S’insurgeant contre une image « biaisée » des consommateurs de drogues, des experts dénoncent les tabous, qui nuisent à la prévention.
Lors d’une conférence organisée de jeudi à samedi à Paris sous l’égide de l’Union européenne , des experts ont plaidé pour une vision moins « biaisée » des usagers de drogues, souvent présentés comme des marginaux « dépendants et précaires ». « L’accent a systématiquement été mis sur les populations captives (usagers en traitement ou interpellés) qui sont les seules visibles », a ainsi déploré Tom Decorte, professeur de criminologie à l ’ université de Gand (Belgique) . Or, selon lui, il n’y a pas lieu d’associer systématiquement drogues et exclusion . « L a plupart des consommateurs se cachent pour éviter des sanctions mais aussi des réactions négatives de leur entourage professionnel et familial » , a-t-il expliqué, lors de cette conférence organisée par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
« Très intégrés »
Le criminologue , qui a étudié des usagers de cocaïne « cachés » , a par exemple cité « une part importante de consommateurs très intégrés - étudiants, cadres supérieurs ou intellectuels - qui sont motivés par la sensation de plaisir que provoque la substance et contrôlent , voire réduisent , seuls son usage . » « Faire de cela un tabou a nui durablement à la connaissance du phénomène des consommations de drogues » , a encore assur é l’expert.
Majorité silencieuse
La sociologue Catherine Reynaud-Maurupt, a , elle, étudié des usagers « cachés » pluriquotidiens de cannabis , jeunes et bien insérés , qui « estiment représenter une sorte de majorité silencieuse et n ’ avoir ni le besoin ni le désir d’être " sauvés " du cannabis » . « Ils s’insurgent contre l’image de marginalité et de déchéance qui leur colle à la peau » , a-t-elle rapporté. Jean-Michel Costes, directeur de l’OFDT , a rejoint ce constat . Selon lui, « il est fondamental de prendre aussi en compte la perspective des usagers intégrés, leur culture, leur contexte de consommation et non de se concentrer sur ceux qui sont débordés par le phénomène et font appel au système de soins. »
Source : le telegramme