Après la chasse aux chanvriers et aux magasins du chanvre, de nombreuses autorités cantonales poursuivent leur croisade contre le cannabis en s’attaquant aux growshops et à l’autoproduction. Des jardiniers en herbe subissent les foudres de la police, même pour quelques plantes sur le balcon et avant l’article du mois d’août dans Le Matin . Début septembre 06, dix grenadiers de la police municipale de Berne ont saisi une cinquantaine de plantes sur un balcon de la Reitschule. Cela doit représenter une à deux plantes par membre actif du centre, pas vraiment de quoi alimenter le marché noir bernois. Mais le balcon était sans doute trop visible pour y faire pousser une plante à nouveau maudite. Les élus locaux ont adopté récemment une motion pour étudier un système officiel de distribution de cannabis. En attendant, les autorités ne veulent pas d’expérience autonome trop apparente.
Source : Chanvre-Info
Chez nos voisins
En France, la justice et la police engagent une nouvelle offensive contre les graines à oiseaux, les commerces qui les diffusent et ceux qui malgré l’interdiction de faire germer les cultivent. En Hollande, la police incite les voisins de cannabiculteurs à se plaindre de nuisances pour couper les cinq plantes tolérées et amende fortement si la découverte est à peine plus importante. La sanction quasi automatique est de six mois ferme pour cent plantes et la saisie de la maison pour les récidivistes et les installations commerciales. De nombreux growshops fleurissent en Italie et vendent des graines de collection mais les carabiniers traquent les cultures et les peines sont parfois sévères.
Politique mondiale
De nombreux pays appliquent les recommandations de l’ONU qui affirme à longueur de rapports que l’augmentation de la consommation de cannabis en Europe est provoquée par l’explosion de l’autoproduction, la tolérance des growshops et la trop grande visibilité des partisans de la réforme. Cette analyse est très contestable mais elle offre une ultime opportunité de survie à tous ceux qui profitent grassement de la prohibition, financièrement et/ou politiquement.
Conséquences locales
Dans une loi cantonale en préparation, Vaud veut imposer une liste des variétés de chanvre autorisées pour la culture ornementale, toutes soit-disant inférieures à 0,3% de THC. Malgré cette valeur internationalement reconnue comme non psychotrope, les autorités voudraient contraindre les magasins à un suivi de la clientèle, en d’autres termes à ficher les acheteurs de boutures, de graines et peut-être même de matériel de jardinage. Cette loi s’inspire de la législation tessinoise, déjà copiée par Bâle-Campagne. Le Valais a un projet similaire et d’autres cantons pourraient rapidement suivre la tendance. L’objectif est clair : éradiquer le mouvement chanvrier avant les prochaines élections et la votation sur l’initiative Pro-chanvre.
Stratégie injustifiable
Certains partis bourgeois prétendent régler le problème du cannabis en le rendant invisible. Ils justifient cette politique liberticide par l’augmentation de la consommation des mineurs. Ils veulent établir un interdit soi-disant applicable, avec des amendes d’ordre pour les consommateurs et des sanctions encore plus lourdes pour la vente et la production même à petite échelle. Leur vision de la prévention s’arrête à la promotion de l’abstinence, sans trop de réduction des risques jugée incitative. Ils veulent traquer les autoproducteurs car la modeste récolte de leur jardin magique finirait fumée par des gosses de 13 ans dans la rue. Le homegrow ne serait pas une alternative aux produits coupés vendus par les maffias car chaque cultivateur finirait par dealer des variétés soi-disant génétiquement modifiées à soi-disant très fort taux de THC.
En d’autres termes, le cannabis cultivé, importé et distribué par les organisations criminelles internationales serait moins toxique pour la santé et la société que celui des autoproducteurs ou des micro-réseaux locaux. C’est possible dans une vision cynique ou ultra-libérale, c’est injustifiable dans une vision réformatrice et progressiste de notre société. La peur aveuglerait-elle tant les politiciens et les citoyens modérés qu’ils en perdent leur analyse objective pour hurler sur la caravane avec le premier chien policier venu ?
Premiers échecs
Les résultats néfastes de cette politique sont déjà visibles au Tessin. Les maffias russes ont investi le marché local avec un mauvais cannabis, cher et rare, noyé dans un océan de coke à prix discount, autour de 20 CHF pour 0,25 g, vendue par des clandestins slaves et africains. Parfaite pour aggraver le problème sanitaire, le sentiment d’insécurité et le racisme, cette nouvelle stratégie prohibitionniste n’a pas d’effets bénéfiques sur la consommation de substances, ni sur la protection de la jeunesse, de la sécurité et de la santé publique.
Vraies motivations
Elle permet aux politiciens de se vanter d’avoir solutionné le problème en le cachant sous le tapis et en se drapant dans la vertu. Certains élus ont adopté la stratégie de la peur et la théorie du déclin pour se maintenir en poste malgré la faiblesse de leur bilan politique. Une bonne propagande sur les méfaits du joint sert leurs objectifs. Les autres politiciens de toutes tendances ont peur des les critiquer par crainte d’être fustigé pour laxisme face à une « invasion », une « épidémie », un « poison qui ravage la jeunesse »... Trop peu, comme les Verts, se prononcent fermement pour une autre politique.
Amender les consommateurs, taper sur les petits revendeurs de cannabis, museler les partisans d’une autre politique, éradiquer les artisans d’une alternative raisonnable et relancer une prévention absurde, ce remède absolu est régulièrement administré depuis les années 70. C’est un poison en terme de réduction de la consommation et des nuisances socio-sanitaires du cannabis. Le mouvement chanvrier devra répondre à cette nouvelle attaque tant dans les media que sur le terrain politique, législatif et judiciaire. Les faits et les arguments ne manquent pas, il faut inlassablement les propager.
Laurent Appel