Une étude sur la légalisation de la marijuana dans l’Etat du Colorado, il y a déjà quatre ans, démontre ses effets positifs sur l’économie : créations d’emplois et hausse des recettes fiscales.
L’élection imprévue de Donald Trump a masqué d’autres votes qui se sont déroulés le même jour, dans de nombreux Etats américains. En particulier, plusieurs référendums ont porté sur la légalisation du cannabis. En 2012, le Colorado et l’Etat de Washington avaient déjà voté en faveur de cette évolution, suivis deux ans plus tard par l’Alaska et l’Oregon.
Même si la loi fédérale continue à être restrictive, 17 millions d’Américains avaient alors gagné le droit de consommer, d’acheter, et de produire du cannabis. En 2016, le Nevada, le Massachusetts, et surtout la Californie, ont étendu ces droits à près de 49 millions de citoyens.
Des pays entiers se sont également engagés dans la voie de la légalisation : après l’Uruguay en 2013, c’est le Canada qui s’apprête à le faire. Après des décennies de désastreuse «guerre à la drogue», le pragmatisme impose enfin d’autres politiques.
Les pays qui, comme la France, en restent encore à une ligne répressive feraient bien de tirer les leçons de ce qui se passe ailleurs. Car si on connaît déjà les coûts de la prohibition, si son échec tant du point de vue de la santé publique que de la lutte contre le crime organisé sont bien établis et documentés, la mise en œuvre pratique de la légalisation fournit maintenant plusieurs expériences en grandeur réelle, permettant d’affiner l’évaluation de telles politiques.
Ainsi, une étude vient de paraître, proposant une analyse de l’impact économique de la légalisation du cannabis au Colorado (1).
Une telle étude est précieuse : lorsque le cannabis est illégal, de telles analyses ne peuvent s’appuyer que sur des extrapolations, intrinsèquement périlleuses, d’estimations par ailleurs contestables puisque portant sur des activités clandestines ; mais le cannabis étant devenu légal au Colorado, il est possible d’observer l’activité économique réellement générée par ce produit dans un territoire où vivent plus de 5 millions d’habitants.
Les auteurs ont tenté d’évaluer non seulement l’activité directement liée au cannabis, mais aussi celle qui est induite par ce nouveau marché, ou plus exactement ce marché nouvellement intégré à l’économie officielle.
En ce qui concerne l’activité directe, le volume total des ventes est d’un milliard de dollars en 2015, pour près de 13 000 emplois créés dans l’agriculture, le commerce, ou l’activité de transformation, la marijuana étant vendue non seulement sous forme d’herbe à fumer mais aussi en huile, en cookies, etc. Il faut noter que la production est presqu’exclusivement indoor, dans des bâtiments où un éclairage artificiel permet de simuler le rythme des saisons et de produire régulièrement tout au long de l’année ; un tel mode de production est plus intensif en capital, et surtout en énergie, qu’une production en plein air, plus intensive en travail.
Une activité directe importante est également d’ordre bureaucratique, la loi imposant de nombreuses contraintes, notamment en termes de traçage du produit et de normes sanitaires, depuis la production jusqu’au consommateur final. Au-delà de ces 13 000 emplois, près de 3 000 emplois indirects ont été créés dans des entreprises qui fournissent des services aux producteurs et distributeurs de cannabis : sécurité, construction et ventes immobilières, conseils juridiques, etc.
Enfin, à travers l’intégration de ce nouveau secteur à un modèle «input-output» de l’économie du Colorado, l’étude a chiffré à 2 500 le nombre d’emplois indirects, induits par la consommation des employés et des actionnaires de l’industrie du cannabis, désormais entièrement intégrés à l’économie légale.
Un élément important à prendre en compte est que les échanges restent interdits d’un Etat à l’autre, même entre deux Etats limitrophes ayant chacun légalisé le cannabis. Une grande partie de l’activité induite par l’économie du cannabis reste donc, par construction, localisée au Colorado. Au total, la légalisation a créé plus de 18 000 emplois directs ou indirects.
Les auteurs notent que la transition du marché noir au marché légal continuera pendant quelques années, nourrissant ainsi une forte croissance du marché au moins jusqu’à 2020. L’ensemble des recettes fiscales est, quant à lui, estimé à 120 millions de dollars, 30 % de moins que pour les cigarettes mais trois fois plus que les taxes sur l’alcool.
La transposition à l’échelle de la France n’est pas immédiate, tant les modes de culture et de distribution que les taxes seront différentes. Mais rapportée à la population française, il s’agirait de 200 000 emplois, non subventionnés, et de près de 1,5 milliard de recettes fiscales. Alors que les arguments sécuritaires et sanitaires plaident eux aussi contre la prohibition, la France peut-elle se priver d’une telle source de richesse, d’emplois, et de croissance ?
Cette chronique est assurée en alternance par Pierre-Yves Geoffard, Anne-Laure Delatte, Bruno Amable et Ioana Marinescu.
Le droit doit "évoluer en fonction de la société", notamment en matière de pénalisation du cannabis et de l'euthanasie, a estimé ce mardi 28 janvier le procureur de la République à Grenoble Jean-Yves Coquillat, en parlant d'"échec" de la politique répressive.
France 3 Alpes avec AFP
"L'adultère était un délit jusqu'en 1975, l'homosexualité en était un jusqu'en 1982 (...) Est-ce que l'usage du cannabis doit rester un délit? Est-ce que l'euthanasie doit rester un crime?", s'est-il interrogé sur France Bleu Isère, soulignant que "le droit, la loi devaient évoluer en fonction de la société".
Pour le cannabis, "depuis 40 ans, nous avons une politique répressive. Des sondages ont été publiés dernièrement à ce sujet et on voit que jamais autant de jeunes n'ont fumé du cannabis", a pointé M. Coquillat. "Donc, c'est un échec au plan de la santé publique mais c'est également un échec au plan de la lutte contre les trafics et l'économie souterraine puisque c'est l'essentiel de l'économie souterraine dans nos quartiers", a ajouté le magistrat.
M. Coquillat avait tenu un discours semblable lors de l'audience de rentrée du tribunal de Grenoble le 17 janvier, appelant à "réfléchir à un droit pénal plus proche des aspirations de nos concitoyens et des changements profonds de notre société". "En Hollande, en Suisse, en Espagne, nos voisins, le cannabis est en vente libre ou toléré. Pouvons-nous en faire abstraction? Gardons-nous des idées reçues depuis toujours: ce n'est pas bien, c'est mal, c'est dangereux, c'est interdit...", avait alors déclaré le procureur.
Candidat très attendu lors de la prochaine élection à la présidentielle, Emmanuel Macron se montre favorable à la dépénalisation du cannabis, serpent de mer sociétal qui devrait être débattu lors de la campagne.
Dans son ouvrage « Révolution », l’ancien locataire de Bercy se montre très clair sur le sujet
Dépénalisation oui, légalisation non. Dans son ouvrage «Révolution», l’ancien locataire de Bercy se montre très clair sur le sujet. «Je plaide pour une dépénalisation de la détention en petite quantité du cannabis afin de désengorger les tribunaux», écrit Emmanuel Macron.
Egalement interrogé à ce propos sur France Inter en septembre dernier, l’ex-ministre de l’Economie avait reconnu à cette occasion que la consommation de cette drogue dite douce pose à la fois «un problème de sécurité, de lien avec la délinquance dans les quartiers difficiles et de financement de réseaux occultes».
A l’époque, il demandait néanmoins un délai supplémentaire pour affiner sa réflexion. La sortie de «Révolution» lui a permis de mieux préciser son point de vue sur la question.
Une étude menée par des chercheurs à Nancy, révèle que l’usage régulier de cannabis impacte la rétine. Les yeux d’un consommateur régulier réagissent plus tardivement à la lumière.
Causa Map, une étude menée à Nancy sur une centaine d’usagers réguliers de cannabis
Document CHRU NANCY
On sait déjà que l’usage de cannabis altère le comportement. Mais pour la première fois au monde une étude scientifique, « Causa Map » menée à Nancy sur une cinquantaine de consommateurs réguliers par des chercheurs du CHRU et du Centre Psychothérapique Nancy, révèle que les yeux d’un consommateur régulier ont un important retard dans leur réponse à un signal lumineux. « L’étude a porté sur des personnes qui consomment vingt joints en moyenne chaque semaine et depuis au moins six ans », précise Vincent Laprévote, médecin psychiatre et coordonnateur de l’étude.
« La rétine est une porte d’entrée vers le cerveau et ses cellules ont un fonctionnement identique aux neurones du cerveau. Or chez les usagers réguliers de cannabis, on observe un retard de traitement des informations qui arrivent à la rétine de l’œil. Un retard de l’ordre de 10 millisecondes, soit 10 % du temps de traitement d’une info, ce qui est conséquent », souligne Thomas Schwitzer, psychiatre en charge de l’analyse des données de l’étude.
Cela ouvre de nombreuses perspectives, quand on sait que la vision est impliquée dans nombre d’actes de la vie quotidienne avec des conséquences, comme dans la conduite automobile, déterminantes.
Nouvelle méthode d’arrêt du cannabis étudiée à Nancy
Et si contrairement aux effets de l’alcoolémie, il n’existe pas encore de marqueurs biologies de l’usage du cannabis autres que le simple dépistage, cette étude pourrait demain « avoir une réelle application dans ce domaine ».
La poursuite de l’analyse des données recueillies auprès des usagers réguliers permettra en outre de déterminer si l’impact du cannabis sur la rétine « est irrémédiable ou non après un arrêt de la consommation régulière et si ce retard se répercute plus loin dans le cerveau avec d’éventuelles conséquences comportementales ». L’étude nancéienne Causa Map qui met - pour la première fois au monde - en évidence les effets du cannabis sur l’œil humain a été publiée dans la très réputée revue américaine Jama Ophtalmology.
Dès 2017, l’équipe de chercheurs lancera « Mac Beth », un nouveau programme de recherche pour évaluer une nouvelle méthode d’arrêt de la consommation de ce stupéfiant. Les chercheurs sont toujours en quêtes de consommateurs réguliers de cannabis (au moins sept joints par semaine) et volontaires pour participer à ces études.
Contact : causamap@chru-nancy.fr ou au 03 83 15 53 08
Le conseil d'Etat a décidé d'autoriser le test salivaire de détection de stupéfiants pratiqué par l'employeur sur ses salariés. Il avait été saisi par une société gardoise.
Un employeur pourra désormais pratiquer un test salivaire de détection de stupéfiant sur ses employés. Tout du moins sur ceux qui occupent un poste hypersensible en matière de sécurité. Le conseil d'Etat vient de donner son feu vert.
La haute juridiction avait été saisie par l'entreprise gardoise Sud Travaux à Garons. Elle lui a donc donné raison contre l'Inspection du travail qui était opposé à cette pratique. C'est surtout le secteur du bâtlment qui est concerné: selon une enquête de la Fédération du bâtiment en Languedoc et dans le Roussillon 2 employés sur 10 fument du cannabis..
lire aussi: Le cannabis, ce nouveau fléau du bâtiment
Pour Philippe Tamaï, le président de la Fédération du bâtiment dans le Gard, cette décision du conseil d'Etat est une bonne nouvelle.
Interview de Philippe Tamaï, président de la fédartion du bâtiment dans le Gard
Trois pointures scientifiques belges, Paul De Grauwe, Tom De Corte et Jan Tytgat, viennent de publier un ouvrage où elles détaillent un projet de légalisation du cannabis.
En autorisant une certaine consommation individuelle, notamment à travers des clubs associatifs, et en poussant l'usage médical de la plante. Le projet est prudent: il ne va pas jusqu'à la libéralisation telle que pratiquée par certains états américains. L'Etat pourra taxer ce cannabis légal.
La légalisation du cannabis est très tendance dans le monde occidental. Les Américains y passent, le Canada l'a votée pour 2017. La Belgique se tâte. Un livre titré "Cannabis onder contrôle - Hoe ?" vient d'être publié chez Lannoo, et sortira en français en février/mars. Il est rédigé par trois scientifiques reconnus : l'économiste Paul De Grauwe (London School of Economics), le criminologue Tom Decorte (Université de Gand), et le toxicologue Jan Tytgat (KULeuven). Ils proposent un plan détaillé de légalisation contrôlée.
6 plants par personne et des "social clubs"
L'ouvrage propose que les particuliers soient autorisés à cultiver jusqu'à 6 plants de cannabis pour leur usage propre. Ou de participer à des "social clubs", des associations organisant la culture de la plante selon les mêmes limites (6 plants maximum par personne). Il propose aussi de développer l'usage médical du cannabis. La législation actuelle est plutôt confuse. La détention et la vente de cannabis est interdite, mais il y a une tolérance de 3 grammes (ou un plan) pour un usage personnel.
"Il faut envisager une certaine légalisation, car la politique de répression a échoué, la consommation est plus forte que jamais" avance Paul De Grauwe, lors de la présentation de l'ouvrage à Louvain. "Mais nous ne proposons pas d'aller jusqu'à la libéralisation à l'américaine, où le cannabis devient une industrie dans certains états."
Dans le plan du trio, hormis pour un usage médical, le cannabis ne pourra pas être produit par des entreprises, uniquement par les particuliers ou les associations (social clubs). Le particuliers ne seraient pas autorisés à vendre leur production ni à les consommer dans les cafés ou les restaurants. Les semences pourraient toutefois être revendues. Les social clubs ne pourraient fournir que leurs membres, sans objectif lucratif, et ne seraient pas autorisés à lancer des campagnes de promotion.
Une autorité indépendante
"Le dispositif devrait être suivi par une autorité fédérale indépendante pour en tirer les conclusions après 5 ou 6 années de mise en oeuvre" avance Tom De Corte. "Ces conclusions pourraient mener à d'autres changements. Tout est possible. On pourrait imaginer un monopole public, un peu comme en Suède pour l'alcool, qui est distribué par un organisme public."
Les trois professeurs estiment que le monde politique est aujourd'hui plutôt ouvert ou du moins prêt à discuter de cette évolution. "Nous avons en tous cas voulu mettre sur la table des propositions concrètes" dit Jan Tytgat. "Sur ce sujet, les politiques ont souvent reproché aux scientifiques d'être vagues ou rêveurs sur ce sujet, ici c'est concret."
Une taxe pour réguler les prix
L'Etat pourrait tirer des recettes nouvelles de cette libéralisation encadrée à travers la taxation du cannabis ainsi légalisé. Cette fiscalité visera à freiner la baisse du coût du cannabis qui devrait survenir.
Parmi les arguments avancés pour pousser la réforme est le contrôle du cannabis consommé. "A présent l'Etat ne contrôle rien, il y a donc des soucis de santé publique" dit Paul De Grauwe, "et la lutte contre le trafic entraine un coût, notamment pour les prisons, qui pourrait se réduire en libéralisant de manière contrôlée."
Il reste à voir la réaction concrète du monde politique. Le dossier tombe à point pour nourrir les discussions dans la perspective des prochaines législatives en 2019, à moins qu'il y ait un consensus avant. "J'ai été parlé du sujet devant le PS, notamment Elio Di Rupo, et le parti semblait intéressé par le principe d'une certaine léglalisation, et songeait à faire une proposition", dit Tom Decorte.
Le député PS Benoît Hamon, candidat à la primaire de la gauche, a estimé lundi que « la vraie gangrène » des quartiers était « l'économie du cannabis » et plaidé pour la légalisation afin de « tuer ces trafics ».
« Je pense surtout qu'il faut qu'on s'attaque à la vraie gangrène, à savoir l'économie du cannabis », a déclaré le député des Yvelines sur France info, en réagissant à l'attaque dont ont été victimes quatre policiers en lisière de la cité difficile de la Grande Borne dans l'Essonne.
« C'est pour ça que ma position, c'est la légalisation du cannabis, pas simplement la dépénalisation d'usage. Afin que demain, nous puissions tuer ces trafics », a dit M. Hamon.
Selon un sondage Ipsos diffusé lundi, plus d'un Français sur deux (52 %) est favorable à ce que la question de la législation du cannabis soit abordée dans le cadre de la prochaine campagne présidentielle.
« Ne pas être dans le déni »
L'ancien ministre de François Hollande, qui a quitté le gouvernement à l'été 2014, appelle également à la réinstallation de la « police de proximité », notamment dans les quartiers difficiles.
« La question est de savoir si l'on peut avoir une relation plus normale avec les forces de police. La population y aspire, ceux qui n'en veulent pas, ce sont ceux qui se nourrissent de la population, du cannabis et qui en font non seulement le moyen d'en vivre mais s'en servent pour mettre sous coupe réglée certains quartiers », a-t-il plaidé.
M. Hamon, qui se veut le chantre de « la question sociale », a aussi revendiqué des « robustes différences » avec ses principaux rivaux aux primaires, déclaré (Arnaud Montebourg) ou non (François Hollande). Il a ainsi exhorté à « changer de politique » sur les sujets sociaux et « ne pas être dans le déni ».
Des engagements « dépassés »
« C'est pour ça que je ne cours plus après un modèle de développement qui fait de la croissance l'alpha et l'oméga des politiques publiques », a rappelé le député des Yvelines, qui propose notamment un « revenu universel ». « Car non seulement la croissance ne revient pas mais en plus elle a un coût environnemental et un coût social insoutenables. »
« Mon objectif, et c'est surement la différence que j'ai avec Arnaud (Montebourg), ce n'est pas d'être le gardien des engagements de 2012 de François Hollande », a-t-il encore dit.
« Car, à bien des égards, ces engagements de 2012 sont aujourd'hui dépassés. On voit que la révolution numérique va entraîner la destruction de centaines de milliers d'emplois sans qu'il n'y ait aucune anticipation sur ces conséquences. »
Depuis plusieurs décennies, c’est l’un des sujets sociétaux les plus discutés. Et il y a fort à parier que la dépénalisation et/ou la libéralisation du cannabis sera de nouveau évoqué lors de la campagne présidentielle. Voici ce qu’en pense François Fillon, candidat Les Républicains.
Si la question n’est pas directement abordée dans la profession de foi diffusée sur son site internet, cela n’empêche pas l’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy d’avoir un avis bien tranché sur la réponse à apporter.
François Fillon est farouchement opposé à toute évolution législative sur le sujet. Il l’a dit à BFMTV en janvier 2016. «Je suis contre la dépénalisation ou libéralisation (…). Il y a une augmentation de la consommation, notamment chez les jeunes, mais (…) l'argument qui consiste à dire que parce que la consommation augmente on va tout libéraliser ne me satisfait pas», avait-il déclaré.
Et ce n’est pas l’exemple des Pays-Bas, où la consommation et la revente du cannabis sont autorisées et encadrées, qui fera infléchir les convictions de François Fillon. «La politique suivie en France n'est pas forcément la meilleure, mais celle conduite dans d'autres pays qui ont dépénalisé le cannabis (Pays-Bas) n'a pas les résultats qu'on veut bien lui donner. Aux Pays-Bas, la question fait débat. On ne peut pas dire que là où c'est dépénalisé, il y a moins de consommateurs», croit-il savoir.
En 1970 déjà, c’est en catimini, le 31 décembre, qu’une poignée de député(e)s votèrent la loi désormais contestée sur les stupéfiants, sans autre forme de débat.
Proposée par le progressiste ministre de l’Intérieur de l’époque, M. Raymond Marcellin, fonctionnaire zélé du régime de Vichy et par la suite proche de M. Pompidou, cette mesure intégrait parfaitement le dispositif des lois « anti-casseurs » destinées à lutter contre les velléités révolutionnaires d’une partie de la jeunesse d’alors.
Durant ce dernier demi-siècle, nombre d’aménagements en modifièrent le contenu pour en aggraver les peines ou créer de nouveaux délits, la plupart du temps dans un contexte émotionnel intense dépourvu de toute argumentation rationnelle. Ainsi fut notamment adopté le texte dit « loi Marilou » suite à un accident de la route ayant entrainé le décès d’une enfant, le conducteur ayant été révélé positif au cannabis. Désormais la seule présence de traces de cannabis suffit à considérer l’automobiliste incapable de conduire en dépit de la plupart des études menées sur ce sujet.
En matière de drogues, il semble apparaitre qu’aucune place ne soit accordée à la discussion et à la raison. Tout est bon pourvu qu’on abonde dans le sens de la pensée dominante qui considère l’usage de certaines substances psychotropes au mieux comme une pathologie qu’il faut soigner contre la volonté même des individus, au pire comme un vice qu’il faut purement et simplement éradiquer. Afin d’éviter toute contestation, le législateur ajouta dès le début, la notion de « provocation à l’usage » et de « présentation sous un jour favorable » des stupéfiants, délit pouvant être poursuivi sans qu’il ne soit suivi d’effet, un comble !
À aucun moment donc, les piètres résultats du dispositif répressif ne furent réellement dénoncés si ce n’est à l’occasion de rapports ministériels aussitôt enterrés. Ce fut le cas en 1978 avec le rapport Pelletier, en 1990 et le rapport Trautman, en 1995 avec celui du Pr Henrion, en 1997 enfin avec le rapport du Pr Roques. D’autres parutions d’institutions à valeur « consultatives » parvenant aux mêmes conclusions réformatrices connurent un « succès » identique.
Il semble qu’aucun document, aucune étude, aucune expérience révélant le total échec du dogme prohibitionniste n’ait jamais pu le remettre en question. En tout cas dans l’esprit des décideurs politiques pour lesquels le thème des drogues s’est toujours accordé avec celui de la sécurité, depuis peu avec la santé, de façon récurrente à l’approche du renouvellement de leur mandat. Ils/elles sont ainsi nombreux(euses) à s’être fait(e) élire par ce biais sans avoir jamais cependant eu à rendre de compte. C’est pourtant ce que l’on demande aux élu(e)s, des résultats…
Les peines visant les usagers des drogues illicites et notamment ceux de la plus populaire d’entre elle, le chanvre/cannabis ont donc été renforcées, particulièrement dans les années 90. De nouveaux textes ont ajouté des peines aux peines, parfois consécutivement. Ainsi au délit de conduite sous l’emprise de drogue, suit le retrait du permis, la perte d’un emploi sans parler des conflits familiaux potentiels.
Dans la même confidentialité qu’il y a 46 ans, nos législateur(trice)s viennent d’adopter un amendement dans le cadre de la loi cyniquement baptisée « Égalité et citoyenneté », texte prévoyant que « le contrat de location est résilié de plein droit à la demande du bailleur, lorsque le locataire ou l’un des occupants du logement a fait l’objet d’une condamnation passée en force de chose jugée » pour trafic, vente, achat ou usage de drogue, en vertu des article 222-34 à 222-39 du code pénal. Ainsi toute personne impliquée et condamnée pour des faits liés à une ILS (infraction à la législation sur les stupéfiants) peut perdre, ainsi que ces proches, famille ou hébergeur, son logement.
Nous atteignons là un niveau de violence et d’ignominie avec la déchéance des Droits les plus élémentaires nous amenant à nous interroger sur les prochaines étapes à venir. L’interdiction de l’accès à l’éducation pour les enfants d’usagers de drogues ? Aux cantines scolaires ? Aux services et prestations sociales comme cela a vraisemblablement déjà été suggéré ? À l’emploi ? À des travaux forcés pourquoi pas ? Nous ne sommes pas à une régression prêt.
La situation est d’autant plus préoccupante qu’elle survient alors qu’un vaste mouvement international visant à abandonner le « tout-répressif » s’est amorcé, en Amérique notamment. Au sud, l’Uruguay est devenu le premier pays à légaliser l’usage récréatif et thérapeutique du chanvre/cannabis tandis que d’autres semble prêts à lui emboîter le pas. Au printemps 2017 un éminent membre du G7, le Canada, fera de même.
Aux USA, ce sont plus de la moitié des États qui ont légiféré l’usage thérapeutique et près d’une dizaine la filière récréative, dont le plus emblématique, la Californie. Un mouvement de cette ampleur ne semble pas prêt à disparaitre. Les résultats positifs que ses partisans annonçaient n’ont pas tarder à se faire sentir, mécaniquement. La criminalité artificiellement générée par le loi a de fait disparu. Les dealer(euse)s d’antan sont devenu(e)s d’honorables commerçant(e)s possédant des licences.
Chacun(e)s dans cette filière florissante paye des taxes venant combler les déficits des États concernés. Aux bénéfices financiers viennent s’ajouter les économies réalisées depuis la suppression des budgets alloués à la répression. La chute de la population carcérale n’est pas négligeable, pas plus que la sur-représentation de certaines minorités, mais gageons que la police nord-américaine trouvera toujours de nouveaux prétextes pour s’en prendre à elles.
En Europe en général et en France en particulier, le débat finira par se produire. Négligemment présenté comme un « marronnier électoral » par ses détracteur(trice)s, il n’en est pas moins un sujet des plus grave de notre société. Son implication dans de nombreux secteurs comme celui de la Santé, de la Justice, de la Sécurité et de la cohésion sociale en font un des thème majeur que nos prétendant(e)s à des mandats politiques se devraient d’aborder avec tout le sérieux nécessaire.
En l’absence d’initiatives de leur part, c’est à la société civile que revient ce rôle. Aux organisations et mouvements directement ou non impliqués dans ce sujet. Aux associations d’usagers, de soignant(e)s, humanistes aussi, avec une ouverture aux personnalités politiques disposées à collaborer ensemble en dépit de leurs divergences idéologiques.
Un tel groupe nécessiterait la nomination d’un(e) représentant(e), d’un porte-parole capable de suscité l’adhésion d’un grand nombre. Quelqu’un(e) d’impartial(e) parfaitement au faîte du sujet et compétent(e). Une perle rare que le collectif qui commence à se mettre en place aura fort à faire à désigner.
C’est à ce projet qu’il faut désormais s’atteler pour en finir avec l’idéologie prohibitionniste.