Cette décision met la Zambie dans le sillage du Lesotho et du Zimbabwe. Au-delà du bénéfice médical, elle pourrait en tirer des avantages économiques.
Du cannabis pour se soigner ? En Zambie, c'est désormais possible. Le gouvernement a en effet « donné son feu vert de principe à la commission technique pour la culture, le traitement et l'exportation du cannabis à des fins économiques et médicinales », a déclaré la porte-parole du gouvernement Dora Siliya dans un communiqué. Le ministère de la Santé précisera ultérieurement les conditions de délivrance des autorisations nécessaires, a-t-elle fait savoir. Elle n'a, en outre, donné aucun autre détail sur les raisons de cette décision, surprenante dans ce pays où, jusqu'ici, la culture et la possession de marijuana étaient strictement interdites, et même passibles de peines de prison.
Mais si la Zambie s'y intéresse désormais, c'est que la manne économique que représente la culture du cannabis est importante. Selon le président du Parti vert de l'opposition zambienne, Peter Sinkamba, qui préconise l'exportation de cannabis depuis 2013, cette décision pourrait rapporter à la Zambie jusqu'à 36 milliards de dollars par an. Et le pays en a besoin, car le fardeau de sa dette extérieure pèse de plus en plus lourd. À 8,74 milliards de dollars fin 2017, elle s'élevait à 10,5 milliards de dollars fin 2018 un an plus tard. À cause des mauvaises récoltes notamment, les prévisions de croissance pour 2019 ont, quant à elles, été revues à la baisse, à 2 % au lieu des 4 % attendus. Des chiffres qui font craindre une crise économique au pays, deuxième producteur de cuivre d'Afrique.
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Une source de ressources en plus
Avec cette initiative, le pays rejoint une mouvance, qui ne voit plus le cannabis comme une drogue mais comme une plante bénéfique à la santé, et au portefeuille national. Selon l'African Cannabis Report, une étude détaillée sur l'industrie légale du cannabis en Afrique, l'industrie africaine du cannabis légal pourrait valoir plus de 7,1 milliards de dollars par an d'ici à 2023 si une législation est introduite sur certains des principaux marchés du continent. Le Lesotho, enclavé au cœur de l'Afrique du Sud, a fait ce choix. Il est ainsi devenu en 2017 le premier pays africain à autoriser la culture du cannabis médicinal. Depuis deux ans, le cannabis CBD (ou thérapeutique), dépourvu de tout agent psychoactif et utilisé par l'industrie pharmaceutique, pousse sur les coteaux de ce royaume aux 2,1 millions d'habitants.
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Pour le moment, cette économie profite aux industriels venus s'y installer, et à l'État pour qui la culture du cannabis est devenue la troisième source de revenus, selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Mais les agriculteurs locaux, eux, n'en profitent guère. Car cultiver l'or vert a un prix : il faudra ainsi débourser 30 000 euros à verser à l'État, renouvelable chaque année, pour obtenir une licence d'exploitation. Au Zimbabwe voisin, qui a lui aussi légalisé la culture de la plante en 2018, le permis de production est valable cinq ans. Reste à savoir si, là aussi, le cannabis rapportera plus aux investisseurs qu'aux Zimbabwéens.
Deux années, c’est le temps que se laisse le gouvernement luxembourgeois avant de légaliser le cannabis. Une information confirmée en cette mi-décembre auprès de nos confrères allemands de la Saarländischer Rundfunk.
Le gouvernement luxembourgeois avait annoncé se laisser deux ans pour ficeler le dossier. C’est aujourd’hui quasi-officiel grâce à une précision apportée en cette mi-decembre 2019 auprès du média allemand : Saarländischer Rundfunk. "Le cannabis sera légalisé au Luxembourg dans les deux ans au plus tôt".
Les grands axes de la loi restent encore à définir mais ils devraient se concentrer sur la prévention, l'éducation et la prise en charge de l’addiction. Un contrôle très strict de la qualité sera exercé par l'État. Un groupe de travail du ministère de la Santé et de la Justice planche sur le dossier.
Pas de tourisme du cannabis au Luxembourg
La légalisation du cannabis récréatif était une promesse de l’actuelle coalition (Libéraux, Socialistes et Verts) au pouvoir au Grand Duché. Le gouvernement prévoit de "légaliser sous des conditions à définir, la production sur le territoire national, de même que l’achat, la possession et la consommation de cannabis récréatif".
Étienne Schneider, le ministre de la Santé et Félix Braz, ministre de la Justice, avaient récemment réalisé une visite d'étude au Canada, qui a légalisé l’usage du cannabis en octobre 2018. "Tout comme le modèle canadien, le modèle luxembourgeois devra être basé sur une approche globale de santé publique" précise le ministère de la Santé du Luxembourg, "il ne s’agit en aucun cas de faire la promotion pour la consommation de cannabis, mais au contraire, de protéger et d’assurer la santé et la sécurité des citoyens et des jeunes en particulier… La légalisation du cannabis récréatif permettra, bien mieux que la dépénalisation, d’éloigner les consommateurs du marché illicite, de réduire de façon déterminée les dangers psychiques et physiques y liés et de combattre la criminalité au niveau de l'approvisionnement".
Des voyages d’études sont programmés aux Pays-Bas, au Portugal ou encore en Uruguay. "Nous pouvons apprendre des expériences des autres pays et éviter dès le départ des erreurs à ne pas commettre".
Le Luxembourg ne souhaite pas mettre en place un "tourisme du cannabis". La vente sera exclusivement autorisée aux résidents.
Le gouvernement précise que les recettes fiscales sur la vente de cannabis seront investies dans la prévention et l'éducation.
SANTE L’expérimentation devrait démarrer en France au cours du premier semestre 2020
Entérinée fin octobre par l’Assemblée nationale, l’expérimentation du cannabis à usage médical débutera début 2020.
Elle inclura 3.000 patients souffrant de maladies graves, et dont les symptômes peuvent être soulagés par le cannabis thérapeutique.
Reste à savoir comment seront choisis les patients, comment sera encadrée l’expérimentation, et qui fournira la matière première.
Pour l'heure, on ignore encore qui fournira le cannabis thérapeutique qui sera prescrit dans le cadre de l'expérimentation française prévue début 2020. — PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP
Ce n’est plus qu’une question de semaines. Début 2020, quelque 3.000 patients devraient participer à l’expérimentation du cannabis thérapeutique en France. Un essai de deux ans auquel l’Assemblée nationale a donné son feu vert fin octobre. L’expérimentation, réservée au seul usage médical, avait déjà reçu l’aval de l’Agence du médicament, et devrait « débuter au cours du premier semestre 2020 », indiquait à l’automne Christelle Dubos, secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Santé.
Comment l’expérimentation sera-t-elle menée ? Qui fournira le cannabis utilisé ? Dans quelles conditions sera-t-il distribué aux patients et comment ces derniers seront-ils recrutés ? 20 Minutes fait le point.
Quels patients pourront participer ?
Environ 3.000 patients doivent être recrutés dans le cadre de cette expérimentation. Des patients souffrant de maladies graves, dont les pathologies sont soignées avec du cannabis dans les pays autorisant son usage médical. Ainsi, l’essai inclura des patients souffrant de certaines formes d’épilepsies, de douleurs neuropathiques, d’effets secondaires de chimiothérapie ou encore de sclérose en plaques, pour lesquelles les dérivés du cannabis peuvent présenter un apport thérapeutique supplémentaire.
Abdel, patient souffrant d’épilepsie, se réjouit que cet essai voie le jour en France et se verrait bien y participer. « Il était temps que le feu vert soit donné et que la France sorte de son positionnement d’un autre temps, commente le jeune homme. De nombreux patients trouvent un soulagement grâce au cannabis thérapeutique. Et dans le même temps, plusieurs formes d’épilepsies sont pharmaco-résistantes : les traitements ne permettent pas totalement d’éviter les crises. Alors, si le cannabis thérapeutique peut aider, c’est une bonne chose ».
Comment sera encadrée la distribution du cannabis thérapeutique et sera-t-il produit en France ?
Une première prescription devra être délivrée par un médecin spécialiste, neurologue ou encore médecin de la douleur, au sein des centres hospitaliers et centres de référence qui seront choisis pour participer à l’expérimentation. Les patients devront d’abord se fournir en pharmacie hospitalière, puis pourront renouveler leurs traitements en pharmacie de ville. « Il n’y aura évidemment pas de distribution de joints dans les pharmacies », a assuré Olivier Véran, député LREM qui a porté la mesure et rapporteur du budget 2020 de la Sécurité sociale. Les produits testés seront fournis « sous forme de tisane, d’huile, de fleurs séchées en vaporisateur », a précisé le parlementaire.
Après le vote de l’Assemblée, InVivo, l’un des premiers groupes agricoles coopératifs français, a déposé une demande auprès de l’ANSM pour se positionner sur le marché. Problème : côté logistique et législation, « cela pose la question de la filière d’approvisionnement, la France n’autorisant pas la production de cannabis », soulignait le communiste Pierre Dharréville lors de l’adoption de l’amendement entérinant l’expérimentation française. « A ce jour, la législation française interdit la culture de plants de cannabis sur son sol, confirme à 20 Minutes Me Eveline Van Keymeulen, avocate spécialiste de la question au sein du cabinet Allen & Overy. N’est autorisée que la culture du chanvre – utilisé dans l’industrie vestimentaire ou dans la construction – à condition que les plantes aient une concentration en THC inférieure à 0,2 % ».
Qui fournira le cannabis prescrit dans le cadre de cette expérimentation ?
Pour l’heure, « les critères de l’appel d’offres pour la fourniture du cannabis utilisé pour cette expérimentation ne semblent pas avoir été totalement définis, glisse le cabinet d’avocats Allen & Overy. Mais des critères précis sur les conditions de production, de certification et de distribution seront exigés par l’Agence du médicament ». Car en France, « nous n’avons pas de filière de production, confirme Olivier Véran. Probablement que l’ANSM fera appel aux produits qui existent déjà à l’étranger ».
Et les laboratoires étrangers sont prêts. Précurseurs depuis 2002, les producteurs canadiens – Canopy Growth, Tilray, Aurora, Aphria – figurent parmi les poids lourds du secteur, et certains se positionnent déjà. « Nous disposons des certifications GMP (Good Manufacturing Practices), d’un cahier des charges très strict et d’un site de production de cannabis thérapeutique situé au Portugal prêt à fournir la France pour cette expérimentation », explique à 20 Minutes Sascha Mielcarek, directeur Europe de Tilray, l’un des leaders de ce marché.
De son côté, le collectif Alternative pour le cannabis à visée thérapeutique (ACT), ravi de cette expérimentation, espère à terme une « production française d’un médicament au prix juste, de qualité et certifié bio ».
Quelles sont les propriétés du cannabis médical ?
Autorisé dans dix-sept pays de l’Union européenne, le cannabis médical a, en fonction des symptômes à soulager et selon les produits délivrés, une concentration plus ou moins élevée en THC ou en CBD, deux des plus puissants cannabinoïdes de la plante. Parmi les effets bénéfiques connus, le cannabis médical a des propriétés antiémétiques (il soulage notamment les nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie), analgésiques, anti-inflammatoires ou encore des propriétés antiépileptiques. Il a également des vertus myorelaxantes (il détend les muscles) et stimule l’appétit. D’ailleurs, « l’objectif de l’expérimentation n’est pas d’établir l’efficacité du cannabis sur des pathologies identifiées, il est surtout de tester un système de prescription et de délivrance », estime le collectif ACT, qui rassemble plusieurs associations de patients.
Pour Olivier Véran, cette mesure pourrait à terme concerner « plusieurs centaines de milliers de nos compatriotes à bout de nerfs, à bout de souffle, à bout de forces… car rongés à petit feu par des maux quotidiens que les traitements actuels ne permettent pas de soulager ». Egalement neurologue, Olivier Véran a décidé d’étudier les effets thérapeutiques du cannabis après que plusieurs de ses patients lui ont confié l’avoir testé avec succès en automédication.
Des produits pourront être vendus librement dans des bureaux de tabac et magasins spécialisés s'ils ne contiennent pas plus de 0,5 % de THC.
L'Italie a décidé de franchir un pas dans la légalisation du cannabis. La production et la vente de cannabis light, c'est-à-dire ne contenant pas plus de 0,5 % de THC, a été autorisée par le Parlement italien dans la nuit de jeudi à vendredi. L'amendement au projet de budget 2020 autorise la vente libre dans les bureaux de tabac et magasins spécialisés à partir du 1er janvier. La seule condition à remplir : ces produits ne peuvent pas contenir plus de 0,5 % de THC, la principale substance active à effets psychotropes.
En mai 2018, le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini, chef de la Ligue, parti d'extrême droite, qui a adopté un discours conservateur sur les mœurs, avait lancé une croisade contre les magasins vendant du cannabis light en vertu d'une loi votée deux ans plus tôt, affirmant qu'il les fermerait les uns après les autres. En mai dernier, la Cour de cassation avait paru lui donner raison, affirmant que la vente ou la culture de cannabis étaient illégales. Mais la haute instance avait confié à l'appréciation de chaque juge, devant s'occuper de cas concrets, de vérifier « l'effet stupéfiant » de la substance détenue par la personne incriminée.
« C'est la fin d'un cauchemar »
Outre ce pouvoir discrétionnaire donné aux juges, la Cour avait rappelé que le Parlement pouvait intervenir dans ce domaine dans le respect des principes constitutionnels. C'est chose faite désormais et les personnes travaillant dans ce secteur ont poussé un soupir de soulagement. « C'est la fin d'un cauchemar. Après la chasse aux sorcières de Salvini, j'ai dû licencier 10 personnes et j'ai perdu 68 % de mon chiffre d'affaires », a déclaré au journal La Stampa Luca Fiorentino, fondateur de la société Cannabidiol Distribution.
Ce dernier assure qu'une étude de l'université de New York a démontré que la vente légale de cannabis light avait permis de soustraire 200 millions d'euros à la criminalité organisée. Le syndicat des agriculteurs Coldiretti a qualifié d'« opportun » ce geste du législateur italien, assurant que les terres cultivées avec du cannabis en Italie étaient passées de 400 hectares en 2013 à 4 000 hectares en 2018.
Depuis le 17 octobre 2018, les Canadiens fument en toute légalité du cannabis et l'office fédéral des statistiques du pays vient de publier les premiers chiffres de consommation de cette première année de légalisation. La consommation s'avère bien en deçà de ce qu'attendaient les experts.
Echec ou succès ? Depuis le 17 octobre 2018, les Canadiens fument en toute légalité du cannabis et les chiffres que vient de publier l'office fédéral des statistiques du Canada montrent que si le marché s'est de fait développé, il reste en deçà de ce qu'anticipaient nombre d'analystes. Et a plus profité aux consommateurs qu'aux producteurs.
Selon les données publiées par Statistique Canada , entre le 17 octobre et la fin du mois de septembre dernier, quelque 908 millions de dollars canadiens (619 millions d'euros environ) ont été dépensés dans le pays pour l'achat de cannabis à des fins non médicales.
Ce chiffre s'avère de fait bien inférieur aux projections réalisées lors de cette légalisation. A l'époque, Deloitte estimait que les ventes s'envoleraient pour atteindre 4,3 milliards de dollars. De son côté, Brightfield Group, un autre cabinet d'étude était plus proche de la réalité puisqu'il avançait des ventes de 1,2 milliard de dollars sur les 14 premiers mois de légalisation.
Selon Satistique Canada, rapporté à la population du pays, qui a été le deuxième, après l'Uruguay, à légaliser la drogue, ces 908 millions de dollars canadiens représentent une dépense moyenne de 24 dollars canadiens (16 euros à par habitant). Un chiffre qui recouvre des réalités bien différentes selon les provinces puisqu'un consommateur de Colombie britannique ne dépense que 10 dollars pendant que celui de résidant dans le Yukon voisin en débourse 103.
Deux ans et demi de stocks
Après des débuts difficiles, liés notamment à un risque de pénurie et qui avait conduit à ce que le marché noir reste florissant, la situation est donc mitigée pour les producteurs et les vendeurs qui doivent faire face tout à la fois à une baisse des prix et à des stocks qui s'accumulent. A la fin de l'été les producteurs disposaient de quelque 400 tonnes de stocks soit de quoi répondre sans problème à la demande pendant… deux ans et demi.
Et certains acteurs du marché se sont de ce fait retrouvés dans une situation difficile à l'image d'Hexo dont les recettes se sont avérées 40 % plus faibles que prévu et à annoncer la suppression de 200 postes. Ou bien encore Canopy Growth dont le titre a plongé de près de 60 %.
45 % de la population est à moins de 10 km d'un point de vente
Ce sont donc en grande partie les consommateurs qui ont le plus profité de cette légalisation puisqu'ils peuvent se procurer à moindre coût et plus facilement du fait de la multiplication des points de vente légaux, qu'ils soient publics ou privés. « Le nombre total de magasins de vente au détail de cannabis au Canada est passé de 217 en mars 2019 à 407 en juillet 2019, ce qui représente une augmentation de 88 % », souligne notamment Satistique Canada.
Du fait de cette forte progression, le consommateur canadien a de moins en moins de chemin à faire pour aller se procurer son cannabis. En mars dernier un Canadien se trouvait en moyenne à 66 km d'un lieu de vente légal. Désormais il ne doit plus parcourir que la moitié de cette distance (34 km). Et désormais 45 % des Canadiens se trouvent à moins de 10 km d'un magasin de cannabis.
Conséquence directe de ces nombreuses ouvertures, la part des achats de cannabis en ligne se réduit comme une peau de chagrin. En septembre dernier, elle ne représentait plus de 5,9 % des ventes. Presque sept fois moins de ce qu'elle représentait au moment de la légalisation (53,4 %).
Claude Fouquet
Source: lesechos.fr
La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a déclaré qu'une amende forfaitaire allait être mise en place pour les consommateurs.
par Jules Navailles
C'était dans les tuyaux depuis quelques temps, c'est maintenant officiel : fumer un joint de cannabis coûtera 200 euros à la personne qui sera prise la main dans le sac. On pourrait plutôt dire, le joint dans la bouche. La garde des Sceaux Nicole Belloubet l'a annoncé il y a peu : une amende forfaitaire sera mise en place pour la consommation de stupéfiants. Pour lutter efficacement contre la consommation de stupéfiants comme le cannabis, la cocaïne et autres, cette amende se voudra lourde et 'opérationnelle courant 2020'.
Pour être mise en place prochainement, une phase test sera lancée courant décembre 2019. Comment cela sera mis en place? D'autres sanctions sont à prévoir ? Elements de réponses.
Consommation de stupéfiants : même tarif pour tout le monde
L'interview a été publiée dans le magazine l'Express et c'est Enzo Poultreniez, membre de l'association AIDES qui a répondu à cette dernière. Comme il a pu l'indiquer, l'amende sera au tarif forfaitaire et concernera toutes les classes sociales : "Quelqu'un qui serait au RSA et qui se ferait attraper avec un joint paiera les mêmes 200 euros que quelqu'un qui travaille à la Défense et qui serait pris avec de la cocaïne sur lui". Ce n'est pas vraiment une surprise car cette amende avait déjà été adoptée par les membres de l'Assemblée Nationale lors d'un vote en novembre dernier.
Alors que le gouvernement fait face à de nouveaux mouvements de grèves, il souhaite contrer l'augmentation du nombre de consommateurs. En effet, ce n'est pas seulement les consommateurs de tabac qui sont concernés mais aussi les consommateurs de drogues. Selon les différentes études menées, les fumeurs sont plus sujets à avoir des soucis de santé ce qui crée un problème avec la sécurité sociale dont le déficit est grandissant. Selon les différentes analyses menées, il y aurait près de 5 millions de consommateurs en 2017 et quelques 700 000 seraient des consommateurs quotidiens.
Comme on a pu le lire, les consommateurs réguliers de Cannabis ont 36% plus de chance d'avoir un cancer des testicules.
Comment cela se passe au sein de l'Union européenne ?
Les Britanniques doivent aujourd'hui voter pour élire leur nouveau gouvernement et une fois n'est pas coutume, en matière de législation, chaque pays applique ses propres règles. Par exemple, la Belgique, l'Espagne, le Portugal ou encore l'Allemagne ont tous assoupli leur législation. Au niveau international, le cannabis a été légalisé (Canada, Uruguay), la France a elle décidé de sévir.
Enfin, l'amende forfaitaire n'est pas la seule mesure pour lutter contre la consommation illégale de drogue.
Il existe en tout pas moins de 54 mesures qui sont en place. Egalement, une plateforme d'appel pour signaler les points de vente a été mise en place.
Plusieurs villes pourraient bientôt conduire des tests auprès de leurs citoyens fumeurs de marijuana. Le milieu de la prévention s’en réjouit, mais attend encore une décision finale
Le parlement devrait bientôt pouvoir se pencher sur les détails entourant la mise en place de tests pilotes de distribution de cannabis. Entré en matière sur le sujet par 100 voix contre 85, le Conseil national ouvre la porte à une réflexion générale dans le domaine de la politique des drogues suisse. Addiction Suisse applaudit, mais demande à voir enfin le projet se réaliser.
Lire aussi: Cannabis: le Conseil fédéral autorise des essais contrôlés
Un premier pas vers la légalisation?
«La situation est la suivante, a synthétisé Alain Berset, le conseiller fédéral chargé du dossier. Plus de 200 000 personnes consomment chaque jour du cannabis en Suisse; tout indique que ce chiffre devrait augmenter, la répression n’est pas efficace et le marché noir prospère. La réponse actuelle n’est donc pas satisfaisante et il faut trouver de nouvelles voies, mais la loi l’empêche. Souhaitons-nous accepter le problème sans rien faire ou engager une réflexion?» La Chambre basse a choisi la deuxième option.
Il a cependant fallu marcher sur des œufs pour le Conseil fédéral, soupçonné par la droite traditionnelle de vouloir légaliser la marijuana récréative dans le pays. «Non, a martelé plusieurs fois Alain Berset, ce n’est pas le but recherché ici.» Formulé par le gouvernement après que l’Université de Berne s’est vu refuser la possibilité de conduire des tests sur le sujet en 2017, le projet en question n’autoriserait que des tests scientifiques limités dans le temps (cinq ans) sur un nombre réduit de participants majeurs et déjà consommateurs de cannabis. Le chiffre de 5000 personnes maximum a été évoqué.
«Elus pour protéger les Suisses»
Extrêmement méfiantes, la droite dure et économique et une partie du centre religieux ont toutefois refusé de donner leur accord à tout assouplissement de la loi sur les stupéfiants. «La situation n’est pas satisfaisante, a reconnu Benjamin Roduit (PDC/VS). Mais comment empêcher des parents de donner du cannabis à leurs enfants, par exemple?» «Nous avons été élus pour protéger la santé des Suisses», a opiné sa collègue Therese Schläpfer (UDC/ZH).
Les deux élus conservateurs n’auront pas convaincu la majorité, ni même toute la droite, dont une bonne partie des membres s’est ralliée à l’avis d’Alain Berset. «Une décision importante pour une politique des drogues raisonnable», s’est ainsi réjoui le nouveau benjamin du parlement, Andri Silberschmidt (PLR/ZH), une fois le vote terminé.
Un enthousiasme tempéré
Directeur d’Addiction Suisse, Frank Zobel a accueilli cette victoire d’étape avec des pincettes: «Nous sommes en faveur de ce changement depuis vingt ans. La nouvelle composition du parlement nous donnait bon espoir de voir ce dossier avancer, ce qui nous réjouit. Toutefois, des retours en arrière sur le sujet ne sont pas rares.»
L'interview de Frank Zobel: «La Suisse n’a pas de véritable politique en matière d’addictions»
Alors que la majorité des cantons et des partis politiques s’était déclarée favorable au principe des essais pilotes et que plusieurs villes – dont Genève, Zurich et Bâle – s’étaient déjà montrées intéressées à mener de tels essais, la Commission de santé publique du Conseil national a en effet refusé le projet, raison pour laquelle le Conseil national n’a aujourd’hui pu voter que sur l’entrée en matière.
Son assentiment renvoie le dossier auprès de la nouvelle commission, qui devra le retravailler avant que le plénum n’ait l’occasion de l’étudier article par article. «Tant qu’une décision n’aura pas été prise, on ne sera jamais sûr de rien», constate Frank Zobel.
Dans les quartiers, les trafiquants de drogue voient d’un œil inquiet une éventuelle légalisation du cannabis en France. "Ce ne sont pas les Noirs et les Arabes qui vont avoir les commerces qui vendent ça", peste l’un d’eux.
Les immeubles de la cité des Boute-en-Train à Saint-Ouen. - LIONEL BONAVENTURE / AFP
Au pied des tours grises, Youssouf* s'allume un joint en faisant patienter les clients et n'a aucune envie que son petit commerce devienne licite. Si le cannabis était légalisé, "ça serait galère: comment on va faire de l'argent?"
Tout de noir vêtu, le jeune homme de 23 ans est une petite main du trafic de la cité des Boute-en-train à Saint-Ouen, en bordure du périphérique parisien. La première fois qu'il a fait le "chouf" (guetteur en argot), il avait 14 ans. Dealeur pendant un temps, il a passé un mois et demi en prison.
"On vendra moins cher, y aura toujours de la parallèle"
"Vaguement" au courant de la récente légalisation du cannabis au Canada, il ignore en revanche qu'une mission d'information parlementaire doit être lancée prochainement pour "éclairer le débat public" français sur tous les usages du cannabis, y compris récréatif. De quoi assombrir son regard.
Comme guetteur, il dit toucher "100 euros pour 12 heures" de travail, entre midi et minuit. Une manne qui, admet-il, serait menacée si les clients pouvaient se procurer leur cannabis librement. "Ici tu peux choper du shit ou de la beuh (herbe, NDLR), mais que d'une sorte. Dans une boutique, t'aurais plein de variétés."
À ses côtés, Karim reste confiant. "On vendra moins cher, y aura toujours de la parallèle, car ce sera trop réglementé", élude-t-il. Moins serein, Youssouf avertit: en cas de légalisation, "ça sera le ‘fuego’ dans les cités".
Les dealeurs actuels seront "les oubliés du système"
"La légalisation du cannabis, c'est plus un choc social qu'un choc sanitaire. Cela nécessite de mettre un coup de pied dans la fourmilière des banlieues", estime Christian Ben Lakhdar, professeur d'économie à l'université de Lille. Selon ce spécialiste des drogues, environ 100.000 personnes participent plus ou moins régulièrement au trafic en France.
Si l'Hexagone, premier pays consommateur d'Europe, passe à la légalisation, les dealeurs actuels seront "probablement les oubliés du système", craint cet universitaire qui recommande de créer "des emplois légaux liés au nouveau marché du cannabis" dans les anciennes zones de trafic.
Ancien "consommateur-vendeur", Eric a passé trois ans en prison à cause du deal. Ce trentenaire trouverait "dégueulasse" de "donner le business aux industriels", sans permettre aux anciens délinquants d'acquérir les compétences nécessaires pour ouvrir un commerce.
"Il faudra se rendre compte qu'on a été hypocrites"
"En tant que société, il faudra se rendre compte qu'on a été hypocrites, en faisant porter la responsabilité des stups aux gens les plus exposés à la précarité", lance-t-il, dénonçant le traitement de faveur réservé, selon lui, aux fumeurs de joints des beaux quartiers. "Ces gens-là ne sont jamais inquiétés. Mais pour qu'il y ait des vendeurs, il faut qu'il y ait des consommateurs", juge-t-il.
Aux Etats-Unis, où une dizaine d'Etats ont totalement légalisé le cannabis, l'insertion des populations les plus exposées au trafic est devenu un thème de société. En Californie, la loi permet d'effacer du casier judiciaire les condamnations liées au cannabis, qui ont surtout frappé des Afro-américains.
Les villes d'Oakland et de San Francisco ont également lancé des initiatives pour aider les femmes et les minorités à investir dans le marché légal du cannabis. Le Massachusetts assure, lui, un programme de réhabilitation des anciens dealeurs pour les aider à trouver un emploi dans cette nouvelle industrie.
Des emplois moins rémunérateurs
Les députés français se pencheront-ils sur ces expériences ? "Il faut absolument aller jusque-là", assure le député Jean-Baptiste Moreau (LREM), un des artisans de la mission d'information, qui compte organiser des voyages outre-Atlantique.
Pour lui, la légalisation, rejetée par le gouvernement, n'est "pas taboue" et "si on la propose, il faut savoir ce qu'on fait des gens qui sont dans cette économie parallèle." "Un accompagnement social serait nécessaire", estime-t-il. Mais les trafiquants qui souhaitent se reconvertir "doivent prendre conscience que ces emplois seraient moins rémunérateurs".
À Saint-Ouen, Youssouf n'exclut pas de gagner moins et de payer des impôts. "Pourquoi pas ? Si tu bosses normalement, y a moins de risques". Mais avec un simple bac en poche, il reste sceptique: "pourquoi les employeurs prendraient des mecs de cité qui savent pas bien parler ?"
*Les prénoms ont été modifiés.
Le secteur du Cannabis s’enflamme cette semaine, après plusieurs mois de dépression, dans un rebond concernant beaucoup de producteurs de Marijuana, et mené par Canopy Growth (TSX:WEED).
Une note d’analyse de Bank of America (NYSE:BAC) publiée hier, qui concernait cette société mais qui au final était valable pour tout le secteur, semble être à l’origine du mouvement.
Selon la banque, les actions du producteur de Cannabis Canopy Growth ont plongé au cours des derniers mois à des niveaux qui deviennent attrayant pour les acheteurs potentiels. Bank of America a donc modifié sa recommandation sur Canopy Growth de “neutre” à “acheter”, sans afficher d'objectif de cours toutefois.
Cela a envoyé les actions du producteur canadien de cannabis en forte hausse, avec un gain de plus de 15% à la bourse de Toronto en clôture, un mouvement qui se confirme aujourd’hui avec un gain de plus de 12% au moment d’écrire ces lignes.
Rappelons qu'il y a un peu plus de deux mois, la Bank of America avait dégradé son point de vue sur le producteur de cannabis, craignant que sa valorisation soit trop gonflée à un moment où les commandes de cannabis de certaines provinces canadiennes ralentissaient.
Les actions sont depuis passées d'un sommet de 70,98 $ à un point bas à 18,23 $.
Une grande partie du ralentissement des commandes a été attribuée à un manque de magasins de détail, ce qui a entraîné une surabondance de stocks. Mais cela a changé depuis : Selon BofA, les stocks des canaux de distribution se raréfient et les marges montrent des signes de croissance.
Il est important de noter que Canopy a pris des mesures pour améliorer l'efficacité qui pourraient non seulement rendre son évaluation raisonnable, mais aussi l'amener à battre ou au moins à atteindre les estimations de Wall Street, a ajouté la banque.
Ces perspectives haussières sur le producteur de cannabis surviennent dans la foulée de son deuxième trimestre, publié la semaine dernière, qui a manqué les estimations des analystes tant sur les ventes que sur les bénéfices.
L'entreprise attribue cette faiblesse à plusieurs facteurs, notamment la réduction des achats de cannabis et le nombre moins élevé que prévu d'ouvertures de magasins de détail, mais estime que ces problèmes ne sont que des "vents contraires à court terme".
En ce qui concerne les autres têtes d’affiche du secteur du Cannabis, on notera que Tilray (NASDAQ:TLRY) gagne près de 8% ce jeudi, après un gain de 4.70% hier, tandis qu’ Aurora Cannabis (TSX:ACB) bondit de +12.5%, égalant la performance d’hier. Pour Cronos (NASDAQ:CRON) Group, c’est un gain de 8.6% qui s’affiche à l’ouverture aujourd’hui, après +2.54% en clôture hier. Enfin, Hexo gagne 9%, après +3.27% hier.
Sur les routes de Lozère, une présomption d’innocence en ligne discontinue
Un lecteur de lundimatin nous a fait parvenir cette longue enquête à propos de la lutte contre la conduite après avoir fait usage de stupéfiants en Lozère. L’auteur est allé à la rencontre d’habitants et d’élus très critiques quant aux conséquences pratiques des tests salivaires. A cela s’ajoutent de nombreux témoignages de faux positifs et de conducteurs qui finissent sur le bord de la route : une punition vécue comme une injustice et qui ne semble pas ennuyer les pouvoirs publics.
Le 27 Décembre 2018, la Gendarmerie de Florac dans les Cévennes (Sud Lozère) avertissait par son compte facebook : »Conduites sous stupéfiants : le contrôle positif à un test entraine la rétention immédiate du permis de conduire grâce à des moyens de dépistage plus simples à utiliser, plus efficaces ». La procédure fait désormais appel à deux tests salivaires : un premier dépistage si il est positif entraine la réalisation d’un second test de confirmation dont le résultat doit être rendu dans les trois jours. Auparavant, la confirmation nécessitait une prise de sang avec déplacement auprès d’un professionnel de santé. Un gendarme témoigne : « là où avant il nous fallait prendre une demi journée et deux hommes pour effectuer un contrôle, là on peut tout faire en trente minutes sur le bord de la route juste avec de la salive ».
Des contrôles massifs et réguliers ont alors lieu, avec comme cible principale le cannabis. En cas de positivité au premier test de dépistage, le permis est immédiatement retiré, sans attendre le résultat de la confirmation. Artisans en plein travail, parents sur le chemin de l’école, habitants se rendant à la déchetterie ou au marché hebdomadaire, les heures et lieux de contrôle sont d’une efficacité remarquable.
Aude est agricultrice . « Malgré mes protestations concernant ce premier test salivaire positif dont j’étais sûr que c’était une erreur, je me suis retrouvée à pieds, ma voiture sur le bord de la route, avec mon fils malade d’une infection du poumon, frissonnant à 40°c en plein hiver avec -4°C dehors. En pleine naissance des agneaux et travail intense à la ferme et une fille de 12 ans à accompagner tout les jours au bus du collège,mes parents sont venus d’Ardèche en renfort car il a fallu 5 jours pour que je puisse récupérer mon permis, après que le test de contrôle soit revenu négatif. « Dans une lettre adressée il y a 3 mois à la Préfete de Lozère, au Défenseur des Droits et à son élue départementale, elle s’indigne « j’ai été considérée comme coupable jusqu’à ce que la preuve soit faite de mon innocence » et estime donc que le principe de présomption d’innocence a été bafoué.
François est comptable à la retraite. Chaque matin, il va chercher son pain à 10 kilomètres de chez lui, à Florac. A 9h il est contrôlé par la brigade motorisée et c’est abasourdi qu’il apprend que le test salivaire est positif aux amphétamines. Le gendarme effectue trois tests parce que lui-même n’en croit pas ses yeux. Un test ne réagit pas et part à la poubelle, deux sont faiblement positifs aux amphétamines. Le gendarme se dit « bien obligé d’en tenir compte », et retire le permis de cet homme de 72 ans qui vit dans un hameau isolé. « C’est les gendarmes, on a la trouille » explique t il. Il récupèrera son permis trois jours plus tard une fois le test de contrôle revenu négatif.
Marion est à quelques jours d’un rendez vous pour un emploi de service civique, elle est arrêtée sur le bord de la route et dépistée positif à la cocaïne. Impossible de convaincre les gendarmes que cela n’est pas possible, ils lui suggèrent qu’elle a pu être droguée à son insu. Le test de contrôle revient négatif. Comme le prévoit la procédure, elle peut aller récupérer son permis mais on lui annonce qu’on veut l’interroger avant.Les gendarmes n’en démordent pas : ce premier test positif est suspect. Elle sera interrogée au sujet des lieux et les personnes qu’elle fréquente. En dehors de toute procédure. « Je voulais qu’ils me rendent mon permis et partir le plus vite possible » .
Dimitri est apiculteur. Avec ses 300 ruches à gérer réparties sur le territoire cévenol, il est souvent pressé, c’est lorsqu’il accompagne son deuxième enfant à la crèche qu’il se fait arrêter. Le test est positif à la cocaïne, il n’en a jamais pris. Grand gaillard sûr de lui et aimant être à l’heure quand il a rendez vous avec ses abeilles, il perd patience. Les gendarmes convaincus, n’enverront pas le deuxième test de contrôle et le laisseront partir.
Bruno est pompier professionnel. Il est contrôlé positif au cannabis et à la cocaïne un samedi matin à 9h. Son véhicule reste sur le bord de la route. Il proteste mais on lui dit « dans le coin tout le monde fume, çà serait pas normal que vous ne fumiez pas ». C’est la boule au ventre qu’il commence une journée prévue pour le saut en parapente. Il fait beau mais l’anxiété l’envahit, il ne supporte pas de se sentir coupable alors qu’il n’a rien fait. Ses amis le dissuaderont de prendre le vol car il rate deux « vérifs de prévol ». Il ne comprend pas qu’il soit « présumé coupable » jusqu’à la preuve de son innocence. Il récupèrera son permis cinq jours plus tard, le test de confirmation revenu négatif. « J’ai pas eu envie de faire le fanfaron, ils te traquent une fois qu’ils te connaissent. T’auras toujours un truc qui va pas, un pneu ou autres, je sens çà comme une oppression alors qu’ils devraient être là pour notre bien ».
Mélodie est assistante maternelle en crèche, elle est contrôlée positif à la cocaine mais arrive à faire douter le gendarme qui accepte d’utiliser un deuxième test qui se révèle négatif.Il n’y aura pas de test de contrôle.
Baptiste rentre de vacances avec sa famille, il est dépisté positif à toutes les substances. « J’ai jamais vu ça, c’est joli » dit le gendarme. Le permis est retiré, la famille reste sur le bas côté de la route. Ils attendront plusieurs heures que quelqu’un les ramène chez eux. Quand il récupèrera son permis quatre jours plus tard car le test de confirmation est négatif, on lui affirmera que ça n’arrive jamais, que le test est fiable.
Sébastien gère une agence de voyage et organise des trekkings dans les gorges du Tarn. On est en plein mois d’Août, la saison d’accueil des vacanciers est pour lui à son maximum. Une voiture est contrôlée devant lui, le dépistage des stupéfiants semble être positif à de nombreux produits. Le gendarme revient vers lui « et vous , vous êtes positif à quoi ? » . Le test revient positif au cannabis. En pleine saison de travail, il reste sur le bord de la route. Quand on lui rend son permis trois jours plus tard car le test de contrôle est négatif, il est longuement interrogé sur ses habitudes de vie et supposées de consommation de produits stupéfiants. L’enthousiasme de ce jeune entrepreneur est ébranlée : « La triste réalité c’est que j’ai peur maintenant »
Les témoignages n’en finissent plus de faux positifs lors de ces premiers tests de dépistages qui entrainent pourtant un retrait immédiat du permis. En zone rurale où il n’y a pas de transports en commun,un permis retiré même quelques jours a des conséquences majeures sur la vie sociale et professionnelle.
_ Un rapport Belge de 2010 indiquait que la première version du test de dépistage, « le test Drugwipe 5 S, s’avèrerait performant avec les substances type amphétamines mais décevant avec les autres substances dont le cannabis. Un test positif ne peut être pris comme preuve que la drogue est présente car ces tests manque de spécificité, sont sujets à des réactions croisées (médicaments…) et peuvent produire des faux positifs. […] si ces tests étaient pratiqués de manière systématique sur le modèle de l’alcootest une partie trop importante des conducteurs se verraient injustement privés du droit de conduire et verraient leur liberté limitée en attendant les résultats de confirmation qui les innocenterait. « Contacté en Avril 2019, Michaël Hogge, l’un des rédacteurs de ce rapport ,précise que « l’essentiel de notre propos reste toujours d’actualité » et que « l’outil de dépistage dont nous parlions dans ce rapport est le DrugWipe 5+. Le DrugWipe 5S [maintenant utilisé en France] est plus récent mais n’a pas encore fait l’objet de beaucoup d’évaluation. Ce qui est clair c’est que les promesses de la société qui le commercialise ne sont pas totalement tenues » avec un manque de sensibilité pour le cannabis et plusieurs types de faux positifs. Ainsi, une étude montrait que des tests sont positifs avec une concentration sanguine de THC < 0,1 ng/mL chez des occasionnels alors qu’ils peuvent être négatifs avec des concentrations > 5 ng/mL chez des chroniques.
En juin 2018, un travail fait sur près de 2000 tests de dépistages envoyés par les services de polices dans les laboratoires de Bordeaux, Lille et Lyon montre que « 14.1% des contrôles ne confirment pas le test de dépistage positif » . Les auteurs de cette communication présentée au congrès de la société française de toxicologie en 2018 notent : « de tels résultats discordants entre dépistage et confirmation peuvent avoir différentes origines : aléas au niveau de la réalisation du test de dépistage incluant une mauvaise manipulation du dispositif, erreurs d’interprétation/lecture » et ajoutent que « ces résultats soulignent les limites de la procédure en place ». Contacté, l’auteur de cette communication rappelle qu’ » un test de dépistage doit par définition être confirmé. « . En 2010, une communication du Dr P.Mura, du service de toxicologie du CHU de Poitiers et membre correspondant de l’académie nationale de pharmacie était intitulée « Dépistage salivaire et urinaire des stupéfiants : les aspects scientifiques doivent prévaloir ». Elle concluait que « avant de mettre des dispositifs de dépistage des stupéfiants entre les mains de non professionnels de la santé, un avis devrait être sollicité auprès des instances médicales et scientifiques et en l’occurrence dans ce domaine, les Académies Nationales de Pharmacie et de Médecine ainsi que les sociétés savantes concernées, la Société Française de Toxicologie Analytique(SFTA) et la Société Française d’Addictologie’. Contacté par téléphone, ce spécialiste nous confirme que les Académies ainsi que la SFTA n’ont pas été consultées avant la mise sur le marché du test de dépistage Drugwipe5S. Mais il nous précise aussi que « notre expérience révèle que plus de 99% des cas positifs (au test de dépistage) sont confirmés positifs à l’analyse « de contrôle posant la question de l’explication des nombreux faux positifs relevés sur le terrain.
La présomption d’innocence est le principe selon lequel toute personne, qui se voit reprocher une infraction, est réputée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été légalement démontrée. C’est donc bien ce principe qui est atteint lorsque l’on suspend le permis d’une personne dépistée positive sans attendre le résultat du test de confirmation. Mais peut être que la présomption d’innocence, dans les Cévennes, n’est pas à quelques jours près ?
La sécurité routière, alibi pour la chasse aux fumeurs de cannabis
Lorsque le dépistage positif est confirmé par le deuxième test, plus précis, effectué en laboratoire, le retrait de permis est prolongé. « Alors que en Loire Atlantique tu prends 3 mois pour avoir fumé un joint, en Lozère tu prends 6 mois alors que tu n’as pas de transport en commun. « résume cet ancien Nantais, électricien resté sur le bord d’une nationale de Lozère pour un joint partagé la veille au soir. Le procureur de Lozère Xavier Sicot s’explique : ’Il ne peut être admis à mon sens que pour un plaisir personnel qui reste par ailleurs totalement illégal, soit mise en jeu la vie de personnes qui elles n’ont rien demandé. Malgré le fait d’avoir pu entendre ici et là quelques récriminations à l’encontre de la politique pénale menée à ce sujet par mon parquet, je le répète solennellement en ce lieu, il n’y aura pas d’indulgence vis-à-vis des délinquants routiers, et je souhaite que les contrôles déjà nombreux sur le territoire soient au moins maintenus au niveau actuel.(Midi Libre, 01/2019) ’
Et pourtant on cherche les chiffres qui pourraient justifier une telle entreprise répressive.
En Lozère, accidentologie stable mais dépistages en hausse - Le Document Général d’Orientations de la Lozère –Sécurité Routière 2018-2022, note des chiffres annuels stables d’accidents corporels, autour d’une soixantaine par an et précise que « le nombre d’accidents avec conducteurs ayant été confirmés positifs aux stupéfiants pour au moins un produit n’ont pas suivi de tendance particulière durant ces 5 dernières années ». Les effectifs sont minimes : il s’agit de 23 accidents sur une période de 5 ans dont la moitié était aussi avec une alcoolémie >0.5 g/l et un tiers n’était pas responsable de l’accident. En outre, la moitié des accidents se concentrent sur les périodes estivales, donc en période d’afflux touristique. Enfin, les témoignages de pompiers et d’élus ruraux ne font pas état d’un surcroit d’accidents dans les 5 années passées. La conclusion de ce rapport est étrange : « L’alcool n’est plus un enjeu pour le département de la Lozère. Par contre la problématique stupéfiant est à considérer dans notre département. En effet les dépistages et contrôles deviennent plus faciles et plus fiables : c’est pour cette raison que les chiffres augmentent. Les stupéfiants sont un enjeu à surveiller. » L’alcool dont la gravité en terme de sécurité routière est solidement démontrée ne serait plus un problème en Lozère mais le cannabis le serait en raison de dépistages plus faciles indépendamment de toute considération de sécurité routière ?
En France, « il est aujourd’hui impossible de parvenir à des conclusions prouvant que l’usage du cannabis est facteur d’accidents d’ampleur significative (INSERM) » - {}Pourtant on peut lire sur le Facebook de la Préfecture de Lozère que, en France : « en 2016, 22% des personnes décédées sur les routes l’ont été dans un accident impliquant un conducteur sous l’emprise de stupéfiant ». La Société Française de Statistique écrivait « la communication publique sur la sécurité routière est exagérément simplificatrice », le fichier national des accidents n’est pas adapté pour déterminer la responsabilité des conducteurs dans les accidents et finalement « tout cela constitue une lourde machine statistique qui court, année après année, sur son erre et donne lieu à des analyses sans recul. Les journalistes reprennent les discours officiels sans développer une pensée autonome sur le sujet. « Un rapport de l’Organisme de gestion de la sécurité des autoroutes des Etats Unis compile les données et études disponibles et affirme : aucune étude ne permet d’établir formellement une relation entre la concentration sanguine de THC (produit actif du cannabis) et la performance de conduite le risque plus élevé d’accidents de conducteurs positifs au THC serait le même que celui des conducteurs avec alcoolémie entre 0.01 et 0.05 g/l d’alcool dans le sang soit dix à cinquante fois moins que l’alcoolémie limite autorisée pour circuler en France la conduite sous effet du THC se fait en dessous des limitations de vitesse, avec une propension à suivre plutôt qu’à doubler la voiture qui précède, et la tenue de distances de sécurité plus grandes
Ce rapport américain insiste sur l’importance de comprendre que, contrairement à l’alcool, en moins d’une heure après la dernière prise, la quasi-totalité du THC a été éliminée. Un taux de THC minime, résiduel, peut ainsi être détecté de nombreux jours après sa dernière prise alors que son effet est quant à lui court. Un usager régulier pourra être dépisté positif au test salivaire jusqu’à 8 jours après sa dernière prise alors qu’il n’est plus sous l’effet du cannabis et n’est dangereux pour personne. La gendarmerie de Florac (48) l’écrivait sur son Facebook : « Le dépistage peut être positif jusqu’à plusieurs jours après la prise » .
En ruralité, des existences mises en danger par le retrait de permis -
Emmanuel est un jeune agriculteur. Eleveur, il vend des plats cuisinés. Il est 20h30 quand il revient de sa permanence en boutique paysanne quand il est contrôlé. Il a fumé il y a près de 24h et est confiant quand au test, prêt à repartir s’occuper de ses bêtes qui l’attendent. Mais il restera sur le bord de la route. Il faudra que son père vienne le chercher. Le test de confirmation reviendra lui aussi positif. C’est sa sœur au chômage qui viendra l’aider jusqu’à ce qu’il passe en procès. Elle prendra 4 heures par semaine pour l’accompagner à ses permanences en boutique paysanne et aider aux livraisons. « J’étais en pleine période de travail, je faisais 350 heures par mois entre le soin aux animaux et les transformations en atelier ». Avec 30 000 euros de crédit qu’il doit rembourser pour sa jeune ferme, « si ma sœur et mon père n’avaient pas été là, je mettais la clef sous la porte ». Il est convoqué au tribunal car il est considéré en récidive en rapport avec une procédure pour avoir conduit avec 0.8 g d’alcoolémie deux ans plus tôt. Au Tribunal tout le monde est convoqué à la même heure, 13h30. Emmanuel attendra près de 9 heures son audience qui durera 10 minutes : 2 mois de prison avec sursis.
Grégoire est contrôlé positif au opiacés et au cannabis mais selon lui « Ils étaient pas sûrs de leur machin ». Son fils de 8 ans est dans la voiture, le contrôle a lieu à une centaine de mètres de l’école primaire. Il convainc les fonctionnaires de le laisser accompagner son fils à l’école. A son retour, un nouveau test est alors positif seulement au cannabis . Quand il demande à voir les résultats la gendarme lui affirme « ne pas être censée les communiquer ». Il avait fumé du cannabis trois jours avant, le test de contrôle reviendra positif. La procédure pour « conduite après avoir fait usage de stupéfiants » est enclenchée. Il est dépité : « Je comprends qu’on punisse quelqu’un qui est dangereux pour les autres, parce qu’il sous l’emprise d’une drogue ou d’alcool, mais quand tu as fumé un joint quelques jours plus tôt… ».
Jean est artisan charpentier. Il est fumeur régulier de cannabis, essentiellement le soir, une ou deux cigarettes. « J’ai peur tout le temps alors que je n’ai jamais conduit ou travaillé après avoir fumé, alors j’organise mes chantiers en fonction des lieux de contrôles possibles « Habitué des travaux difficiles et en hauteur il dit refuser les chantiers « trop risqués… d’être contrôlé ».
Thomas est étudiant en agronomie, il est contrôlé négatif au cannabis mais positif à la cocaïne, alors qu’il n’en a jamais consommé, et fait l’objet d’un test de contrôle qui reviendra négatif à la cocaïne mais… positif au cannabis. Il ne fume pas mais a passé une soirée dans une pièce enfumée trois jours avant. Une procédure est enclenchée, son permis ne sera pas rendu à ce père de famille très actif. « Parmi la trentaine d’amis que nous sommes à l’école d’agro il y en a près de 20 qui se sont déjà faits retirés le permis , c’est complètement fou, c’est invivable ».
Elodie est mère isolée avec son enfant de 7 ans, elle perdra son permis pour sa consommation de cannabis. Pour elle, il s’agit d’une « atteinte à sa liberté de circuler » alors qu’elle se sait « dangereuse pour personne ». Elle s’effondre en larmes quand elle évoque ces trajets faits dans la nuit en plein hiver à rester sur le bord de la route avec son petit garçon qui revenait de voir son père et attendant qu’un véhicule les prennent en stop. « Je n’en peux plus, ils disent qu’ils font çà pour ma sécurité mais c’est eux qui me mettent en danger ».
Marine est infirmière, elle est à quelques mois de signer un CDI mais on lui demandera son casier judiciaire avant. Elle a été contrôlée positive au cannabis pour un joint fumé à une soirée avec des amis la veille. L’usage de stupéfiants est inscrite au casier judiciaire, sauf si un juge en a décidé autrement, lui faisant peser le risque de ne pas pouvoir exercer sa profession.
Edith est contrôlée un après midi, elle se doute que cela sera positif pour ce joint fumé le matin, même si il ne fait plus effet depuis longtemps. Mais elle n’imagine pas qu’elle restera sur le bord de la route nationale avec son nourrisson de un an et sa fille de 13 ans revenant de son internat avec ses bagages. Cette artisane, élue municipale, décide d’assumer le fait de fumer depuis longtemps et se défendra sans avocat au tribunal. Le procureur lui assène un « vous êtes une toxicomane », et pointe du doigt le « mauvais exemple qu’elle est pour ses enfants ». Le retrait de permis sonne la fin de la crèche pour son petit qui restera à la maison pendant un an. Elle se désole : « Il est devenu un vrai sauvageon » . Et chaque semaine, elle lutte pour que sa fille n’arrête pas le collège spécialisé en équitation situé à deux heures de route.
Kristell est artisane, la saison démarre quand elle est arrêtée sur le bord de la route. Le véhicule est contrôlé en règle. Le gendarme le plus jeune trépigne « on lui fait ! » , son collègue plus âgé lui demande « Tu es sûr ? » et ajoute « je vois bien que vous êtes clean » . Mais l’impatience du jeune fonctionnaire fera dégainer le test qui sera difficilement positif. « Sous le choc, j’étais entrain de perdre mon permis en pleine saison de boulot » et signera le papier déclarant qu’elle refuse la prise de sang de contrôle, sans le lire. Elle a recours à un prêt pour acheter un camion sans permis, « sinon je ratais la saison ».
Franck est paysan, ses proches l’appellent « SAM » car, c’est lui qui raccompagne les gens après une soirée trop arrosée. Mais il se fait contrôler deux jours après avoir fumé un joint. Retrait de permis et la procédure est enclenchée. Il est excédé » ici on a déjà rien, les services publics foutent le camp, tu as vu un transport collectif toi quelque part ? » . « Je laisse tomber, maintenant j’irai à cheval et tant pis pour les copains qu’il faut raccompagner après une soirée » . Il fera l’objet d’un post sur le compte facebook de la gendarmerie de Florac avec sous la photo de son cheval un texte « Cévenol typique venant chercher son permis ». Il préfère en rire : « Je suis de Marseille et j’ai jamais récupéré mon permis « .
Alex est un grand gaillard touche à tout. Il est autant habitué des chantiers que des tâches ménagères. Ce papa-poule au rire tonitruant perd sa bonne humeur quand il raconte comment il a perdu son permis. Il habite dans une maison isolée avec sa compagne et trois enfants. Il a dû arrêter de fumer, car sans permis c’est le naufrage de toute la famille. « J’ai des douleurs articulaires depuis longtemps, j’en avais assez des antiinflammatoires. Quand je tire les bois dans les vignes, mes doigts deviennent tout gonflés. Les radios ont montré un mélange d’arthrites et d’arthrose. Le cannabis me calmait les douleurs. Depuis que j’ai dû arrêter de fumer j’ai triplé ma consommation d’alcool et j’ai repris l’antiinflammatoire. Leur répression, c’est ni pour la sécurité, ni pour ma santé. Ils m’ont rendu alcoolique. »
Pierre est maçon à la retraite » Je n’ai plus de permis depuis leurs nouveaux tests. Ca fait des dizaines d’années que je fume du cannabis comme on boit un petit verre le soir, ça ne m’a jamais empêché de travailler ou de conduire. C’est devenu une « tolérance moins que 0 vu qu’on nous punit alors qu’on conduit sans être sous l’effet du produit. » Il écrira une lettre au Canard Enchaîné où il explique qu’ « il est révolté pour tous ces gens qui sont encore dans la vie active et qui perdent tout pour un joint fumé la veille » , alors que lui est passé « du statut de retraité paisible à celui de délinquant ».
La répression au-delà de la raison - L’association de réduction des risques ASUD consacrait un journal entier au sujet en Octobre 2017 : « En sanctionnant l’usage et non l’abus, cette loi perd toute crédibilité et sera logiquement rejetée par les personnes concernées, contrairement à celle sur l’alcool qui sanctionne l’abus et non l’usage et qui est globalement bien acceptée, une condition importante de sa réussite…Les autorités ont un moyen de réprimer l’usage de drogues : interdire à ceux qui en usent de conduire, donc de se déplacer librement. Avec des conséquences dramatiques pour certains : perte d’emploi, perte d’autonomie, et pour ceux qui vivent dans des campagnes sans transports en commun, c’est carrément une mesure d’élimination. Impossible d’emmener ses enfants à l’école, d’aller faire ses courses, chez le médecin, de rendre visite à ses amis ou à sa famille, bref, plus aucune vie sociale ou possibilité de subvenir aux besoins les plus essentiels. «
Une enseignante en école primaire témoigne que « les parents s’organisent tant bien que mal mais avec la honte on n’en parle pas. On entend juste que lorsque un gamin fête son anniversaire il y a toujours une copine ou un copain qui dit qu’il ne pourra pas venir parce que il y a un problème de voiture » . Des commerçants voyant leurs villages se vider s’en inquiètent. Des élus font remonter la problématique jusqu’au « grand débat national » en demandant à ce que « l’action de la police contribue à la sécurité de la population et non à sa stigmatisation « et note que « le nombre de contrôles et de permis supprimés est sans rapport avec le nombre d’accidents et démesuré par rapport au nombre d’habitants » .
Un rapport français écrivait « il nous semble que pour être efficace en termes de sécurité routière , le législateur aurait pu prévoir des seuils de dangerosité des drogues légales (benziodazépines notamment ) et illégales en terme de conduite, et exonérer le cannabisme passif, pour peu qu’il donne lieu à des taux se révélant en dessous du seuil de dangerosité prédéfini. En l’absence d’une telle option on ne peut donc imaginer le gain pour la sécurité routière que comme très marginal puisque l’implication des drogues illicites dans les accidents de la route est elle-même très marginale par rapport à l’alcool. « C’est ainsi que l’étude européenne DUIC proposait aux états européens de se baser sur des études scientifiques, sur le modèle de l’alcool, pour établir pour chaque drogue des seuils au-delà desquels conduire un véhicule entraîne un risque avéré de causer un accident. Passé ces seuils, la loi interdirait de conduire.
En Lozère, culture du chiffre contre culture du Droit ?
« On reçoit des tests, on les utilise, et on voit bien que dans votre région çà marche bien. C’est comme à la pêche, quand un pêcheur a un bon coin il y revient » ironise un gendarme alors qu’une mère de famille s’indignait que l’on contrôle juste à l’heure de l’entrée des classes.
« Comme toute infraction, celle concernant l’usage illicite de produits stupéfiants est examinée au cas par cas par les Procureurs de la République chargés des poursuites. C’est ce que l’on appelle le principe de l’opportunité des poursuites. Ce principe permet une intervention souple, adaptée à chaque situation individuelle et aux spécificités locales et explique également la diversité des pratiques pénales selon les tribunaux. « A son arrivée en 2017, le procureur de Lozère promettait : « je serai dans l’écoute attentive et le respect de l’individu”. Cette « intervention souple au cas par cas » qui devrait être celle du parquet ou cette « écoute attentive » que promettait le procureur sont encore espérées sur le terrain : le nombre et la durée des retraits de permis en Lozère semblent particulièrement importants alors que les conséquences sociales y sont bien plus graves qu’en zone urbaine.
« Le problème c’est que il s’agit de jeunes, de gens en âge de travailler ou qui ont des enfants qui sont ainsi contrôlé et ne peuvent plus bouger. Pour des territoire déjà sinistrés comme les nôtres, que l’on a du mal à repeupler, c’est grave, et tout çà sans que je ne vois d’éléments sur une vague d’accidents qui pourraient être dûe au cannabis au volant » se plaint Jean Hannart, maire de Sainte Croix Vallée Française.
Annie Goiset est maire de Molezon. Elle ne comprend pas que l’on ait « une peine avant la peine » et assure que les conséquences du moindre retrait de permis sont « épouvantables en zone très rurale » . Elle dit avoir perçu un fort sentiment d’injustice car dans une zone facile à contrôlée « il n’y qu’une route : on contrôle à un point, on prend tout le monde. Dans une ville , boucler tout un quartier, ils ne pourraient pas. « Cette élue se désespère de voir ces « punitions plus faciles à distribuer qu’ailleurs , aux conséquences plus graves qu’ailleurs ».
La préfète de Lozère Me Christine WILS-MOREL déclarait pourtant comme priorité , lors de sa prise de fonction le 20/11/2017, « celle du développement économique et de l’emploi » car « les équilibres économiques peuvent être fragiles » et « la lutte contre toutes les fractures qu’elles soient sociales, car personne ne mérite d’être laissé au bord du chemin. » Permis retiré, c’est pourtant bien sur le bord des routes que sont laissés des hommes et des femmes de Lozère avec des procédures perçues comme injustes et expéditives pour une efficacité en terme de sécurité routière qui peine à convaincre. Certains fonctionnaires de police doutent : « Ces lois sont injustes « , « On en a marre d’arrêter des gens qui n’ont pas le profil de délinquants » , « on voit bien que vous êtes en état de conduire » , « on fait ce qu’on nous demande, mais bon… » , des petites phrases qui percent comme autant de fausses notes dans le concert de la soumission à la politique du chiffre.
Dans le documentaire « Dans la tête d’un flic « réalisé par F.Chilowicz en 2017, un policier se désespère : « en contrôlant cette personne qui est habillée ou se coiffe comme çà on va trouver quelquechose, un joint ou quelques grammes de shit. C’est un peu police business. Et après on ne comprend plus à quoi on sert , les gens n’ont plus confiance en nous. »
Tout comme la sécurité ou la santé publique , la sécurité routière devient un alibi à la répression des fumeurs de cannabis : la Mission Interministérielle de lutte contre les Drogues précise ainsi qu’ « il convient simplement d’établir si le conducteur a fait usage de produits stupéfiants et non qu’il se trouvait sous l’influence de stupéfiants ». On sanctionne bien l’usage et non l’abus, l’illégalité et non la dangerosité au volant.
Et pourtant des solutions existent. Au Canada par exemple, les fonctionnaires de police effectuent sur le bord de la route un « Test de Sobriété Normalisé ». C’est une démarche simple et rapide en trois étapes : test oculaire, marcher/se retourner et se tenir sur un pied. Avec ce test, le fonctionnaire peut poser le diagnostic de « Conduite à facultés affaiblies » . Les tests salivaires et sanguins viennent dans un second temps objectiver la substance incriminée et la peine prononcée dépend du taux sanguin retrouvé. Cette procédure objective et nuancée en fonction de chaque situation nécessite des fonctionnaires formés à la subtilité et au dialogue avec les citoyens, source de respect mutuel.
Mais en France, en préférant la politique du chiffre à la raison, c’est la confiance en l’état de droit qui vacille.
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Charles Hambourg