Le Grand Sud terre de cannabis
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Mais, « cela n'est rien comparé au nombre de plantations qui existeraient réellement dans notre pays » considèrent des spécialistes de l'Observatoire qui fondent leur estimation sur des témoignages recueillis auprès de fumeurs : « l'herbe française est la plus fréquente sur notre marché, puisqu'un usager sur deux (47,7 %) estime consommer de l'herbe made in France ».
Si les pieds de cannabis fleurissent toujours sur des balcons et dans des jardins, « l'émergence de la culture du cannabis dite indoor est la plus répandue ». Toulouse a été précurseur en la matière. « Cela fait plus de 20 ans que des gens produisent ainsi dans la Ville rose ».
Cette production révolutionne le marché. Elle offre au « consommateur » l'avantage de permettre une offre toute l'année et d'être moins coûteuse que l'achat auprès d'un dealer. Elle explique peut-être en partie les tensions entre revendeurs.
Selon David Weinberger, de l'Institut national des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ), « cette nouvelle variété made in Europe s'installe durablement en France et tend désormais à rivaliser avec la résine marocaine ». L'herbe représente à présent 40 % de la consommation française alors que la résine constituait 90 % du marché jusqu'au milieu des années 1990.
Si beaucoup produisent pour leur simple consommation, d'autres se sont professionnalisés, pour ne pas dire industrialisés, en transformant de grands hangars en serres éclairées de lumière artificielle.
Les « cannabis factories » à la française n'ont cependant pas encore atteint la taille des plantations du sud de l'Italie, par exemple, où la police a dû incinérer dans l'une d'elles plus d'un million de plants.
C'est de plus en plus souvent à l'intérieur que le cannabis est cultivé en France./ Photo DDM, N. T.
Mais David Weiberger met en garde : « C'est l'idée même que la France puisse abriter des plantations de grande ampleur financées par des groupes criminels organisés qui s'impose désormais, battant en brèche l'image caricaturale du « cultivateur hippie » du Larzac ou des Pyrénées. »
Par Guillaume Atchouel
Le chiffre : 200 000 cannabiculteurs
> En France. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, c'est, au minimum, le nombre de personnes qui font pousser chaque année du cannabis en France.
La phrase
« Plus de 40 % du cannabis fumé en France est produit dans l'Hexagone alors qu'auparavant la drogue venait surtout des Antilles et du Maroc ». David Weinberger, spécialiste de l'Observatoire national de la délinquance
témoignage arrestations
Des saisies toujours plus nombreuses
Si faire pousser du cannabis chez soi peut laisser penser que l'on échappera à tout contrôle, ce n'est qu'une idée reçue. Chaque année relève son lot de saisies.
La police et plus particulièrement l'Office centrale de la répression du trafic illicite des stupéfiants ont plusieurs tours dans leurs sacs pour déceler ces jardins privés d'un genre particulier.
Ils survolent les propriétés en hélicoptère pour repérer les plantations extérieures.
Des cultivateurs aux profils variés
Ou parfois lors des interventions chez les personnes, ils ont appris à reconnaître une installation d'intérieur destinée à la culture du cannabis.
En septembre 2007, les policiers de Castres découvrent 2 400 pieds de cannabis pour une production d'une tonne d'herbe. Rapportant au propriétaire de la maison où les plants étaient cultivés un revenu mensuel de 10 000 € par mois ! Cet été, plusieurs saisies de moindre importance ont eu lieu à Toulouse et ses environs ainsi que x dans plusieurs départements de Midi-Pyrénées. En Haute-Garonne, L'un de ces jardiniers faisait pousser sous serre à Bouloc tandis qu'un autre, à Mons, a expliqué que ses 60 pieds d'herbe « étaient destinés à soigner sa maladie ». à l'automne les policiers toulousains avaient saisi 3 kg d'herbe en train de sécher et de nombreux plants en train de pousser sous des lampes à iode dans une demeure familiale de la banlieue de Gaillac.
Dans les Landes, en juin, ce sont plusieurs maisons dans différentes villes (Tyrosse, Tartes, Mées et Montfort) qui servaient de hangar pour la culture intérieure.
Nombre de saisies sont aussi faites chez de petits cultivateurs.
Des personnes qui ne font pousser que pour leur consommation personnelle. Comme ce jeune homme, arrêté en 2009 pour avoir cultivé 11 plants de cannabis… dans sa baignoire !
Certains n'ont même pas le profil habituel du délinquant. C'est le cas de ce musicien que la police a interpellé chez lui, à Cahors en possession de 29 plants de cannabis. Fait remarquable, l'artiste payait l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISK).
Selon l'article 222-35, la production ou la fabrication de cannabis ou de résine de cannabis sont punies de vingt ans de prisons et de 750 000 € d'amendes. Les cultivateurs risquent donc de voir la cabane au fond de leur jardin.
G.A. et E.M.
Des commerces spécialisés
On compte en France près de 400 magasins spécialisés dans la vente de matériels voués à « la culture de plantes en appartement ». Ces commerces légaux ont également pignon sur rue dans la Ville rose où un kit complet pour amateur est proposé à partir de 350 € : terreau, éclairage adapté, chambres de culture de toute dimension, système d'irrigation… Après, le « jardinier » choisit l'espèce qu'il souhaite produire. La vente très subversive de ces « jardins spécialisés » peut à première vue étonner au regard des dispositions légales. En effet, les devantures de ces échoppes annoncent clairement la couleur et les commerçants assurent « Tout ce qui est vendu ici est autorisé ! Après, ce que vous faites pousser, ça, c'est votre problème ! ».
La clientèle ne s'y est pas trompée et dans la file d'attente, on ne trouve pas que des amateurs de persils. Loin s'en faut !
O.S.
« Un moyen d'éviter le dealer »
expert : Michel Gandilhon, Observatoire français des drogues et toxicomanies:
Quelle est la quantité de cannabis produite en France ?
Nos études permettent d'estimer à 32 tonnes la production annuelle d'herbe de cannabis sur le territoire français. La majeure partie de cette quantité est produite par de petits cannabiculteurs qui consomment directement leur récolte et n'en font pas commerce. Mais depuis une dizaine d'années, le phénomène a pris de l'ampleur jusqu'à intéresser le crime organisé. De plus en plus de saisies de cannabis concernent des cultures intensives dont la récolte devait être revendue dans la rue. Cette tendance reste, cependant, marginale en France comparée à des pays comme les Pays-Bas, la Belgique et l'Angleterre.
Justement, cette production a-t-elle une influence sur le marché de la drogue ?
Oui. Ce phénomène nouveau modifie considérablement le marché. Les consommateurs achètent de moins en moins de résine de cannabis. Cela oblige les importateurs à varier leur offre. Du coup on voit beaucoup plus de cocaïne arriver en France à des prix nettement moins élevés qu'avant. Il s'agit d'un marché plus lucratif parce que moins concurrentiel.
Est-ce que certains producteurs français de cannabis exportent à l'étranger ?
Non. On pense que tout ce qui est produit sur le territoire est consommé ici, à la différence des Pays-Bas et de la Belgique dont 90 % de la production est exportée dans le reste de l'Europe.
Pensez-vous que la production française va encore augmenter ?
Il est difficile d'anticiper les tendances futures mais il est probable, effectivement, que ce phénomène s'accentue d'autant que les consommateurs veulent éviter de prendre des risques en achetant à des dealers.
Propos recueilli par Enrique Moreira
Source : La Dépèche.fr
info relayée par pequeno@cannaweed