Pour un nouveau regard sur les drogues et les toxicomanes

Pour un nouveau regard sur les drogues et les toxicomanes
Par mrpolo ,

Livre du jour

Par Lisa Chiquelin

 

 

Avec la possible légalisation du cannabis et l’éventuelle ouverture de « salles de shoot » où la consommation de stupéfiants serait encadrée, la question de la drogue semble de plus en plus ouverte. Pourtant en France, une série de tabous continue de freiner le débat et ruine ses chances d’être mené sans préjugés hâtifs. L’ouvrage à plusieurs voix, publié sous la codirection du sociologue Henri Bergeron et du juriste Renaud Colson, propose de libérer la parole sur ce sujet diabolisé.

 

Analyses et statistiques à l’appui, l’essai souligne l’échec des politiques de prohibition qui n’ont jamais réussi à enrayer le phénomène de consommation de stupéfiants et qui ont même contribué à son expansion. La dépénalisation progressive serait donc la solution face à ce problème. Alors que les autorités françaises renâclent à se pencher sur cette question, la France est l’un des pays où la consommation de cannabis chez les jeunes est la plus élevée. Face à ce constat, persister dans la répression judiciarisée s’avère irresponsable selon les auteurs.

 

De même, si la majorité des associations professionnelles s’accordent sur la nécessité de canaliser la consommation de drogues dites dures dans des salles prévues à cet effet, ce projet, né en France en 2009, connaît de nombreuses résistances aussi bien au niveau étatique que local. Malgré la controverse et les interrogations suscitées par l’ouverture de salle de consommation que chaque citoyen est en droit de se poser, ce projet atteste néanmoins de l’actualité du débat et de la réponse tardive des autorités publiques.

Le statut légal des dispositifs

 

Enfin, la répression de la toxicomanie au nom du principe de santé publique semble être en contradiction avec le principe de liberté individuelle. Interdire la consommation de drogue revient à décider pour le toxicomane de ce que doit être son bonheur. Or, aucune argumentation rationnelle n’a jamais réussi à imposer une meilleure façon de vivre sa vie !

 

Plusieurs questions restent cependant en suspens, comme le statut légal des dispositifs qui permettraient de sécuriser la consommation de stupéfiants : légaliser la production et la distribution de stupéfiants n’est pas une entreprise aisée. Alors comment contrôler cette distribution ? En outre, autoriser une consommation contrôlée de ces substances implique la mise en place d’un système de distribution sécurisé. Or tout cela implique de réviser des lois et de modifier ainsi le code pénal.

 

La partition de l’ouvrage en courts essais lui donne du rythme et propose une réflexion stimulante. Les auteurs attendent du lecteur qu’il ne cloisonne pas le débat et relativise sa position sur la drogue et ceux qui la consomment. Ce bon sens conduit même les plus sceptiques d’entre nous à revoir le bien-fondé du manichéisme : au-delà d’un oui ou d’un non catégorique, il existe un espace de compromis. Aussi, l’ouvrage réactive le principe de liberté individuelle, souvent oublié au profit d’une volonté de protection des citoyens, ce qui ne manquera pas de laisser le lecteur pensif.

 

Les drogues face au droit, Henri Bergeron et Renaud Colson, PUF, Laviedesidées.fr, 111 pages, 9 euros

 

Source: lemonde.fr


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