Justice
Le Tribunal cantonal fait rendre à un paysan broyard une récolte dépassant légèrement les 0,3% de THC: il veut le donner comme fourrage à ses vaches.
C'est une décision première en Suisse», clame le président de l'Association suisse des amis du chanvre, Jean-Pierre Egger: la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal fribourgeois a fait restituer à un paysan d'Aumont sa récolte de chanvre de deux années.
La première, transformée en huile essentielle, était destinée à une entreprise de parfumerie. La seconde finira en fourrage pour le bétail. Son taux de THC (la substance hallucinogène) de 0,5% était légèrement au-dessus des 0,3% qui permettent, selon le Tribunal fédéral, de soupçonner un emploi stupéfiant.
Le juge d'instruction qui voulait faire détruire tout ce matériel est chargé de vérifier que ce sont bien les vaches du paysan recourant qui profiteront de cette manne, il est vrai bienvenue après la canicule de l'été.
Grand défenseur du chanvre paysan, Jean-Pierre Egger jubile: selon lui, sa plante fétiche peut désormais être librement cultivée, quel que soit son taux de THC, pourvu qu'elle ne soit pas destinée à la consommation humaine.
Confisquer la moitié
Le cas de la première récolte n'était pas vraiment problématique: le paysan avait pu prouver que, dès l'origine, son chanvre, plutôt riche en THC puisqu'il en contenait entre 6 et 13%, était destiné à être transformé en huile pour la parfumerie. Le juge d'instruction, curieusement, avait libéré une partie de cette récolte, puis ordonné la confiscation et la destruction du reste de l'huile. La décision de la Cour d'appel de restituer le reste paraît logique.
Pour la seconde récolte, les choses étaient plus compliquées. Le paysan, s'attendant à une légalisation rapide du cannabis, voulait sécher et écouler lui-même sa récolte. Il avait ensuite conclu un contrat avec Chanvre Info, à Morat, commerce de chanvre lui-même dans le collimateur de la justice. Le cultivateur a déclaré au juge qu'il se fichait de savoir ce que Chanvre Info allait faire de son chanvre. La variété plantée n'était de toute façon pas assez riche en THC pour servir de stupéfiant. Ce n'est que bien plus tard qu'il a affirmé vouloir donner le chanvre à ses vaches.
Cher la botte
Cette manière de botter en touche a déplu au juge d'instruction qui, outre la confiscation des deux récoltes, a condamné le paysan aux frais de justice.
C'était aller un peu vite, a estimé le Tribunal cantonal. Puisque la première récolte ne devait, dès le début, servir qu'à des fins industrielles licites, il fallait la rendre. Pour la seconde récolte, elle doit aussi être rendue, à condition de vérifier que son emploi sera lui aussi licite.
Mais l'attitude ambiguë du paysan justifie qu'il supporte la partie des frais de justice relatifs à cette récolte. L'un dans l'autre, ça fera quand même assez cher la botte de foin.
Antoine Rüf
Source : https://www.laliberte.ch/
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