Jeff, souffre de névralgie. Le seul traitement qui le soulage : le Bedrocan, une variété de cannabis thérapeutique interdite en France. Après s’être fait arrêté par les douanes, Jeff a décidé de partir vivre aux Pays-Bas quelques semaines « comme un clochard » dans sa voiture le temps de se soulager. Prenez le temps de découvrir son histoire et à travers elle, une certaine hypocrisie de la France contre laquelle il se bat pour avoir le droit d’être en bonne santé.
Il était une fois un Homme
Gérald « Jeff » Martinez (43 ans), chauffeur routier de profession et « par passion » souffre de névralgie depuis 2001. Décharges électriques, sensations de coup de pied dans les testicules, crampes musculaires, fourmis, douleurs insupportables ou encore crampes musculaires… 14 ans d’enfer jusqu’à ce qu’il découvre en avril dernier le Bedrocan : une variété de cannabis thérapeutique prescrite par son médecin français, mais interdite à la vente sur le territoire.
Après plus d’une décennie de traitements lourds, invalidants et selon lui inefficaces, cette nouvelle alternative thérapeutique est inespérée. Alors, Jeff utilise les quelques forces qui lui reste pour prendre la route de Maasbracht, un village à 35 kilomètres de Maastricht où une pharmacie pourra lui délivrer du Bedrocan sur ordonnance. Vendu sous forme d’herbe, ce cannabis a la particularité d’être « stabilisé » et non enivrant. Sauf qu’après 5 mois où Jeff a repris goût à la vie et a pu enfin (re)partager des moments forts avec ses enfants, les douanes l’arrêtent lors de son dernier aller-retour en Hollande. Son médicament miracle lui est alors confisqué, mais aucune poursuite à son encontre ne sera engagée. C’était fin août… Depuis, Jeff affirme revivre l’enfer de ses 14 dernières années et se « shoote » au cannabis de la rue, au haschich. 18 joints par jour qui n’ont pas endigué le retour de ses crises, lui donnant la sensation « de se faire tabasser » ou « rouler dessus ».
Effondré et n’ayant plus rien à perdre, Jeff a donc décidé de repartir à Maasbracht ce lundi 12 octobre. Cette fois-ci, il compte y rester quelques semaines en y vivant « comme un clochard », dormant dans sa voiture bourrée de vivres. Une décision extrême et surtout dangereuse étant donné son état de santé, mais cet acte se veut aussi militant. Alors que Jeff compte interpeller l’opinion autour de son cas, il est soutenu dans sa démarche par le CIRC (collectif d’information et de recherches cannabiques) et d’autres associations militantes.
À l’heure où je publie cet article, les seules nouvelles que j’ai pu obtenir de Jeff proviennent de Kshoo, porte parole du CIRC. Et apparemment, « il fait très froid à Maasbracht ». J’espère pouvoir réussir à le joindre les prochains jours et tâcherai de réactualiser l’article.
La question cannabis thérapeutique en France
Suite à une directive européenne, la France a été contrainte de mettre sur son marché pharmaceutique un premier médicament à base de cannabis : le Sativex. Cela remonte à janvier dernier. Or, une crispation sur le prix de vente du médicament entre la France et Almirall (le laboratoire commercialisant le Sativex) a reporté à la Saint Glin-glin l’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) du dit médicament. Enfin… ça c’est la raison officielle. Selon les associations, s’ajoute à ce retard le tabou du cannabis en France ainsi que les pressions exercées par les lobbies anti-cannabis qui ont insufflé aux gouvernements successifs leur point de vue : le cannabis thérapeutique c’est la porte ouverte à la légalisation du cannabis récréatif. Un débat (presque) sans fin que nous vous invitons à découvrir à travers nos plusieurs reportages sur LaTéléLibre : ici, là, ou encore par là-bas si ça ou ça ne vous suffirait pas.
Pourtant les mentalités évoluent. En ce qui concerne « l’usage du cannabis sous certaines conditions », autrement dit de façon thérapeutique – puisqu’il ne s’agit pas là de causer isolation de nos maisons avec du chanvre suisse – une majorité de Français s’est prononcée favorable… Du moins d’après le sondage IFOP-EROPP ci-dessous, réalisé entre 1999 et 2013 :
En 2013, 58% des Français sont d’accord ou plutôt d’accord
sur l’autorisation du cannabis sous certaines conditions
Alors que plusieurs pays européens (UK, Pays-Bas, Espagne) et même 23 États des États-Unis (goddamn, les states !) ont autorisé la vente de médicaments à base de cannabis, la France reste muette sur le sujet… Pour ou contre, il s’agirait déjà d’en parler. Aujourd’hui le débat public demeure inexistant. Et Jeff ?
Les mots de Jeff
À l’origine de ce reportage : Kshoo, porte Parole du CIRC. Ayant fait suivre par mail à John Paul le cri de Jeff, nous avons décidé en conférence de rédaction de raconter son histoire afin que sa décision de partir en Hollande sans toit et durant plusieurs semaines ne passe pas inaperçue… À défaut de pouvoir changer le monde, à commencer par la France.
Moi-même peu, voire clairement pas engagé politiquement sur la question du cannabis thérapeutique (ou récréatif), j’ai été touché par les maux de Jeff écrits en septembre dernier. Un poème qui m’a donné envie de le rencontrer et de l’écouter :
Gouvernement tu n’es pas humain,
moi je souffre et tu t’en fous bien.
Oppression. Persécution.
Pour que j’ai le frisson,
même pas peur !
Le plus fort, c’est ma douleur.
14 ans qu’elle m’anéantit,
cette putain de névralgie !
Pour moi « Bedrocan »,
c’est mon médicament.
Il n’est pas enivrant,
mais il est stupéfiant.
Aucune douleur !
Que du bonheur !
J’y ai goûté.
Je suis un miraculé,
mais je n’y ai pas droit
dans ce gouvernement là
Pour un tabou,
qui ne tient pas debout.
Plutôt mourir,
que de souffrir.
C’est vous qui me tuez
chaque instant passé,
vous pouvez me ressusciter.
Mais en avez-vous l’humanité?
Et si Macron était aussi libéral avec le cannabis ?
Dessin Granena
Cher Emmanuel Macron, puisque vous aimez briser des tabous, il est temps de vous saisir de la question du cannabis. Et d’expliquer à vos camarades du gouvernement que l’avenir, c’est d’autoriser sa commercialisation dans un marché régulé par la puissance publique, pas de le laisser aux errements incontrôlés du marché noir. Cela ne va pas être aisé de les convaincre : rien que dimanche, par exemple, votre bien-aimé président est allé plastronner devant les 7 tonnes de cannabis saisies à Paris, en espérant que cet exploit allait «contribuer à porter un coup [qu’il] espère fatal à des organisations criminelles».
Or, toute personne avisée sait qu’en la matière, police, douane et gendarmerie ne sont que des régulateurs : la marchandise saisie sera automatiquement remplacée, la filière éventuellement pénalisée sera suppléée par une autre. C’est la loi du marché, un concept que vous maîtrisez.
Une autre initiative récente de votre gouvernement a consisté à faire passer en douce au Journal officiel, comme le Monde l’a révélé vendredi, la possibilité de frapper d’une simple contravention l’usage de stupéfiants. Mais comme cette transaction pénale dépendra du bon vouloir du parquet, et que l’usage demeure dans la loi passible d’un an de prison, sa conséquence est difficile à appréhender : elle peut tout autant adoucir la répression que la renforcer.
C’est d’une tout autre réforme dont la France a besoin. De plus en plus de pays ont compris que la production de cannabis pouvait devenir une intéressante filière économique - et légale. D’abord, pour l’usage thérapeutique de ce produit, dont on ignore toujours, par obscurantisme, les vertus en France. La Croatie vient d’autoriser cet usage ; l’Australie a annoncé son intention de permettre une production légale à cette fin. Aux Etats-Unis, dans les 23 Etats (soit près de la moitié) qui autorisent le cannabis thérapeutique, la filière de «l’or vert» bat son plein. Quatre Etats sont allés plus loin, permettant la vente légale pour l’usage récréatif. Au Colorado, les autorités s’en disent très satisfaites : dans l’année fiscale 2014-2015, l’Etat a engrangé 65 millions de dollars (57 millions d’euros) de taxes, soit plus que sur l’alcool.
Pendant ce temps, la France dépense chaque année des centaines de millions d’euros pour une répression aveugle, injuste et inefficace. Les 150 000 arrestations annuelles pour usage de stups, principalement de cannabis, sous l’ère Hollande (plus que du temps de Sarkozy, un exploit dont la gauche devrait se vanter, non ?) n’ont pas fait baisser le niveau de consommation. Comment le pourraient-elles ? Les études démontrent qu’il n’y a pas de lien entre interdit et niveau de consommation. Mais, en France, on préfère ignorer la réalité et dépenser inutilement l’argent qu’il faudrait consacrer à la prévention, très en retard.
Alors que la prohibition fait chaque jour, depuis quarante ans, la preuve de son échec, pourquoi ne pas créer un marché régulé du cannabis sous contrôle de l’Etat ? Des personnes très raisonnables le proposent. Comme la députée Anne-Yvonne Le Dain (PS), dans un rapport de novembre 2014. Comme le think tank Terra Nova qui, un mois plus tard, suggérait de «réguler le marché pour sortir de l’impasse». Un cheval de bataille qu’en libéral assumé, vous ne manquerez pas d’enfourcher. Bien à vous.
Le professeur Philippe Batel, addictologue et membre de l’Inpes, l’institut national de prévention et d'éducation pour la santé, estime sur RMC que l'État doit prendre en main la culture et la commercialisation du cannabis. Explications.
Le professeur Philippe Batel, addictologue et membre de l’Inpes, l’institut national de prévention et d'éducation pour la santé, ce lundi sur RMC. - RMC
On ne peut évidemment que se féliciter de la saisie record de 7 tonnes de cannabis dans trois fourgons à Paris, dans la nuit de samedi à dimanche. Mais aussi rappeler que derrière l’affichage de cette saisie record, les services de l’État interceptent moins de 5% du trafic de cannabis. Et rappeler, également, comme le fait le professeur Philippe Batel, addictologue, que les jeunes français sont depuis plusieurs années parmi les plus gros fumeurs de cannabis en Europe. Selon le dernier rapport (2014) de l’observatoire européen des drogues et des toxicomanies, les jeunes Français de 15 à 34 ans sont 17,5% à consommer du cannabis.
"Plus de 80 pays ont modifié leur législation, et pas la France"
Invité ce lundi de Jean-Jacques Bourdin, le professeur Philippe Batel a plaidé pour une mesure radicale pour casser les trafics et diminuer le nombre de consommateurs: que ce soit l'État qui prenne les rênes de la commercialisation du cannabis.
Le directeur de la clinique Montevideo à Boulogne, dans les Hauts-de-Seine, part du constat que la politique répressive des gouvernements successifs ne porte pas ses fruits. "Il y a plus de 80 pays qui ont modifié leur législation, et nos politiques regardent passer les trains", ironise-t-il. Il met en avant trois scénarios. "Il y a d'abord le scénario espagnol, avec une dépénalisation complète.
Sauf qu'on voit qu'il y a une hausse significative du nombre de consommateurs". "Il y a le scénario du Colorado où on laisse une concurrence ouverte avec des entreprises majeures qui vendent du cannabis", poursuit-il.
"Un monopole d'État rapporterait 2 milliards d'euros"
"Et puis, il y a le scénario qui m'apparaît responsable. C'est celui où l'État prend, de la production jusqu'à la vente, un monopole d'État, avec une taxation comme pour le tabac, explique l'addictologue. Et là, on augmente le prix pour (éviter une explosion du nombre de consommateurs), avec des recettes de l'État qui vont jusqu'à 2 milliards d'euros". Comment nos gouvernements peuvent s'asseoir sur 2 milliards d'euros, dont une partie pourrait être redistribuée pour soigner les patients ?", interroge Philippe Batel.
L'État qui commercialise le cannabis ? N'y a-t-il pas un effet d'encouragement ? Non, répond le professeur Philippe Batel. "Aujourd'hui, ce sont les dealers qui décident et qui ont le marché en main. Ça suffit. Il faut changer les choses. Le Vatican légalisera le mariage gay avant que la France ne bouge sur le cannabis !".
"Le Vatican légalisera le mariage gay avant que la France ne bouge"
Philippe Batel, est bien conscient que le trafic de drogue permet à certaines familles et quartiers défavorisés de survivre. "On pense que dans certaines banlieues 20% de la micro-économie vient du trafic", dit-il, mais il ajoute : "On voit bien, à Marseille et ailleurs, comment il y a derrière ça des problèmes de sécurité, et de l'argent public investi à perte et qui tombe dans un trou. Je voudrais qu'on ait une réponse pragmatique". Pas sûr que ce pragmatisme plaise aux gouvernements.
par Philippe GRIL Journaliste
Source: rmc.bfmtv.com
Podcast de l'émission: rmc.bfmtv.com début à environ 14mn
En 2001, le Portugal a été le premier à dépénaliser la consommation de drogue. Malgré quelques paradoxes dans la façon de voir les choses, un petit bilan, après 15 ans de recul, montre des résultats globalement positifs.
Il n'a pas augmenté ! C'est toujours le principal argument opposé à la décriminalisation de l'usage de drogue (quelle qu'elle soit), le nombre de «drogués» va augmenter ! Eh bien non, le scénario catastrophe prédit n'a pas eu lieu, l'usage de drogue n'a pas pas augmenté. Mieux que ça, si la consommation de drogue a légèrement augmenté chez les adultes, elle a nettement régressé chez les jeunes (en effet, quel est l'intérêt pour un ado de consommer un produit autorisé et de n'enfreindre aucune loi ?).
Soigner plutôt que réprimer
Les opposants à cette démarche jouaient, à l'époque, les oiseaux de mauvais augure en annonçant des hordes de toxicomanes européens déferlant sur le Portugal. Ce tsunami n'a pas eu lieu non plus.
Votée en novembre 2000, et appliquée à partir de juillet 2001, la décriminalisation de la consommation de drogue présente plusieurs autres points plutôt positifs.
Ainsi, conséquence directe de la dépénalisation : pas d'arrestations, pas de procès, pas de détention, autant de points qui ont notablement allégé les budgets police, justice, pénitenciaire. Les sommes libérées ont été allouées aux soins et traitements des toxicomanes. Les consommateurs interpellés devant se présenter devant une commission de dissuasion.
C'est une approche de santé publique qui est privilégiée par rapport à la répression. Le toxicomane considéré comme un malade plutôt que comme un délinquant se verra offrir tout un panel de soins, visant à le faire décrocher. Avec ce changement de politique, les taux de MST et d’overdoses ont chuté de façon spectaculaire. Il en va de même sur les contamination au VIH. Selon The Economist, depuis la décriminalisation, les morts provoquées par les drogues ont chuté de 80%, de 80 morts en 2001 à 16 en 2012. En parallèle, et sur la même période, le nombre d’héroïnomanes a décru de moitié, en termes absolus.
L'un des principaux paradoxes de cette démarche est que, s'il n'est plus illégal de posséder, ni de consommer de la drogue, en revanche, il reste interdit d'en produire ou d'en vendre.
Cannabis social clubs
Il a bien été envisagé de reproduire le modèle espagnol des «Cannabis social clubs». La Catalogne en compte près de 400. Ce sont des associations à but non lucratif de production et de consommation de cannabis en cercle fermé régies de façon très strictes, comme des accès restreints uniquement aux membres, l'obligation d'avoir plus de 18 ans, de ne pouvoir y rentrer que parrainé par un membre du club, entre autres. La gauche portugaise a tenté de les introduire, mais malgré cet encadrement rigide qui se veut rassurant, le Portugal ne les a pas légalisés.
Pas de d'éradication pour autant
Ne nous leurrons pas, tout n'est pas totalement rose pour autant. Une étude menée en 2012 montre qu'après avoir énormément chuté, la consommation est quand même légèrement remontée. Elle note aussi que les jeunes se tournent vers de nouveaux types de substances, appelées nouveaux produits de synthèse. Mais dans l'ensemble, ce sont l'alcool, le tabac et les médicaments qui sont les plus consommés, c'est-à-dire les drogues légales. Parmi les drogues illégales, c'est le cannabis qui remporte la palme, 8,3% des Portugais disent l'avoir essayé. Chez les 25-32 ans, la consommation quotidienne de cannabis est de 16,2%, de l'ecstasy 2,5%, et des champignons hallucinogènes 1,2%. La cocaïne quant à elle est consommée à égalité par 1,7% des 25-34 ans et 1,8% des 35-44 ans.
Globalement, force est de constater, près de 15 ans après, que la décriminalisation de la consommation de drogue à été nettement plus positive que négative.
Par Frédérique Harrus@GeopolisFTV
Source: geopolis.francetvinfo.fr
Reconversion, le chanvrier valaisan Bernard Rappaz veut planter du seigle et du quinoa dans les villages les plus hauts du monde.
Depuis sa sortie de prison l’année dernière, le chanvrier valaisan Bernard Rappaz s’est fait discret. Après trois ans passés au pénitencier de Crêtelongue près de Sion, sa vie d’homme libre a repris son cours.
Condamné à une peine de 5 ans et 8 mois pour son commerce de chanvre dans les années 2000, il demeure toutefois en liberté conditionnelle: «Tous les mois, je dois rencontrer quelqu’un de l’administration pénitentiaire, précise-t-il. J’aurai totalement fini de purger ma peine au mois de mai 2016.»
Aide aux paysans de montagne
Ces premiers mois de liberté n’ont pas été simples pour lui. Ayant perdu sa ferme à Saxon (VS), sans réelles ressources autres que des aides ponctuelles, il s’est installé dans le village d’Isérables à 1000 mètres d’altitude. Là, il a peaufiné un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps: monter une association pour venir en aide aux paysans de montagne du Népal, pays qu’il a visité à cinq reprises entre 1994 et 2008. Il a obtenu le parrainage de l’animateur Jean-Marc Richard et de l’écologiste genevois Philippe Roch. «En liberté conditionnelle, explique-t-il, on a le droit de voyager à l’étranger, alors j’ai préparé un voyage au Népal avec un budget de 4000 francs.»
Le 25 avril, le tremblement de terre qui frappe le centre du pays ne le fait pas reculer. Le 8 mai, il atterrit à Katmandou et s’adjoint les services d’un interprète, Chhiring Tamang. Mais le 12 mai, une violente réplique frappe à nouveau le pays: «Je suis allé alors avec lui dans le district de Dolakha, très sinistré, où l’on trouve beaucoup d’aide suisse.»
Mais le chanvrier valaisan s’intéresse à un autre endroit, au nord-ouest de la chaîne de l’Himalaya, le district de Dolpa, où vivent quelques milliers d’agriculteurs et d’éleveurs. Il s’agit de tribus souvent nomades de culture tibétaine qui peuplent les villages parmi les plus hauts du monde à plus de 3500 mètres d’altitude.
«Une sacrée marche»
Le voilà donc parti pour un circuit de quinze jours afin de distribuer dans ces «régions pauvres et oubliées par les Occidentaux» des graines de seigle et de quinoa dans le but de diversifier une culture essentiellement basée sur l’orge. «C’est un véritable exercice sportif et une sacrée marche pour nous qui ne sommes pas habitués à l’altitude, explique-t-il. On est monté un peu chaque jour, ce qui fait que le corps s’adapte. Ceux qui se sentent mal sont ceux qui montent trop vite en brûlant les étapes.»
De fil en aiguille, Chhiring Tamang, lui et un porteur de la région traversent les villages qui montent jusqu’à plus de 5000 mètres par le col de Numala (5309 m) et celui de Bagala (5109 m). «Tout en jeûnant six jours durant cette ascension», précise-t-il. Six jours qui ne sont rien à côté des 117 jours de sa grève de la faim très médiatique de 2010. En passant, il distribue semences et graines dans les villages: «Faut-il y voir un symbole, ce sont toujours les femmes qui m’ont accueilli…»
De retour en Suisse, Bernard Rappaz entend continuer sa mission: «Il y a 75 districts au Népal et seuls cinq d’entre eux ont été durement touchés par les séismes. Hélas les touristes boudent l’ensemble du pays depuis. Il faut continuer sur la voie d’un développement durable, apporter des améliorations tout en respectant leur culture ancestrale.»
Lundi 19 octobre, il présentera son association lors d’une «Soirée Népal» à l’Aula François-Xavier Bagnoud à Sion, dès 19 heures.
La K2 est le nom que l'on donne à une herbe aspergée d'agents chimiques, qui est censée reproduire les effets de la marijuana. La K2 est aujourd'hui l'option la moins chère pour se défoncer. La drogue est souvent vendue dans les épiceries, sous le nom de "pot-pourri". Il est pourtant précisé sur les sachets que cette herbe est impropre à la consommation. Un sachet de K2 s'achète entre 5 et 10 dollars — tandis qu'un joint coûte à peine 1 dollar.
Mais les effets secondaires de cette drogue touchent toute une variété de communautés aux États-Unis, et particulièrement à New York. Les centres anti-poison américains ont reçu plus de 6 000 appels, liés à la consommation de K2, au cours des 9 premiers mois de 2015. Un quart de ces appels proviennent de New York.
VICE News donne un aperçu des défis à relever pour la ville de New York quant à la consommation de K2 en rencontrant des ambulanciers volontaires et des bénévoles qui aident les accros à la K2.
La consommation de cannabis désormais passible d'une simple amende
La détention de cannabis est normalement passible d'une peine d'un an de prison.
afp.com/Meg Roussos
Le décret d'application de la transaction pénale a été publié jeudi. Il ouvre la possibilité aux policiers de proposer une amende aux auteurs de petits délits, comme la consommation de cannabis. Objectif : réduire le flot de procédures judiciaires et frapper au portefeuille.
Les uns y verront un premier pas vers la dépénalisation de la drogue douce. Les autres, un moyen efficace de soulager les tribunaux sans se montrer totalement laxiste. La transaction pénale, l'une des mesures phares de la réforme pénale de Christiane Taubira, rentre en vigueur ce vendredi. Son décret d'application a été publié jeudi, en toute discrétion, rapporte Le Monde. Elle permet aux officiers de police judiciaire (OPJ) de mettre fin aux poursuites judiciaires des auteurs de petits délits en leur proposant, à la place, de simples contraventions.
Parmi les infractions qui entrent dans ce cadre, la consommation de cannabis, mais aussi la conduite sans permis. La détention de cette drogue est normalement passible d'une peine allant jusqu'à un an d'emprisonnement et 3750 euros d'amende. Mais rare sont les cas où elle était appliquée. La plupart du temps, le dossier ne finit pas devant un tribunal. Avec la transaction pénale, les policiers pourront proposer au consommateur de payer immédiatement une amende, dont le prix maximum ne peut excéder le tiers de celui de la peine normalement encourue.
Une vertu pédagogique?
Cette contravention serait toutefois soumise à l'autorisation du procureur de la République puis à l'homologation par un magistrat du tribunal. En cas de refus, des poursuites judiciaires sont toujours envisageables. C'est juste la palette de sanctions qui s'élargit. Mais selon Le Monde, un recours systématique à la transaction pénale pourrait avoir un impact positif dans le sens où les primo-délinquants pour consommation de cannabis ne sont pas toujours poursuivis, les tribunaux étant surchargés. "Cela pourra avoir une vertu pédagogique et donner un coup d'arrêt à une personne qui n'est pas encore ancrée dans la délinquance", souligne le ministère de la Justice auprès du quotidien.
Pour l'heure, le gouvernement exclut toute dépénalisation du cannabis. L'ex-ministre de l'Education nationale Vincent Peillon s'est d'ailleurs fait taper sur les doigts par François Hollande lorsqu'il s'est dit en faveur d'une telle mesure.
L’État australien de Victoria va légaliser le cannabis médicinal
Le 6 octobre 2015, le parlement de l’État de Victoria, en Australie, a débattu d’un rapport qui semble ouvrir les portes au cannabis médicinal. Le gouvernement de l’État a fermement décidé, à la suite de ce rapport, de légaliser un certain nombre de produits à base de cannabis médicinal. Cette décision constitue une étape significative dans ce pays qui se bat depuis un certain temps déjà avec les questions de légalisation relatives à la consommation de cannabis à titre récréatif et médical.
Cannabis médicinal dans l’État de Victoria
Le 19 décembre 2014, la commission de réforme législative de l’État de Victoria reçoit la demande de procéder à une étude sur les démarches devant être entreprises pour offrir l’accès, dans certains cas exceptionnels, aux produits à base de cannabis médicinal. Au mois d’août de cette même année, la commission présente ses résultats dans un rapport lequel vient d’être traité par le parlement le 6 octobre dernier.
Le rapport rendu renferme 42 recommandations et adresse des questions importantes, telles que :
la culture, la production et l’approvisionnement de produits à base de cannabis médical de haute qualité dans l’État de Victoria ;
les patients qui ont le droit d’en bénéficier ;
le degré de contrôle adapté, effectué par les médecins généralistes, les spécialistes, le personnel soignant et les pharmaciens ;
la nécessité de mettre en place d’autres études (cliniques) sur l’effet du cannabis.
Après examen du rapport, le gouvernement a accepté toutes les recommandations, 2 ayant été approuvées sous conditions particulières. Ainsi, la voie s’ouvre enfin pour, notamment, les affections suivantes :
crampes ou douleur sévères entraînées par la sclérose en plaques ;
douleur sévère, nausées et vomissements entraînés par le cancer, le SIDA/la séropositivité (ou leur traitement) ;
crises sévères entraînées par des problèmes d’épilepsie, dans le cas ou les autres types de thérapies ont échoué ou se sont traduits par des effets secondaires évidents ;
douleur sévère chronique, si deux spécialistes ont donné leur accord.
Les produits qui seront mis à disposition se composent de teintures, huiles, capsules, sprays et liquides d’évaporation. En raison de problèmes sanitaires supposés, la commission recommande ne pas autoriser pour l’instant le cannabis à fumer.
Pour lancer le processus, le gouvernement de l’État de Victoria souhaite lancer un essai dans un établissement de recherche supervisé par les autorités, à savoir par le ministère du Développement économique, de l’Emploi, des Transports et des Ressources. Le but de cette première étape est de développer une industrie de culture et de transformation qui pourra garantir un approvisionnement fiable et constant de produits à base de cannabis médicinal. Le ministère reçoit également la tâche d’attribuer des licences aux producteurs et fabricants de cannabis médicinal et est chargé de rédiger et contrôler la réglementation.
Déjà des résultats fin 2015
Daniel Andrews,
le Premier ministre de l’État de Victoria
Les projets de culture de cannabis médicinal dans l’État de Victoria n’ont pas encore été soutenus par le gouvernement fédéral. Mais la réglementation fédérale n’est pas indispensable. Daniel Andrews, le Premier ministre de l’État de Victoria, reste en tous les cas positif et a même dit que le 6 octobre dernier « représentait l’un des plus beaux jours de sa carrière politique ». Il s’est exprimé sur le sujet en des termes encore plus jolis : « Il y a environ 450 adorables petits enfants qui pour la première fois ont accès au médicament qui va transformer et, certainement, leur sauver la vie. Il est grand temps d’arrêter de chercher des excuses pour ne pas le faire. Oui, cela a un coût, c’est incontestable. Mais il ne s’agit pas de centimes ou de dollars (australiens), il s’agit ici de sauver des vies. »
Le gouvernement de l’État de Victoria prévoit déjà de proposer d’ici fin 2015 des produits à base de cannabis médicinal fabriqués localement à un petit groupe de patients. Les enfants souffrant de crises d’épilepsie sévères devraient avoir officiellement accès aux traitements à base de produits au cannabis fabriqués dans l’État de Victoria en 2017. Pour renforcer le processus déployé, les patients sont d’ores et déjà encouragés à discuter avec leur médecin des bénéfices et des risques du cannabis médicinal.
Sensi Seeds se réjouit bien évidemment de ce développement et espère qu’encore plus d’États de cet immense continent suivront rapidement l’exemple de Victoria. Si l’ensemble de l’Australie se met au pas du cannabis médicinal, le mouvement mondial en sa faveur ne pourra qu’en bénéficier. Nous suivons l’évolution de la situation.
Une pétition appelant à légaliser la production de cannabis dans le pays a provoqué un débat important lundi soir à la Chambre des communes. Un rapport interne du Trésor britannique loue dans le même temps les excellentes retombées économiques d'une légalisation.
Crédits photo : Josh Edelson/AFP
Le débat casse les frontières politiques. Partout en Europe, la question d'une dépénalisation du cannabis a débarqué depuis de nombreux mois dans le débat public et s'est immiscée jusque dans les couloirs des Parlements. Lundi soir, après qu'une pétition ait récolté un peu plus de 220.000 signatures, la Chambre des communes britannique, où siège 650 députés, a été le théâtre d'un débat animé. La secrétaire d'État à l'Intérieur, Theresa May, s'est déjà opposée à tout changement de législation.
216 tonnes consommées en 2014
Figure du mouvement pour une légalisation, Norman Lamb, le porte-parole des Libéraux-démocrates, membre de la coalition au pouvoir entre 2010 et 2015, a une nouvelle fois dénoncé l'immobilisme d'un gouvernement où «50% des membres a déjà consommé du cannabis.» Le parti s'est positionné depuis de nombreux mois en faveur d'une dépénalisation du cannabis dans une démarche avant tout économique. Il a notamment commandé, dans ce sens, une étude au Trésor britannique dont le rapport a fuité dans la presse à l'approche du débat et a été publié lundi par la BBC.
Ce dernier évoque, en fonction de la consommation de cannabis au Royaume-Uni en 2014 (216 tonnes entre 2,2 millions de consommateurs), des retombés économiques colossales. Cité dans le rapport, l'Institut de recherches économiques et sociales britannique parle de 1,25 milliard de livres - 1,68 million d'euros - par an qui permettrait de réduire le déficit budgétaire britannique. Le Trésor, lui, souligne qu'une légalisation permettrait également 200 millions de livres (268 millions d'euros) d'économies sur les procès et contrôles policiers.
En juillet dernier, le commissaire de la ville de Durham avait demandé à ses troupes de ne plus poursuivre les consommateurs préférant utiliser ses équipes pour lutter contre le trafic organisé. Ron Hogg avait alors justifié sa décision dans les colonnes de The Independent en expliquant vouloir «livrer les conclusions de cette expérience à travers le Royaume-Uni.» Le pays avait également décidé en juin d'intégrer l'économie parallèle (sexe, drogue et trafics) dans le calcul du PIB justifiant une réforme pouvant doper la croissance du PIB de presque 5%.
Le travailliste, par la voix de Paul Flynn, a défendu une légalisation thérapeutique en évoquant le cannabis comme «la plus vieille médecine du monde, testée par plus de dix millions de personnes depuis 5000 ans.» L'élu a été rejoint sur sa position par le député conservateur, Peter Lilley, qui a dressé un parallèle étonnant avec «la reine Victoria qui utilisait du cannabis pour soulager les douleurs liés à ses règles.»
L'exemple du Colorado
Pour justifier leur démarche, les Libéraux-démocrates se sont notamment basés sur les bons résultats obtenus par l'État du Colorado aux États-Unis. En novembre 2012, une loi adoptée par référendum populaire rendait automatiquement la marijuana accessible dans 350 magasins accrédités et dans des quantités limitées.
Or, les recettes ont explosé (entre 60 et 100 millions d'euros) et les statistiques ont montré une baisse notable de la vente au marché noir. L'État y contrôle 60% des ventes et, en 2015, le prélèvement fiscal devrait atteindre la somme de 110 millions d'euros, dont 35 seront alloués à l'éducation.
Selon l'European School Project on Alcohol and other Drugs (ESPAD), l'indicateur le plus solide sur le sujet publié tous les quatre ans en Europe, le Royaume-Uni est actuellement le sixième consommateur européen. La France, elle, est troisième. L'an passé, la fondation Terra Nova, classée à gauche, s'était penchée sur le sujet partant de «l'échec de la politique de répression française.»
Chaque année, la France dépense près de 500 millions d'euros pour assurer la répression, ce qui représente environ 12 à 15% de l'activité policière. En cas de légalisation avec un monopole de l'État ou un commerce sous surveillance, les estimations tablaient alors sur des taxes pouvant générer entre 1,5 et 1,6 milliard d'euros chaque année s'ajoutant aux économies de répression. Le total se portait alors à 2,2 milliards d'économies potentielles.
La Hollande n’est plus un paradis cannabique en Europe et est devenue un lieu où les cultivateurs doivent agirent avec précaution pour ne pas finir derrière les barreaux ou payer des amendes.
Les gouvernements conservateurs successifs ont adopté une position d’augmentation de la pression contre la production de cannabis, qui favorise l’accroissement de la criminalité qui y est associée ainsi qu’une diminution de la marijuana de qualité. L’objectif final : réduire la production au maximum et cesser d’être une destination touristique cannabique.
Il y a vingt ans, la Hollande était un exemple d’ouverture en Europe. Un lieu qui accueillait à bras ouverts toute avancée en matière cannabique et qui est devenu un paradis rempli de « coffee shops » et de touristes qui y trouvaient un endroit de référence pour consommer de la marijuana.
La scène a considérablement changé. Les gouvernements conservateurs successifs ont petit à petit restreint le cadre légal dans lequel fonctionnaient les « coffee shops », en créant des lois avec lesquelles ils ont fermé un certain nombre d’entre eux, limitant l’achat de marijuana pour chaque client, ainsi que des propositions pour créer un laissez-passer spécial pour les Hollandais uniquement et mettre le veto à l’entrée des touristes dans ces endroits. L’objectif est de réduire l’offre au maximum.
Cela est tellement vrai que le 11 novembre 2014, le Sénat hollandais a approuvé une proposition législative du ministre de la Sécurité et de la Justice Ivo Opstelten qui permet d’engager des poursuites pénales à l’encontre des personnes ou des entreprises qui œuvrent pour la culture illégale de cannabis ou qui la promeuvent, une loi populairement connue comme étant la « loi grow shop » et qui est entrée en vigueur le 1er mars.
Comment était la situation en Hollande avant cette nouvelle massue législative ? » Il était déjà interdit de cultiver du cannabis et de vendre de la marijuana à des étrangers dans certaines villes », explique à Dinafem Mauro Picavet, activiste et fondateur du portail hollandais « The Stoned Society ».
Mais ce qui attire peut être davantage l’attention est la fermeture de « coffee shops. En 2013, certains propriétaires ont été arrêtés et condamnés, car ils vendaient de la marijuana à des étrangers et ont été sanctionnés par des amendes allant jusqu’à 2500 euros (et les sanctions continuent d’augmenter). Cependant, ces temples cannabiques souffrent des politiques restrictives depuis un moment déjà, car, comme nous l’explique Sidney Smeets, avocat hollandais expert en la matière, entre 1999 et 2012, 195 établissements de ce type ont disparu.
En 2014 seulement, 41 « coffee shops » ont été obligés de fermer suite à une réglementation (la loi « weedpass », également lancée par le ministre Ivo Opstelten) qui exigeait que tous ces locaux soient situés à plus de 250 mètres des écoles et des centres de formation professionnelle. De même, la consommation d’alcool à l’intérieur de ces « coffee shops » a été interdite. Les victimes des mesures gouvernementales pourraient s’élever à 164, mais « le maire d’Amsterdam est arrivé à un accord » avec le Département de Justice hollandaise par rapport auquel il s’est engagé à changer les réglementations des « coffee shops » (en réajustant, par exemple, leurs horaires d’ouverture) ce qui a fait en sorte que le nombre de ceux qui devaient changer d’activité fut moins important.
Malheureusement, les choses ne se limitent pas à cela. L’avocat nous explique que l’actuelle Loi de l’Opium interdit toutes les activités liées à la vente, à la production et au transport de cannabis, « même s’il existe une politique spéciale pour ces « coffee shops ». Ces établissements ont la permission de vendre à condition qu’ils ne possèdent pas plus de 500 grammes de cannabis en stock et qu’ils ne vendent pas plus de 5 grammes par personne. « C’est quelque chose qui crée une situation étrange, car ces centres peuvent vendre du cannabis, mais ne peuvent pas acheter tout ce qu’il leur est exigé», ce qui peut les pousser à faire appel à des sources illégales et peu fiables, selon l’avocat.
Et comme si cela ne suffisait pas, la réglementation, qui va affecter les producteurs de manière importante car elle attaque directement les ciments du système de culture, prévoit son entrée en vigueur au début de ce mois : la loi « grow shop », qui imposera des peines à ceux qui vendent un quelconque élément lié à la culture professionnelle de marijuana.
Cette loi affectera non seulement les sociétés liées au cannabis, mais aussi les entreprises qui commercialisent des produits de jardinage (même si elles ne sont pas directement impliquées dans la culture de marijuana) qui pourraient être poursuivies et condamnées à des peines allant jusqu’à trois années de prison et 81 000 euros d’amende. Même les centres de jardinage traditionnels se verront obligés de communiquer le nom des clients qui cultivent de la marijuana. Et l’interdiction s’étendra également à d’autres types de fournitures, comme les entreprises de transport, de location de hangars ou de greniers et même les électriciens qui aident pour la production. « Toutes les activités qui peuvent être liées à la culture de marijuana seront illégales ».
Cela signifie que les « grow shops » qui vendent des graines ne pourront pas commercialiser d’autres produits, explique l’avocat Smeets. Même si cela paraît incroyable, les produits bannis pourront aller d’engrais à des lampes ou des jarres pour l’eau. La loi « grow shop » conduira tous les acteurs de la culture professionnelle de cannabis devant un procureur, si bien il faudra prouver l’existence d’une association organisée entre le producteur et, par exemple, le propriétaire du site de culture, le fournisseur des plantes ou l’électricien qui a installé le système électrique. Si cette association est avérée, le fournisseur peut être accusé de complicité et être poursuivi, même si tout le matériel et les actions se réfèrent à « la culture professionnelle de cannabis à grande échelle », ce qui laisserait également la place à une interprétation claire de la loi.
De plus, et depuis la présentation en juin 2011 d’un rapport relatif à la politique cannabique, le gouvernement hollandais est en train de débattre sur le fait de définir ou non le cannabis comme étant une « drogue dure » lorsque ce dernier contient plus de 15 % de THC, ce qui pourrait atteindre le point le plus bas dans le déclin de la politique hollandaise liée aux drogues, en ouvrant la porte à la possibilité que des cultivateurs pacifiques de cannabis puissent être poursuivis comme les producteurs de méthamphétamine ou d’héroïne, par exemple. « Ce serait un désastre, car personne ne peut mesurer le taux de THC de chaque plante », explique Picovet. Il affirme que ceux qui soutiennent la légalisation continueront de lutter pour que la mesure n’entre pas en vigueur. « Je suis optimiste, je crois que nous pouvons la freiner, la base de la politique moderne hollandaise des drogues est en jeu ».
Celle qui est en vigueur est une autre loi à l’encontre des personnes conduisant sous l’effet de cannabinoïdes. « Elle n’interdit pas simplement le fait de fumer dans la voiture, mais aussi que vous ayez des restes de cannabis dans le sang », explique Picavet. Les sanctions vont du retrait du permis de conduire à des amendes colossales.
Quant aux graines, « la vente de variétés de marijuana féminisées finira certainement par constituer une infraction ». D’après les explications de l’avocat, « cela sera lié à la culture », même s’il n’est pas possible de prouver qu’elles sont destinées à être cultivées. Cela va plus loin, même si certaines municipalités ferment les yeux sur ceux qui possèdent moins de cinq plantes, « n’importe quelle quantité est illégale en Hollande ». Il semble que le fait de fournir des produits pour les cultivateurs maison continuera d’être hors de portée pour la loi « grow shop ». Pour le moment seulement.
Les conséquences de ces restrictions sont nombreuses. Smeets déclare qu’elles compliqueront, par exemple, le fait que les consommateurs cultivent du cannabis de manière responsable et sûre. De plus, les « coffee shops » ne peuvent plus déléguer cette tâche à des agriculteurs de confiance, comme ils le faisaient il y a peu de temps. « À partir du mois prochain, les « coffee shops » seront obligés de faire appel à des organisations criminelles pour que leurs boutiques soient suffisamment approvisionnées », a-t-il ajouté.
Il pense également qu’en permettant la vente de cannabis par les « coffee shops », mais non l’achat en quantités suffisantes pour satisfaire la demande, le gouvernement hollandais est en train de devenir un « complice implicite » de la culture illégale de marijuana par des organisations criminelles. Picavet ajoute que depuis que cette loi a été approuvée, la quantité de citoyens hollandais qui ont été confrontés à des sanctions pénales « a augmenté de manière disproportionnée».
Des clubs sociaux de cannabis en Hollande ?
Comme on peut le voir, la pression exercée sur le gouvernement conservateur de Hollande n’est pas des moindres pour qu’il puisse enfin dénouer ce paradoxe et réguler la production de cannabis pour les « coffee shops ». Tant que le ministre Opstelten est au pouvoir, cela n’arrivera probablement jamais. La bonne nouvelle est que le premier club social de cannabis en Hollande a ouvert ses portes, il s’agit de « l’arbre de la vie » à Amsterdam, un concept pionnier qui peut changer la situation de cette guerre contre le cannabis en Hollande.
Fondé en septembre 2014, ce CSC représente un énorme défi pour les autorités municipales, qui sont maintenant confrontées à un dilemme : agir contre un club ayant à peine une cinquantaine de membres créerait une situation ridicule, car il existe déjà à Amsterdam des dizaines de « coffee shops » qui obtiennent leur cannabis sur le marché illégal. Cependant, tolérer leur existence impliquerait de mettre en conflit les mairies avec le Ministère de la Justice, opposé à une quelconque mesure de flexibilité de la politique restrictive envers la culture de cannabis.
Ces clubs sociaux pourraient être le levier qui permette aux gouvernements locaux d’expérimenter la régulation, indépendamment de ce que stipule le gouvernement central. Les activistes dans les villes d’Eindhoven, d’Utrecht et de Groningen sont déjà occupés à la création de clubs sociaux de cannabis en ce moment. Et à l’instar de ce qui s’est produit avec les « coffee shops », le changement viendra des initiatives du mouvement associatif citoyen et non des politiques.
Quant au fait de considérer le cannabis ayant plus de 15 % de THC comme étant une « drogue dure », l’avocat rappelle que « ce taux ne peut être prouvé qu’en laboratoire ». De plus, il affirme qu’il n’y a « pas d’études » qui démontrent que le cannabis ayant un plus grand pourcentage de THC soit dangereux pour la santé.
Comment en est-on arrivé là ?
Smeets explique que les citoyens hollandais ont la « malchance » d’avoir un gouvernement « mauvais, populiste, antilibéral et conservateur » qui a une assez mauvaise réputation « car il s’oppose à tout ce qui est lié à la réglementation du cannabis ». Pour que nous puissions nous faire une idée, l’activiste Picavet explique que le Premier ministre, Mark Rutte, considère le cannabis comme étant « une ordure » alors que son prédécesseur, Jan Peter Balkenende, avait l’habitude de dire « que la marijuana venait de Satan ».
Par chance, les juges hollandais « en ont de plus en plus assez de cette politique hypocrite et ont acquitté des propriétaires de « coffee shops » et même des cultivateurs sanctionnées à de nombreuses reprises », signale l’avocat.
Pour lui, les Pays-Bas doivent récupérer leur position parmi les leaders mondiaux en matière de cannabis, car ils disposent des outils nécessaires pour y arriver : une bonne culture de cannabis et un bon système de « coffee shops » où les gens peuvent acheter de la marijuana de bonne qualité de manière responsable. « C’est ce qui est nécessaire au sein d’un bon système qui régule l’offre et la culture en garantissant une sécurité maximale aux consommateurs », juge-t-il.