La question du cannabis sera-t-elle un enjeu de la campagne présidentielle ? A l'occasion des trente ans de "l'Appel du 18 joint", lancé le 18 juin 1976 dans le quotidien Libération, les partisans de la dépénalisation de l'usage des stupéfiants interpellent les candidats à l'élection présidentielle sur la question des drogues. Alors que la consommation du cannabis, produit illicite, a explosé ces dernières années, notamment chez les jeunes, un consensus se fait jour, à gauche comme à droite, sur la nécessité de réviser la loi de 1970, qui punit d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende l'usage de stupéfiants. Les modalités de cette révision divergent en revanche radicalement : si le Parti socialiste s'est prononcé pour une "régulation publique" de l'usage de cannabis, l'UMP souhaite au contraire renforcer sa prohibition.
Source : Le Monde
Adoptée dans les années post-1968, pour endiguer la consommation d'héroïne, la législation sur les stupéfiants n'est que très minoritairement appliquée. Un demi-million de personnes fument quotidiennement du cannabis, mais "seules" 90 630 personnes ont été interpellées en 2003 pour usage, et 484 ont été incarcérées en 2002.
Estimant que "la prohibition (induite par la loi) a dynamisé le trafic, multiplié le nombre de consommateurs, et enrichi les mafias", le Collectif d'information et de recherche cannabique (CIRC) a relancé l'Appel du 18 joint, signé par près de 3 000 personnes, dont Oliver Besancenot (LCR), Jean-Luc Benhamias, Alain Lipietz et Noël Mamère (Verts), Razzye Hammadi (président du Mouvement des jeunes socialistes) ou Jean-Luc Romero (conseiller régional UMP). "Il y a de plus en plus de gens qui dans leur tête ont légalisé le cannabis, c'est une force politique qui veut faire bouger les choses, estime Jean-Pierre Galland, président du CIRC. Nous demandons des solutions sociales pragmatiques de réduction des risques envers le cannabis et les autres drogues."
"INTERDIT SOCIAL"
Sur le plan électoral, la thématique ne fait cependant guère recette, même à gauche. Les Verts sont ainsi moins en pointe sur une question qui a longtemps appartenu au corpus de l'écologie politique. Officiellement, ils militent toujours pour la dépénalisation de l'usage, le contrôle et la distribution de haschich dans des cannabistrots. Mais Dominique Voynet, candidate à l'investiture, a refusé de signer l'appel. "Nous sommes nous aussi touchés par le recentrage du débat politique et les thématiques du rappel à la loi", déplore Sergio Coronado, porte-parole des Verts et signataire.
Au Parti socialiste, la question du cannabis a été vivement discutée lors de l'adoption du projet pour 2007, le 7 juin. Alors que le gouvernement de Lionel Jospin s'était refusé à réformer la loi de 1970, les membres du bureau national ont pris acte de son échec, en relevant qu'elle n'avait empêché ni le trafic ni l'augmentation de la consommation. Ils ont cependant écarté l'idée de dépénalisation du cannabis pour lui préférer une "régulation publique" de l'usage.
Soutenue par le MJS et par Malek Boutih, secrétaire national chargé des questions de société, cette proposition revient à une forme de légalisation de l'usage de cannabis. "La dépénalisation ne peut plus être un mot d'ordre, elle revient à dire qu'on fout la paix aux consommateurs, estime M. Boutih. Soit on maintient coûte que coûte la prohibition, mais il faut prouver que cela a un effet, soit on évolue vers une maîtrise du produit. On pourrait imaginer une politique de prévention avec vente de cannabis dans des lieux autorisés, interdiction pour les mineurs et production contrôlée par les pouvoirs publics."
Cette position tranche sur les options de la droite, pour laquelle toute tentative de modifier la loi pourrait être interprétée comme une incitation à l'usage, est écartée. "Nous prenons acte que la consommation est largement répandue, mais la dépénalisation ne pourrait être perçue que comme un mauvais signal", explique Marielle de Sarnez, vice-présidente de l'UDF.
La majorité penche aujourd'hui pour une pénalisation accrue de l'usage de cannabis. Qualifiant, le 8 juin, la drogue de "cancer", le président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, a opté pour une révision de la loi de 1970 dans le sens d'un renforcement de "l'interdit social". Le ministre de l'intérieur, qui avait milité, sans succès, pour une réforme législative par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, en 2004, propose de remplacer la peine d'un an de prison par une contravention de 1 500 euros, inscrite au casier judiciaire. Il souhaite également la mise en place de sanctions alternatives, comme "l'obligation d'aller à l'hôpital pour voir des usagers de drogues".
Cécile Prieur
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