Lutte contre le trafic de cannabis : faut-il plus de sanctions ou une légalisation ?
REPLAY - Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran et Bruno Beschizza, maire d'Aulnay-sous-Bois et secrétaire national de l'UMP à la Sécurité, ont commenté le trafic de drogue qui exaspère les habitants de Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.
La page de l'émission : Le débat de RTL Midi
Lutte contre le trafic de cannabis : faut-il plus de sanctions ou une légalisation ? Crédit Image : Elodie Grégoire
Les habitants de Saint-Ouen ont exprimé leur ras-le-bol dimanche face à la recrudescence des dealers dans la ville. Plus de 200 personnes ont manifesté dans les rues de la petite commune de Seine-Saint-Denis, considérée comme le "supermarché de la drogue" par ses riverains.
Face à cette situation, le ministre de l'Intérieur a assuré ce lundi matin lors de son interview sur RTL que des mesures puissantes vont être prises contre ceux qui organisent le trafic de drogue et ceux qui s'approvisionnent à Saint-Ouen.
Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran, appelle depuis plusieurs années l'État à prendre des mesures radicales pour lutter contre le trafic de cannabis. À la tête d'une petite ville exposée au même phénomène d'amplification de la circulation illégale de la substance, il réclame une légalisation de la consommation du produit. Cette solution étonnante est le meilleur moyen pour casser le trafic et enlever toute raison d'être aux dealers, selon lui.
Cette vente de cannabis légalisée et encadrée pour les adultes, pourrait être gérée par l'État.
Bruno Beschizza, quant à lui, est vent debout contre cette légalisation du cannabis. Le secrétaire national de l'UMP à la Sécurité pense qu'une telle mesure n'est pas la solution pour lutter contre la toxicomanie.
L'État-dealer serait donc la solution face à des produits qui ne sont pas neutres pour nos enfants ?
Le maire d'Aulnay-sous-Bois estime également que cette initiative ne va aucunement arrêter les dealers. Ces derniers étant de véritables businessmen, ils lanceront sur le marché d'autres produits à des taux plus élevés en THC pour recréer de nouvelles addictions vis-à-vis des jeunes.
Lancement d’une vaste recherche sur le cannabis thérapeutique
Le premier registre d’utilisateurs de cannabis thérapeutique au Canada a été lancé lundi à Montréal.
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Les patients demandant une prescription d’un médecin, obligatoire depuis avril 2014 pour obtenir légalement de la marijuana thérapeutique, devront désormais s’inscrire à ce protocole de recherche. L’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et le Consortium canadien pour l’investigation des cannabinoïdes, en collaboration avec le Collège des médecins, travaillaient à sa mise en place depuis un an et demi.
«On veut évaluer la sécurité du cannabis pour les usagers à long terme, parce que pour l’instant on n’a pas de bonnes données sur ses effets secondaires. On veut aussi évaluer ses effets positifs et son efficacité», a expliqué le Dr Mark Ware, directeur de la recherche clinique à l’unité de gestion de la douleur du CUSM. Le projet a une durée prévue de 10 ans.
Adam Greenblatt, directeur de la clinique Santé Cannabis, s’est réjoui de la mise en place du registre. «Depuis que la marijuana à des fins thérapeutiques est légalisée, soit une quinzaine d’années, on n’avait jamais fait un suivi concret des patients, a-t-il relaté. Avec le registre, le Québec et le Canada se positionnent comme leaders globaux dans la recherche sur la marijuana médicale.»
La clinique Santé Cannabis a d’ailleurs le vent dans les voiles depuis son ouverture en novembre dernier. Elle est passée d’une centaine de patients à plus de 400 et emploie sept médecins. Les patients souffrent généralement de douleurs chroniques.
Pr Raphael Mechoulam : le cannabis traitera bientôt le diabète
Là où des recherches scientifiques menées un siècle plus tôt avaient abouti à l’isolation des substances actives de la cocaïne et de l’opium, celles du cannabis demeuraient inconnues. En 1940, le Professeur Roger Adams de l’Université de l’Illinois isole le cannabidiol (CBD) de la plante de cannabis. Mais c’est seulement en 1962 que sont identifiées sa structure chimique et son mode opératoire par le Professeur Raphael Mechoulam jadis installé à l’Institut Weizmann.
Après avoir consacré plus de 50 ans de sa vie à l’étude de la structure et des effets du cannabis et à la synthèse de ses composés, le Pr Mechoulam est considéré comme le père de la recherche sur le cannabis et dirige toujours les présentes études depuis l’Université Hébraïque de Jérusalem. Ces dernières portent sur la synthèse du CBD, un composé chimique du cannabis, et sur son utilisation potentielle à des fins de traitement du diabète, de la douleur, de l’inflammation, de la tension artérielle, et des maladies cardio-vasculaires.
Selon les recherches initiales du Pr Mechoulam, le corps humain dispose d’un système endocannabinoïde qui réagit à l’absorption des cannabinoïdes. Les cannabinoïdes sont un groupe de substances chimiques qui contient notamment le CBD. Les premières découvertes du Pr Mechoulam témoignent de la présence de récepteurs spécifiques solidaires du CBD : l’absorption du CBD active ces récepteurs présents dans les diverses parties du cerveau qui contrôlent le mouvement, le stress, et les fonctions cognitives, soit toutes les sections qui réagissent à la prise de cannabis dans un cadre récréatif.
Constituant majeur du cannabis, le CBD, contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), un autre composé majeur de la plante, n’est pas psychoactif et n’a donc aucun impact sur le système nerveux. Jusqu’ici, il était reconnu pour ses vertus anti-stress, anti-inflammatoires, anti-nausée et comme traitement potentiel contre la psychose et les troubles du mouvement comme les convulsions ou l’épilepsie. Il est également à l’essai sur des souris pour évaluer son efficacité contre la croissance des cellules cancéreuses.
Pr Mechoulam et son équipe travaillent depuis plusieurs années sur les effets du CBD sur le diabète et la douleur chronique. Avant les tests cliniques, ils ont procédé à des études sur des souris élevées de façon à développer du diabète de type 1. Ce type de diabète se caractérise par un excès de sucre dans le sang dû à l’incapacité du glucose à entrer dans les cellules et, par conséquent, à son retour dans le sang. En partant du principe que le diabète se manifeste vers l’âge de 14 semaines chez les souris, du CBD leur a été administré pendant les 6 à 7 premières semaines de leur vie. Examinées 6 à 7 semaines plus tard, seulement 30% des souris avaient développé du diabète, contre le triple pour celles qui avaient reçu des placebos.
Par la suite, un autre groupe de souris a été traité à partir de 14 semaines, soit lorsque la diabète se manifeste. Examinées 10 semaines plus tard, seulement 30% d’entre elles se sont révélées souffrant de diabète. Au-delà de prévenir, le CBD empêche donc également le développement du diabète, ce qui laissait déjà présager de l’avenir de la substance.
Récemment, ISA Scientific, dont la mission consiste à améliorer l’état de santé général en fournissant des traitements à base de produits non psychoactifs issus de la plante de cannabis, a conclu un accord d’exclusivité mondiale avec les sociétés de transfert de technologie du centre médical Hadassah à Jérusalem et de l’Université Hébraïque de Jérusalem où le Pr Mechoulam dirige les recherches, ainsi qu’avec l’Institut Kennedy de Rumatologie (KIR) à Londres pour la collaboration avec ces divers acteurs et pour se voir confier l’autorisation d’introduire de nouvelles thérapies à base de CBD.
En dehors du cerveau, les récepteurs qui réagissent aux cannabinoïdes seraient présents dans d’autres parties du corps, comme l’ont prouvé les dernières recherches du Pr Mechoulam et de son équipe. L’action du CBD pourrait être plus importante que ce qui était autrefois envisagé. En synthétisant tout un groupe de substances chimiques issues de la marijuana, le Pr Mechoulam a montré qu’il était possible d’adapter chaque cannabinoïde en fonction du récepteur afin que le système soit plus réceptif à l’absorption du produit à base de cannabinoïde.
Le chercheur Chaim Lotan du centre médical Hadassah et son équipe ont pour leur part testé le CBD sur des rats ayant fait des infarctus dus à un échec de l’approvisionnement sanguin dans certains tissus. Les rats ayant reçu une dose de CBD ont nettement moins souffert d’infarctus par rapport à ceux qui n’en avaient pas reçu.
Ces résultats sont favorables à la théorie d’une vertu anti-inflammatoire du CBD. Outre ses effets prouvés sur le système cardiaque, le CBD pourrait aussi bénéficier à d’autres organes du fait de la densité des récepteurs observée.
Mais les cannabinoïdes ont une amplitude d’action limitée : en-deçà comme au-delà d’une certaine dose, ils ne font pas effet. Réalisés par des médecins sur des patients volontaires, les essais cliniques requièrent une autorisation des autorités de santé et servent à déterminer l’efficacité du médicament sur les hommes et d’en déduire les doses requises.
La phase I des essais cliniques du CBD comme traitement potentiel contre le diabète et les maladies inflammatoires et cardiovasculaires est en cours en Israël où ISA Scientific dispose d’un centre de recherche et de développement. La phase I est la phase d’évaluation de la sécurité du médicament. Elle permet de mesurer le degré de tolérance et la toxicité du médicament chez l’homme : après avoir été testé en doses variables sur des animaux, les chercheurs ont pu déterminer la dose tolérable par l’homme en convertissant la dose sans effet toxique observable chez les animaux pour l’appliquer aux humains. A ce stade, le médicament est donc testé sur un petit groupe de volontaires et contrôlé par des médecins qui veillent sur son évolution dans l’organisme des patients.
La phase II des tests cliniques du CBD est en cours de négociation et pourrait donc bientôt commencer. Elle correspond à la vérification de l’utilité et de l’usage du médicament : dans un premier temps, elle permet de mesurer l’efficacité du médicament, et dans un second temps, d’évaluer le rapport dosage-effets sur le patient pour en déduire la dose optimale. Les tests sont menés sur un groupe de patients plus important qu’en phase I.
ISA Scientific estime le nombre de personnes souffrant de douleur chronique dans le monde à 349 millions, et celles qui seraient atteintes de diabète à 371 millions. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prévoit une hausse importante de la prévalence du diabète dans le monde d’ici à 2030 où elle pourrait devenir la 7ème cause de mortalité selon leurs estimations.
La production mondiale de chanvre est de 30 000 tonnes par an. Avec ses 23 000 tonnes de chanvre industriel produites par an, la Chine est de loin le plus gros producteur mondial, et par conséquent un fournisseur potentiel d’envergure. La France est le leader européen avec une production annuelle de plus de 4000 tonnes. A terme, elle pourrait donc jouer un rôle important dans l’apprivisionnement en cannabis à destination de l’industrie pharmaceutique.
CONFIDENCES - L'acteur Morgan Freeman est un consommateur régulier de cannabis. Une plante qui, selon lui, soulage ses douleurs.
Acteur de talent, oscarisé en 2004 pour Million Dollar Baby, Morgan Freeman est un homme discret, qui étale peu ou pas sa vie privée dans les médias. Dans une interview accordée au site américain Daily Beast, la star âgée 77 ans, évoque sa consommation régulière de cannabis. Et ce pourquoi il milite pour sa légalisation.
Après un accident de voiture, en 2009, l'acteur s'est retrouvé avec le bras gauche brisé. Des années après, il n'a pas retrouvé l'usage complet de son bras gauche et les douleurs persistent.
"La seule chose qui me soulage, c'est la marijuana"
Sur les conseils de sa femme, il a essayé la marijuana et depuis, il en fait un usage quotidien. "Comment je le consomme ? Peu importe. Je le mange, je le bois, je le fume, je le sniffe...", explique-t-il au Daily Beast. "J'ai des douleurs dues à une fibromyalgie dans ce bras et la seule chose qui me soulage, c'est la marijuana", précise-t-il.
Il y a quelques années, l'acteur avait déclaré au Guardian qu'il n'avait aucune intention d'arrêter de fumer du cannabis. "la Ganja est l'herbe de Dieu", avait-il lancé avant d'expliquer qu'il puisait également son énergie et son envie de continuer son métier d'acteur dans la marijuana.
Plusieurs centaines de manifestants étaient présents samedi à Paris pour demander la légalisation du cannabis, mettant en avant ses vertus thérapeutiques et jugeant "liberticide" la loi actuelle.
Plusieurs centaines de manifestants en faveur de la légalisation du cannabis ont manifesté samedi à Paris à l'occasion de la Marche mondiale du cannabis annuelle. Les personnes participant au cortège étaient plutôt jeunes et certains d'entre eux ont défilé un joint à la bouche pour réclamer la dépénalisation de cette substance illicite.
Alors que la consommation de cannabis est interdite en France depuis 1970 et est passible d'un an de prison et 3750 euros d'amende, les manifestants ont dénoncé une loi "liberticide" et ont appelé à une "autre politique des drogues".
Lire, ici, l'interview du psychiatre Xavier Pommereau parue dans le JDD
Parmi les revendications récurrentes, la dépénalisation de la consommation, de la possession et de l'auto-production de cannabis pour usage personnel, mais aussi la défense du cannabis à usage thérapeutique.
En France, le cannabis est prohibé depuis 1970, avec au maximum un an de prison et 3.750 euros d'amende. Dans la pratique, si l'emprisonnement pour usage est exceptionnel, les amendes perdurent, "une pression" qui pèse sur les usagers, souligne Farid Ghéhiouèche, fondateur de Cannabis sans frontières.
Légaliser pour "moins de trafic [...] et peut-être moins de criminalité"
Certains ont avancé l'argument de la légalisation pour un meilleur contrôle qui permettrait d'avoir "moins de trafic, de meilleurs produits et peut-être moins de criminalité", d'autres ont souligné les vertus thérapeutiques du cannabis, utilisé comme traitement dans d'autres pays.
Présente à la marche, la sénatrice écologiste Esther Benbassa a réclamé "une législation sur un problème de santé publique". Sa proposition de loi visant à autoriser l'usage et la vente de cannabis sous le contrôle de l’État, tout en interdisant sa publicité et la vente aux mineurs, a été rejetée en avril.
Réclamant des "politiques de prévention plus impactantes vis-à-vis des jeunes", via des "outils pédagogiques qui percutent" sur les effets du cannabis et les pratiques réduisant les risques, M. Ghéhiouèche défend "une consommation responsable et maîtrisée".
"La question de la légalisation, à moyen terme, redevient raisonnablement envisageable en France", estime Fabrice Olivet, de l'association de consommateurs Asud, mais "les socialistes ne seront jamais ceux qui vont permettre cette réforme, par peur d'être taxés de laxisme".
François Hollande et Manuel Valls, qui avait reconnu en janvier 2014 avoir "peut-être fumé une fois" du cannabis, se sont toujours prononcés pour son interdiction.
Etats-Unis : La fin des poursuites fédérales envers les etats où le cannabis est légal devrait prendre fin prochainement
Si un Etat Américain adopte une loi jugeant que le cannabis est une substance légale, le gouvernement fédéral ne devrait avoir aucune autorité sur la poursuite des individus pour des crimes liés à la substance. Ceci est le cri de guerre d'une pièce récente de la législation, qui a balayé Capitol Hill cette semaine sur les ailes des deux partis, visant à bloquer l'Oncle Sam de déchaîner les chiens de la guerre anti drogues contre des États qui ont légalisé le cannabis à des fins médicinales ou récréatives.
Le projet de loi intitulé «Respect State Marijuana Laws Act of 2015» a été introduite au Congrès plus tôt cette semaine par le représentant Dana Rohrabacher de Californie. Il vise à fournir une immunité contre les poursuites fédérales pour les particuliers et les entreprises respectueuses des lois sur le cannabis de l'Etat ou ils sont implantés.
Contrairement à la Loi CARERS , qui est une tentative de légaliser le cannabis médical à l'échelle nationale, la dernière proposition de Rohrabacher serait la même protection du secteur médical de l'industrie du cannabis au niveau récréatif, ce qui permettrait aux États la possibilité de légaliser le cannabis sans avoir a se préoccuper de la violation les lois fédérales.
"Le peuple américain, à travers les 35 Etats qui ont libéralisés les lois interdisant soit le cannabis médical, récréatifs ou les huiles issu de celle-ci, ou tout types de cannabinoïdes, ont clairement fait savoir que les exécuteurs fédéraux devraient rester en dehors de leur vie personnelle," Rohrabacher a déclaré dans un communiqué . "Il est temps de retenir le guerriers agressifs anti cannabis du gouvernement fédéral ".
Bien que l'administration Obama a fourni l'industrie du cannabis avec une illusion de liberté qui a dupé les Etats qui ont légalisés en pensant qu'ils peuvent fonctionner dans les affaires cannabiques sans être jeté en prison, il n'y a pas de lois qui font de cette promesse une immunité envers le gouvernement fédéral .
Les experts en politiques publiques sont excités à propos de l'émergence de ce projet de loi, car ils estiment que cela pourrait être un tournant majeur dans la réforme du cannabis à l'échelle nationale.
"Contrairement à d'autres projets de loi qui ne traitent que de certains aspects du conflit entre l'État et les lois sur le cannabis au fédéral», explique Dan Riffle, avec le Marijuana Policy Project, "ce projet de loi résout le problème entièrement en laissant les Etats déterminer leurs propres politiques.
Le cannabis, ou l’émergence d’un produit devenu normal
Depuis quelques années, le débat sur la consommation et la légalisation du cannabis ne cesse de revenir dans la presse à chaque fois qu’un Etat le légalise ou que les statistiques policières font leur apparition. Et pour cause, le sujet est assez sensible, avec d’un côté les partisans de la légalisation ou de la dépénalisation et de l’autre les tenants d’une politique plus répressive contre les stupéfiants.
Cette situation est inédite, car il est rare qu’un produit classé comme illégal suscite autant d’émotion et de passion dans le débat, appuyé à grand coup de chiffres, de comparaisons internationales et parfois de réflexions sur une potentielle légalisation.
Et malgré la tentative des gouvernements successifs à lutter contre le cannabis, le constat est plutôt sévère : la consommation ne fléchit pas, le trafic s’adapte et le produit lui-même devient made in France.
Une hausse de la consommation globale
Crédit photo: Wikimedia – JonRichfield
Depuis les années 2000, les politiques de répression contre le cannabis ont permis de réduire partiellement sa consommation. Avec un record atteint en 2002, où plus de la moitié des jeunes de 17 ans avaient notamment testé au moins une fois dans leur vie le cannabis pour tomber en 2011 à 41,5%.
Mais depuis 2011, les chiffres repartent à la hausse, passant à 47,8% de jeunes de 17 ans ayant expérimenté le cannabis d’après l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Un signe que la lutte semble avoir atteint ses limites dans cette tranche d’âge.
Si la lutte contre le cannabis fut plutôt positive pour cette seule catégorie, la consommation globale depuis les années 1990 n’a cependant jamais baissée, bien au contraire. En 1992, seuls 4% d’usagers sont recensés parmi les 18-64 ans. En l’espace de 20 ans, ce chiffre a presque triplé, passant à 11% d’usagers.
Au-delà des seuls usagers, la consommation occasionnelle ou l’expérimentation chez les 15-64 ans grimpe à 32,1%, plaçant la France au deuxième rang des pays consommateurs de cannabis en Europe, derrière les Danois. Ce qui représente au total environs 17 millions de personnes concernées en France, dont 4,6 millions en auraient consommé dans l’année et 1,2 millions seraient des consommateurs réguliers.
L’implantation d’un cannabis made in France
La consommation ne cessant de s’accroître au fil des années, le marché du cannabis s’adapte en conséquence. Et le constat est pour le moins surprenant : les usagers recherchent la « qualité » et la production devient locale.
Concernant la « qualité », le constat émane de l’Institut national de la police scientifique, qui observe une hausse notable du taux de THC (tétrahydrocannabinol). Pour la résine, le taux moyen serait passé de 7 à 17%.
Pour l’herbe de 8 à 12,5%. Une tendance qui reflète la recherche de produits considérés comme de meilleure qualité.
L’autre tendance majeure est l’implantation de la production en France. Et deux signes particuliers illustrent cette situation. D’une part, d’après l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), la saisie en France de plants de cannabis ne cesse d’atteindre de nouveaux records. En 20 ans, les saisies sont passées de 55 000 pieds en 2010 à 141 000 en 2013.
D’autre part, cette implantation réside dans le développement d’un genre particulier de commerce légal, en marge de la production de cannabis : les growshops. Ces magasins, spécialisés dans « l’horticulture d’intérieur », vendent du matériel expressément destiné à la production de cannabis : lampes, systèmes de ventilation, bacs de culture, engrais, etc. Tout y est ! En France, le site Growmaps.com ne recense pas moins de 400 établissements en 2014.
Un marché bien implanté et qui est arrivé à maturité
Crédit photo: Flickr – Rafael Castillo
Si une leçon doit être tirée de ces différents chiffres, c’est bien celle-ci : le marché du cannabis en France s’est très fortement implanté en l’espace de 20 ans et a fini par devenir pérenne.
Outre le nombre de consommateurs occasionnels ou réguliers, le signe d’une consommation de cannabis contenant davantage de THC, que ce soit de l’herbe ou de la résine, indique que le marché est devenu mature selon l’OFDT. Il y en a désormais pour tous les goûts avec une offre qui s’est diversifiée, allant de ceux recherchant des produits plus puissants aux personnes cherchant seulement à expérimenter en douceur.
Cette maturité se conjugue à des pratiques nouvelles, telles que les cannabiculteurs dits sociaux, dont la production sert essentiellement soit à fournir les amis et les proches, soit à mutualiser les dépenses et partager sa production au sein d’un discret cannabis social-club. Preuve d’un véritable engouement pour la culture et la consommation du cannabis chez un nombre croissant d’individus, selon David Weinberger (Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice).
Enfin, cette implantation locale s’avère en opposition avec d’anciennes habitudes. Par le passé, la seule solution était de solliciter un dealer qui appartenait à un réseau qui importe le cannabis de pays de l’étranger.
Mais avec l’apparition de productions locales, les habitudes changent : la volonté de s’adresser à des personnes de confiance ou le refus de financer des réseaux criminels devient un des critères majeurs des consommateurs, ce qui provoque une perte des parts de marché autrefois monopolisés par les trafiquants.
Le cannabis s’étant implanté durablement dans notre société, la question sur une éventuelle légalisation en conséquence ne manque donc pas de pertinence : selon un sondage réalisé en 2011, 71 % des Français s’y disaient favorables, sous certaines conditions.
L'Organisation des Nations Unies s'est vue demander de changer les lois internationales sur les drogues
Alors que les Nations Unies se préparent pour la première fois en près de deux décennies à examiner la caducité du droit international des stupéfiants, les partisans du monde entier ont uni leurs forces dans une tentative de convaincre la gouvernance mondiale afin de réformer les politiques qui lient les nations individuelles à une norme d'interdiction.
Cette légion furieuse de militants, qui se compose de plus de 100 organisations influentes, a présenté une déclaration mardi exigeant que les dirigeants mondiaux permettent aux gouvernements d'apporter des modifications aux lois sur les drogues de leur pays sans répercussion.
"Les États-Unis et les politiques de contrôle des drogues mondiales qui mettent fortement l'accent sur la criminalisation de l'usage des drogues, la possession, la production et la distribution sont incompatibles avec les normes internationales des droits de l'homme et ont contribué à des violations graves des droits de l'homme existants," dit la lettre soutenue par des groupes allant de American Civil Liberties Union à Law Enforcement Against Prohibition. «La criminalisation de l'usage des drogues et la possession personnelle pour un usage personnel porte atteinte au droit à la vie privée et principes de base de l'autonomie sur laquelle reposent nos autres droits."
La lettre, rédigée par les utlisateurs de StoptheDrugWar.org, intervient alors que l'Organisation des Nations Unies doit se rassembler à New York pour son "Débat thématique à haut niveau sur le problème mondial de la drogue", qui servira à une analyse préliminaire des politiques mondial sur la drogue, sera entendue avant la Session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU sur les drogues (UNGASS) en 2016. Il y a des spéculations sur le fait que davantage de nations, y compris les États-Unis, ne seraient plus obligés de réorganiser des lois archaïques sur la drogue si les puissances internationales était prêt à arrondir les angles entre elle pour non-respect de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961.
La croyance parmi les avocats est que le courant actuel qui incarcère et tue les philosophies a transformé la guerre mondiale contre la drogue en une paire de chaussures de clown détrempées qui doit être remplacé par des principes qui peuvent commencer à réparer un système dans un état de stress post-apocalyptique.
"Le consensus de façade qui pendant si longtemps a soutenu la vaine guerre mondiale contre la drogue a échoué et isolé de l'examen critique est maintenant brisé," a déclaré dans un communiqué Ethan Nadelmann, directeur exécutif de la Drug Policy Alliance. "La scène est prête pour un nouveau paradigme mondial de contrôle des drogues pour le 21e siècle mieux ancré dans la science, la santé et les droits humains."
Cette alliance mondiale appelle les Nations Unies à créer un comité spécial pour disséquer les lois internationales sur les drogues dans le but de recommander des options de réforme pour UNGLASS avant l'assemblée d'Avril prochain.
Tel quel, les États-Unis et l'Uruguay repoussent les limites des lois énoncées dans la Convention unique en permettant la légalisation de la marijuana récréative. En Mars, l'International Narcotics Control Board, qui gère les conventions sur les drogues de l'ONU, est même allé jusqu'à annoncer qu'ils surveillaient de près les efforts de légalisation dans les deux pays en raison du fait que certaines de leurs politiques sont «incompatibles» avec le droit international. Les politiques permettent la production et l'utilisation de la marijuana à des fins médicinales, mais interdisent qu'elle soit utilisée comme un enivrant sociale.
Essentiellement, la proposition suggère que les traités des Nations Unies devraient donner aux gouvernements la possibilité de réformer leurs lois sur les drogues sans commettre de violation des conventions de l'ONU.
"En cas de conflit insoluble, les principes des droits de l'homme, qui se trouvent au cœur de la Charte des Nations Unies, devraient avoir la priorité sur les dispositions des conventions de la drogue", dit la lettre. "Pouvant accueillir ... des expériences ... avec la légalisation et la réglementation des substances placées sous contrôle international pourront exiger que les conventions sur les drogues de l'ONU soient interprétées à la lumière des droits humains internationaux des pays et d'autres obligations."
Alors que la légalisation de la marijuana est au centre du débat international sur la réforme de la drogue, la violence croissante portée par le commerce illégal de la drogue est un problème que l'organisme entend également aborder. Un certain nombre d'organisations, y compris The Drug Policy Alliance ainsi que Harm Reduction Educators de New York, se réuniront sur les marches de l'ONU afin de protester contre la récente exécution de huit trafiquants de drogue en Indonésie, appelant à la fin des politiques qui continuent de permettre à 30 pays d'exécuter des milliers de personnes chaque année pour des infractions liées à la drogue.
"Les récentes exécutions en Indonésie de personnes accusées de crimes de drogue non violents sont odieuses," a déclaré dans un communiqué Mike Selick, politique et participant coordonnateur de l'action à Harm Reduction Educators de New York. "Comme l'Organisation des Nations Unies est titulaire d'un débat thématique de haut niveau sur les drogues, nous sommes unis avec les organisations du monde entier afin d'exiger des mesures pour mettre fin à l'utilisation de la peine de mort pour des infractions au drogue non violents."
Ce samedi à Paris
Une marche pour dépénaliser le cannabis
Après des rassemblements le week-end dernier dans plusieurs villes de France (Marseille, Toulouse, Lyon, Bayonne, Poitiers) et à l'étranger, une nouvelle marche est programmée samedi entre Bastille et République, à l'appel d'associations d'usagers.
AFP. (Photo LyonMag)
(AFP) - Ils défileront samedi au coeur de Paris, peut-être en fumant un joint: comme chaque année, les partisans d'une dépénalisation de l'usage de cannabis, voire d'une légalisation, se rassembleront pour la Marche mondiale du cannabis dans l'espoir d'une nouvelle politique des drogues.
Après des rassemblements le week-end dernier dans plusieurs villes de France (Marseille, Toulouse, Lyon, Bayonne, Poitiers) et à l'étranger, une nouvelle marche est programmée samedi entre Bastille et République, à l'appel d'associations d'usagers.
Parmi les revendications récurrentes, la dépénalisation de la consommation, de la possession et de l'auto-production de cannabis pour usage personnel, mais aussi la défense du cannabis à usage thérapeutique, explique Farid Ghéhiouèche, fondateur de Cannabis sans frontières.
En France, le cannabis est prohibé depuis 1970, avec au maximum un an de prison et 3.750 euros d'amende. Dans la pratique, si l'emprisonnement pour usage est exceptionnel, les amendes perdurent, "une pression" qui pèse sur les usagers, souligne M. Ghéhiouèche.
Défendant l'idée d'une "filière éthique et solidaire pour encadrer la production et la distribution", il prône le développement des Cannabis Social Clubs, ces groupements de personnes qui en produisent pour leur consommation personnelle, légalisés en Uruguay par exemple. En France, des tentatives pour officialiser ces clubs ont été interdites par la justice en 2013.
Il regrette que le Sénat ait rejeté, en avril, une proposition de loi de la sénatrice écologiste Esther Benbassa visant à autoriser l'usage et la vente contrôlée par l'Etat tout en interdisant la publicité et la vente aux mineurs.
"Il faut que les politiques bougent, il y a urgence", dit M. Ghéhiouèche, évoquant des questions de sécurité liées aux trafics de drogues et des problèmes de santé publique, liées à la forte proportion de jeunes consommateurs de cannabis en France.
Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, sa consommation est repartie à la hausse chez les jeunes de 17 ans: près d'un sur deux l'a déjà expérimenté en 2014 et près d'un sur dix en fume régulièrement.
Modèle du Colorado
Une hausse à mettre en parallèle avec le net développement de la production locale d'herbe, qui vient concurrencer la résine marocaine. Des produits rendus encore plus attractifs par l'augmentation des taux de THC, le principe actif du cannabis, mettent en garde les professionnels de santé.
Réclamant des "politiques de prévention plus impactantes vis-à-vis des jeunes", via des "outils pédagogiques qui percutent" sur les effets du cannabis et les pratiques réduisant les risques, M. Ghéhiouèche défend "une consommation responsable et maîtrisée".
A la faveur de la légalisation de la consommation dans plusieurs Etats américains (Colorado, New-York), "on espère que cela pourra faire changer les choses. Si le pays à l'origine de la +guerre à la drogue+ bouge, cela montre que la prohibition a fait son temps", estime Jean-Pierre Galland, du Collectif d'information et de recherche cannabique, qui organise en juin son traditionnel "appel du 18 joint".
Avec un recul d'un an sur l'expérience du Colorado, "tout porte à croire que ce modèle fonctionne, avec une baisse de la criminalité globale, des conséquences positives sur la santé et une manne financière pour l'Etat, réinvestie dans les programmes de prévention", note Géraldine Guilpain, présidente des Jeunes radicaux de gauche, qui participera au rassemblement, même si elle n'est pas pour la "dépénalisation".
"La question de la légalisation, à moyen terme, redevient raisonnablement envisageable en France", estime Fabrice Olivet, de l'association de consommateurs Asud, mais "les socialistes ne seront jamais ceux qui vont permettre cette réforme, par peur d'être taxés de laxistes".
François Hollande et Manuel Valls, qui avait reconnu en janvier 2014 avoir "peut-être fumé une fois" du cannabis, se sont toujours prononcés pour son interdiction.