du gros business, une professionnalisation accrue des filières en liaison avec des organisations criminelles internationales. Ce genre de situation avait provoqué la création du CIRC à la redoutable époque du Tchernobyl pour tous. Depuis, le nombre de consommateurs a considérablement augmenté, le cannabis a poursuivi son intégration sociale, la réaction de rejet sera bien plus problématique.
Usagers en périls
Enlever la pression répressive pour favoriser le dialogue, les bonnes pratiques et l’accès aux soins aura un impact positif chez les polyconsommateurs majoritairement cannabiques mais aussi borderline avec la coke, l’héro, le speed... Ils pourront plus facilement intégrer les notions de RDR et demander de l’assistance. Cela ne changera pas le sentiment d’injustice ressenti par les usagers raisonnables et intégrés. Etre libre de consommer de la merde, de risquer des embrouilles pour acheter à prix d’or, d’engraisser des petits caïds et des grosses mafias... il y a vraiment de quoi trouver la réforme inachevée.
La future loi devra donc encadrer l’approvisionnement des cannabinophiles sans violer les traités internationaux, ni aggraver les troubles médico-sociaux liés à l’usage du cannabis. Voici mes dernières propositions.
Réformer la loi de 70
Cette nouvelle base légale permettra le passage d’une politique des drogues illégales à une politique des addictions, basée sur le respect des individus et des connaissances objectives. La différenciation entre substances légales et illégales n’est plus pertinente dans la réalité, où les polyconsommations deviennent la norme. Il faut aborder le problème non seulement au travers du produit mais aussi des comportements, donc réglementer selon la dangerosité objective des produits et le facteur risque inacceptable des comportements.
Ce nouveau modèle s’inspire beaucoup du rapport suisse psychoaktiv.ch qui propose d’ancrer la politique des drogues à quatre super piliers : Prévention, Réduction des risques, Soins, Répression.
Dans ce cadre rentre :
1. La dépénalisation de l’usage de toutes les substances remplacée par une orientation socio-sanitaire des usagers problématiques
2. L’éducation sanitaire à l’usage raisonnable des substances psychoactives
3. L’information sur les conduites addictives et le phénomène général d’addiction
4. Le dépistage et le traitement des usagers problématiques
5. La réduction des risques incluant des dispositifs de premières ligne comme les salles de consommation ou le testing anonyme
6. Les soins incluant la substitution étendue à une forme injectable d’héroïne synthétique ou pas, à d’autres formes d’opiacés et à d’autres produits que les opiacés
7. La promotion et l’aide à l’abstinence
8. La répression des conduites à risques comme la circulation automobile, les activités incompatibles (comme la chasse, la conduite d’engins ou de machines), les nuisances publiques, l’agressivité et la violence sous l’emprise... de la vente illicite, de la production illégale, de la vente non déclarée, du trafic international, du blanchiment d’argent
9. La réglementation de l’accès aux substances :
· Accès libre avec avertissement pour la caféine, la quinine, la théine...
· Accès restreint à 16 ans avec règles de commercialisation et de consommation restrictives, interdiction totale de publicité et politique active de prévention pour l’alcool léger, le tabac, le cannabis
· Accès restreint à 18 ans pour l’alcool fort et les jeux
· Accès médicalisé simple pour les psychotropes pharmaceutiques comme les benzodiazépines, sous protocole de substitution élargies à d’autres substances et formes galéniques pour les psychotropes provoquant une dépendance.
· Accès illégal pour toutes les substances exclues de la réglementation mais monitoring et RDR sur les scènes d’achat et de consommation.
Cette approche pragmatique et dépassionnée reflète non seulement l’analyse des experts suisses mais elle s’appuie sur les recherches en prévention et RDR de nombreux chercheurs internationaux et sur les expériences d’intervenants en toxicomanie de pays comme les Pays-Bas, le Canada, le Portugal...
En rajoutant le droit à l’autoproduction de toutes les plantes sans cession ni commerce et la libre utilisation des plantes à drogues pour des usages non illicites, ce projet ralliera les organisations d’usagers, de réforme de la politique des drogues et certaines organisations altermondialistes.
Pour en finir avec le cas cannabis
La production et la distribution coopérative du cannabis fourniraient directement près de 100.000 CDI et autant de CDD, temps partiels et emplois saisonniers. Les salaires, la taxation et les impôts de la filière réintégreraient des milliards d’euros dans l’économie officielle, constituant ainsi un indéniable facteur de croissance. Les jeunes et les moins jeunes usagers de cannabis n’auraient plus l’impression d’être des malades sous tutelle ou des criminels. Il faut changer le statut légal du cannabis. Comment passer d’une interdiction totale à une régulation du marché protégeant la santé et la sécurité publique tout en garantissant un impact socio-économique très positif ? Tour d’Europe de la question cannabique
Le cannabis n’est pas en vente libre sur le continent européen car son commerce est interdit par les conventions internationales. Celles-ci ne prévoient pas l’interdiction de sa consommation qui est licite ou dépénalisée dans la majorité de l’Europe dont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, ou bien encore soumise à des régimes de sanctions light comme au Royaume Uni, en Autriche ou en Suisse.
La consommation publique est en principe interdite dans la plupart des pays et punie par de simples amendes d’ordre. La généralisation de l’interdiction de fumer dans les lieux publics simplifie considérablement ce problème. Comme pour l’alcool, les autorités de nombreux pays cherchent à minimiser les nuisances publiques mais tolère la convivialité. C’est plus une gestion des missions de la police qu’une question de droit. On ne va pas sanctionner un festival de musique mais empêcher les smoke-in dans les espaces touristiques, c’est même le cas à Amsterdam.
La limite de possession de cannabis au domicile pour consommation personnelle est souvent laissée à l’appréciation de la police ou du juge. Dans la rue, elle varie de 1g à 30g avec beaucoup de pays à 5g.
Seules la France et la Suède criminalisent vraiment la consommation de cannabis, et plus récemment certains pays de l’Est qui basculent à droite et passent des traités d’alliance avec les USA comme les pays baltes ou la Pologne. Puis le centre gauche revient et dépénalise à nouveau comme c’est le cas maintenant en Hongrie.
L’autoproduction est tolérée en Hollande sans nuisance de voisinage pour cinq à dix plants, un plant en Belgique, de un à vingt selon les régions espagnoles ou les Länder allemands, dix plants dans le canton de Bâle ou dans la région de Vienne.
Un seul pays, Les Pays-Bas, en s’appuyant sur le principe d’opportunité et pour des raisons légitimes de santé publique, a organisé la vente de cannabis aux majeurs, dans la limite de cinq grammes par jour et par personne, dans des boutiques tolérées et contrôlées par les municipalités tant qu’elles payent une taxe de 50% sur le cannabis, qu’elles ne provoquent pas de nuisances de voisinage, qu’elle ne détiennent pas plus de 500 g en stock pour éviter le commerce de gros et les braquages, qu’elles ne vendent ou ne favorisent pas la consommation d’autres drogues illicites et dans la majorité des villes qu’elles ne servent pas d’alcool. On peut consommer sur place ou à l’emporter. Certaines communes interdisent les Coffee Shops, d’autres les regroupent dans une zone autorisée, d’autres restreignent les possibilités d’implantations. Les principaux problèmes du système hollandais sont la production de cannabis et la vente en gros. En principe interdit, ils sont de plus en plus contrôlés par des organisations criminelles qui opèrent sur cette zone grise. Des propositions de réglementation de la production sont bloquées par l’actuel gouvernement par peur de la réaction des voisins et des américains via l’ONU.
Des marchés gris et des scènes ouvertes prospèrent aussi dans les métropoles et parfois les campagnes de nombreux pays comme la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, L’Angleterre, le Danemark mais aucun gouvernement n’a encore osé suivre les Hollandais dans l’institutionnalisation de la tolérance. Pourtant la Hollande maintient sa politique depuis 30 ans, l’aménage, la renforce mais n’abandonne pas le principe de tolérance très encadrée.
La Suisse a connu une expérience de tolérance pendant 6 ans avec près de 300 magasins de chanvre à l’emporter mais peu de lieux de consommation. Son parlement a reculé pour dix voix en 2004 et les cantons appliquent à nouveau une politique restrictive en attendant une nouvelle loi. 105.000 helvètes ont déposé une initiative populaire pour réintégrer le marché réglementé du chanvre dans la politique des quatre piliers (prévention, soins, réduction des risques et répression) pour protéger la jeunesse contre la narcocriminalité. Vote dans un à deux ans.
Service minimum : la dépénalisation
Sans rompre ses engagements internationaux ni bouleverser l’équilibre européen en matière de drogue, la France peut immédiatement dépénaliser la consommation privée de cannabis et tolérer la possession publique de 10g, la possession privée et la production de quantités raisonnables pour la consommation des adultes du foyer, par exemple 500g de stock et la culture de 5 plants par adulte. Comme pour le tabac, la consommation dans les lieux publics accessibles aux mineurs et ne disposant pas d’espace non-fumeurs doit être proscrite. Il faudrait aussi tolérer la vente de semences et de boutures pour faciliter l’autoproduction et ainsi minimiser la part du marché noir surtout d’importation. Le cannabis et ses dérivés devront aussi réintégrer le tableau des médicaments avec une filière légale de cannabis thérapeutique.
Motivations : rétablir les droits de millions de consommateurs s’estimant injustement criminalisés, restaurer la confiance dans la loi et les institutions, favoriser l’accès au dispositif de soins, donner de la cohérence à la politique globale de lutte contre les addictions, établir un dispositif efficace de réduction des risques, offrir une alternative au marché noir sans détruire l’économie parallèle (qui comportent des avantages inavouables), ne pas s’exposer à des sanctions internationales.
Pourquoi réglementer ?
La dépénalisation de la consommation (avec tolérance de l’autoproduction) n’est qu’une mesure d’accompagnement de ce phénomène social de masse. Elle replace le cannabis dans la sphère privée, baisse la pression policière et sociale surtout sur la jeunesse, elle favorise un dialogue constructif sur la santé publique. Elle diminue mais ne fait pas disparaître l’économie parallèle, l’évasion d’argent sale, le contrôle de la production et de la distribution de masse par des gangs et des organisations criminelles. En effet, la majorité des consommateurs n’a pas la possibilité de cultiver son cannabis.
Ces mesures seraient très bien perçues par la jeunesse bourgeoise et les néo-ruraux. Les jeunes de banlieues échapperaient à la chasse à la boulette, c’est déjà beaucoup, mais seraient toujours sous la tentation du deal. La prévention ne serait pas financée par les taxes, l’impôt toujours pas prélevé. Il est préférable de réglementer la production de masse, la distribution et la consommation.
Quel statut pour le cannabis ?
Ce dispositif doit traduire l’idée que la consommation de cannabis, même si elle constitue un danger relatif pour l’usager, doit être tolérée aussi longtemps qu’elle relève de la vie privée et ne trouble pas l’ordre public.
C’est pourquoi des commerces comme les tabacs, les bars et même les magasins du chanvre du modèle suisse ou les coffee shops hollandais sont trop visibles, trop incitatifs. Ils favorisent la critique de laxisme, de mauvais signal pour la jeunesse, de cannabis en vente libre au supermarché et autres images négatives associées à un statut trop permissif.
Le dispositif général ne doit pas non plus se confondre avec la distribution de cannabis thérapeutique, on ne peut pas médicaliser les millions d’usagers raisonnables, c’est une hypocrisie. De toute façon, les pharmaciens ne sont pas enthousiastes à l’idée de gérer quotidiennement cette population et les laboratoires préfèrent travailler avec de coûteuses versions pseudo-synthétiques brevetées plutôt qu’avec des plantes.
Certains Etats américains et canadiens ont choisi une large diffusion du cannabis pour raisons médicales, parfois très vague. C’est une mesure compassionnelle indispensable pour certaines pathologies mais cela ne doit pas devenir un système parallèle de distribution. Il en va de la crédibilité thérapeutique du cannabis.
On peut appliquer le modèle de substitution des opiacés aux consommateurs abusifs qui désireraient arrêter de fumer du cannabis en leur donnant une teinture à boire à taux de THC dégressif ou non. C’est un dispositif de réduction des risques et éventuellement de sevrage pas une filière de masse. La majorité des usagers percevraient très mal de passer du statut de criminel à celui de malade.
La solution la plus raisonnable serait la collectivisation de la tolérance de production personnelle. Des associations à but non lucratif pourraient regrouper les usagers qui ne peuvent pas cultiver eux-même et donnent mandat pour assurer cette production. Ce système non marchand permettrait toutefois la création de nombreux emplois. Il contourne l’obstacle des conventions internationales
Coopérative de production
Les associations pourront produire directement pour leurs membres ou acheter à des producteurs agréés. Les dérogations pour la production de chanvre riche en THC seront prioritairement accordées à l’agriculture biologique puis strictement raisonnée. Une commission composée de scientifiques, de représentants des ministères, de producteurs et d’usagers devra établir des normes sanitaires et des processus de fabrication acceptables pour la consommation humaine. Pour ne pas tomber sous les conventions interdisant le commerce international du cannabis, la production se fera sur le territoire français.
Un organisme de contrôle effectuera les analyses et les enquêtes garantissant l’intégrité de la filière. La police, la gendarmerie et l’administration fiscale conserveront un rôle répressif du marché de contrebande et du non-respect des règles de tolérance. Les autorités ministérielles, préfectorales et communales pourront limiter le nombre de dérogation de culture.
Cercle de consommateurs
Ces associations pourront ouvrir des clubs de consommateurs dans des lieux non exposés aux passants sans publicité extérieure. Ces lieux ouverts de 18h à minuit en semaine et 2h le W.E, réservés aux membres, pourront distribuer le cannabis réservé par les cotisations. Chaque adhérent reçoit une carte à unités correspondant à son crédit avec des maxima annuel ou mensuel. Ce quota pourrait être modulable en fonction de l’age de l’adhérant. Pour couper la propagation de la consommation par imitation vers les plus jeunes et apaiser les rues, il convient d’autoriser l’inscription à partir de 16 ans. C’est cohérent par rapport au bar et à la bière, par rapport à l’age moyen des usagers. Par contre, on pourrait limiter la quantité à 30 grammes par mois jusqu’à 18 ans, 60 g jusqu’à 21 ans et 100 g au delà. Ceci afin de limiter les excès et le marché noir vers les enfants ou des narcotouristes. Les adhésions comprendront une cotisation exceptionnelle pour la prévention et la sécurité sociale.
Ces cercles privés d’usagers pourront aussi offrir à leurs adhérents un espace ouvert à la consommation de cannabis en échange d’une mission de stricte séparation des marchés des stupéfiants, d’une politique active de lutte contre la violence routière, d’un dépistage des usagers problématiques pour les orienter vers les structures de prévention et d’assistance. Les associations devront respecter un cahier des charges : la vente et la consommation d’alcool seront interdite, obligation de mise à disposition de vaporisateurs et campagnes de prévention contre la fumée et les autres thèmes sanitaires, consommation gratuite pour les chauffeurs abstinents, adhésion des clubs à une ou des associations organisant un système de mis à disposition d’un chauffeur calqué sur les opérations nez-rouge, prévention de la violence. Les autorités pourront limiter le nombre de cercles et les zones d’implantation en fonction d’impératifs d’ordre public.
Bénéfice socio-économique
Ce dispositif permettrait de créer sur tout le territoire des dizaines de milliers d’emplois non qualifiés dans la production, le conditionnement, la sécurité et la distribution de cannabis pour les majeurs. Les minorités ethniques connaissent souvent mieux ce marché et ces produits, elles devraient fournir d’excellents employés sans critères de discrimination. Des cercles pourraient s’installer dans des zones privées de lieux pour la vie sociale par la politique hygiéniste du PCF des sixties. Pour sauver les ouvriers de l’assommoir, ils ont freiné l’implantation des bistrots en banlieue, surtout dans les nouveaux quartiers.
Les bénéfices d’un système associatif seraient suffisant pour alimenter une politique d’éducation sanitaire incluant une prévention objective et la réduction des risques liés à l’usage de toutes les drogues. Ce dispositif inclurait la détection et l’assistance socio-médicale des usagers abusifs et de leurs familles. Il resterait sans doute assez de fonds pour financer l’animation socioculturelle locale.