Alors que des saisies record de cannabis rythment l’actualité, l’un des plus anciens défenseurs d’une légalisation contrôlée, l’ancien ministre de l’Intérieur socialiste Daniel Vaillant estime que « l’immobilisme » actuel sur cette question conduit à « l’échec ».
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Le député socialiste Bruno Le Roux a déclaré hier discuter régulièrement avec vous au sujet d’une évolution de la position française sur la question du cannabis. Comment la France devrait évoluer selon vous ?
J’ai été ministre de l’Intérieur, je n’étais pas ministre de la Santé, mais j’ai été confronté à la question des trafics et de leur répression et je considérais qu’on était en échec. J’ai réfléchi, travaillé et je suis arrivé à une conclusion qui est la même depuis maintenant 12 ans. Je suis contre le statu quo. L’immobilisme conduit à l’échec et nous y sommes. On a beau saisir des tonnes de cannabis, cela veut dire qu’il y en a de plus en plus qui circulent.
On utilise beaucoup d’argent au traitement social de la question, au traitement judiciaire et policier aussi, mais avec beaucoup d’inefficacité. La loi de 1970 (relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite de substances vénéneuses, ndlr) c'est-à-dire la prohibition est d’une inefficacité crasse. Je pense que le cannabis est totalement comparable à l’alcool. L’alcool est autorisé selon des modalités et le cannabis est rigoureusement interdit donc de plus en plus consommé.
Oui vous êtes célèbre pour votre position en faveur de la légalisation du cannabis. En tant que député PS vous êtes d’ailleurs l’auteur d’un rapport sur le sujet en 2011. Que préconisez-vous ?
Je suis pour une légalisation contrôlée. La dépénalisation est pour moi de l’inachevé. On traite la question de la consommation qu’on dépénalise, qu’on contraventionnalise au mieux et on laisse le trafic se développer. Le produit est frelaté et souvent avec la molécule essentielle, le THC, à des taux de 30%, très nocif pour la santé, et le système nerveux, de ceux qui le consomment et souvent de plus en plus jeunes.
Je suis favorable à une démarche identique à celle de l’alcool, ou du tabac par le passé. C'est-à-dire la mise en place de filières de production de cannabis bio, avec un taux de THC limité, 8%, vendu à des majeurs, dans des établissements qui payent des licences à cet effet. J’ai aussi pensé à un établissement public qui vérifierait les importations et qui lutterait contre les trafics et productions intensives de cannabis fortement dosé en THC et donc fortement dangereux comme il en existe dans nos banlieues. Je voulais aussi, comme pour l’alcool, contraventionnaliser les conduites à risques. C'est-à-dire quand on fume du cannabis, on ne conduit pas.
La légalisation semble un terrain miné politiquement. La gauche s’est d’ailleurs abstenue cette année au Sénat lors du passage de la proposition de loi d’Esther Benbassa dans ce sens.
Le gouvernement n’a toujours pas non plus donné suite à mon rapport. Je vois bien quelques bribes qui visent à contraventionnaliser plutôt qu'à pénaliser, mais cela ne me satisfait pas. La France devra évoluer. Ce sera peut être plus facile lorsqu’on aura une harmonisation européenne dans le traitement de ce type de produits, plutôt que chaque Etat y aille de sa législation. La France a la législation la plus répressive et prohibitionniste et c’est chez nous qu’on consomme le plus. Le débat ne doit pas être un débat droite/gauche mais un débat de santé publique. De même, en France, l’alcool est autorisé, labélisé, maitrisé, taxé. Et nous faisons tout pour lutter contre la consommation excessive. Cela doit être la même approche pour le cannabis. Je n’ai jamais vu de morts par overdose de cannabis, j’ai vu des morts par overdose alcoolique.
En tant qu’ancien ministre de l’Intérieur, vous approuvez la détermination de Manuel Valls dans la lutte contre le crime organisé ?
Oui, je ne suis ni un laxiste, ni, un libertaire au contraire. Qu'on continue à réprimer le trafic, c’est très bien. Mais d'une autre manière, plus efficace serait d’enlever l’os à ronger pour les trafiquants.
Pourtant on est souvent taxé de laxiste, lorsqu’on touche à cette question ?
Le débat est tellement tendu dans la société, dès que vous prononcez des mots comme la fin de l’interdit ou légalisation contrôlée, immédiatement vous avez face à vous le FN, la droite, quand ce ne sont pas les gens de gauche qui ont peur d’appréhender la question et de lever ce tabou. Moi je pense que le cannabis est une saloperie qu’il faut combattre, mais je ne crois pas que la manière dont on le combat aujourd’hui est le plus efficace. Je ne pense pas que soit venu le moment de légiférer sur cette question à l’Assemblée nationale où on va recommencer ces débats éternels sur des sujets de société.
C’est par la santé publique qu’il faut s’attaquer à cette question. Ce sera mieux que par une approche répressive ou une approche qui ouvre de nouveaux droits, ce n’est pas non plus la bonne entrée. Il faut du temps, il faut convaincre. C’est vrai que les périodes pré-électorales ne sont pas les plus faciles pour ça.
Édito: Est-il acceptable de mourir sous les balles, dans une cité en France, quand on a 15 ans ? Non. C’est pourtant ce qui s’est produit à Marseille, cité des Lauriers, dans la nuit de samedi à dimanche. Deux ados et un homme de 23 ans ont été tués dans une cage d’escalier.
La cité des Lauriers, à Marseille, le 25 octobre 2015. Photo Bertrand Langlois. AFP
Règlement de comptes ? Victimes touchées par hasard ? Intimidation ? Guerre de territoire ? On ne sait. Cette cité étant un lieu de deal, «l’hypothèse de meurtres liés au trafic de stupéfiants [est] à ce stade privilégiée», a indiqué dimanche le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve. Lundi, le procureur Brice Robin a été plus prudent: «C’est une des hypothèses envisagées […] mais il n’y a aucune certitude sur le fait que ces trois personnes étaient liées au trafic de stupéfiants.»
Comme toujours, les autorités ont immédiatement endossé leur costume martial. Le Premier ministre, Manuel Valls, a tweeté : «Rien n’arrêtera la détermination de l’Etat à lutter contre le crime organisé.» Pourtant, s’il y a un échec, c’est bien le leur. A la cité des Lauriers, un réseau avait été démantelé en mai, mais le marché des stupéfiants déteste le vide : faites tomber une filière, une autre la remplace. Saisissez une tonne, deux sont déjà en route.
La mécanique est implacable et François Hollande n’aurait pas dû plastronner le 18 octobre devant les Douanes pour les féliciter d’une saisie de 7 tonnes de cannabis à Paris : en la matière, il n’y a pas de succès, les policiers agissent comme des régulateurs du marché. Et ce n’est pas leur faute : «On tente de vider la mer avec une petite cuillère», résumait l’un d’eux il y a quelques années.
Cazeneuve a beau égrener les prises à Marseille - en 2015, «10 réseaux majeurs de trafiquants démantelés, 132 individus écroués, 1,5 tonne de cannabis et 39 kilos de cocaïne saisis» -, sa tâche est un mélange de Sisyphe et de tonneau des Danaïdes, synonyme d’éternel recommencement. En 2010, dans une autre cité marseillaise, le Clos des Roses, un jeune de 16 ans était mort sous les balles, créant une émotion intense. La réponse des autorités ? La gauche fait comme la droite: plus de police, plus d’enquêtes.
Nécessaire, sans doute. Suffisant ? Pas vraiment. Cinq ans plus tard, malgré d’évidents «succès» policiers, on en revient au point de départ. Avec, sur le carreau, non plus un jeune, mais deux.
Il est temps de réfléchir autrement. Ce qui tue, ce n’est pas le cannabis, principal produit en vente dans ces cités. Ce qui tue, c’est la prohibition, système injuste et inefficace mais meilleur allié des trafiquants, puisque l’interdiction du produit justifie leur activité. Il faudra un jour l’admettre et ce sera douloureux, tant cela remet en cause les peurs, tabous et préjugés. Mais d’autres pays s’en sont libérés : l’Uruguay s’est lancé sur la voie d’un marché régulé du cannabis par lassitude face aux règlements de compte.
En France, on doit se poser la question d’une forme de légalisation. Sinon, quel que soit le nombre de policiers et ministres envoyés sur place, d’autres ados tomberont sous les balles.
LE SCAN POLITIQUE - Alors que les banlieues restent minées par le trafic, Bruno Le Roux souhaite que la classe politique puisse «mener une réflexion» sur le sujet du cannabis et accuse la droite de bloquer les débats.
Bruno Le Roux. Crédits photo : BERTRAND GUAY/AFP
Christiane Taubira le réclame de longue date. Mais ce lundi, c'est un proche de François Hollande, soucieux du respect des consignes du couple exécutif, qui propose d'ouvrir un débat sur la question du cannabis. Alors que le gouvernement tient ce lundi un comité interministériel aux Mureaux (Yvelines) sur la question des banlieues, et après l'assassinat ce week-end de trois jeunes liés au trafic de drogue à Marseille, Bruno Le Roux souhaite que la classe politique «mène une réflexion» sur les solutions alternatives à la pénalisation.
«J'aimerais que sur cette question on arrive à créer un consensus pour ouvrir le débat», réclame le patron des députés socialistes ce lundi sur Public Sénat, sans se prononcer directement pour la dépénalisation ou la légalisation. Le député socialiste de la circonscription de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où le trafic continue de prospérer, accuse la droite de bloquer tous les débats dans une sorte de réflexe pavlovien: «À partir du moment où l'on dit qu'on va réfléchir sur la question du cannabis, il y a toujours une frange de la droite qui crie au laxisme avant d'avoir réfléchi. Ils sont conditionnés à cela».
«En empêchant absolument toute réflexion pour savoir comment faire en sorte de tarir les flux d'argent, comment faire en sorte de tarir les trafics, parce que ça ce sont des réflexions utiles. On est dans un jeu de rôles, il y a ceux qui crient au laxisme et qui condamnent absolument tout résultat possible», déplore-t-il.
Le duo exécutif inflexible
Le président du groupe PS assure en discuter «depuis des années avec Daniel Vaillant, peu connu pour son laxisme». L'ancien ministre de l'Intérieur, auteur d'un rapport remarqué sur le sujet en 2011, est en faveur d'une légalisation contrôlée du cannabis. D'autres socialistes se sont prononcés en ce sens, comme la députée Anne-Yvonne Le Dain, qui proposait il y a un an dans un rapport une vente sous le contrôle de l'État.
Au sein du gouvernement, outre Christiane Taubira, l'ex-ministre de l'Éducation Vincent Peillon s'était également dit favorable à l'ouverture d'un débat sur la dépénalisation. Il s'était immédiatement fait recadrer par la tête de l'exécutif, qui maintient une position de fermeté sur le sujet. Dernière mise au point en date, celle de Manuel Valls en juillet dernier: «On peut toujours débattre de ces questions mais le gouvernement ne prendra aucune initiative qui légalise, autorise, dépénalise l'usage du cannabis», assurait le premier ministre sur France inter. Inflexible, donc.
Véritable manne financière, les taxes liées aux ventes légales de cannabis devraient aider à renflouer les caisses de l'état de Washington. Des bénéfices d'un milliard de dollars sont prévus sur les quatre prochaines années.
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Prévisions au vert pour l'Etat de Washington. D'après l'agence Bloomberg, la vente de cannabis devrait rapporter plus d'un milliard de dollars en taxes à l'état américain dans les quatre prochaines années. "Quand le cannabis a été autorisé à des fins récréatives (en 2012, NDLR), il y avait seulement quelques magasins ouverts, mais beaucoup de stock. Nous nous attendons à ce que leur part de marché augmente sensiblement", explique Steve Lerch, économiste en charge des prévisions budgétaires de l'état. Rien qu'en 2015, la marijuana a déjà rapporté 37,6 millions de dollars. D'ici la fin de l'année, ce chiffre devrait atteindre 154,6 millions et prêt de 400 millions en 2019.
Le Colorado croule sous l'argent
Aux Etats-Unis, le cannabis est un business florissant. En Californie où il est seulement autorisé à usage thérapeutique, des sociétés s'engagent dans un bras de fer pour acquérir des terrains propices à sa culture, explique John Chiang, trésorier de l'état, à Bloomberg. Une façon d'anticiper une éventuelle légalisation à usage récréatif.
Quant au Colorado, premier état à avoir légalisé le cannabis, il a déjà récolté 123 millions en taxes. Mais ces recettes dépassent le montant fiscal maximal qu'il doit toucher, selon la Constitution du Colorado. Résultat, les citoyens pourraient se voir reverser ce trop-perçu. Pour éviter que la situation ne se reproduise, des mesures devraient être prises pour diminuer la taxation de 8% à 10% des prix de vente, indique le Figaro.
Beaucoup de progrès a été fait depuis que j’ai commencé à m’engager pour la fin de la prohibition du cannabis en 1998 : auparavant, la rectitude moraliste prévalait et le débat ne pouvait se faire de façon sérieuse. Maintenant, on peut faire le débat de façon plus sérieuse, scientifique : l’option prohibitionniste n’est plus la seule qui se vaut.
Aux fins du présent débat, il convient de s’entendre sur la sémantique des principales positions, soit criminalisation (maintient dans le Code criminel) ou pénalisation (transfert du Code criminel et ajout à la Loi sur les contraventions) du côté prohibitionniste ; décriminalisation (retrait du Code criminel) et légalisation (mise en place d’un système de vente légal, taxation et réglementation) du côté libertaire. La position de Trudeau demeure vague : plusieurs croient et craignent que sa proposition de décriminalisation soit en fait celle de la pénalisation, qui ne réglerait en rien les méfaits que la prohibition occasionne ni ne réglerait la question du contrôle de qualité et la mainmise par le marché parallèle.
La ministre québécoise de la Sécurité publique s’inquiète, à juste titre : c’est son mandat. Cela dit, elle se questionne, entre autres, sur l’accessibilité aux mineurs : comme légalisationiste, c’est une préoccupation que l’on souhaite régler avec les mêmes contrôles d’âge qu’exerce la SAQ. Ni la criminalisation ni la pénalisation ne permettent ce contrôle. On se questionne aussi sur les taux de THC qui, dit-on, sont plus élevés (même s’il existait des extraits tout aussi concentrés durant les années 1970) : encore, ni la criminalisation ni la pénalisation ne permettent ce contrôle et l’affichage du taux de THC, comme c’est le cas pour l’alcool.
La légalisation de l’alcool finance nos soins de santé et d’éducation, alors que sa prohibition aux États-Unis a jadis servi à financer le crime organisé. Personne ne réclame le retour à la prohibition de l’alcool tant ses effets bénéfiques surpassent les effets négatifs de la prohibition : on peut s’attendre aux mêmes effets avec la fin de la prohibition du cannabis. Le cannabis, sous le Code criminel, est de compétence fédérale : tout comme pour l’alcool, le tabac et les jeux de hasard, dès son retrait du Code criminel, sa réglementation et mise en place d’un marché légal relèvent des provinces.
J’espère que la ministre de la Sécurité publique réalisera que laisser à la SAQ et à la Régie des alcools, des courses et des jeux le soin de mettre en place un système de vente légal de cannabis, en plus d’ajouter d’importants revenus à l’État québécois, est une solution, non un problème, afin d’améliorer la sécurité publique.
Alors que les élections américaines approchent à grand pas, la question de la légalisation de la weed ravive les débats outre-Atlantique. Un tel projet serait à l'ordre du jour dans au moins cinq États, dont la Californie. Comme à leur habitude, les membres de la classe politique – y compris la candidate à la primaire républicaine Carly Fiorina – répandent l'idée que la weed est une drogue « passerelle » dont la consommation inciterait à découvrir d'autres produits stupéfiants. Pourtant, de nombreuses études tendent à montrer que cette théorie est incorrecte – le cannabis aiderait les accros à se désintoxiquer des drogues dites « dures ».
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Si, à première vue, l'idée de la passerelle n'est pas idiote – après tout, les fumeurs de weed ont 104 fois plus de chances de consommer de la cocaïne que les non-fumeurs – les scientifiques rappellent à l'envi que corrélation ne veut pas dire causalité. Par exemple, le nombre de personnes tuées par des chiens chaque année est corrélé de manière quasi parfaite à la croissance des achats en ligne lors du Black Friday. Sinon, on a également noté que l'augmentation des diagnostics d'autisme est fortement corrélée à celle de la vente de nourriture bio. Il est pourtant peu probable que l'achat massif de galettes de riz ait quelque chose à voir avec la détection d'un trouble comme l'autisme. Au contraire de la causalité, la corrélation peut découler d'un simple hasard.
Pour en revenir au lien supposé entre la marijuana et la consommation d'autres substances psychotropes, une étude de la National Household Survey a montré que la moitié des Américains âgés de plus de 12 ans a déjà fumé de la weed, tandis que moins de 15% ont déjà pris de la cocaïne et 2% de l'héroïne. Si la marijuana s'avérait responsable de la consommation d'autres drogues, les fumeurs devraient logiquement finir par absorber des substances encore plus nocives – ce qui est faux.
Mais le débat reste ouvert chez les scientifiques. Des études menées sur des ratssuggèrent en effet que la consommation de marijuana pousse les rongeurs à ingérer de l'héroïne et de la cocaïne. Ces travaux oublient tout de même de préciser que la plupart des rats n'aiment pas le THC, la principale molécule active du cannabis.
L'idée très répandue de « drogue passerelle » occulte les racines d'un problème sanitaire de plus en plus prégnant aujourd'hui. Au lieu de populariser ce genre de théories pseudo-scientifiques, nous devrions nous attacher à déterminer les raisons qui expliquent la dépendance à un produit stupéfiant. Pour commencer, on pourrait insister sur le fait qu'une large partie de la population souffrant d'addiction – au moins la moitié– est accro à plus d'une substance. De plus, la moitié des consommateurs dépendants présente un trouble psychiatrique distinct de la simple addiction à une drogue.
Les risques d'addiction croissent systématiquement chez les malades psychiatriques. Dans la plupart des cas, le problème n'est pas causé par la consommation de drogues. Certaines études ont suivi des enfants jusqu'à leur âge adulte et ont contribué à prouver que ceux qui finissent accros doivent faire face à des problèmes comportementaux parfois détectables dès la maternelle.
À force de déclarer que le cannabis est une passerelle vers l'addiction, nous sommes devenus aveugles à son utilité médicale.
Les théories concernant la « prédisposition » à la dépendance sont nombreuses – mais l'immense majorité d'entre elles se rejoignent pour dire qu'il n'existe pas de « personnalité encline à l'addiction ». Un traumatisme survenu pendant l'enfance pourrait être un facteur explicatif essentiel. L'exposition à un stress extrême augmente le risque – que ce soit un abus sexuel, physique ou émotionnel. Plus grand est le trauma, plus importants sont les risques d'addiction.
De même, le statut socio-économique d'une personne influe grandement sur un risque d'addiction. Sans surprise, les personnes les plus exposées sont les plus pauvres – un Américain qui gagne moins de 20 000 dollars par an a deux fois plus de risques de devenir accro à l'héroïne qu'un compatriote qui gagne au moins 50 000 dollars.
La marijuana n'est donc pas une « passerelle » vers l'addiction. La dépendance à un produit stupéfiant est la somme d'une équation complexe dans laquelle se mêlent de nombreux facteurs fortement imbriqués.
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En 2001, j'avais publié un article au sujet de la tendance chez les fumeurs de crack « expérimentés » à remplacer cette drogue par du cannabis – ils avaient été témoins de trop nombreux drames personnels. Aujourd'hui, deux nouvelles études suggèrent qu'il est possible de soigner une addiction aux opiacés et à l'alcool par l'intermédiaire de la marijuana. La première est un essai clinique qui s'est attaché à déterminer si l'ajout d'une molécule de THC synthétique à un médicament anti-opiacé aide les accros à arrêter l'héroïne. La réponse s'est avérée positive.
La seconde étude a été menée au Canada sur une population de fumeurs de cannabis thérapeutique. Elle a démontré que 87% des consommateurs fument en lieu et place d'une absorption d'alcool, d'opiacés ou d'autres drogues illégales. 52% des personnes interrogées ont précisé que la marijuana les aidait à diminuer leur consommation d'alcool ; 80% ont avoué consommer moins de médicaments en général.
À force de déclarer que le cannabis est une passerelle vers l'addiction, nous sommes devenus aveugles à son utilité médicale. Les solutions appliquées aux quatre coins du monde – qui peuvent être résumées par l'expression de « guerre contre la drogue » – ne sont ni efficaces, ni justes. Tant qu'il y aura des gens pauvres, délaissées ou malades, et que le cannabis sera cantonné à un marché noir au sein duquel transitent de nombreuses substances ô combien dangereuses, le risque sera grand de voir ces personnes sombrer dans une addiction dramatique.
La République tchèque, ou Tchéquie en forme courte, est une nation enclavée d’Europe centrale qui abrite une population de 10,5 millions d’habitants. La République tchèque a une longue histoire en ce qui concerne l’utilisation du cannabis, et peut s’enorgueillir de nos jours de posséder des lois en matière de cannabis qui figurent parmi les plus progressistes au monde – bien que rudement mises à l’épreuve à plus d’une occasion.
Histoire du cannabis en République tchèque
La République tchèque (connue historiquement comme la Bohème) peut se vanter d’abriter de nombreuses preuves « archéobotaniques » d’une utilisation très ancienne du cannabis,
principalement sous forme de grains de pollen. Des recherches menées dans les plaines de l’est de la Bohème en 2008 ont permis d’établir que le Cannabis/Humulus figurait déjà dans le registre des pollens il y a 2 250 ans. Selon les données relevées, au cours de la période située entre 2 250 ans et 1 000 ans avant nos jours la présence du pollen de Cannabis/Humulus était relativement faible, et même apparemment inexistante pendant plusieurs périodes, probablement en raison de fluctuations environnementales.
Dans la ville médiévale de Žatec,
des fouilles archéologiques ont fourni
des preuves d’usage de cannabis.
Il y a un peu plus de 1000 ans, les niveaux de pollen ont augmenté de manière significative, ce qui est resté le cas jusqu’à il y a environ 200 ans. À ce stade de l’histoire, on constate un déclin brutal jusqu’à une disparition totale – on considère que ce phénomène marque l’abandon de la culture intensive de chanvre pour se tourner vers le seigle (Secale) dans cette région en particulier.
L’Humulus (houblon) est le parent le plus proche du cannabis, et il est souvent difficile de distinguer leurs grains de pollen. Cependant, divers autres facteurs au-delà du pollen lui-même indiquent que le cannabis était la principale culture du registre, et que sa culture a réellement commencé sur ce site vers le 9e ou 10e siècle de notre ère.
La forteresse datant du Moyen Âge précoce située à Libice nad Cidlinou en Bohème centrale est un site archéologique important, et censée être la plus ancienne zone de peuplement de la République tchèque. Des microrestes de diverses plantes, dont le cannabis, le pavot à opium et le lin, ont été découverts dans les ruines, datant du 9e siècle de notre ère. Un autre site du Moyen Âge précoce à Žatec, au nord-ouest du pays, a fourni d’autres macrorestes de cannabis et de pollen ; dans ce cas, il s’avère que le cannabis était de toute évidence plus abondant aux 9e et 10e siècles et semble avoir commencé à décliner vers les 11e et 12e siècles, alors que la production de céréales commençait à s’intensifier.
Utilisation du cannabis en médecine tchèque
À l’origine, il est probable que l’utilisation du cannabis était limitée aux textiles, à l’alimentation et à l’extraction d’huile, car le biotype local est constitué de variétés de chanvre à faible teneur en cannabinoïdes. À la fin de la période médiévale, l’utilisation du cannabis en médecine est devenue plus largement répandue ; des variétés à forte concentration en cannabinoïdes ont été introduites en provenance d’Asie via l’Europe orientale, mais la pharmacopée de l’époque faisait très certainement usage du chanvre local également.
La déesse slave Mokoš, symbole de la
féminité sacrée et protectrice de la récolte
du chanvre dans le panthéon slave.
Vers 1596, un traité de botanique célèbre rédigé par le médecin italien Mattioli fut réimprimé en langue tchèque dans les ateliers d’imprimerie de Prague ; ce traité, célèbre pour la qualité de ses gravures illustrées sur bois, représentait de façon claire le plant de cannabis et décrivait ses diverses utilisations. Le cannabis était largement utilisé en Bohème et dans la région pour traiter la fièvre, les furoncles, la sinusite et l’otite, parmi de nombreuses autres affections courantes.
Dans les années 1950, les résultats de trente années d’observation dans un sanatorium soignant la tuberculose situé à Jince, en Bohème centrale (qui faisait alors partie de la Tchécoslovaquie) furent publiés. Les graines de chanvre étaient abondamment utilisées pour traiter la tuberculose, traitement qui permettait souvent aux personnes souffrantes de guérir complètement lorsqu’on l’administrait comme unique aliment ou médicament ; on pensait à l’époque que cela était imputable au ratio favorable d’acides aminés présents dans la protéine du chanvre. Des recherches complémentaires menées à l’Université d’Olomouc, en Moravie (à l’instar de la Bohème et de la Silésie tchèque, la Moravie est l’un des territoires traditionnels tchèques. Toutefois, on admet généralement que le terme « Bohème » englobe les trois territoires, en particulier dans un contexte historique) a permis de fournir certaines des premières preuves modernes des propriétés bactéricides du chanvre.
Folklore tchèque autour du cannabis
Pour l’étude sur la tuberculose, les chercheurs ont utilisé du cannabis cultivé dans ce qui est aujourd’hui la Slovaquie. La Slovaquie est encore aujourd’hui une plaque tournante de la culture du chanvre, et nous a fourni certaines des informations dont nous disposons sur les traditions folkloriques impliquant l’utilisation de chanvre dans la région. La proximité et l’intimité sociopolitique qui perdure entre ces deux nations de nos jours impliquent que les traditions pratiquées en Slovaquie étaient certainement connues, sinon observées, en Bohème également.
Les Slaves qui peuplent la République tchèque et la Slovaquie actuelles (et bon nombre de pays voisins) ont en commun une culture dynamique des traditions folkloriques qui, dans de nombreux cas, perdurent encore de nos jours. Dans le panthéon slave, la déesse Mokoš est considérée comme la « féminité sacrée » et la protectrice des femmes ; elle est associée à l’eau, et aux occupations traditionnellement féminines telles que le filage et le tissage, et au destin (le destin est associé au tissage dans de nombreuses cultures, y compris la culture grecque et la culture scandinave). Comme offrande à Mokoš, la tradition veut que les femmes lancent des graines de chanvre dans l’eau dans l’espoir de s’attirer ses faveurs et sa protection.
À Budča, Slovaquie, la célébration du jour de Hromnice (la Chandeleur, célébrée dans l’ensemble du monde slave) le 2 février est marquée par une journée de repos et de descentes en luge en communauté ; cette coutume était censée permettre au chanvre de pousser davantage.
En Bohème, certains travaux comme le tissage, le battage, la couture, le tricot ou le meulage de céréales, étaient censés porter malchance si on les exécutait pendant les jours de fête religieuse importante : Noël, la Sainte-Lucie, le jour des Rois (épiphanie) et la fête des Saints innocents. On pensait que si l’on ne respectait pas ce précepte cela attirerait la colère des esprits des ancêtres morts et qu’une mauvaise récolte de chanvre, de lin ou de maïs s’ensuivrait.
Même les Tchèques du Nebraska, une communauté fondée en 1863 pour représenter les populations tchèques et slovaques qui avaient commencé à immigrer en grand nombre pendant les années 1860, utilisent encore le chanvre et le lin (entre autres textiles) pour fabriquer les kroje (costumes) colorés portés lors de fêtes traditionnelles.
Culture de l’utilisation du cannabis en République tchèque
En ancien tchèque, le mot utilisé pour désigner le cannabis était kanopia ; la plupart des pays environnants et ceux situés au sud et à l’est utilisent des mots similaires, tous dérivés du mot racine scythe (censé être kanap ou kanab) qui nous donne les termes plus modernes pour désigner le cannabis, y compris en grec (kannabis) et en anglais moderne « cannabis » qui est tiré directement du latin. Les Tchèques, les Slovaques, les Silésiens et bien d’autres peuples d’Europe centrale et des Balkans ont en commun des caractéristiques culturelles et linguistiques, et sont collectivement reconnus comme des peuples Slaves.
Costumes traditionnels tchèques aux
ornements complexes, qui sont encore
aujourd’hui confectionnés à partir de
fibres de chanvre.
Historiquement, les populations slaves peuplaient l’Europe centrale, l’Europe de l’Est et l’Europe du Sud-Est depuis au moins le 6e siècle (certains pensent qu’ils descendent de populations néolithiques locales) ; leur territoire ancestral est contesté, mais leur expansion s’est propagée vers le nord jusqu’à la Scandinavie (où leur culture s’est mélangée aux cultures vikings) et au nord de la Russie, vers le sud aussi loin que la péninsule arabique et la Syrie et vers l’orient jusqu’en Mongolie et même certaines régions de la Chine. Leur sphère culturelle est tellement vaste qu’ils ont pu échanger des idées et des pratiques culturelles avec un large éventail de peuples disparates au fil des siècles, y compris de nombreuses cultures possédant des traditions anciennes et vénérables autour de l’utilisation du cannabis, comme celles du Caucase et de l’Asie centrale.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que les coutumes slaves ayant trait au chanvre aient tant de ressemblances avec celles que l’on rencontre en Asie centrale ou du nord, allant jusqu’aux motifs géométriques aux couleurs vives tissés sur les vêtements de chanvre traditionnels qui sont encore produits aujourd’hui par certaines communautés. Le chanvre fait partie intégrante de la culture du tissage qui reste l’une des grandes fiertés pour de nombreux Slaves en République tchèque, en Slovaquie et ailleurs. Filer et tisser des vêtements de chanvre et de lin au foyer, ainsi que les durs travaux manuels associés à la production de la fibre, étaient des activités omniprésentes dans l’ensemble du monde slave jusqu’à tout récemment. La transformation manuelle du chanvre a pratiquement disparu, laissant la place aux procédés de fabrication mécaniques, mais a perduré dans certaines régions jusqu’à la moitié du 20e siècle.
Il est fort peu probable que les pratiques liées au cannabis n’aient jamais disparu entièrement – la culture moderne de l’utilisation du cannabis ne vient pas de nulle part, et l’acceptation sociale largement répandue chez les Tchèques ainsi que leur grande familiarité avec le cannabis ont fait que la prévalence de la consommation tchèque excède celle de la plupart des autres pays européens, et c’est le cas depuis des décennies. De toute évidence, la culture d’un plant ou deux sur le balcon est une pratique courante chez les femmes âgées qui utilisent encore le cannabis comme un remède maison, par exemple en onguent ou en infusion.
Lois, arrestations et peines pour des faits liés au cannabis en République tchèque
Jusqu’à 1962, la Tchécoslovaquie n’était dotée d’aucune loi officielle en matière de drogue. Le pays était l’un des membres fondateurs de la Société des Nations et signataire de la Convention internationale de 1925 révisée sur l’opium, qui entérinait explicitement l’illégalité du commerce international de cannabis et de haschich, mais les termes du traité ne rendaient pas nécessaire à l’époque d’adopter une législation nationale en Tchécoslovaquie, car le commerce international était alors inexistant, ou tout au moins n’atteignait pas un niveau significatif.
La loi de 1962 a entériné l’illégalité du cannabis, mais ce n’est qu’en 1993 que la nouvelle République tchèque indépendante s’est dotée d’un nouvel arsenal législatif visant à conformer le pays aux termes de la Convention unique des Nations unies de 1961 sur les stupéfiants. La loi de 1993 a également clarifié que l’utilisation de cannabis devait être considérée comme un simple acte délictueux, mais que la vente, le trafic et la culture étaient tous des infractions pénales. Toutefois, le texte ne définit aucune limite permettant de savoir à quoi correspond la « possession personnelle », et une clause ambiguë faisant référence à « des quantités supérieures à de petites quantités » a semé une grande confusion.
En 2009, la loi a été modifiée à nouveau – désormais, les limites de la possession personnelle sont fixées à 15 g de cannabis ou 5 g de haschich. Il a également été précisé que les personnes cultivant jusqu’à cinq plants contenant 0,3 % de THC ou plus seraient au maximum reconnues coupables d’un acte délictueux ; la culture de plus de cinq plants reste un délit pénal – à moins, bien sûr, que les plants en questions ne contiennent moins de 0,3 % de THC. Cependant, bien qu’aucune autre modification officielle n’ait été apportée à la loi, il a été signalé à plusieurs reprises que les limites fixées par la loi sont systématiquement ignorées, et que des personnes peuvent tout à fait être arrêtées et accusées pour la possession de quantités aussi infimes qu’un simple gramme de cannabis ou de haschich.
En 2013, la modification la plus récente est entrée en vigueur. Cette modification a légalisé le cannabis médicinal, mais a été très largement critiquée, car elle ne propose aucun cadre réglementaire raisonnable pour la culture, susceptible de favoriser l’émergence d’une industrie. Le texte prévoit que, pour la première année, le cannabis médicinal devra être importé (ce qui est illégal en vertu de la Convention unique, et impossible en pratique). Le texte ne met pas non plus en place un système efficace d’attribution de licence pour les aspirants producteurs privés. Dix-huit mois plus tard, les Tchèques sont toujours dans l’impossibilité d’avoir accès à du cannabis médicinal.
Culture du cannabis en République tchèque
Comme le montrent les relevés de pollen réalisés, le cannabis a été cultivé sans interruption pendant des siècles en République tchèque, avec des variations d’intensité dues à des périodes de changement socio-économique ou politique. En réaction aux campagnes anticannabis des années 1920 et 1930, la culture de la production de cannabis a marqué un recul notable et, malgré l’adoption d’une loi protégeant les producteurs agricoles de chanvre en 1999, cette industrie n’a pas repris. Immédiatement après la modification de la loi, la Tchéquie a connu une brève période de reprise de l’activité, mais elle est rapidement retombée aux niveaux connus pendant la prohibition dès lors qu’il est apparu de manière incontestable que l’équipement de transformation et de récolte ne pouvait répondre aux exigences de cette production.
La surface de terres actuellement consacrées au chanvre industriel en République tchèque n’est pas connue précisément ; à l’apogée de la période post-prohibition vers 2006 on considérait que la surface cultivée représentait 1 700 hectares au plus, mais ce chiffre était tombé à 200 hectares en 2010, et depuis lors l’industrie n’a manifesté que peu de signes de reprise significative.
D’autre part, la culture de cannabis à des fins narcotiques et récréatives progresse régulièrement. Les boutiques de culture abondent, et il semble que la culture personnelle à petite échelle soit très à la mode. Malgré cela, les lois régissant la culture restent assez restrictives, et les cultivateurs s’exposent à un risque d’arrestation.
Trafic de cannabis en République tchèque
Il y a très peu de trafic de cannabis en République tchèque, en raison du niveau significatif de la production locale. Toutefois, les bandes organisées de contrebande internationale ont su tirer parti des politiques relativement indulgentes du pays, et au cours des quinze dernières années environ la République tchèque s’est imposée comme une plaque tournante pour le trafic de cannabis. Pour l’essentiel, ce sont des gangs vietnamiens qui sont impliqués dans la culture à grande échelle et le trafic de cannabis, bien que des bandes russes, tchèques et slovaques prennent également part à ce commerce. La majeure partie du cannabis destiné à l’exportation est vendue en Allemagne, où la demande locale est très importante.
En 2012, les autorités tchèques ont recensé 563 kg de cannabis saisi, et un total de 218 sites de cultures ont été identifiés. Le nombre global de plants saisis a également progressé ces dernières années, avec 90 091 plants saisis en 2012, 62 817 en 2011 et 64 904 en 2010. Il semble que le trafic de cannabis à grande échelle ne soit pas seulement en augmentation, mais devienne également plus spécialisé et plus rentable.
Achat et consommation de cannabis en République tchèque
Il est facile de trouver une bonne source de cannabis dans la plupart des zones urbaines. À Prague, divers bars et autres clubs sont réputés pour leur discrétion, et pour la vente de cannabis sous le manteau. Généralement, se procurer du cannabis ne présente aucun risque important d’arrestation ou de harcèlement policier, et si la consommation reste discrète (de préférence à l’intérieur du foyer) elle ne pose aucun problème.
La loi du 15 août 2014, mise en application par le décret du 13 octobre 2015, instaure un nouvel article 41-1-1 dans le Code de procédure pénale prévoyant la mise en place d’une amende transactionnelle, notamment dans le cas de la consommation de cannabis.
Cependant, contrairement à ce qu’a exprimé l’ensemble des médias ensuite de la publication du décret, cette réforme ne modifie en rien la pénalisation de la consommation de produits stupéfiants qui reste punie, notamment, d’une peine d’emprisonnement.
Une clarification s’impose.
I. La répression du trafic de stupéfiants.
A titre liminaire, sont considérés comme produits stupéfiants toutes substances classées comme telles conformément aux dispositions du Code de la santé publique [1].
Il s’agit notamment du cannabis, de la cocaïne, de l’héroïne, des champignons hallucinogènes, etc.
Aussi, les infractions relatives aux stupéfiants pénalisent l’achat, l’importation, la détention, le transport, l’exportation, l’offre, la revente et l’emploi illicite de ces produits.
Ces infractions sont punies de 10 ans d’emprisonnement et de 7.500.000 euros d’amende [2].
La production de stupéfiants est plus fortement sanctionnée par une peine de 20 ans de réclusion et une peine d’amende de 7.500.000 euros [3].
Plus encore, la direction d’un groupement ayant pour objet un trafic de stupéfiants est punie d’une peine de réclusion à perpétuité et de 7.500.000 euros d’amende [4]
Enfin, outre ces infractions pour des auteurs en contact avec les produits stupéfiants, le législateur a également prévu la sanction des personnes aidant au trafic (fourniture des moyens logistiques, etc.) par le biais de l’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement qui est punie de 10 ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende [5].
A ce stade, il sera relevé que les infractions relatives au trafic de produits stupéfiants ne précisent aucune quantité.Pourtant, dans un souci de graduation de la sanction pénale, des qualifications moindres ont été mises en place afin de sanctionner le consommateur et le « petit » revendeur.
Ainsi, l’article 222-39 du Code pénal prévoit la pénalisation du « petit » revendeur, dans le cadre d’une cession de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, par une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.
De même, l’article L 3421-1 du Code de la santé publique réprime l’usage de stupéfiants.
Cette infraction est punie de 1 an d’emprisonnement et de 3.750 euros d’amende.
Cette infraction n’a pas été modifiée par la loi du 15 août 2014.L’usage de produits stupéfiants reste donc puni, notamment, d’emprisonnement.De plus, il sera relevé l’absence de quantification entre l’usage et la détention ou l’emploi de produits stupéfiants.De même, le terme de « consommation personnelle » n’est pas délimité.
Dans la pratique, c’est le procureur de la République qui a l’opportunité des poursuites qui choisira la qualification qui lui semble adéquate.
Il n’est ainsi pas rare de voir devant nos juridictions des poursuites du chef d’acquisition et de détention de produits stupéfiants pour l’achat de 5 grammes de cannabis.
La peine prononcée restera généralement très faible, mais la mention au casier judiciaire sera celle pour laquelle le prévenu aura été jugé.
Ce défaut de quantification est souvent pallié par des tableaux internes aux juridictions fixant la limite entre l’usage et la détention de stupéfiants à 20-25 grammes pour le cannabis.
Mais ces seuils restent facultatifs.Ainsi, l’absence de norme péremptoire soumet le justiciable à une grande insécurité juridique et rend très difficile pour la défense la requalification de la détention en usage de produits stupéfiants.La loi du 14 août 2014, en vigueur par décret d’application du 13 octobre 2015, n’est pas venue améliorer cette situation, mais a mis en place une amende transactionnelle facultative lors de l’enquête.
II. La mise en place d’une transaction pénale facultative.
Le nouvel article 41-1-1 du Code pénal prévoit :
« I.- L’officier de police judiciaire peut, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement et sur autorisation du procureur de la République, transiger avec les personnes physiques et les personnes morales sur la poursuite :
1° Des contraventions prévues par le code pénal, à l’exception des contraventions des quatre premières classes pour lesquelles l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire en application de l’article 529 ;
2° Des délits prévus par le code pénal et punis d’une peine d’amende ;
3° Des délits prévus par le même code et punis d’un an d’emprisonnement au plus, […]
5° Du délit prévu à l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
[…] La transaction autorisée par le procureur de la République, proposée par l’officier de police judiciaire et acceptée par l’auteur de l’infraction est homologuée par le président du tribunal de grande instance ou par un juge par lui désigné, après avoir entendu, s’il y a lieu, l’auteur de l’infraction assisté, le cas échéant, par son avocat.
II.- La proposition de transaction est déterminée en fonction des circonstances et de la gravité de l’infraction, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de son auteur ainsi que de ses ressources et de ses charges. Elle fixe :1° L’amende transactionnelle due par l’auteur de l’infraction et dont le montant ne peut excéder le tiers du montant de l’amende encourue ;… »
Première remarque, cet article ne concerne pas que l’usage de produits stupéfiants.
Seconde remarque, la mise en place d’une amende transactionnelle n’est pas automatique mais doit être spécifiquement ordonnée par le procureur de la République.
Le consommateur, même mis en cause pour la première fois, pourra donc toujours être jugé devant un tribunal correctionnel.
On est loin de : « une simple amende pour les consommateurs de cannabis » (Titre RFI.fr).
Cette loi, et le décret d’application y étant associé, ne fait donc que créer une nouvelle alternative aux poursuites par la mise en place d’une transaction pénale mais sans modifier les peines encourues en cas de jugement.
Dans les faits, cette transaction pénale pouvait déjà être réalisée par la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale (articles 495-1 et suivants du Code de procédure pénale).
A l’identique, il s’agit d’une peine d’amende inférieure au maximum encouru proposée par le procureur de la République et homologuée par un juge du siège en préalable de toute poursuite devant une juridiction.
Aussi, du côté de la pratique on cherche encore la révolution de la matière annoncée dans les médias.
Thibaud CLAUS
Avocat au Barreau de Lyon
[1] Articles L 1342-1 et suivants du Code de la santé publique.
Comment j'ai surmonté mon cancer grâce au cannabis
SANTÉ - "Pourquoi l'usage thérapeutique du cannabis est-il toujours interdit en France ?". Cette question, je me la suis posée après avoir consommé illégalement du cannabis pour apaiser les effets secondaires dévastateurs d'une chimiothérapie anti-cancer. Je l'ai fait en toute connaissance de cause, et je n'ai pas eu à le regretter : les vomissements, l'épuisement et les douleurs ont rapidement reflué, l'appétit et le sommeil sont revenus.
Mon protocole personnel
Au départ, les malaises m'ont servi de boussole pour mettre au point mon "traitement". Je consommais l'herbe en très petite quantité, dès que les troubles m'assaillaient. Ils cessaient immédiatement. Je recommençais dès que je les sentais se réveiller. Cela m'a permis de coller au plus près de mes besoins. Juste après la séance de chimio, le rythme était d'une prise toutes les trois heures environ. Puis elles s'espaçaient progressivement. Au bout d'une huitaine de jours, les symptômes avaient disparu et ma consommation cessait tout naturellement.
Personne ne m'a dissuadé de me lancer dans cette aventure. Ni mes proches, touchés par mes souffrances et heureux de me voir soulagée, ni le personnel soignant hospitalier à qui ne n'ai jamais rien caché. Médecins, infirmières, aides-soignants se sont montrés très compréhensifs et, sans m'inciter pour autant à poursuivre, n'ont jamais tenté de me dissuader. Eux aussi constataient, sans doute, l'amélioration progressive de mon état et de mon moral.
Une efficacité reconnue dans de nombreux pays
Cinq mois plus tard, lorsque mon traitement s'est terminé, la même question a continué de me hanter. C'est avec colère, et même révolte, que je pensais à ces milliers de patients qui, chaque jour, traversent des épreuves du même genre. Ils se voient prescrire de longues listes de molécules plus ou moins actives (anxiolytiques, antidépresseurs, somnifères, antalgiques puissants, antiémétiques...) qui viennent alourdir encore la pression chimique que leur organisme doit subir avec la chimiothérapie. Alors que nous avons à portée de main une plante médicinale ancestrale, efficace, autorisée à des fins thérapeutiques dans de nombreux pays : Israël, le Canada, de nombreux états américains, la province espagnole de Catalogne, la République tchèque... Dans l'immense majorité de ces pays, l'usage récréatif du cannabis reste prohibé et son utilisation thérapeutique n'a pas fait exploser sa consommation illicite.
La plante y est généralement distribuée dans un cadre médical très surveillé, sur ordonnance, aux patients touchés par des pathologies précises et susceptibles d'être soulagés : cancer, sclérose en plaque, glaucome, douleurs chroniques, maladies inflammatoires... Le 17 octobre dernier, le gouvernement australien a même annoncé qu'il allait très prochainement autoriser la culture de cannabis à des fins thérapeutiques, dans le but de fournir aux patients un produit contrôlé et de faciliter les recherches scientifiques qui pourraient permettre la mise au point de nouveaux médicaments.
Des centaines de recherches
Des centaines de chercheurs, dans le monde entier, ont publié les résultats de leurs travaux sur les effets thérapeutiques du cannabis. Ils commencent à percer les mystères de cette plante complexe, dans laquelle ils ont identifié plus de 70 familles de composants actifs. Les modes d'action de ces cannabinoïdes (dont peu sont psychotropes) sont de mieux en mieux connus, leurs applications possibles de mieux en mieux cernées. La science et la médecine évoluent visiblement beaucoup plus vite que les mentalités, les blocages fantasmatiques et les peurs sournoises.
Alors je repose la question : "Pourquoi ?". A ce jour, je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante. En attendant les malades continuent de souffrir...
Médicannabis, octobre 2015 - Guy Trédaniel Editeur
La légalisation de la marijuana promise par les libéraux fait des heureux au Québec, mais soulève aussi plusieurs questions quant à l’encadrement de la vente éventuelle du produit, surtout auprès des jeunes.
«On est bien ravi! C’est ce qu’on souhaitait», a réagi Marc-Boris Saint-Maurice, un militant pour la légalisation du pot depuis plus d’une vingtaine d’années.
Pas de détails
L’élection du Parti libéral du Canada (PLC) hier soir en a réjoui plusieurs en raison de la promesse de légaliser la marijuana. Or, les détails reliés à cette légalisation demeurent vagues pour le moment.
«La politique de la prohibition est la pire de toutes, donc c’est difficile de faire pire, croit Jean-Sébastien
Fallu, professeur de psychoéducation à l’Université de Montréal et directeur de la revue Drogue, santé et société. Mais, tant qu’on n’a pas de détails, c’est difficile de se prononcer.»
Dans la plate-forme libérale, on peut lire que trop de Canadiens se retrouvent avec un casier judiciaire pour de la possession de petite quantité de cannabis. Ainsi, le parti souhaite que la consommation et la possession soient retirées du Code criminel.
Or, des spécialistes soulignent le danger que le revenu potentiel lié à la légalisation devienne l’enjeu principal.
«La crainte qu’on a, c’est que l’argent mène le monde, croit M. Fallu. Si le gouvernement se met à faire la promotion du pot, ça va trop loin et l’État ne joue pas son rôle.»
Marc-Boris St-Maurice, directeur du Centre Compassion Montréal.
Exemple à éviter
Selon Line Beauchesne, criminologue à l’Université d’Ottawa et spécialiste de la question des drogues, les États de Washington et du Colorado ne sont pas des exemples à suivre pour cette raison.
«Ce sont des modèles où on risque de perdre le contrôle en santé publique, dit-elle. Mais, il n’y a pas de modèle parfait.»
Selon elle, Santé Canada est le ministère le mieux placé pour encadrer cette légalisation, lui qui gère déjà le dossier de la marijuana à des fins thérapeutiques.
Du côté du Partenariat pour un Canada sans drogue, l’inquiétude est vive quant à l’impact d’une telle légalisation sur les jeunes.
«Quant on sait que les jeunes trouvent un moyen de boire de l’alcool avant 18 ans, quelle garantie a-t-on qu’on aura le contrôle sur le cannabis?, demande Marc Paris, directeur général. Il y a une réflexion à faire.»
Pour Mme Beauchesne, l’important est de bien baliser la légalisation.
«L’âge est un facteur important. Si c’est bien expliqué, qu’il y a moins de sollicitation auprès des jeunes, ça va apparaître comme plus sécuritaire.»
Des contraventions?
Du côté de l’Association canadienne des chefs de police (ACCP), cette légalisation soulève plusieurs doutes.
«Jusqu’ici, on n’a pas assez de recherches qui montrent quels impacts la légalisation aura sur la sécurité publique au pays», indique Timothy Smith, responsable des communications.
Ce dernier ajoute que l’ACCP souhaite que les policiers aient plus de pouvoir de donner des contraventions pour la possession de petite quantité de cannabis.
La Gendarmerie royale du Canada et le Service de police de la Ville de Montréal ont refusé de commenter le dossier.