Des chercheurs ont découvert une nouvelle approche de l'anxiété : empêcher la dégradation d'un cannabinoäde endogène, l'anandamide, afin d'amplifier l'effet de ce neurotransmetteur anxiolytique naturel dans le cerveau. Pour cela, ils ont synthétisé des inhibiteurs de la FAAH (fatty acid amide hydrolase), l'enzyme responsable de l'inactivation de l'anandamide. Ces inhibiteurs synthétiques, testés chez le rat, ont un net effet anxiolytique, mais ne présentent pas les effets indésirables du delta-tétrahydrocannabinol, principe actif de la marijuana, ou d'autres agonistes cannabinoädes.
De notre correspondante
à New York
Si fumer un joint peut soulager l'anxiété, le delta 9 tétrahydrocannabinol (THC), la substance psychotrope de la marijuana et du cannabis, induit aussi d'autres effets indésirables. Le THC agit en se liant aux récepteurs cannabinoädes CB1 dans le cerveau. Ce qui suggère que les cannabinoädes endogènes qui existent naturellement dans le cerveau pourraient contribuer eux aussi à contrôler l'anxiété et l'émotion.
L'anandamide possède toutes les caractéristiques d'un cannabinoäde endogène : elle est libérée à la demande par des neurones stimulés, elle active les récepteurs cannabinoädes, elle est rapidement éliminée par un processus en deux temps, transport intracellulaire puis hydrolyse intracellulaire. L'hydrolyse de l'anandamine est provoquée par une enzyme, la FAAH (fatty acid amide hydrolase).
Une équipe de chercheurs italiens et américains, dirigée par le Dr Daniele Piomelli, pharmacologue à l'université d'Irvine en Californie, a voulu amplifier l'effet anxiolytique potentiel des cannabinoädes endogènes en empêchant leur dégradation.
Elle a donc cherché à synthétiser des composés qui inhibent l'activité enzymatique de la FAAH. Après avoir testé un certain nombre de composés, les chercheurs ont découvert deux carbamates, URB532 et URB597, qui inhibent sélectivement la dégradation de l'anandamine par la FAAH dans les neurones. Ces deux inhibiteurs de la FAAH ont été évalués chez le rat au cours de deux tests utilisés pour mesurer l'activité des molécules anxiolytiques. Résultat : ces deux inhibiteurs de la FAAH présentent des effets anxiolytiques importants, sans pour autant provoquer de catalepsie, ni réduire la température corporelle, ni stimuler l'appétit, trois symptômes principaux de l'intoxication cannabinoäde chez le rat.
Outre leur effets anxiolytiques, les deux inhibiteurs de la FAAH présentent une légère action analgésique, comme en témoigne une expérience chez la souris soumise à une douleur aiguë. Ces effets, ont vérifié les chercheurs, accompagnent une élévation des taux d'anandamine dans le cerveau et sont annulés par le blocage du récepteur cannabinoäde CB1.
« Le profil comportemental de ces agents - caractérisé par un effet anxiolytique et une légère analgésie - révèle que l'anandamine joue un rôle clé dans la régulation des états émotionnels et indique une nouvelle approche mécanistique du traitement de l'anxiété », concluent les chercheurs.
En définitive, le mécanisme d'action des deux inhibiteurs de la FAAH (URB532 et URB597) est un peu similaire à la façon dont les inhibiteurs spécifiques de la sérotonine agissent sur ce médiateur, à savoir en prolongeant la biodisponibilité de ce neurotransmetteur endogène antidépresseur.
« Bien que les résultats de cette étude soient prometteurs, le chemin à parcourir pour aller de la découverte en laboratoire à la mise sur le marché du médicament prend des années, est souvent tortueux et onéreux », commente le Dr Piomelli.
Dr Véronique NGUYEN
« Nature Medicine », 2décembre 2002,
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