EN BOLIVIE, UNE BOISSON DEFIE LES ETATS-UNIS
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Invité, dans Insolite, vidéo, musique,
Le stand de vente de Coca Colla de Victor Ledezma dans une rue de La Paz.
RFI / Reza Nourmamode
Avec son petit stand mobile en plastique et quelques packs de bouteilles, Victor Ledezma arpente les marchés du pays avec la foi d’un prêcheur évangéliste. Sa bonne parole, c’est une boisson à bulles vendue à un euro le demi-litre. « Tout le monde dit que la feuille de coca, c’est du poison, déclame le producteur de Coca Colla. En réalité, c’est une feuille sacrée ». La plante de coca, également utilisée pour la fabrication de cocaïne, est à la base de sa recette : « Ma boisson est fabriquée à partir de coca, explique-t-il. Il y a aussi des agents de saveur et un peu de caféine. Ce n’est pas une boisson gazeuse normale, c’est une boisson énergisante et qui coupe la faim, comme la feuille de coca » !
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Le Coca Colla (prononcer « Colia ») doit donc son nom à sa composition à base de feuilles de coca, mais également à un jeu de mots faisant référence à la célèbre boisson américaine et aux Indiens Aymaras et Quechuas des hauts-plateaux boliviens communément dénommés Collas.
Jouant à la fois sur une fibre traditionnaliste et ethnique, ce nouveau breuvage national semble séduire les consommateurs boliviens. « C’est bien d’avoir un produit qui porte notre nom, ça me rend fière » sourit Emiliana, une vendeuse de légumes. « Ça vaut la peine de consommer un produit de qualité et qui soit bolivien, renchérit Juan Pablo. Maintenant, ce dont on a besoin, ce sont des moyens économiques pour pouvoir l’exporter ».
Arroser le monde entier
Victor Ledezma espère justement à moyen terme pouvoir exporter sa boisson à l’étranger : « Je veux arroser le monde entier » assure-t-il. Avec à peine 2 000 bouteilles produites par jour au moment du lancement, en attendant l’inauguration d’une autre unité pouvant produire quotidiennement 8 000 bouteilles de plus, sa production ressemble pourtant plus à de l’artisanat qu’à une multinationale.
Le principal obstacle à une hypothétique conquête de la planète par Coca Colla réside cependant dans l’opprobre international qui frappe la feuille de coca, toujours inscrite sur la liste des substances interdites par les Nations unies qui date de 1961. Une interdiction qui indigne le gouvernement de l’ancien producteur de coca Evo Morales. Pour dénoncer ce qu’il considère comme une injustice, le président bolivien avait même mâché une feuille de coca devant les ministres des 53 pays membres de la Commission des stupéfiants de l’ONU réunis à Vienne en mars 2009.
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Le gouvernement bolivien a également dénoncé par le passé l’hypocrisie internationale en affirmant que la multinationale américaine Coca Cola continuait d’utiliser des feuilles de coca pour produire sa boisson phare contrairement aux déclarations officielles de la firme siégeant à Atlanta. La Bolivie estime donc être en droit d’industrialiser la plante de coca. Au-delà de la boisson gazeuse, plusieurs autres projets sont en cours dans les domaines pharmaceutique et de l’alimentation. Ainsi, une pâte dentifrice et une bière à la coca devraient prochainement voir le jour dans le pays andin.
Réhabiliter la feuille de coca
Pour mener à bien l’entreprise de réhabilitation de la feuille de coca, Evo Morales a même créé un vice-ministère de la Coca, chargé notamment de promouvoir des projets de commercialisation de produits élaborés à partir de la feuille sacrée des Incas. Membre de ce vice-ministère et auteur d’un ouvrage intitulé « La dette historique envers la feuille de coca », Gabriel Carranza explique : « Nous sommes évidemment conscients du drame de la cocaïne, mais la feuille de coca possède également de nombreux éléments très bénéfiques pour la santé. Nous allons continuer à lutter pour faire sortir la coca de cette liste de stupéfiants ».
Les paysans boliviens ont légalement le droit de cultiver 12 000 hectares de plantations de coca. Une production destinée à la consommation traditionnelle des Indiens qui mâchent les feuilles de coca pour combattre le froid, la fatigue ou encore la faim. Evo Morales a prévu d’augmenter de 12 à 20 000 le nombre d’hectares autorisés et d’utiliser l’excédent dans son programme d’industrialisation de la feuille de coca.
Selon le dernier rapport en date de l’ONU, il y aurait actuellement en Bolivie plus de 30 000 hectares de coca et une production de cocaïne en hausse.
Par Reza Nourmamode
Source : RFI