«Depuis le début de l'année, plusieurs campagnes de prévention sur le tabac ont été lancées sur les radios et télés, ainsi que des campagnes sur l'ivresse.»
Dans une lettre adressée la semaine dernière au gouvernement, la Fédération française d'addictologie (FFA) dénonce «l'absence de politique de santé en matière d'addiction». Depuis le remplacement, il y a plus d'un an, de Nicole Maestracci par Didier Jayle à la tête de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), la FFA - regroupant médecins, directeurs de centres de soins spécialisés et associations - estime que «sur tous les fronts, que ce soit la prévention, les dispositifs de soins ou les mesures légales, le gouvernement a repris les vieux réflexes de l'approche par produits et pris des mesures plus animées par des logiques économiques et sécuritaires que sanitaires». Annoncé pour la mi-novembre, le plan quinquennal de la Mildt a été reporté à janvier. Idem pour les réunions interministérielles sur la réforme de la loi de 1970 sur les stupéfiants.
Des professionnels dénoncent votre «incohérence» et votre «impuissance». Où en est la politique des drogues du gouvernement ?
Une version quasi définitive du plan quinquennal a été remise au Premier ministre. Plusieurs points requièrent son arbitrage, mais sa priorité et le principe qui le guide font consensus : c'est la recherche de l'efficacité dans le domaine de la prévention et des soins. Pour que la stratégie publique de lutte contre les drogues soit pertinente, il faut qu'elle se traduise par des actions concrètes et spécifiques à chaque produit. Sans se réfugier derrière les discours monolithiques sur «les addictions» brandis par certains. Certes, ce concept d'addiction est unificateur pour les professionnels du soin : il existe des parentés dans les mécanismes biologiques des effets des drogues. Le plan prévoit d'ailleurs le développement de l'addictologie comme discipline. Mais ce concept n'est pas opératoire pour les actions de santé publique. Le grand public consomme des produits bien concrets : chacun a une place singulière dans les pratiques culturelles et dans la vie quotidienne. Peut-on lutter de la même façon contre le tabagisme passif et l'ecstasy dans les raves ? Contre l'ivresse au volant et les méfaits du crack ? Peut-on adresser le même message au jeune qui fume un joint avant d'aller à l'école et au quinquagénaire qui boit trop d'alcool ? La réponse est évidemment non. La dépendance aux diverses substances a des déterminants communs psychologiques, familiaux ou sociaux, mais les conséquences de leur usage sont en partie, et seulement en partie, similaires.
N'est-ce pas un retour en arrière vers une approche centrée sur «les produits» ?
La politique publique doit tenir compte à la fois des similitudes et des différences. Par exemple, le sevrage tabagique et celui de l'héroäne n'ont évidemment pas les mêmes enjeux ; en revanche, la réinsertion professionnelle est un problème commun aux alcooliques et aux toxicomanes. C'est pourquoi le plan prévoit la mise en place de stratégies thérapeutiques propres à chaque produit, avec des structures qui, bien sûr, peuvent être tantôt communes tantôt différentes. Je veux par exemple créer des réseaux de «consultation cannabis» pour les jeunes et leurs parents.
Certains déplorent une obsession du cannabis, au détriment par exemple de l'alcool, autrement plus dangereux...
La consommation de cannabis a explosé ces cinq dernières années, notamment chez les jeunes. Au moment où paraissent des résultats scientifiques sur les risques de l'usage intensif et prolongé de cannabis, il ne faut ni diaboliser ni banaliser, mais trouver une réponse adaptée lorsque sa consommation est problématique. La plupart des centres spécialisés dans la prise en charge des héroänomanes ne sont pas configurés pour cela. De la même façon, l'abus d'alcool est un problème tellement massif que les seules structures d'alcoologie ne peuvent le résoudre : 2 millions de Français sont dépendants de l'alcool, 3 millions risquent de le devenir. On estime que 50 % des hommes hospitalisés de 35 à 54 ans ont une consommation excessive. Face à ce phénomène, il faut mobiliser en priorité les médecins généralistes. En les incitant à discuter de façon systématique des consommations de leurs patients, à motiver une baisse de la consommation et à l'accompagner, si nécessaire.
Sous l'action des lobbies, le gouvernement et sa majorité n'ont-ils pas vidé de sa substance le plan alcool qui prônait l'interdiction de vente dans les stations-service, l'agrandissement de la mention «abus dangereux» sur les étiquettes, etc.
Nous n'avons pas fait une croix sur ces mesures, il faudra repartir à la charge.
Qu'en est-il de la réforme de la loi de 1970, notamment sur l'échelle des amendes en cas de consommation de cannabis ?
Il existe un consensus pour réviser la loi. Sur le cannabis, elle maintient l'interdit. Le Premier ministre doit donner son arbitrage sur un système d'amendes et déterminer où placer le curseur de la sanction. L'objectif est de parvenir à une loi plus moderne et mieux adaptée aux pratiques. Et donc plus crédible, efficace et appliquée. Mais ce texte ne se limite pas à la sanction : il devrait donner un statut légal à la réduction des risques, ce qui est une avancée. Rappelons que la remise en chantier de cette loi paraissait impossible il y a deux ans encore.
Le gouvernement claironne sa priorité à la prévention. Pourquoi la Mildt n'a, à ce jour, lancé aucune campagne de prévention grand public ?
C'est faux. Depuis le début de l'année, plusieurs campagnes de prévention sur le tabac ont été lancées sur toutes les radios et télévisions, ainsi que des campagnes sur l'ivresse et sur l'abus chronique d'alcool. Des campagnes spécifiques sur le cannabis sont en préparation.
Source : CIRC
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