Et un petit dernier : « thc, la revista de la cultura cannabica », qui s’affiche insolemment avec des feuilles de cannabis en une. 76 pages sur papier glacé, bien écrit, bien mis en page…
Source : Rue89Les kiosques à journaux argentins ressemblent à des boîtes surprise. On y trouve les classiques: quotidiens et périodiques d’informations générales, magazines people et beauté, musique ou loisirs. Les pointus: feuilles juridiques ou psy. Les décalés: Lucha armada en la Argentina; Barcelona, un satirique aux lettres gothiques qui promet "une solution européenne aux problèmes argentins"(!); des rejetons de Français: Le Monde diplo et los Inrockuptibles. Et un petit dernier: thc, la revista de la cultura cannabica, qui s’affiche insolemment avec des feuilles de cannabis en une. 76 pages sur papier glacé, bien écrit, bien mis en page… Je me suis demandée qui avait été assez gonflé pour s’imposer sur un créneau aussi risqué.
Le directeur s’appelle Sebastián Basalo, 23 ans, tout droit sorti de la fac, spécialité sciences politiques. Hyper posé, très pro, il s’explique. "La drogue est un tabou pour beaucoup de gens, il y a un manque d’informations total et même de la désinformation et c’est sur ce créneau qu’on se place: informer. Car où il y a un tabou, il n’y a pas d’information, et donc pas de responsabilisation. On n’encourage pas à fumer mais on part du principe qu’on a le droit de savoir ce que l’on consomme: toute substance comporte des risques, il faut être informé pour les mesurer. On explique que le crack tue. La consommation de marihuana en elle-même, en revanche, n’a jamais tué personne, celle d’alcool oui. Les armes et les voitures aussi, pourtant il y a des magazines sur les armes et les voitures." Pour THC, la prohibition encourage le trafic et la mauvaise qualité des drogues. D’où "la section du cultivateur", 9 pages pour réaliser ses propres plantations.
Coup d’essai, le premier numéro de thc a été tiré à 10000 exemplaires. Epuisé. Le dernier, le numéro 3, vient de sortir à presque 20000 exemplaires. Au menu: portrait de Jack Herer, "le prophète" du chanvre, les ravages du crack dans un bidonville, un dossier pédago sur la méthamphétamine, interview du leader de Dancing Mood, un groupe de ska jamaïcain… Basalo et ses associés ont eux-mêmes été surpris par ce succès. "On pensait qu’on ne ferait peut-être même pas un deuxième numéro! Et on a même reçu des mails de parents nous remerciant de les avoir informés…"
Poursuites judiciaires
Entre temps, l’Association antidrogues argentine a tenté de le faire interdire en poursuivant la direction du magazine pour "apologie de la drogue". La justice n’a pas suivi. "Les juges, comme nous-mêmes, ont considéré que personne n’allait se mettre à fumer un joint juste parce que la revue existe, c’est absurde! Nous partons du principe qu’il y a des gens qui fument, c’est un fait; il était temps d’informer sérieusement sur les risques de consommer certaines drogues." Ceci dit, chaque mot de chaque article est relu attentivement par un avocat.
Evidemment, thc est pour la dépénalisation: "Vingt ans de politiques prohibitionnistes et répressives dans le monde n’ont pas donné de résultats positifs. La convention de Vienne l’année prochaine va peut-être faire changer les choses. La solution en Argentine n’est pas de légaliser maintenant mais d’aller pas à pas. Plus de liberté c’est plus de responsabilité, c’est un problème d’éducation et de conscientisation. Les adultes boivent de l’alcool devant les enfants, en leur expliquant que ce n’est pas pour eux. Pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose avec la marihuana? C’est une question de liberté individuelle."
Il y a quelques jours, un tribunal de Buenos Aires a relaxé une femme atteinte d'une grave maladie poursuivie pour possession de marihuana, considérant que "la consommation personnelle et à usage thérapeutique" ne mettait pas en danger la santé publique. "Un grand pas en avant" pour Sebastián Besalo. "Et si thc peut contribuer à ouvrir le débat, tant mieux!
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