Quatre piliers pour réformer la loi de 70

Par Invité ,

 

Propositions pour une nouvelle politique des drogues

 

La présentation du projet présidentiel des socialistes français a reçu un accueil très critique chez les acteurs de la réduction des risques (RDR) et les militants d’une réforme de la politique des drogues, y compris chez ceux qui comme moi ont participé à la commission de réflexion du PS sur les drogues et la réduction des risques. Certains dénoncent le retour de « la guerre à la drogue », d’autres fustigent le manque de courage politique des éléphants, certains regrettent la focalisation sur la légalisation du cannabis, d’autres raillent l’éternelle indécision du PS sur cette question, la plupart espèrent encore convaincre le candidat ou la candidate, de ce parti et des autres, de l’intérêt sanitaire, social et économique d’une réforme en profondeur de la politique des drogues.

 

Source : Chanvre-info

Vieilles recettes

Répression du trafic, promotion de l’abstinence, études des politiques de nos voisins. Ces trois axes principaux du programme socialiste inspirent une impression de déjà vu et une grande lassitude. Pas de réforme de la loi de 70, pas d’extension de la RDR, pas de dépénalisation de la consommation de toutes les substances ou seulement du cannabis, pas d’approche globale de la dépendance, pas d’éducation sanitaire au bon usage... Les socialistes n’osent toujours pas sortir du statu-quo et se contentent de déclarations de principes. Ils ne sont pas les seuls. Hormis les Verts, les Anarchistes et la LCR, aucune organisation politique ne soutient une réforme pragmatique. Pourtant les projets et les recommandations ne manquent pas.

 

Faire la synthèse

Certains acteurs de ce débat comme Malek Boutih ou Laurent Gourarier veulent s’attaquer à un des grands tabous de notre société : La prohibition du cannabis, facteur majeur de dérégulation socio-économique, un projet ambitieux. Anne Coppel et Olivier Poulain observent une augmentation constante d’une répression coûteuse et inefficace, ils défendent la dépénalisation de la consommation comme une mesure minimale de défense de l’usager et de bonne organisation de la sécurité publique. D’autres comme Fabrice Olivet privilégient l’approche de santé publique et l’amélioration du statut et de la qualité de vie des usagers, des préoccupations réalistes. Il convient de combiner les enjeux : · Traiter le cannabis comme les autres drogues illicites et licites dans le cadre d’une réforme du statut de l’usager et des substances, de la criminalisation arbitraire à l’encadrement socio-sanitaire objectif. · Réglementer la consommation et l’accessibilité du cannabis pour protéger les consommateurs sans perturber l’ordre public, ni inciter la jeunesse à la consommation.

 

Le piège cannabis

Le cannabis est de loin la drogue illicite la plus consommée et la plus médiatisée. Une réforme de la politique des drogues sera avant tout commentée au travers de son versant cannabique. Depuis 36 ans, la politique sur le cannabis est irrationnelle. De multiples commissions nationales et internationales ont observé une dangerosité acceptable comparativement aux drogues licites et recommandé au minimum une dépénalisation de sa consommation, au maximum une réglementation de son marché. Pourtant, la polémique sur le cannabis fait souvent capoter les projets de réforme de la politique des drogues, en France, en Suisse et ailleurs.

 

Et la RDR ?

Les acteurs de la RDR, plus concernés par les opiacés, le crack, les synthétiques et le statut socio-médical des usagers, se sentent exclus du programme du PS. La commission santé n’aborde pas leurs actions et la commission drogues focalise sur le cannabis. Après les attaques des députés UMP, avec l’explosion du polyusage et les épidémies virales toujours présentes, ce manque d’intérêt est incompréhensible et visiblement mal vécu. Une confirmation et une diversification des missions de la RDR, dans le cadre d’une réforme de la loi de 70, semblent donc des éléments indispensables au programme socialiste.

 

Avantages de la dépénalisation

Dans ce cadre, la dépénalisation de la consommation de toutes les substances favoriserait grandement la prévention, la RDR et l’accès aux soins. Elle n’altèrerait que faiblement la répression du trafic et ne perturberait pas la micro-économie parallèle des quartiers et la géopolitique internationale des drogues.

 

En somme, l’usager redevient un citoyen presque ordinaire, qui ne craint plus de se soigner et qui retrouve confiance dans la prévention, les intervenants en toxicomanie ont plus de budget et un cadre légal élargi, la police et la justice sont déchargées des usagers pour mieux cogner sur les dealers, les cités gardent le business du shit et les gangs n’ont pas besoin de pousser à la consommation d’autres substances, les narco-euros irriguent toujours l’économie mondiale. Cette politique humaniste focalise sur la qualité de vie de l’usager, l’alliance sociale et médicale pour traiter les abus, l’action individuelle et associative face au blocages structuraux du système mondial.

 

Dangers pour une politique efficace

Certains intervenants semblent craindre qu’un statut trop libéral pour le cannabis n’entraîne une violente opposition de principe qui ferait échouer cette réforme. Ou bien encore qu’on veuille durcir la répression sur les autres substances pour justifier un marché séparé du cannabis. Ou qu’un dispositif trop libéral n’entraîne des pressions et des sanctions suivies d’un retour en arrière, en deçà du dispositif actuel. Ils veulent poursuivre le lent et peu spectaculaire travail de réhabilitation et de réintégration de tous les usagers de drogues.

 

Cette politique est un succès sur les opiacés en France, comme en Suisse ou au Portugal. Le statut, la qualité de vie des usagers sont considérablement améliorés et les nuisances sociales ont beaucoup diminué. Même chose sur la scène festive, l’arrivée massive des synthétiques a été mieux encadrée que le speed des 70’s, la coke des 80’s et l’héro des 90’s. Les dommages socio-sanitaires sont bien moins importants. La prévention de terrain, l’éducation aux bonnes pratiques, la substitution ont prouvé leur efficacité sur les populations les plus précarisés par la prohibition.

 

Il faut bien évidemment poursuivre. Sans perdre de vue que ces mesures concernent surtout les abuseurs marginalisés de substances à hauts risques. En diminuant la morbidité et les nuisances de certaines scènes, elles limitent la casse et réduisent l’impact négatif des drogues sur le corps électoral. Par contre, elles ne correspondent pas aux préoccupations de la grande majorité des usagers de drogues illicites.

 

Nouveaux usages, nouvelles politiques

Le cocktail dominant est désormais caféine, alcool, tabac, cannabis, benzos, coke. Ce schéma à géométrie variable concerne aujourd’hui des millions de Français, des dizaines de millions d’Européens. Il faut établir une chaîne logique et socialement acceptable de prévention, RDR, soins et répression. Dans le cas du cannabis, une simple dépénalisation de la consommation et de la possession d’une quantité minime sera perçue comme la régularisation d’un état de fait, pas comme la fin de la galère. Pour satisfaire les millions de consommateurs, des dizaines de milliers d’usagers deviennent parfois vendeurs, des milliers produisent ou importent pour eux et vendent dans un cercle de proches. Tous seront donc encore soumis à la tentation du deal pro, de la diversification des produits et des services pour satisfaire les demandes de la clientèle et donc au risque de répression. Le cannabis est l’une des principales portes d’entrée dans la délinquance, bien au-delà des ghettos et des zones à risques et bien avant la coke. La dépénalisation ne ferme pas cette porte.

 

Dommages collatéraux

Pour faire avaler la dépénalisation de toutes les substances, il est fort probable que le gouvernement réformateur ordonnera une très médiatique chasse aux dealers. Une intensification de la répression sur le commerce de détail, la production locale et l’import/export aura pour conséquence une hausse des prix, une baisse de la qualité et de la diversité avec multiples produits de coupe toxiques, une augmentation des arnaques et de la violence au niveau du détail comme du gros business, une professionnalisation accrue des filières en liaison avec des organisations criminelles internationales. Ce genre de situation avait provoqué la création du CIRC à la redoutable époque du Tchernobyl pour tous. Depuis, le nombre de consommateurs a considérablement augmenté, le cannabis a poursuivi son intégration sociale, la réaction de rejet sera bien plus problématique.

 

Usagers en périls

Enlever la pression répressive pour favoriser le dialogue, les bonnes pratiques et l’accès aux soins aura un impact positif chez les polyconsommateurs majoritairement cannabiques mais aussi borderline avec la coke, l’héro, le speed... Ils pourront plus facilement intégrer les notions de RDR et demander de l’assistance. Cela ne changera pas le sentiment d’injustice ressenti par les usagers raisonnables et intégrés. Etre libre de consommer de la merde, de risquer des embrouilles pour acheter à prix d’or, d’engraisser des petits caïds et des grosses mafias... il y a vraiment de quoi trouver la réforme inachevée.

 

La future loi devra donc encadrer l’approvisionnement des cannabinophiles sans violer les traités internationaux, ni aggraver les troubles médico-sociaux liés à l’usage du cannabis. Voici mes dernières propositions.

 

Réformer la loi de 70

 

Cette nouvelle base légale permettra le passage d’une politique des drogues illégales à une politique des addictions, basée sur le respect des individus et des connaissances objectives. La différenciation entre substances légales et illégales n’est plus pertinente dans la réalité, où les polyconsommations deviennent la norme. Il faut aborder le problème non seulement au travers du produit mais aussi des comportements, donc réglementer selon la dangerosité objective des produits et le facteur risque inacceptable des comportements.

 

Ce nouveau modèle s’inspire beaucoup du rapport suisse psychoaktiv.ch qui propose d’ancrer la politique des drogues à quatre super piliers : Prévention, Réduction des risques, Soins, Répression.

 

Dans ce cadre rentre :

1. La dépénalisation de l’usage de toutes les substances remplacée par une orientation socio-sanitaire des usagers problématiques

2. L’éducation sanitaire à l’usage raisonnable des substances psychoactives

3. L’information sur les conduites addictives et le phénomène général d’addiction

4. Le dépistage et le traitement des usagers problématiques

5. La réduction des risques incluant des dispositifs de premières ligne comme les salles de consommation ou le testing anonyme

6. Les soins incluant la substitution étendue à une forme injectable d’héroïne synthétique ou pas, à d’autres formes d’opiacés et à d’autres produits que les opiacés

7. La promotion et l’aide à l’abstinence

8. La répression des conduites à risques comme la circulation automobile, les activités incompatibles (comme la chasse, la conduite d’engins ou de machines), les nuisances publiques, l’agressivité et la violence sous l’emprise... de la vente illicite, de la production illégale, de la vente non déclarée, du trafic international, du blanchiment d’argent

9. La réglementation de l’accès aux substances :

· Accès libre avec avertissement pour la caféine, la quinine, la théine...

· Accès restreint à 16 ans avec règles de commercialisation et de consommation restrictives, interdiction totale de publicité et politique active de prévention pour l’alcool léger, le tabac, le cannabis

· Accès restreint à 18 ans pour l’alcool fort et les jeux

· Accès médicalisé simple pour les psychotropes pharmaceutiques comme les benzodiazépines, sous protocole de substitution élargies à d’autres substances et formes galéniques pour les psychotropes provoquant une dépendance.

· Accès illégal pour toutes les substances exclues de la réglementation mais monitoring et RDR sur les scènes d’achat et de consommation.

 

Cette approche pragmatique et dépassionnée reflète non seulement l’analyse des experts suisses mais elle s’appuie sur les recherches en prévention et RDR de nombreux chercheurs internationaux et sur les expériences d’intervenants en toxicomanie de pays comme les Pays-Bas, le Canada, le Portugal...

 

En rajoutant le droit à l’autoproduction de toutes les plantes sans cession ni commerce et la libre utilisation des plantes à drogues pour des usages non illicites, ce projet ralliera les organisations d’usagers, de réforme de la politique des drogues et certaines organisations altermondialistes.

 

Pour en finir avec le cas cannabis

 

La production et la distribution coopérative du cannabis fourniraient directement près de 100.000 CDI et autant de CDD, temps partiels et emplois saisonniers. Les salaires, la taxation et les impôts de la filière réintégreraient des milliards d’euros dans l’économie officielle, constituant ainsi un indéniable facteur de croissance. Les jeunes et les moins jeunes usagers de cannabis n’auraient plus l’impression d’être des malades sous tutelle ou des criminels. Il faut changer le statut légal du cannabis. Comment passer d’une interdiction totale à une régulation du marché protégeant la santé et la sécurité publique tout en garantissant un impact socio-économique très positif ? Tour d’Europe de la question cannabique

 

Le cannabis n’est pas en vente libre sur le continent européen car son commerce est interdit par les conventions internationales. Celles-ci ne prévoient pas l’interdiction de sa consommation qui est licite ou dépénalisée dans la majorité de l’Europe dont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, les Pays-Bas, le Danemark, ou bien encore soumise à des régimes de sanctions light comme au Royaume Uni, en Autriche ou en Suisse.

 

La consommation publique est en principe interdite dans la plupart des pays et punie par de simples amendes d’ordre. La généralisation de l’interdiction de fumer dans les lieux publics simplifie considérablement ce problème. Comme pour l’alcool, les autorités de nombreux pays cherchent à minimiser les nuisances publiques mais tolère la convivialité. C’est plus une gestion des missions de la police qu’une question de droit. On ne va pas sanctionner un festival de musique mais empêcher les smoke-in dans les espaces touristiques, c’est même le cas à Amsterdam.

 

La limite de possession de cannabis au domicile pour consommation personnelle est souvent laissée à l’appréciation de la police ou du juge. Dans la rue, elle varie de 1g à 30g avec beaucoup de pays à 5g.

 

Seules la France et la Suède criminalisent vraiment la consommation de cannabis, et plus récemment certains pays de l’Est qui basculent à droite et passent des traités d’alliance avec les USA comme les pays baltes ou la Pologne. Puis le centre gauche revient et dépénalise à nouveau comme c’est le cas maintenant en Hongrie.

 

L’autoproduction est tolérée en Hollande sans nuisance de voisinage pour cinq à dix plants, un plant en Belgique, de un à vingt selon les régions espagnoles ou les Länder allemands, dix plants dans le canton de Bâle ou dans la région de Vienne.

 

Un seul pays, Les Pays-Bas, en s’appuyant sur le principe d’opportunité et pour des raisons légitimes de santé publique, a organisé la vente de cannabis aux majeurs, dans la limite de cinq grammes par jour et par personne, dans des boutiques tolérées et contrôlées par les municipalités tant qu’elles payent une taxe de 50% sur le cannabis, qu’elles ne provoquent pas de nuisances de voisinage, qu’elle ne détiennent pas plus de 500 g en stock pour éviter le commerce de gros et les braquages, qu’elles ne vendent ou ne favorisent pas la consommation d’autres drogues illicites et dans la majorité des villes qu’elles ne servent pas d’alcool. On peut consommer sur place ou à l’emporter. Certaines communes interdisent les Coffee Shops, d’autres les regroupent dans une zone autorisée, d’autres restreignent les possibilités d’implantations. Les principaux problèmes du système hollandais sont la production de cannabis et la vente en gros. En principe interdit, ils sont de plus en plus contrôlés par des organisations criminelles qui opèrent sur cette zone grise. Des propositions de réglementation de la production sont bloquées par l’actuel gouvernement par peur de la réaction des voisins et des américains via l’ONU.

 

Des marchés gris et des scènes ouvertes prospèrent aussi dans les métropoles et parfois les campagnes de nombreux pays comme la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, L’Angleterre, le Danemark mais aucun gouvernement n’a encore osé suivre les Hollandais dans l’institutionnalisation de la tolérance. Pourtant la Hollande maintient sa politique depuis 30 ans, l’aménage, la renforce mais n’abandonne pas le principe de tolérance très encadrée.

 

La Suisse a connu une expérience de tolérance pendant 6 ans avec près de 300 magasins de chanvre à l’emporter mais peu de lieux de consommation. Son parlement a reculé pour dix voix en 2004 et les cantons appliquent à nouveau une politique restrictive en attendant une nouvelle loi. 105.000 helvètes ont déposé une initiative populaire pour réintégrer le marché réglementé du chanvre dans la politique des quatre piliers (prévention, soins, réduction des risques et répression) pour protéger la jeunesse contre la narcocriminalité. Vote dans un à deux ans.

 

Service minimum : la dépénalisation

 

Sans rompre ses engagements internationaux ni bouleverser l’équilibre européen en matière de drogue, la France peut immédiatement dépénaliser la consommation privée de cannabis et tolérer la possession publique de 10g, la possession privée et la production de quantités raisonnables pour la consommation des adultes du foyer, par exemple 500g de stock et la culture de 5 plants par adulte. Comme pour le tabac, la consommation dans les lieux publics accessibles aux mineurs et ne disposant pas d’espace non-fumeurs doit être proscrite. Il faudrait aussi tolérer la vente de semences et de boutures pour faciliter l’autoproduction et ainsi minimiser la part du marché noir surtout d’importation. Le cannabis et ses dérivés devront aussi réintégrer le tableau des médicaments avec une filière légale de cannabis thérapeutique.

 

Motivations : rétablir les droits de millions de consommateurs s’estimant injustement criminalisés, restaurer la confiance dans la loi et les institutions, favoriser l’accès au dispositif de soins, donner de la cohérence à la politique globale de lutte contre les addictions, établir un dispositif efficace de réduction des risques, offrir une alternative au marché noir sans détruire l’économie parallèle (qui comportent des avantages inavouables), ne pas s’exposer à des sanctions internationales.

 

Pourquoi réglementer ?

 

La dépénalisation de la consommation (avec tolérance de l’autoproduction) n’est qu’une mesure d’accompagnement de ce phénomène social de masse. Elle replace le cannabis dans la sphère privée, baisse la pression policière et sociale surtout sur la jeunesse, elle favorise un dialogue constructif sur la santé publique. Elle diminue mais ne fait pas disparaître l’économie parallèle, l’évasion d’argent sale, le contrôle de la production et de la distribution de masse par des gangs et des organisations criminelles. En effet, la majorité des consommateurs n’a pas la possibilité de cultiver son cannabis.

 

Ces mesures seraient très bien perçues par la jeunesse bourgeoise et les néo-ruraux. Les jeunes de banlieues échapperaient à la chasse à la boulette, c’est déjà beaucoup, mais seraient toujours sous la tentation du deal. La prévention ne serait pas financée par les taxes, l’impôt toujours pas prélevé. Il est préférable de réglementer la production de masse, la distribution et la consommation.

 

Quel statut pour le cannabis ?

 

Ce dispositif doit traduire l’idée que la consommation de cannabis, même si elle constitue un danger relatif pour l’usager, doit être tolérée aussi longtemps qu’elle relève de la vie privée et ne trouble pas l’ordre public.

 

C’est pourquoi des commerces comme les tabacs, les bars et même les magasins du chanvre du modèle suisse ou les coffee shops hollandais sont trop visibles, trop incitatifs. Ils favorisent la critique de laxisme, de mauvais signal pour la jeunesse, de cannabis en vente libre au supermarché et autres images négatives associées à un statut trop permissif.

 

Le dispositif général ne doit pas non plus se confondre avec la distribution de cannabis thérapeutique, on ne peut pas médicaliser les millions d’usagers raisonnables, c’est une hypocrisie. De toute façon, les pharmaciens ne sont pas enthousiastes à l’idée de gérer quotidiennement cette population et les laboratoires préfèrent travailler avec de coûteuses versions pseudo-synthétiques brevetées plutôt qu’avec des plantes.

 

Certains Etats américains et canadiens ont choisi une large diffusion du cannabis pour raisons médicales, parfois très vague. C’est une mesure compassionnelle indispensable pour certaines pathologies mais cela ne doit pas devenir un système parallèle de distribution. Il en va de la crédibilité thérapeutique du cannabis.

 

On peut appliquer le modèle de substitution des opiacés aux consommateurs abusifs qui désireraient arrêter de fumer du cannabis en leur donnant une teinture à boire à taux de THC dégressif ou non. C’est un dispositif de réduction des risques et éventuellement de sevrage pas une filière de masse. La majorité des usagers percevraient très mal de passer du statut de criminel à celui de malade.

 

La solution la plus raisonnable serait la collectivisation de la tolérance de production personnelle. Des associations à but non lucratif pourraient regrouper les usagers qui ne peuvent pas cultiver eux-même et donnent mandat pour assurer cette production. Ce système non marchand permettrait toutefois la création de nombreux emplois. Il contourne l’obstacle des conventions internationales

 

Coopérative de production

 

Les associations pourront produire directement pour leurs membres ou acheter à des producteurs agréés. Les dérogations pour la production de chanvre riche en THC seront prioritairement accordées à l’agriculture biologique puis strictement raisonnée. Une commission composée de scientifiques, de représentants des ministères, de producteurs et d’usagers devra établir des normes sanitaires et des processus de fabrication acceptables pour la consommation humaine. Pour ne pas tomber sous les conventions interdisant le commerce international du cannabis, la production se fera sur le territoire français.

 

Un organisme de contrôle effectuera les analyses et les enquêtes garantissant l’intégrité de la filière. La police, la gendarmerie et l’administration fiscale conserveront un rôle répressif du marché de contrebande et du non-respect des règles de tolérance. Les autorités ministérielles, préfectorales et communales pourront limiter le nombre de dérogation de culture.

 

Cercle de consommateurs

 

Ces associations pourront ouvrir des clubs de consommateurs dans des lieux non exposés aux passants sans publicité extérieure. Ces lieux ouverts de 18h à minuit en semaine et 2h le W.E, réservés aux membres, pourront distribuer le cannabis réservé par les cotisations. Chaque adhérent reçoit une carte à unités correspondant à son crédit avec des maxima annuel ou mensuel. Ce quota pourrait être modulable en fonction de l’age de l’adhérant. Pour couper la propagation de la consommation par imitation vers les plus jeunes et apaiser les rues, il convient d’autoriser l’inscription à partir de 16 ans. C’est cohérent par rapport au bar et à la bière, par rapport à l’age moyen des usagers. Par contre, on pourrait limiter la quantité à 30 grammes par mois jusqu’à 18 ans, 60 g jusqu’à 21 ans et 100 g au delà. Ceci afin de limiter les excès et le marché noir vers les enfants ou des narcotouristes. Les adhésions comprendront une cotisation exceptionnelle pour la prévention et la sécurité sociale.

 

Ces cercles privés d’usagers pourront aussi offrir à leurs adhérents un espace ouvert à la consommation de cannabis en échange d’une mission de stricte séparation des marchés des stupéfiants, d’une politique active de lutte contre la violence routière, d’un dépistage des usagers problématiques pour les orienter vers les structures de prévention et d’assistance. Les associations devront respecter un cahier des charges : la vente et la consommation d’alcool seront interdite, obligation de mise à disposition de vaporisateurs et campagnes de prévention contre la fumée et les autres thèmes sanitaires, consommation gratuite pour les chauffeurs abstinents, adhésion des clubs à une ou des associations organisant un système de mis à disposition d’un chauffeur calqué sur les opérations nez-rouge, prévention de la violence. Les autorités pourront limiter le nombre de cercles et les zones d’implantation en fonction d’impératifs d’ordre public.

 

Bénéfice socio-économique

 

Ce dispositif permettrait de créer sur tout le territoire des dizaines de milliers d’emplois non qualifiés dans la production, le conditionnement, la sécurité et la distribution de cannabis pour les majeurs. Les minorités ethniques connaissent souvent mieux ce marché et ces produits, elles devraient fournir d’excellents employés sans critères de discrimination. Des cercles pourraient s’installer dans des zones privées de lieux pour la vie sociale par la politique hygiéniste du PCF des sixties. Pour sauver les ouvriers de l’assommoir, ils ont freiné l’implantation des bistrots en banlieue, surtout dans les nouveaux quartiers.

 

Les bénéfices d’un système associatif seraient suffisant pour alimenter une politique d’éducation sanitaire incluant une prévention objective et la réduction des risques liés à l’usage de toutes les drogues. Ce dispositif inclurait la détection et l’assistance socio-médicale des usagers abusifs et de leurs familles. Il resterait sans doute assez de fonds pour financer l’animation socioculturelle locale.

 

Laurent Appel

 


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