Bedrocan est la seule usine d’Europe à produire du cannabis médical pour un gouvernement. Au cœur de la plaine néerlandaise, la société a été créée par deux beaux-frères, qui ont décidé de se lancer dans l’aventure après la faillite de leur commerce d’endives. Depuis 10 ans, quatre variétés de leur cannabis sous forme brute sont disponibles en pharmacie, avec des taux différents de CBD et de THC. Mais, dans ce pays où la culture du chanvre fait partie intégrante du quotidien et où les sources d'approvisionnement sont multiples, le nombre de clients néerlandais stagne, en grande partie à cause du prix (entre 7 et 12 euros le gramme).
Tjalling Erkelens, directeur et co-fondateur de Bedrocan se pose en observateur privilégié des évolutions en cours dans chaque pays. L'agronome plaide pour plus de concurrence, qui permettrait de réduire les coûts et ferait taire les critiques sur son monopole de fait.
Arno Hazekamp, jeune doctorant et directeur Recherche et Développement de la société, assure le lien avec les patients et les laboratoires intéressés par de telles recherches.
Coïncidence : le jour de mon arrivée au Québec, le gouvernement canadien annonçait son intention de légaliser la consommation du cannabis à partir de 2017. Une bonne occasion pour moi de m’intéresser de nouveau à ce sujet. Il revient régulièrement dans le débat en France. Et L’ONU vient de conclure à la défaite de la lutte par la prohibition.
Crédits photo : ashton
La légalisation du cannabis est une promesse de campagne de Justin Trudeau, le chef du gouvernement de droite canadien. La légalisation, cela signifie l’autorisation. Ce n’est pas la seule dépénalisation qui tolère ou limite les sanctions à de petites amendes. C’est donc bien un changement radical dans la manière d’aborder la question.
Qu’on en juge. L’annonce n’a pas été faite par le ministre de l’Intérieur ou de la Justice. Mais par la ministre de la Santé. C’est déjà tout un symbole dans l’ambition affichée. Et elle n’a pas fait cette annonce n’importe où. Elle l’a faite à la tribune de l’ONU. L’occasion, c’était une session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrés aux drogues. Cette assemblée générale a d’ailleurs constaté l’échec du tout répressif pour faire baisser la consommation de drogue.
Le premier point que je retiens, c’est la volonté d’aborder la question du cannabis en partant des enjeux de santé publique. En 2012, j’avais déjà donné mon point de vue. Je soutenais que le cannabis devait être appréhendé dans le cadre plus global de la lutte contre les addictions et en intégrant le taux très élevé de recours aux anxiolytiques et antidépresseurs dans notre pays. Les choses doivent être dites clairement.
Fumer du cannabis n’est pas souhaitable du point de vue de la santé. En annonçant la légalisation de la consommation de cannabis, la ministre n’a pas appelé à en fumer. Bien au contraire. Elle a déclaré « nous allons introduire une législation pour empêcher la marijuana de tomber entre les mains des enfants, et les profits de tomber entre les mains des criminels. (…) Nous sommes convaincus qu’il s’agit de la meilleure façon pour protéger nos jeunes tout en renforçant la sécurité publique. » Donc la légalisation annoncée est loin d’être totale.
Tout l’enjeu est là. Le Premier ministre Trudeau avait promis des lois « qui légaliseront et réglementeront la consommation de marijuana et limiteront l’accès à cette substance ». Il ne s’agit donc pas pour le gouvernement Trudeau de permettre à n’importe qui d’acheter du cannabis n’importe où. Et bien sûr cela ne revient pas à considérer ce produit comme anodin. Certains usages peuvent être spécialement morbides. Ainsi, les médecins alertent sur la nécessité de commercialiser le cannabis dans des conditions qui évitent les cocktails avec le tabac ou l’alcool. Mais on conviendra que bien des cocktails morbides se pratiquent déjà en toute légalité.
Le deuxième argument de la ministre canadienne est que la légalisation va « renforcer la sécurité publique ».
Comment ? C’est le point essentiel à mes yeux. En tarissant les trafics. Le député en charge de la question du cannabis au parti libéral canadien, celui de Trudeau, n’est autre qu’un ancien chef de la police de Toronto. Vous aviez bien lu. Un ancien chef de la police partisan de la légalisation du cannabis ! Il explique calmement « nous allons prendre le temps nécessaire pour bien faire les choses : légaliser le cannabis, mais aussi encadrer strictement sa consommation et la restreindre pour les jeunes ».
Car il constate que l’interdiction en vigueur au Canada comme en France et dans la plupart des pays du monde n’a pas empêché l’explosion de la consommation. L’interdiction a en revanche eu pour effet très puissant de développer les trafics. Et avec ces trafics s’est développée toute une économie parallèle qui va avec gangrenant certains quartiers, parfois des territoires immenses et même certains pays tout entier.
La pénalisation dans ce contexte, cela signifie une course sans fin, une charge de travail des policiers et des magistrats sans aucun résultat probant au niveau de la consommation. Au Canada, environ 100 000 infractions en lien avec le cannabis sont recensées chaque année. Mais dans les deux tiers des cas, il s’agit seulement d’interpellations de personnes en possession d’une petite dose de cannabis.
On peut en dire autant chez nous en France ! Les forces de police sont-elles plus utiles à courir après un fumeur de joint où à démanteler des réseaux mafieux ? Légaliser non seulement la consommation mais aussi la vente permettrait de « couper l’herbe sous le pied des trafiquants », comme le disent de nombreux spécialistes de sécurité publique. Et l’argent public est-il mieux dépensé en patrouilles pour saisir quelques grammes de shit ou dans des campagnes de prévention et d’accompagnement de ceux qui veulent sortir de la consommation ? Et au retournement rééducatif des trafiquants repentis qu’il faut organiser pour que l’assèchement du trafic puisse assécher toute la chaîne des agissements que la prohibition rend rentable !
Mais j’apprends aussi du ministre de la Santé de la province du Québec. Un libéral aussi. Il se garde bien de donner son avis sur la légalisation. En effet c’est une compétence de l’Etat fédéral Canadien et non des provinces. Mais il appelle à bien réfléchir à la question et à ses modalités. Selon lui, « le premier pas, s’il n’est pas le bon, peut provoquer des dégâts. C’est comme sortir quand il vient de pleuvoir l’hiver : s’il n’est pas le bon, on va déraper, on va tomber et on va se casser quelque chose.
Le premier pas ne devra pas aller trop loin, parce qu’on ne sera jamais capable de revenir en arrière. C’est sûr qu’à partir du premier pas, tout le monde va vouloir aller plus loin.» Je sens bien ce que cette sorte de prudence peut signifier de réserves. Mais je la mentionne parce qu’elle fait réfléchir sérieusement aux conditions concrète de la mise en œuvre.
La légalisation permet de réglementer et de contrôler la production, la vente et donc la consommation. Dans certains pays, comme l’Uruguay, la légalisation du cannabis s’accompagne d’un monopole d’État pour sa production et sa commercialisation. C’est une restriction de taille pour qui craint que les financiers ne s’emparent du magot sans souci de santé ou de sécurité publique.
Au Canada, un groupe de travail a prévu de se pencher sur tous les aspects de la question au Canada : « règles d’accessibilité, âge légal de consommation, prix de vente, taxation, taux de THC, le principe actif du cannabis autorisé, contrôle de la qualité des produits, des réseaux de production et distribution… » comme l’écrivait Le Monde en février. On pourrait ajouter aussi les lieux et heures de vente.
Ce n’est pas du tout la même chose de trouver le cannabis en pharmacie, dans des bureaux assermentés ou à l’épicerie du coin par exemple. Aujourd’hui, par exemple, le Canada autorise la production, la commercialisation et la consommation de cannabis à des fins médicales. Mais les producteurs-distributeurs doivent tous obtenir une licence délivrée par les autorités.
Un autre argument souvent donné pour légaliser le cannabis est l’intérêt fiscal pour l’État. Une vente légale et encadrée, c’est une vente taxée et donc de nouvelles recettes fiscales. Au Canada, ces recettes fiscales sont estimées entre 2 et 7 milliards d’euros par an selon le système retenu. Le pays compte 36 millions d’habitants, deux fois moins que la France. Le chiffre parait élevé ; en France, les études tablent sur une recette fiscale de 1 à 2 milliards d’euros par an.
Cela permettrait de dégager des moyens financiers importants pour lutter contre les addictions et les drogues par des moyens plus efficaces que l’interdiction. Mais le simple gain fiscal ne saurait être un argument suffisant en matière de sécurité ni de santé publique. En tout cas, pas plus que ne devrait l’être le « ça coûte trop cher » de nos adversaires dès lors qu’il est question de renforcer le nombre de fonctionnaires de police, la prévention et la prise en charge collective des soins par exemple.
Je sais bien que la question de la dépénalisation et, encore plus, de la légalisation du cannabis pose d’autres questions. Parfois des questions morales qui doivent être respectées à condition qu’elles n’empêchent pas le débat rationnel. Parfois, les questions posées sont très lourdes, notamment en ce qui concerne la crainte d’un report vers d’autres drogues plus dures, tant du côté des consommateurs que des dealers et réseaux mafieux. Pour ma part, je n’y crois pas. Le prix et les conditions sociales de l’usage jouent un très grand rôle dans la consommation.
Évidemment, il faut aussi tenir compte aussi de l’impact en matière de sécurité routière. Une question à vrai dire déjà posée. Au final, l’expérience de l’alcool, dont les effets d’addiction et de morbidité ne doivent jamais être oubliés, montre que la prohibition n’est pas la solution pour contrôler les risques avec le plus d’efficacité.
LE PLUS. Alors que le continent américain avance à grand pas vers une sortie de la prohibition des drogues, grâce à une alliance insolite entre la sphère économique et les défenseurs des minorités, la France continue de se focaliser sur le débat sanitaire.
Fabrice Olivet, directeur de l’association ASUD (Auto Support des Usagers de Drogues), retrace l'histoire de la bataille française dans une guerre perdue contre la drogue.
Préparation d'un "joint" de cannabis, illustration (N. Chauveau/Sipa)
Quels sont les arguments qui ont fait basculer les États-Unis dans le camp de la réforme des politique des drogues : la protection de la jeunesse ? Le nombre d'overdoses ?
Non, ce qui a convaincu les Américains c’est d’abord le coût économique de la répression, et ensuite, le niveau de violence atteint par une guerre à la drogue qui génère une insécurité chronique et une incarcération de masse à connotation raciale.
Or ces deux arguments sont précisément ceux qui peinent à trouver une place dans le débat français. Dans notre pays, la polémique restant globalement sanitaire, les partisans du changement sont condamnés à marteler une vérité contre-intuitive : légaliser les drogues reviendrait à mieux protéger nos enfants contre les dépendances
"Legalize it all"
"Nous savions que nous ne pouvions mettre hors-la-loi les pacifistes et les Noirs. Mais en les associant à la marijuana et à l’héroïne (…), nous pouvions arrêter leurs dirigeants, perquisitionner leurs domiciles, interrompre leurs meetings et les vilipender chaque soirs au journal télévisé." [1]
Les confidences de John Ehrlichman, ancien conseiller spécial de Richard Nixon, ont fait la une de tous les médias américains depuis un mois. CNN, le "Washingtons Post", le "Daily Telegraph", tous ont repris en boucle ces déclarations pour conclure avec Dan Baum du "Harper’s" : "Legalize it all".
Depuis la parution du best-seller de Michel Alexander, le "New Jim Crow" (New press , 2010), l’incarcération de masse des afro-américains est l’objet d’un débat de fond permanent aux États-Unis.
Les récentes violences policières de Ferguson n’ont fait que renforcer l’amplitude de la controverse, obligeant Hillary Clinton et Bernie Saunders à monter au créneau, munis des statistiques brutales du "Sentencing Project", l'organisme statistique américain spécialisé dans les questions judiciaires et carcérales : un homme noir sur trois ira en prison au cours de sa vie, et la moitié d’entre eux pour un délit lié aux lois sur les stupéfiants.
Rhétorique raciale
De ce côté-ci de l’Atlantique, les partisans d’une réforme des politiques de drogues semblent tétanisés à l’idée de reprendre tout ou partie de cette rhétorique raciale pour la décliner sur la réalité française. Les propos de Michel Alexander sont pourtant éloquents, si l’on fait un tout petit effort d’imagination en superposant les termes "Noirs" et "arabes" :
"Les dealers blacks ont fait la une de la presse et des journaux télé, changeant subrepticement l’image que nous avions du monde de la dope (…) Malgré le fait que (…) toutes les statistiques montrent que les Noirs ne vendent, ni ne consomment plus de drogues que les Blancs, (...) le public en est arrivé à associer la couleur noire avec les stupéfiants."
Pourtant, ni Stéphane Gatignon, ni Daniel Vaillant, ni même récemment Patrick Mennucci, l’élu socialiste de Marseille, n’ont osé inclure une thématique "raciale" dans leur plaidoyers pour un changement de législation. Leur argumentaire reste prudemment orienté sur la fin des guerres de gangs, sans y inclure l’idée simple que c’est la demande qui crée l’offre, que les zones de non-droits sont également celles du harcèlement policier ordinaire, et que la focalisation sur les quartiers où vivent les minorités visibles ne peut que participer à la construction du stéréotype du "dealer maghrébin".
Les États-Unis : les champions de la réforme
Pire, il semblerait qu’en France la question ethnique soit, au contraire, le cheval de bataille des champions d’une répression centrée sur les "quartiers".
C’est tout d‘abord Eric Zemmour, avec son désormais célèbre
, suivi, dans un autre registre, par la sénatrice socialiste Samia Ghali, qui réclame un surcroît de forces de l’ordre, au nom de la spécificité ethnique des quartiers nord de Marseille.
En résumé : "Pourquoi nous, les Arabes, nous serions privés de police ?"
L’absence de statistiques ethniques ou la crainte d’alimenter les phobies identitaires du Front national n’expliquent pas tout. Les drogues restent pour les Français, y compris ceux qui sont victimes de discriminations, un sujet "tabou", "sale", qui n’est pas digne d’être hissé au rang de la protestation citoyenne.
Ce déficit moral condamne les partisans du changement à délaisser le terrain du racisme, mais également le registre économique et financier, un boulevard qui permet aujourd’hui à l'Amérique de devenir le champion des partisans de la réforme, après avoir littéralement inventé la guerre à la drogue.
Un avant et un après Barack Obama
Combien ça nous coûte, et combien ça va nous rapporter? L’argument économique reste le levier principal de la réforme aux États-Unis. Depuis vingt ans, le Drug Policy Alliance, le lobby financé par le milliardaire Georges Soros, a peu à peu construit un réquisitoire implacable contre la prohibition sur le double thème de l’argent et de la sécurité.
Son charismatique directeur Ethan Nadelmann, a eu l’intelligence de s’appuyer, à droite, sur l’hostilité traditionnelle des Républicains à l’égard des interventions de l’État, et à gauche sur la dénonciation de l’incarcération de masse des minorités.
C’est à ce travail de longue haleine que le président Obama a donné discrètement la main. En matière de drogue, c’est sûr, il y aura un avant et un après Barack Obama.
Secret partisan de la réforme, il a préféré laisser la main aux États plutôt que d’engager sa crédibilité. Mais si la présidence n’a pas encore changé officiellement de position, le président, lui, a multiplié les gestes significatifs, déclarant que l’usage n’était pas "une question criminelle", et graciant plusieurs centaines de condamnés.
Aujourd’hui le cannabis est disponible légalement dans 27 États, avec une ordonnance ou une bonne assurance privée, 55% des électeurs sont favorables à une légalisation, et ce déploiement s’effectue à l’intérieur d’une véritable coalition continentale où le Canada et les États latino-américains parlent d’une même voix.
Le cannabis : détente, fous rires
Face à cette véritable prise d’armes, on reste perplexe devant le spectacle des atermoiements Français.
A l’UNGASS (United Nation General Assemblee Special Session), le grand raout décennal de l’ONU, Danièle Jourdain-Ménninger, la "Madame drogue" du gouvernement, avance avec son "approche équilibré", devenue "politique des petits pas", un prêche pour le maintien de l’interdit, sous prétexte de ne pas faire "d’idéologie".
Là encore, l’habitude des acteurs professionnels d’utiliser la martingale de la réduction des risques, pour avancer sur le front sensible d’une sortie de la prohibition finit par être contre-productive.
Dès que l’on parle des drogues, les risques et les dommages, c’est l’angoisse ! Or la grande majorité des fumeurs de cannabis associent spontanément leurs substances à la détente, au fou rire, voire à la créativité, mais assez rarement à la schizophrénie.
Le caractère éminemment anxiogène de ce qui tourne autour de la santé et des addictions explique sans doute pour une grande part l’inefficacité de cet argument auprès de l’opinion publique. Ajoutons qu’il s’agit d’un discours contre-intuitif à l’extrême : retirer l’interdit est supposé éloigner notre jeunesse de la dépendance.
"Treatment is bullshit"
La France souffre de son incapacité à porter le débat sur un terrain qui intéresse tout un chacun comme potentiel consommateur et comme citoyen.
La plupart des acteurs semblent ne pas réaliser l’énorme écart qui existe entre une rhétorique basée sur les dommages, même s’il s’agit de les réduire, et le discours positif des américains sur l’enrichissement personnel et la justice pour tous.
Une suzeraineté de la sphère médicale qui a l’heur d’insupporter le Dr Hart, neurobiologiste iconoclaste justement invité le 7 avril dernier par l’École de Hautes Etudes en Sciences sociales.
À une question posée dans l'assemblée sur la validité des traitements en prison, il a répondu par un tonitruant : "treament is bullshit !", signifiant par là, sans ambiguïtés, que l’obsession française des traitements ne concerne que la petite minorité des consommations "à problème".
Le parapluie sanitaire n’est qu’une énième expression d’un moralisme anti-drogue, qui s’adresse aujourd’hui au malade comme il s’adressait hier au délinquant : dans les deux cas, on parle d’un autre, quand il faudrait d’abord parler de soi.
L'annonce du président mexicain intervient au moment où plusieurs pays dans les Amériques ont déjà légalisé l'usage de la marijuana.
Le président mexicain lors d'une sortie à l'Onu (Photo d'archives)
Après l'Uruguay en décembre 2013, Mexico pourrait très bientôt autoriser la production, la distribution et la consommation du cannabis.
Enrique Pena Nieto a indiqué qu'il allait "signer une proposition de révision de la législation sur la santé et du code pénal" pour permettre "l'usage de médicaments élaborés à base de marijuana ou de ses principes actifs".
La révision en question vise à légaliser la marijuana à usage thérapeutique et à autoriser la possession de 28 grammes au maximum, à des fins personnelles.
M.Nieto s'est exprimé à l'occasion de la présentation des conclusions de débats organisés dans le pays sur la dépénalisation de l'usage de la marijuana.
Au Mexique, les violences liées au trafic de stupéfiants ont fait plus de 100.000 morts depuis 2006.
En novembre dernier, la Cour suprême mexicaine avait déjà autorisé quatre personnes à utiliser de la marijuana à des fins personnelles et récréatives.
En 2015, le Chili a annoncé qu'il allait permettre la commercialisation en pharmacie de médicaments à base de marijuana. En décembre dernier, la Colombie a également emboité le pas.
Aux Etats-Unis, 23 Etats ont déjà autorisé l'usage médical de la marijuana. Quatre autres Etats ainsi que la capitale fédérale ont légalisé l'usage récréatif de cette substance.
Le Canada prévoit quant à lui de légaliser la consommation et le commerce du cannabis au printemps 2017.
Légalisation du cannabis: "A un moment il faut changer de politique"
Interview du Professeur Dautzenberg a voir a la source.
Ce mercredi sur RMC, le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, a milité pour la légalisation du cannabis. "Cela va faire 100 ans que la répression ne marche pas et qu'il y a de plus en plus de consommateurs", a-t-il fait valoir.
Selon l'OMS, quelque 27 millions de personnes dans le monde sont dépendantes de la drogue et plus de 400.000 en meurent chaque année. Pourtant, les pays membres de l'ONU ont adopté mardi de nouvelles recommandations pour lutter contre la drogue qui mettent davantage l'accent sur la prévention et le traitement plutôt que la répression à tout prix. Alors même qu'en 1998, le slogan de la première session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU sur cette question était "Un monde sans drogue".
Force est de constater, et ce malgré 883 milliards d'euros dépensés chaque année dans le monde pour lutter contre la drogue, les Etats n'y sont pas arrivés. Ce qui fait dire ce mercredi sur RMC au professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris, que "la répression ne marche pas". "Pour que cela marche, il faut prendre de mesures efficaces", préconise-t-il avant de rappeler que "la guerre contre la drogue a été déclarée, en France, en juillet 1916. Cela va donc faire 100 ans que cela ne marche pas et qu'il y a de plus en plus de consommateurs et que les politiques sont les mains dans les poches".
"Les Français ne savent pas ce que légaliser veut dire"
"Il y a donc un moment où il faut changer de politique", juge donc le Pr Dautzenberg. Il estime aussi que "les responsables politiques ont beaucoup de mal à se mettre au niveau de la jeunesse. Par exemple, un sondage montre que 83% des jeunes français voudraient que, sur le cannabis, on adopte une loi voisine de celle du tabac et de l'alcool. Donc si les hommes politiques étaient à l'écoute du peuple français, ils changeraient. Il faudrait un débat dépassionné".
Pourtant selon un sondage Elabe pour Atlantico publié vendredi, près de six Français sur dix (59%) se disent opposés à une légalisation du cannabis. Pour le pneumologue, qui a préfacé le livre "La brimade des stups" (édition Slatkine & Cie) du journaliste anglais Johann Hari, "les Français ne savent pas ce que légaliser le cannabis veut dire". Et de s'expliquer: "Certains pensent que cela veut dire en faire la promotion. La réalité, c'est que quand on légalise une substance, on diminue la consommation".
"Plus il y a de répression, plus le marché est bon"
Il en prend pour preuve le Portugal, "où il y a une dépénalisation complète des drogues". "Pour autant, les gens, comme il n'y a pas de publicité, ne vont pas se droguer au Portugal", souligne le Pr Dautzenberg. "Dans le livre de Johann Hari, il est montré par la répétition des exemples que plus il y a de répression, plus le marché est bon. Le rêve du dealer est donc une politique à la française", estime-t-il encore. Mais pour certains, un autre moyen de lutter contre la consommation de cannabis serait de lutter plus efficacement contre le trafic.
"Il y a 100 ans que l'on dit cela et cela fait 100 ans qu'on n'y arrive pas, martèle-t-il. Donc quand cela fait 100 ans qu'on le dit et que cela ne fonctionne pas, quand la moitié des jeunes sortent du lycée en ayant déjà consommé du cannabis, il faut changer le logiciel. Le cannabis est un mauvais produit mais comme le sont aussi l'alcool et le tabac. On peut donc faire de la santé publique sans répression. Les gens ne demandent pas à avoir du cannabis à tous les coins de rue".
Ottawa compte légaliser le cannabis au printemps 2017
Justin Trudeau avait assuré que le Canada allait adopter des lois « qui légaliseront et règlementeront la consommation de marijuana et limiteront l'accès à cette substance », devenant le premier pays du G7 à le faire.
Le Parti libéral du Canada compte légaliser la consommation et le commerce du cannabis au printemps 2017, conformément aux engagements du premier ministre Justin Trudeau, a indiqué mercredi la ministre de la Santé, Jane Philpott.
« Notre approche (...) doit totalement respecter les droits de la personne tout en favorisant le partage des responsabilités », a déclaré la ministre dans un discours prononcé à New York à l'occasion d'une session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies dédiée au problème mondial des drogues.
« À ces fins, au printemps 2017, nous allons introduire une législation pour empêcher la marijuana de tomber entre les mains des enfants, et les profits de tomber entre les mains des criminels », a-t-elle souligné.
« Bien que ce plan remette en question le statu quo dans plusieurs pays, nous sommes convaincus qu'il s'agit de la meilleure façon pour protéger nos jeunes tout en renforçant la sécurité publique », a-t-elle fait valoir, se disant convaincue « qu'il est impossible de régler le problème en procédant simplement à des arrestations ».
Cette annonce fait suite aux grandes lignes tracées début décembre par Justin Trudeau dans son discours de politique générale. Il avait assuré que le Canada allait adopter des lois « qui légaliseront et règlementeront la consommation de marijuana et limiteront l'accès à cette substance », devenant le premier pays du G7 à le faire.
Avant de devenir premier ministre, M. Trudeau avait déclaré qu'il avait lui-même fumé « cinq ou six fois » du cannabis, dont une fois en 2010, alors qu'il siégeait déjà au Parlement en tant que député.
Un autre gouvernement libéral, en 2004, avait cherché à dépénaliser la consommation de cette substance, avant de jeter l'éponge, face notamment aux pressions des États-Unis voisins.
Douze ans plus tard toutefois, quatre États américains ont légalisé le cannabis et les défenseurs canadiens d'une telle mesure pointent les importants revenus générés par cette légalisation. La Banque CIBC avait estimé récemment des recettes pour l'État canadien de trois à dix milliards de dollars CAD (7 milliards d'euros) chaque année.
Un sondage de l'institut Angus Reid, publié mercredi, indique qu'un peu plus de deux Canadiens sur trois (68 %) approuvent la légalisation du cannabis, et pratiquement autant (64 %) estiment que cette mesure « fera plus de bien que de mal ».
Ottawa devrait pardonner la possession de cannabis, dit l'Institut C.D. Howe
Le gouvernement de Justin Trudeau devrait par ailleurs penser à pardonner les individus reconnus coupables de possession de cannabis - et abandonner toute accusation en instance - afin de libérer des ressources pour la légalisation de la drogue, affirme l'Institut C.D. Howe.
Dans un nouveau rapport, l'Institut recommande également au gouvernement de se concentrer sur ses objectifs de santé publique et d'éviter le marché noir de la marijuana.
Le document de l'Institut C.D. Howe indique que le gouvernement doit conserver ses pouvoirs relativement à la réglementation sur la santé et la sécurité, tandis que les provinces devraient avoir la liberté de créer leur propre système de distribution.
Les deux paliers de gouvernement devraient avoir le pouvoir de taxer la marijuana, Ottawa pouvant taxer les manufacturiers et les importateurs et les provinces pouvant taxer la vente au détail, ajoute le rapport rédigé par Anindya Sen, professeur en économique à l'Université de Waterloo, en Ontario.
Le gouvernement devrait décourager le marché noir en définissant la quantité de cannabis qu'une personne peut posséder, en plus de conserver les pénalités associées à la production illégale et au trafic, écrit M. Sen.
On suggère également qu'il faudra travailler à déterminer à partir de quelle quantité la marijuana devient dangereuse pour la conduite automobile.
Le rapport soutient aussi que la légalisation du cannabis pourrait initialement mener à une hausse de sa consommation et à la nécessité d'une surveillance policière accrue, ce qui entraînerait une hausse des dépenses gouvernementales.
L’ONU organise du 19 au 21 avril une session extraordinaire consacrée au "problème mondial de la drogue".
Au cœur des débats : l’évolution des politiques relatives aux usagers de drogues. De nouvelles recommandations ont été adoptées au premier jour des débats, mettant l’accent sur la nécessité de prévention et de traitement, plutôt que sur la répression.
Lors d'une session spéciale de l’Assemblée générale de l’ONU, la directrice de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) Margaret Chan a préconisé "d'élargir les politiques de lutte contre la drogue qui se concentrent presque exclusivement sur l'application de la justice criminelle, en adoptant une approche de santé publique".
Elle a cité en exemple Hong Kong qui a instauré des programmes de substitution utilisant la méthadone pour réduire la petite criminalité. "On peut aider les gens dépendants à la drogue à reprendre une vie productive et à se réinsérer dans la société", a-t-elle estimé.
Les présidents du Guatemala et du Mexique – qui avec la Colombie sont parmi les pays les plus touchés par ce fléau et avaient réclamé cette réunion – sont allés dans le même sens. Pour le président guatémaltèque Jimmy Morales, il convient désormais de "donner la priorité à une approche centrée sur la santé publique et non plus sur des réponses purement punitives". "Un des plus importants changements à effectuer est de donner la priorité à la réduction de la demande, plutôt que de se focaliser sur la réduction de l'offre", a-t-il ajouté.
Lutter contre le trafic en réduisant la demande
Pour le président mexicain Enrique Peña Nieto, "la prétendue guerre contre la drogue qui a commencé dans les années 70 n'a pas réussi à ralentir la production, ni le trafic qui reste une des activités criminelles les plus lucratives, ni la consommation de drogue". "Les pays consommateurs", a-t-il ajouté, "doivent faire davantage pour réduire la demande et lutter contre le crime organisé transnational".
Enrique Peña Nieto a prôné "des mécanismes de prévention et des solutions thérapeutiques intégrées", ainsi que "des peines proportionnées et des solutions alternatives à l'emprisonnement" en cas de délit.
De leur côté, le Brésil, le Costa Rica, le Canada, la Suisse, l'Uruguay et l'Union européenne ont appelé à abolir la peine de mort pour les délits liés à la drogue, ou au moins à établir un moratoire sur les exécutions pratiquées par dizaines en Chine, Iran ou Indonésie. Le représentant indonésien, s'exprimant aussi au nom de plusieurs autres pays (Singapour, Arabie saoudite, Chine, Iran, Pakistan, Egypte, Soudan) a rétorqué que chaque Etat avait "le droit souverain de décider de son système judiciaire".
Un texte commun présenté ce 19 avril a été adopté par l’assemblé. Mis au point à Vienne en mars, ce texte ne fait aucune référence à la peine de mort. Il se contente d'inviter les gouvernements à "promouvoir […] la mise en place de politiques nationales […] prévoyant l'imposition de peines proportionnées à la gravité des infractions".
Pour Ethan Nadelmann, qui dirige l'ONG Drug Policy Alliance, le nouveau texte de l'ONU "marque une amélioration notable" mais il reste "limité et décevant". "Ceux qui voulaient maintenir le statu quo, notamment les Russes et leurs alliés, ont gagné les batailles les plus importantes au cours des négociations", a-t-il expliqué.
Selon l'OMS, quelque 27 millions de personnes dans le monde sont dépendantes de la drogue et plus de 400.000 en meurent chaque année. La consommation de drogue par injection contribue à 30% des nouvelles infections par le virus du sida en dehors de l'Afrique et propage les hépatites B et C.
Dépénaliser les usages encouragerait-il la production ?
Lors des premiers débats, le Pakistan s'est pour sa part inquiété de la tendance à une dépénalisation de l'usage du cannabis. "Cela stimulerait la demande de drogue et donc encouragerait la production avec des effets directs sur notre région", a affirmé le ministre pakistanais de l'intérieur et du contrôle des drogues Chaudhry Nisar Khan.
Le ministre chinois de la sécurité publique Guo Shengkun s'est lui aussi déclaré opposé "à toute forme de légalisation des drogues".
La légalisation du cannabis en Uruguay peut-elle inspirer la France ? Louise Levayer est partie travailler au sein de l'Observatoire des drogues à Montevideo. Elle espère enrichir le débat en France.
"Je n’avais pas conscience de l'ampleur de la violence et de la souffrance." Pour Louise Levayer, le militantisme a commencé dans une caravane, aux États-Unis en 2012, au contact des parents de victimes mexicaines du commerce le plus lucratif du monde : la drogue. Son diplôme de Science-Po Lille en poche, elle s’engage dans une ONG de San Francisco pour organiser une procession. Sa caravane a traversé 24 villes des Etats-Unis. Le job ? Dénoncer la violence générée par la guerre contre la drogue.
Quatre ans plus tard, à 29 ans, la jeune Française est devenue une spécialiste de la légalisation de la drogue, en particulier du cannabis. Et pour cause : elle a vécu de l'intérieur la première expérience au monde de légalisation de la marijuana. Pas en Californie, mais en Uruguay, un petit Etat d'Amérique latine. Elle s'est installée dans la haute tour de la capitale, un étage en dessous du président Tabaré Vázquez, à l’Observatoire des drogues. De sa voix posée et avec ses yeux faussement enfantins, elle explique son propre cheminement, espérant exporter le débat de la légalisation en France.
Quand elle débarque aux Etats-Unis en 2012, elle écoute tous les jours des récits comme celui du poète Javier Sicilia. Son fils a croisé le chemin de narcotrafiquants mexicains qui l’ont torturé et assassiné. 60.000 corps comme le sien ont été retrouvés, mutilés, décapités, avec des méthodes qui rappellent celles de Daech. Et 28.000 personnes ont été portées disparues de 2006 à 2012, selon Human Rights Watch. Pour Louise, "Ces chiffres sont le bilan de la guerre contre la drogue au Mexique. Une guerre lancée par le président Calderón en 2006 et inspirée par les Etats-Unis et le modèle international prohibitionniste. La fameuse war on drugs dont parlait déjà Nixon en 73."
Alors, face aux statistiques et aux récits apocalyptiques qu’elle écoute dans la caravane, la jeune femme en devient convaincue, la solution passe par la légalisation.
Et pour promouvoir la légalisation, elle tient à se former professionnellement, "avec des arguments de fond pour échapper au cliché de la jeune idéaliste", selon ses propres mots. Déjà, en 2011, avant de partir aux Etats-Unis, en tant que coordinatrice de l’ONG Collectif Guatemala, elle s’attelait à la protection des défenseurs des droits humains. Et avait constaté qu’il s’agissait bien d’une mission impossible quand la menace venait d’un cartel. Quel que soit le pays, trois problèmes pour reviennent en boucle quand il s'agit d'enlever l’argent aux cartels :
le contrôle des armes
le blanchiment d’argent
la légalisation de la drogue.
Désormais, elle allait s’attaquer à ce troisième point, se promet-elle.
"Le répressif ne marche pas"
Après avoir terminé une mission pour Amnesty International à Paris, Louise retourne sur les bancs de l’école, à l’Institut Pluridisciplinaire pour les Etudes sur les Amériques (IPEAT) à Toulouse. Objectif : rejoindre l’Observatoire des drogues en Uruguay, qui s'apprête à légaliser la marijuana. Chose faite en février 2015 : elle est affectée au sein de cet organisme d’Etat à Montevideo pour travailler sur les indicateurs qui mesurent l’impact de la légalisation, votée au nom de la lutte contre la violence.
"Au-delà du problème de l’addiction au cannabis, le vrai venin est ce qu’amène le narcotrafic : les règlements de compte, l’économie clandestine, l’agression, la violence et l’illusion de pouvoir gagner beaucoup d’argent en peu de temps… pour finalement perdre la vie", plaidait avec passion l’ex-président uruguayen "Pepe" Mujica.
Louise se lance dans une minutieuse analyse de la loi pour rendre un mémoire, "La régulation du cannabis en Uruguay, processus politique national singulier ou modèle qui peut inspirer en France ?" Elle est partie d’un constat : "Les gouvernements successifs affirment qu’il faut conserver la loi de 1973 telle quelle, mais c’est une aberration. La France est l’un des pays avec le plus fort taux de consommation de cannabis en Europe et l’une des politiques la plus répressive. Cela mérite un bilan, le répressif ne marche pas".
(Louise Levayer, à Montevideo - Crédit : Julien Labarbe)
Première étape : légaliser le débat
Selon la jeune femme, "nous avons l’avantage d’avoir l’expérience de l’Uruguay, du Colorado, de la Hollande et de l’Espagne pour discuter de quelle façon la France peut réguler". Une certitude après son mémoire : c’est le débat uruguayen qui peut nous inspirer. "En France, on est dans l’étape de légaliser le débat, le rendre réel et présent dans la presse et dans la société", assène-t-elle.
Aujourd'hui, elle souhaite participer à la création d’un réseau en France pour y importer le débat à l’uruguayenne. "Je voudrais mettre en réseau les spécialistes de la politique pénale, les flics, les médecins et les politiques comme Daniel Vaillant et Anne-Yvonne Le Dain. L’exemple du policier Serge Supersac et du maire Stéphane Gatignon qui ont écrit ensemble le livre 'Pour en finir avec les dealers' est intéressant", assure Louise, consciente que cette tâche sera nécessairement collective.
Parallèlement à cette mise en réseau, elle essaye de construire un débat transversal et non-focalisé simplement sur les droits du consommateur.
"Il s’agit bien sûr de liberté individuelle mais aussi de justice sociale. Ce ne sont pas les mêmes problématiques de violence comme en Amérique Latine mais la présence d’armes de guerre liées au trafic de drogue est une réalité, à Marseille par exemple. Certains quartiers, comme Saint-Ouen dans la région parisienne, vivent du narcotrafic. Si on légalise, il faut penser aux politiques sociales et d’emploi pour accompagner le développement de ces quartiers."
"La légalisation, ce n’est pas du laxisme, c’est prendre le contrôle"
A ceux qui l’accuseraient de promouvoir le laxisme, elle rétorque : "Légaliser, c’est prendre le contrôle". Et elle présente le bilan uruguayen : plus de 3.000 personnes se sont inscrites au registre des cultivateurs à domicile et 17 clubs, avec une quarantaine d’adhérents chacun. Tous sont dans la légalité. "L’Uruguay n’est pas un pays de hippies, la loi permet de contrôler le niveau et la qualité du THC, éviter que la marijuana ne soit coupée par des substances chimiques et faire de la prévention sans promouvoir la non-consommation, un message plus efficace car plus réaliste."
Certes, la dernière étape de la légalisation uruguayenne, celle de la vente en pharmacies, traîne en longueur - elle devrait avoir lieu en juin. Et pourtant, elle concerne l’essentiel des fumeurs.
"C’est très long et il y a une mauvaise communication de la part des autorités. Les usagers ont peur de s’inscrire sur le registre obligatoire pour consommer alors que leurs données sont ultra protégées par la loi", regrette Louise. Elle tient à positiver. Une fois la vente en pharmacie lancée, "un marché de 30 millions de dollars par an sera géré par l’Etat uruguayen au lieu des narcotrafiquants". A titre de comparaison, une récente étude de l’INHESJ indique que le marché du cannabis en France représente plus d’un milliard d’euros.
En attendant, Louise a été sélectionnée par l’Union des nations sud-américaines (Unasur) afin de rédiger un rapport sur la consommation des drogues dans les pays d’Amérique du sud et les différentes réponses politiques à cette problématique dans la région.
A ceux qui voudraient clore la conversation en lui rappelant que 60% des Français sont opposés à la légalisation, elle répond que c’est un pourcentage équivalent à celui des Uruguayens à l’époque où la loi de légalisation est passée.
Rapports: Bien qu’on en entendait rarement parler il y a 20 ans, l’autisme est maintenant le trouble du développement qui connaît la plus forte croissance. On estime que 1 % de la population mondiale souffre de troubles autistiques, ce qui équivaut au nombre alarmant de 73,9 millions de personnes. Le cannabis peut-il être un traitement ? De plus en plus de rapports fondés sur l’expérience sont produits sur ce sujet.
Bien qu’on en entendait rarement parler il y a 20 ans, l’autisme est maintenant le trouble du développement qui connaît la plus forte croissance. On estime que 1 % de la population mondiale souffre de troubles autistiques, ce qui équivaut au nombre alarmant de 73,9 millions de personnes. Le cannabis peut-il être un traitement ? De plus en plus de rapports fondés sur l’expérience sont produits sur ce sujet.
Chiffres concernant l’autisme
Aussi connu sous le nom de spectre de l’autisme ou de trouble du spectre de l’autisme (TSA), l’autisme est un trouble du développement qui peut se présenter sous différentes formes. Il touche le cerveau ; le traitement de la perception et de l’information est perturbé.
73,9 millions de personnes à l’échelle mondiale, voilà un chiffre stupéfiant. Aux Etats-Unis seulement, 3,5 millions de personnes vivent avec un TSA : un enfant sur 68 est touché, soit un garçon sur 42 et une fille sur 189.
De 2000 à 2010, la prévalence de l’autisme aux Etats-Unis a augmenté de 119,4 %. Des scientifiques comme Stephanie Seneff prédisent que la moitié de tous les enfants nés aux États-Unis en 2025 souffriront d’un trouble autistique.
Il n’y a pas de données précises disponibles pour l’Europe. Certaines sources indiquent qu’une personne sur 100 souffre de l’autisme, alors que d’autres affirment plutôt que 6 à 7 personnes sur 1000 vivent avec un trouble du spectre de l’autisme.
Des modèles explicatifs détaillés et concluants sur les causes des troubles autistiques n’ont toujours pas vu le jour, et c’est ainsi depuis fort longtemps. Cet article ne s’attardera donc pas à cette question.
Néanmoins, si nous nous arrêtons sur les chiffres ci-haut mentionnés, nous pouvons affirmer à juste titre qu’il s’agit d’une crise globale.
L’autisme et son traitement
Les TSA ne peuvent pas être guéris, mais il existe une gamme d’options de traitements qui améliorent la vie des personnes autistes, de leurs proches et de ceux qui en ont soin.
Ces traitements peuvent être médicaux mais peuvent aussi prendre la forme d’intervention précoce, de pratique des compétences sociales en groupe, de psychothérapie des troubles concomitants, d’orthophonie, d’ergothérapie, de thérapie par les arts et la musique et de zoothérapie. Une avenue qui n’a pas encore été prouvée scientifiquement, mais pour laquelle des rapports fondés sur l’expérience existent, est l’effet de l’administration de cannabis riche en CBD et d’autres types de cannabis sous forme de fleurs ou d’huile.
Rapports fondés sur l’expérience concernant l’utilisation du cannabis par les autistes
Les parents d’enfants autistes prennent de plus en plus la parole concernant l’utilisation du cannabis, notamment les variétés riches en CBD, ou l’huile de CBD pour le traitement d’enfants autistes. Le manque de recherche ne les empêche pas de prendre en main les intérêts de leurs enfants.
Le cannabis peut-il être un traitement ? Le nombre de rapports positifs et fondés sur l’expérience augmente.
Une indica forte pour J.
Il y a quelques années, la célèbre écrivaine et essayiste Marie Myung-Ok Lee a parlé publiquement du cannabis en tant qu’option médicale pour traiter son fils autiste : « La marijuana n’est pas un remède miracle pour l’autisme. Toutefois, dans le cas de notre fils, elle permet de soulager ses douleurs et son inflammation de façon si importante qu’il peut à nouveau participer à la vie et aux apprentissages.
La marijuana le protège également des effets secondaires parfois dangereux des médicaments pharmaceutiques. Nous avons choisi une bonne variété (White Russian dont l’usage est répandu chez les cancéreux en phase terminale pour soulager la douleur) et déterminé la dose adéquate. Maintenant, J. n’a plus mal et il peut aller à l’école plutôt qu’à l’hôpital psychiatrique pour enfants, où trop de ses pairs aboutissent suite à des comportements violents. »
Huile de CBD pour D.
D. est autiste, il accuse un retard scolaire et est incapable de parler clairement. Il a également développé un problème à l’œil pour lequel il a déjà eu quelques opérations. Sinon, il est en forme et très actif. D. bénéficie de séances d’orthophonie. Quatre semaines après qu’il ait reçu du CBD, il parvenait à s’exprimer beaucoup plus clairement, et l’état de son œil s’était aussi amélioré. Depuis qu’il reçoit du CBD, D. est beaucoup plus communicatif, semble plus alerte et est plus à même de se concentrer sur de petites choses. D. ne prend pas l’huile de CBD à la même heure que ses médicaments habituels (il y a un écart de deux heures entre les prises).
L’histoire de D. et de son frère peut être lue sur le site internet Realm of Caring.
Marinol au départ, puis le cannabis
« Mon fils (qui a presque neuf ans) est médicamenté en raison de ses comportements autistiques sévères… Aucun médicament n’est jamais parvenu à faire une différence, sauf celle d’aggraver ses comportements. Il y a quelques mois, nous avons essayé un médicament prescrit, le Marinol, et nous avons observé une baisse des épisodes sévères, aucune crise et peu ou pas d’agressivité envers son professeur et les membres de sa famille au quotidien. Il y a quelques semaines, nous avons essayé le cannabis et nous avons arrêté le Marinol. Il est de bien meilleure humeur et il a maintenant plus de facilité à poursuivre une tâche en classe… Il y a encore des jours où il se met en colère et où son humeur est changeante, mais nous pouvons ajuster la dose pour l’aider à passer à travers ces journées. Je me sens beaucoup plus à l’aise de lui administrer du cannabis qu’autre chose, comme le Risperdale. »
Ce témoignage et d’autres réflexions intéressantes peuvent être lus en cliquant sur ce lien. L’auteur de cet article est Bernard Rimland, Ph. D., père d’un fils autiste, fondateur de l’Autism Society of America et directeur de l’Autism Research Institute, lequel recueille de l’information au sujet de l’autisme. Selon son expérience, les enfants autistes à qui on administre du cannabis éprouvent une amélioration considérable de leurs symptômes, qu’ils soient liés à l’anxiété et à la panique, ou aux crises et à l’automutilation.
Charlotte’s Web pour J.
En plus de l’autisme à haut niveau de fonctionnement (AHN), J. a aussi reçu un diagnostic d’épilepsie, de TDAH, d’asthme et de troubles anxieux. Le garçon est décrit comme étant aimable, intelligent et affectueux. Après avoir reçu son vaccin ROR et celui de la varicelle, J. est devenu léthargique et a eu une crise épileptique le jour suivant. À l’hôpital, il a été diagnostiqué d’une méningite virale causée par le vaccin de la varicelle. Ce fut le début d’un parcours sinueux avec divers médicaments antiépileptiques.
Suite à une année d’utilisation de Charlotte’s Web, une variété de cannabis riche en CBD, J. était difficilement reconnaissable : meilleur système immunitaire, augmentation de la force musculaire, aucun problème de sommeil, esprit plus clair. Ses motricités fine et globale se sont aussi améliorées et il était capable de participer à nouveau aux leçons normales. Quand le rapport fondé sur l’expérience a été publié, J. avait déjà vécu 54 jours sans crise épileptique simplement en prenant Charlotte’s Web.
Le rapport détaillé peut être lu sur le site internet Realm of Caring.
Le cannabis médicinal, une bouée de sauvetage pour J.
Mieko Hester-Perez, fondatrice de UF4A.ORG (The Unconventional Foundation for Autism), cherche à expliquer l’autisme et les thérapies et traitements alternatifs. Le cannabis médicinal aide son fils autiste J. qui a fait plusieurs progrès depuis qu’il en a débuté l’utilisation. Il a pris du poids, il est plus calme et il rit davantage. Sa mère dit que J. est moins tendu, c.-à-d. qu’il est moins irritable et nerveux. Avant qu’il ne prenne du cannabis médicinal, le garçon devait prendre 13 médicaments différents par jour, ce qui a aggravé ses symptômes en vieillissant. Les médecins avaient déjà préparé la mère de J. en vue de sa mort prématurée, mais le garçon surpasse toutes les attentes. J. consomme la variété de cannabis nommée en son honneur, Joey’s, sous forme de brownies.
Ce qui ressort clairement des rapports fondés sur l’expérience mentionnés ci-haut est que le cannabis a amélioré de façon significative la vie de tous ces jeunes patients et celle de leur famille. Il est aussi frappant de constater qu’il n’y ait pas de médicaments généraux à base de cannabis qui puissent être utilisés par tous. Le traitement médical de chaque cas individuel d’autisme appelle une variété ou un produit différents. Le professeur de Harvard de renommée mondiale, Dr Lester Grinspoon, a également commenté diverses méthodes de traitement, ainsi que l’approche des traitements basés sur le cannabis.
Lester Grinspoon et le traitement de l’autisme par le cannabis
Professeur agrégé et émérite de psychiatrie à la Faculté de médecine de Harvard, Dr Lester Grinspoon a publié un document sur l’utilisation du cannabis par les autistes en 2010.
Dans ce document, Dr Grinspoon présente en détail l’expérience de Marie Myung-Ok Lee, qui administre du cannabis médicinal à son fils J. (le cas est aussi brièvement présenté ci-haut). Le professeur demande aux scientifiques de prendre au sérieux ces expériences et de mener de plus amples études sur le traitement médicinal.
Il critique également ce qui suit :
« Les preuves anecdotiques attirent beaucoup moins l’attention qu’auparavant. Elles sont toutefois la source d’une grande partie de nos connaissances sur les médicaments synthétiques et les dérivés végétaux. Les essais contrôlés n’ont pas été nécessaires pour reconnaître le potentiel thérapeutique de l’hydrate de chloral, des barbituriques, de l’aspirine, du curare, de l’insuline ou de la pénicilline. »
Bien que les premiers résultats de recherches scientifiques soient disponibles, le chemin à parcourir est encore long.
L’autisme et le système endocannabinoïde
Au cours des dernières années, des recherches ont été menées sur les liens entre les troubles autistiques et le système endocannabinoïde. Il a été prouvé que les régions du cerveau ayant les concentrations de récepteurs CB1 les plus élevées sont celles que l’on croit dysfonctionnelles dans les cas d’autisme, notamment le cervelet, l’hippocampe et les noyaux gris centraux (Bauman and Kemper 2005, Courchesne et al. 2007). Cliquez ici pour en savoir plus.
Des essais sur des modèles animaux ont révélé que le système endocannabinoïde est impliqué dans l’autisme, ou est perturbé par ce trouble, ce qui entraine deux résultats :
À la fin d’un essai en 2013, les chercheurs « … soulevaient la possibilité que des modifications dans la signalisation endocannabinoïde puissent contribuer à la physiopathologie de l’autisme. »
Au cours d’une expérience menée en 2015, ils sont venus à la conclusion que l’activation du récepteur CB1 par l’anandamide impliquant l’ocytocine contrôle la réponse à la récompense à travers les interactions sociales. « Des déficits dans ce mécanisme de signalisation peuvent contribuer aux déficiences sociales dans les troubles du spectre de l’autisme et peuvent suggérer une avenue pour traiter ces états. »
Résumé Nous vous pressons à pousser vos recherches et obtenir plus de précisions si vous voulez vous renseigner correctement sur l’utilisation du cannabis pour le traitement médicinal des TSA.
Vivre avec l’autisme est dramatique et irrévocable pour toutes les personnes impliquées. On ne peut pas, et on ne doit pas s’attendre à ce que le cannabis soit un remède miracle pour traiter les TSA, mais les rapports fondés sur l’expérience ci-haut mentionnés fournissent une base pour des études ultérieures.
En revanche, nous vous pressons à pousser vos recherches et obtenir plus de précisions si vous voulez vous renseigner correctement sur l’utilisation du cannabis pour le traitement médicinal des TSA. Seules des preuves scientifiques sur l’utilisation du cannabis pour traiter l’autisme pourront garantir que le cannabis soit disponible pour ceux qui en auront besoin. En ce sens…
Bienvenue sur le portail UNGASS 2016
de Chanvre & Libertés-NORML France
#ProCannabisTeam
30ème Session extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur le problème mondial des drogues.
QUE SE PASSE-T-IL ?
L’UNGASS (United Nations General Assembly Special Session, en français SEAGNU : Session Extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies) de 2016 a été convoquée par Ban Ki-Moon, le secrétaire Général de l’ONU, à la demande de trois pays (Guatémala, Colombie, Mexique). La session de 2016 sera la 30ème session extraordinaire de l’AG de l’ONU, et sera la 3ème consacrée aux problématiques liées aux stupéfiants (la première s’était tenue en 1990, la seconde en 1998).
Y aura-t-il un changement de la politique mondiale de prohibition, dite de « contrôle international des stupéfiants » ? Non.
Osera-t-on évoquer la question de la régulation du cannabis ? Ça sera difficile.
Cherchera-t-on à renforcer les bases scientifiques de la classification actuelle ? Il y a très peu de chances.
Se questionnera-t-on sur les conséquences de l’application des traités, induisant de grandes disparités dans le monde pour l’accès des plus pauvres aux traitements anti-douleurs ? Pas vraiment.
Remettra-t-on en cause le recours à la peine capitale dans certains pays pour des infractions liées aux drogues (près de 60% des exécutions annuelles) ? On essayera de ne pas.
Mais, si tous ces sujets vont être évités, alors de quoi parlera-t-on lors de ce sommet qui semble si important ?
Ce que l’on retiendra de l’UNGASS, c’est essentiellement le texte de sa déclaration finale, qui a déjà été pré-approuvé en mars dernier (et que l’on peut télécharger ici). Bien que deux ans d’âpres négociations se soient tenues pour aboutir à ce texte long et à la prose lourde, celui-ci reste encore très polémique. Pour les organisateurs de l’UNGASS, il doit être voté en l’état, sans subir de nouvelles modifications, c’est d’ailleurs pour ça que, bizarrement (et contrairement à ce qui était prévu), l’ordre du jour indique le vote de cette déclaration finale aura lieu dès l’ouverture du sommet, le 19 avril à 10 heures, histoire d’empêcher toute modification de dernière minute dans le texte.
Pour bien comprendre ce qu’il se passe, il faut savoir lire entre les lignes et comprendre les non-dits, en commençant par voir que l’UNGASS marque l’ouverture d’une période de profonds remous qui durera jusqu’en 2019, et où seront vraiment débattues les alternatives possibles à la stratégie en œuvre depuis l’UNGASS de 1998, reconduite en 2009 pour dix ans jusque, donc, en 2019, et dont le bilan général demeure très négatif (pour s’y repérer, voir la chronologie, plus bas). On le comprend mieux si l’on se penche sérieusement sur les contributions récentes, de Kofi Annan dans Der Spiegel en février, ou celle de l’actuel président colombien Juan Manuel Santos dans The Guardian, en avril.
En effet, il existe d’énormes attentes. Tout d’abord, celle des pays à l’origine de cette UNGASS, la Colombie, le Mexique et le Guatemala, qui n’en peuvent plus ni des organisations de narco-trafiquants dont le pouvoir de nuisance gangrène dangereusement leur société, ni de la logique de surenchère militaro-sécuritaire mise en place pour contrer ces derniers. À tout le moins, si ces pays n’iront pas jusqu’à exiger une réforme immédiate des traités internationaux, s’ils admettent que l’UNGASS en soi ne marquera pas un changement majeur, ils souhaitent que la période 2016-2019 soit marquée par une réelle remise à plat des priorités communes.
Cette demande de trois États faite à Ban Ki-Moon de convoquer l’UNGASS, c’était aussi la tentative d’apporter une réponse à l’attente de centaines de millions de personnes faisant usage de drogues dans le monde entier qui, au travers de leurs organisations, souhaitent depuis toujours faire entendre leurs voix pour des politiques pragmatiques respectant les standards en matière de droits humains fondamentaux et privilégiant des programmes d’accès aux soins et aux traitements.
Plus largement, c’est tout un pan des organisations de la société civile œuvrant dans les domaines de la santé, des droits de l’Homme, des minorités ou des peuples indigènes, des organisations de citoyens, tous regroupés pour l’occasion derrière la campagne et le slogan communs #StopTheHarm (arrêtons les dégâts), qui dans leur grande diversité espèrent un infléchissement des politiques publiques pour plus de cohérence, en estimant qu’il faudrait consolider les actions de prévention et de santé communautaire sur le terrain sans stigmatiser les usagers de drogues, dépénaliser l’usage, la possession et les délits mineurs non-violents, ainsi que de réflechir à des nouvelles approches visant à réduire la criminalité autrement que par plus d’action policière.
Au cours de ces années de préparation de l’UNGASS, ils auront énormément peiné à se frayer un chemin ; fort heureusement, l’UNGASS ne se tiendra pas à huit clos dans l’office viennois de l’ONU, où siègent les organes en charge des drogues, mais à New-York, une ville qui offre beaucoup plus de place et de visibilité aux initiatives citoyennes, et où la répercussion médiatique sera plus forte que ces dernières années, pour montrer au monde l’ampleur du désastre d’un demi siècle d’acharnement politique, et où il sera possible de revendiquer haut et fort une meilleure inclusion des citoyen-ne-s et de la société civile dans les processus des Nations Unies.
Un autre souci latent de cet UNGASS consiste dans l’absence d’implication de nombreuses agences internationales parallèles ou issues de l’ONU, tel l’OMS (Santé), l’ONUSIDA, le PNUD (Développement), le Conseil consultatif des droits de l’Homme, et autres branches onusiennes, qui n’ont cessé de vouloir proposer des éléments à incorporer à l’UNGASS et à sa déclaration finale, pour alerter et élever le degré de prise de conscience des responsables politiques quant à la nécessité d’envisager des réformes politiques en matière de drogues en cohérence avec les principes internationaux basiques. Ils ont de même été sagement mis de côté tout au long du processus.
L’IDPC (Consortium International sur les politiques des drogues) a publié un document extrêmement intéressant qui reprend tout un tas de propositions faites pour la déclaration finale de l’UNGASS par des pays ou des organisations trans-nationales, et qui sont totalement absentes du document final — alors qu’ils relèvent de la logique, ou bien d’un avis expert indiscutable. [Télécharger le document]
Pour un certain nombre de délégations officielles, la coupe est pleine. Mais pourtant elles devront sans doute accepter — à moins d’un coup d’éclat de dernière minute qui bouleverserait l’ordre du jour — un verre plus qu’à moitié vide. Trop peu pour satisfaire cette soif de débat public et d’engagements en faveur de la réforme. Mais il faut savoir d’où l’on vient, pour mieux apprécier le chemin parcouru et la situation nouvelle à ce niveau. Car si l’on peut regretter la relative absence de la société civile dans le processus de négociation du texte de la déclaration finale, celui-ci comportera pour la première fois des paragraphes abordant — timidement, mais abordant tout de même — les thèmes de la santé et des droits fondamentaux, ce qui augure bien d’une évolution et un début d’infléchissement de la stratégie globale anti-drogues.
À suivre, donc, les réactions à chaud, en particulier celles de trois présidents hauts en couleur, qui ont annoncé leur venue en personne à l’UNGASS — quand la France envoie Patrick Kanner — le colombien Juan Manuel Santos, le mexicain Enrique Peña Nieto, et le bolivien Evo Morales Ayma… parmi peut-être d’autres personnalités très attendues, dont un certain président nord-américain.
L’UNGASS À SUIVRE DEPUIS CHEZ SOI.
(pour voir le détail des horaires, consultez l’agenda, plus bas)
LUNDI 18 AVRIL 2016
Le grand raout onusien débute donc lundi 18 avril dans l’enceinte des Nations Unies à New York, avec le Forum de la Société Civile. Ce temps fort de rassemblement de l’ensemble des représentants des organisations non-gouvernementales entamera le programme des discussions pour établir les bases minimales d’un bon diagnostic qui endiguerait les conséquences délétères engendrées par des décennies d’une « guerre aux drogues » au nom d’un contrôle international des stupéfiants qui trouve aujourd’hui ses limites. En exergue, et avec le soutien conjoint de la délégation européenne présidée par les Pays Bas, le thème de cette rencontre « de l’efficacité des politiques anti-drogues sans le recours à la peine de mort » attaquera l’un des points de blocage récurrent des discussions onusiennes sur le niveau de pénalisation à appliquer et la proportionnalité des peines.
MARDI 19 AVRIL 2016
Mardi 19 avril, alors que la session plénière s’ouvrira officiellement, l’ordre du jour indique que le texte de la déclaration finale sera adopté dans la foulée, ce qui rendra sans doute plus intéressante la séquence des commentaires qui suivra ce vote. C’est à ce moment là que le dissensus sera à son comble… Ensuite suivront les discussions générales à raison de deux sessions plénières quotidiennes.
Simultanément au vote de la déclaration finale, deux autres temps forts de l’agenda sont à suivre :
Une conférence de presse où nous scruterons les déclarations de directeur de l’ONUDC, Yuri Fedotov, au flegme désormais célèbre, qui fera face — pour une fois — à une cohorte de journalistes critiques.
Dans le cadre d’un évènement parallèle, l’OICS cherchera à nous convaincre que « les Traités internationaux instaurant le contrôle des drogues constituent le cadre polyvalent pour assurer le bien-être et la santé de l’humanité« , nous assurant sûrement que les traités sont assez flexibles pour permettre la dépénalisation ou d’autres expérimentations — dans une tentative désespérée de garder en l’état pour les décennies à venir, en bon Cerbère des conventions, les textes des trois traités obsolètes sur les drogues. Un changement de ton cependant notable pour l’OICS, qui s’est pendant des années opposé, dans une posture toute morale et politique, aux changements de fond, et qui désormais est enclin à laisser s’opérer ces changement de fond, tant qu’ils ne provoquent pas de changement de forme dans les textes des sacro-saintes conventions.
En suivant, le premier grand évènement sera orchestré par la Mission française à l’ONU, à l’origine conjointement avec la mission suédoise mais au final avec le soutien d’une ribambelle d’autres pays, avec pour thématique la jeunesse et cette « invitation à l’écoute et à la compréhension pour une meilleure prévention ». Ayant suivi depuis le début ce projet, c’est un grand soupir de soulagement que nous poussons, tant la proposition initiale « un évènement franco-suédois », sans plus de détails, nous avait paru étrange (on se souviendra des prestations étranges du Dr Pier Vincenzo Piazza, surnommé Dr Folamour par les ONG, un chercheur aux thèses saugrenues que la France avait mis en avant il y a deux ans à l’ONU).
Ensuite, viennent deux événements qui auront une importance capitale de notre point de vue :
la Table Ronde N°1 sur le thème “Drogues et Santé”,
un évènement exceptionnel concocté par la délégation colombienne à l’ONU sur cette question « Quelles politiques en matière de drogues après l’UNGASS, et dans la perspective de 2019 ?« . Ce qui est remarquable, c’est qu’il semble que cet évènement s’inscrive dans le prolongement nocturne de la première journée qui aura vue l’adoption de la Déclaration finale. Un bon moyen de pouvoir, à chaud, commencer un croquis du champ des possibles post-UNGASS et pre-2019.
MERCREDI 20 AVRIL 2016
Le Mercredi 20 avril, en dépit de nombreuses manifestations dans le monde qui marqueront le “420”, cette journée mondiale des fumeurs de cannabis, et des évènements qui se produiront en dehors et aux abords des Nations Unies, le programme de la journée sera divisé avec deux grands événements en parallèles : les sessions 3 et 4 de l’assemblée plenière qui continuera son débat général d’un côté, et deux Tables Rondes e l’autre, la seconde sur le thème “de la réduction de l’offre et des mesures pour lutter contre le crime organisé” et la troisième sur cette question polymorphe des questions transversales : « Drogues, droits humains, femmes, jeunesse et communautés« .
Intercalé à la reprise des débats, un point presse de la délégation urugayenne présentera « les évolutions en cours en Uruguay et les perspectives au-delà de l’UNGASS« , venant rebondir sur l’évènement colombien de la veille.
Le point d’orgue de cette UNGASS 2016, pour la dernière journée, le jeudi 21 avril concernera les deux points presse annoncés : Evo Morales Ayma, le charismatique président de l’Etat pluri-national de Bolivie viendra expliciter les voies possibles pour amender les conventions. Plus tard, ce sera au tour du ministre de l’environnement de l’Equateur qui exposera les recommandations de son pays devant la presse (même si le récent tremblement de terre va sans doute perturber son agenda).
Toujours simultanément aux sessions plenières 5 et 6 où les déclarations de chaque haut responsable viendra à la tribune de l’ONU pour faire une déclaration, en bonne logique les Tables Rondes qui formaient l’ossature principale du processus de préparation de l’UNGASS au cours des deux dernières sessions de la Commission des Stupéfiants, clôtureront cette séquence onusienne par la N°4 sur d’autres questions transversales : « nouveaux défis, nouvelles menaces et réalités », et N°5 sur la thèmatique du « développement socio-économique dans la lutte anti-drogues ».
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Nous vous avons compilé un agenda de l’intégralité des sessions télé-diffusées sur la
webTV de l’ONU (accessible à ce lien : webtv.un.org), n’hésitez pas à le consulter :