Le cannabis soignerait-il les allergies ?
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Invité, dans Thérapeutique,
Source : Futura-Sciences
Certaines souris élevées par Andreas Zimmer, Meliha Karsak et leurs collègues de l’université de Bonn ne supportent pas les boucles d’oreille, plus exactement ces minuscules étiquettes fixées sur elles pour repérer les individus. Les malheureux rongeurs ne présentent pas une petite inflammation locale mais déclenchent une réaction allergique étonnamment violente avec apparition de plaies multiples. Pourtant, jamais aucun animal de ce laboratoire n’avaient été victime d’une tel désagrément avec ces étiquettes utilisées en routine.
Ces souris hypersensibles avaient une particularité : de leur génome avaient été retirés deux gènes codant pour deux récepteurs, appelés CB1 et CB2, spécifiques d’une famille de substances appelées cannabinoïdes, présentes dans le cannabis et à l’origine de ses effets psychotropes. Le corps lui-même produit des endocannabinoïdes, aux rôles mal connus. Le hasard a peut-être mis les scientifiques sur la piste de l’un d’eux et qui toucherait à la régulation des phénomènes inflammatoires. La surprise n’est pas totale car on connaît depuis longtemps les vertus médicinales du cannabis contre les inflammations, mises à profit jusqu’à ce que l’usage de cette plante soit interdit.
Eviter l’emballement allergique
L’équipe allemande – dont le travail est justement d’élucider le rôle des récepteurs CB1 et CB2 – a poussé plus loin les investigations, notamment avec l’aide de dermatologistes. Les souris mutantes ont bien été victimes d’une allergie, en l’occurrence au nickel, mais ont développé une réaction disproportionnée tout à fait anormale. De plus, en bloquant par des produits chimiques les récepteurs CB1 et CB2 chez des souris normales, l’équipe de dermatologistes a obtenu le même genre de violentes réactions.
Par ailleurs, on sait que le corps réagit à la présence d’un allergène sur la peau par une production accrue mais temporaire d’endocannabinoïdes. Une autre lignée mutante de souris est venue éclairer les chercheurs. Chez elles, cet excès est mal régulé et ces molécules sont présentes en plus grandes quantités sous la peau. Or, justement, elles présentent des réactions inflammatoires bien plus faibles que la normale.
Il apparaît donc clair que les cannabinoïdes produits par le corps interviennent au début d’une réaction inflammatoire pour éviter qu’elle ne s’emballe et ne devienne plus dangereuse pour l’organisme que la présence de l’allergène lui-même.
Quelles possibilités médicales en tirer ? Il y a peut-être là un moyen de lutter contre des allergies si graves qu’elles deviennent invalidantes. Une piste possible serait celle d’un médicament qui retarderait la diminution d’endocannabinoïdes survenant quelque temps après une inflammation, les maintenant plus longtemps à un niveau élevé. Une autre serait d’en revenir à des pratiques révolues et de produire, sous forme d’onguent, un extrait de cannabis ou des cannabinoïdes artificiels à appliquer sur la peau.
Jean-Luc Goudet