« Mettre en avant le rôle primordial des parents […] dans la prévention de l'usage de drogues chez les adolescents », c'est l'objectif de la nouvelle campagne lancée par l'Inpes et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt). Mais que se passe-t-il quand ce sont les parents qui fument du cannabis ?
Cette campagne, intitulée « Contre les drogues, chancun peut agir » et composée de trois spots TV et de trois annonces presse – cannabis, cocaïne et ecstasy –, sera diffusée du 13 décembre 2010 au 3 janvier 2011.
« Brigitte et Marion », premier des spots, est logiquement consacré au cannabis, première drogue en France, – avec, en 2009, « 3,9 millions de consommateurs dont 1,2 millions réguliers » selon le ministère de l'Intérieur – y compris chez les jeunes. (Voir la vidéo)
https://www.dailymotion.com/swf/xg2f80
Mais qui « peut agir » quand ce sont les parents qui fument ? Paroles d'ados – OK, suivistes, honteux ou inquiets – pour qui le cannabis est familier.
Les OK : « Pas d'hypocrisie sur la fumette »
Eloïse a compris en quatrième que sa mère fumait, sans que, dit-elle, cela n'ait eu d'influence sur son comportement :
« J'ai moi-même commencé avec un pote à une Fête de la musique […].
Avec ma mère, on en parle ouvertement, elle ne me laisse pas fumer mais laisse mes amis quand ils viennent à la maison. Je lui en ai piqué des dizaines de fois ! »
Loïc, 16 ans, a évoqué très tôt la question avec sa mère qui fume depuis vingt-cinq ans. Lui ne fume pas, ne boit pas et fait beaucoup de sport et n'est pas du tout gêné par la consommation maternelle :
« Cela n'a jamais été tabou à la maison et, vers 10-12 ans, ma mère m'a parlé des drogues, de la dépendance, sans me cacher qu'elle ne trouvait pas un joint plus nocif qu'un litre de vodka, par exemple.
Depuis, elle s'est mise à cultiver ses propre plans, à en faire des gâteaux que je ne pouvais pas goûter, certes. Mais tout cela ne m'a jamais dérangé. Je sais que si je suis tenté, je peux lui en parler. »
Simon, étudiant de 19 ans, explique lui qu'il a commencé le cannabis à 14 ans et que, depuis ses 16 ans, il fume de temps en temps avec sa mère ce qui, selon lui, l'a préservé de la dépendance – sa mère ayant un contrôle sur sa consommation.
Sur un forum d'Ados.fr, métallica21 écrit :
« Je fume des “oinjs” avec mes parents, et je vois pas en quoi c'est choquant. […] Le seul truc qui change c'est qu'au lieu d'avoir une relation hypocrite à propos de la fumette, bah au moins c'est clair. […]
Je suis pour que les parents inculquent une consommation responsable à leurs enfants, car de toute façon, il y aura consommation, avec ou sans eux, avec ou sans leurs conseils […]. »
Les suivistes : »Il y avait du matos à la maison »
Sur un forum Doctissimo, mazeltoff67 explique avoir « banalisé la chose [en] ayant grandi là-dedans » :
« J'ai commencé à me rendre compte de ce que [mes parents] fumaient lorsque j'étais au collège. A cette époque de la vie, on voit certains amis qui commencent à fumer […] on découvre à la fois l'aspect du produit, son odeur, et la forme d'un “joint”. Difficile pour eux de nier […].
Un jour, ma sœur plus jeune de trois ans s'est mise à fumer, et moi j'ai suivi quelques temps plus tard, acculé par certaines difficultés de la vie. […] Je trouvais très facilement tout ce qu'il me fallait pour ce faire à la maison. »
Teufeuse74 n'a pas tranché :
« Mes deux parents fument depuis que je suis gamine, ça ne m'a pas posé de problème jusqu'à l'adolescence. A partir de là, il y avait du “ matos ” à la maison. J'ai voulu goûter et je ne me suis plus arrêtée.
Est-ce la faute de mes parents ? Je ne sais pas. Mais aujourd'hui j'ai 21 ans et je fume avec ma mère. […] »
Les honteux : « Fumer est un truc d'ados »
Pour certains adolescents, voir ses parents fumer du cannabis, c'est un peu comme voir sa mère danser sur du Britney Spears : sur eux, c'est honteux parce que ça n'est plus de leur âge. Lisa, lycéenne :
« Ma mère fume plus ou moins régulièrement. Quand je l'ai vue pour la première fois, un soir de Noël, j'ai d'abord été vraiment choquée.
A l'époque, je fumais de temps en temps avec des copains, mais avant ce jour-là, pour moi, fumer des joints était un truc d'ados.
Je ne l'ai pas jugée, mais je ne l'ai jamais dit à personne car je n'assume pas du tout. J'ai peur qu'on prenne ma mère pour une droguée ou qu'on lui retire ma garde. »
Une ex-stagiaire de Rue89 explique avoir trouvé ça « marrant » voire « cool » au collège, jusqu'au jour où :
« Arrivée au lycée, ça ma plus embêté qu'autre chose. Je remarquais quand mon père avait fumé et le trouvais exaspérant. J'avais des potes qui venaient à la maison, ça les faisait rire que mon père fume. Moi, non. »
Les inquiets : « Je lui en veux »
Sur un forum Momes.Net, alicesten est inquiète :
« Depuis que je suis née […], mon père fume du shit. Je suis en quatrième et […] la prof nous [en] a expliqué les conséquences.
Je roule environ cinq heures […] pour aller chez lui […] et je ne veux pas avoir d'accident (ou qu'il en ait) et puis, je ne veux pas que ça touche sa santé (il ne fume QUE des cigarettes qui en contiennent et [une] environ [toutes les] dix minutes) ! Et en plus à côté de moi ! »
L'ex-stagiaire de Rue89 dit ne pas supporter « ceux qui viennent en cours défoncés ». Et pour cause :
« Un jour, mon père a eu de gros problèmes de santé, un infarctus, dû à sa consommation. Je lui en veux un peu, parce qu'il aurait pu en mourir. »
A 23 ans, elle ne fume pas. En partie à cause de « ça ».
Par Jeanne Deplus | Lycéenne | 31/12/2010
Source : Rue89