MARSEILLE EN QUESTION Un pied sur le quai de la gare Saint Charles suffit pour sentir les effluves de cannabis en arrivant à Marseille
Une manifestation pour la légalisation du cannabis, à Marseille. — ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP
- La rédaction marseillaise de « 20 Minutes » répond, tout au long de cet été, aux grandes questions que les touristes se posent en arrivant à Marseille.
- Beaucoup de touristes s’étonnent de sentir aussi souvent le cannabis en se promenant dans les rues de Marseille.
- Histoire de Marseille et de son port, offre très large et mentalité peuvent expliquer pourquoi à Marseille, plus qu’ailleurs, on fume librement dans les rues.
Ils cherchent l’ombre et la « Bonne Mère », s’entassent par centaines dans le petit train sur le Vieux-Port et se posent des dizaines de questions. Chaque année, sept millions de touristes visitent Marseille, selon un comptage, optimiste, de la mairie. Tout au long de cet été 2019, la rédaction marseillaise leur simplifie la vie, en répondant à quelques interrogations, majeures ou anecdotiques. Ce vendredi, on se demande pourquoi est ce que ça sent si souvent l’odeur de beuh, ou de shit dans les rues de Marseille ?
« Je venais à peine de descendre du train que déjà sur les quais de la gare Saint-Charles ça sentait le shit et la beuh de partout. » La réaction typique lorsque des amis viennent te rendre visite pour la première fois à Marseille. La première bouffée d’oxygène dans les narines de non initiés peut surprendre lorsque l’on met les pieds dans la seconde ville de France. Bédo en attendant le métro, bédo sur les plages du Prado, bédo au bistrot, et, bien sûr, bédo au Vélodrome. « On se croirait plus à un concert de Bob Marley qu’à un match de foot », en sourit Karine, qui squatte de temps à autre le virage sud.
Une réalité que souligne le rapport du dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND) réalisé par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : « Il est quotidien de sentir l’odeur de cannabis dans la rue, au café, dans le bus, au stade vélodrome, à la plage… et de croiser une très grande diversité de consommateurs, un peu tout le temps, y compris aux alentours des points de vente : des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux, des riches, des pauvres, des solitaires, des groupes d’amis, des familles au complet… ce qui ne manque pas d’étonner les touristes ou les visiteurs de passage, même connaisseurs. »
Usage régulier du cannabis plus important
On ne va pas se mentir, dans d’autres villes de France aussi, on peut se laisser porter par un effluve de cannabis. Mais pas autant qu’à Marseille. Selon l’enquête ESCAPD réalisée en 2017 par l’OFDT sur la consommation de drogue chez les 17 ans, « la région Provence-Alpes-Côte D’Azur (41,2 %) présente les niveaux d’expérimentation parmi les plus élevés de France ». Le niveau d’usage régulier de cannabis, au moins dix usages dans le mois, est également légèrement supérieur en région Paca (7.9 %), que la moyenne nationale de 7.2 %. Voilà pour les stats.
L’histoire de Marseille et de son port n’y est pas étrangère. Devenu récemment premier port de France, celui de Marseille commerce énormément avec ceux du Maghreb, l’un des principaux fournisseurs de haschich. L’émergence des quartiers Nord, composés essentiellement d’ouvriers, y a aussi joué un rôle. Depuis que les industries sont parties, le taux de chômage y est très important. On se débrouille alors comme on peut pour survivre, grâce au trafic de drogue notamment.
Trois euros le gramme de shit
« Certaines personnes, des jeunes, comme des adultes, ferment les yeux sur le trafic pour leur propre tranquillité mais aussi pour acheter de la nourriture, payer les loyers. Chacun se débrouille comme il peut », confie un policier originaire des quartiers Nord. Selon un décompte non officiel de la police, il existerait plus d’une centaine de réseaux de revente de drogue à Marseille. Dont les plus gros, comme celui de la Castellane rapporteraient pas moins de 50.000 euros quotidiennement. Résultat, il n’est pas compliqué de trouver une barrette de shit de 15g, d’une qualité très correcte, à 50 euros. Soit 3 euros le gramme.
Face à cette situation, la police peut sembler dépassée. Mais surtout occupée à fouetter d’autres chats. « On n’est même pas sûr que le parquet engage des poursuites, et s’il le fait dans combien de temps la personne sera jugée ? On la recroisera le lendemain dans la rue, avec un joint à la bouche », regrette cette source policière. Quand aux procédures simplifiées qui permettent désormais d’infliger une amende au contrevenant ? « Si on interpelle quelqu’un simplement parce qu’il est en train de fumer, on risque de provoquer des soucis sur la voie publique. Les gens vont nous dire " mais pourquoi vous l’arrêtez, il était juste en train de fumer, il n’a rien fait " », ajoute-t-il.
Une certaine forme de liberté
Autant d’éléments qui tendent à banaliser la consommation de cannabis, comme le soulève le rapport du dispositif Tendances récentes et nouvelles drogues (TREND) réalisé par l’OFDT. « Certains éléments de langage ou de pratique à Marseille inquiètent les intervenants en prévention ou en réduction des risques quant à la banalisation des produits et de leurs usages. De plus en plus de jeunes, tous milieux sociaux confondus, emploient le terme positif de « bio » pour désigner l’herbe ; et nombre d’entre eux fument avec leurs parents. Au sortir d’un match de l’OM au stade vélodrome, un père et ses deux fils, joint entre les doigts, précisent : " Chez nous, pas d’alcool, c’est interdit ; et pas de cigarettes, c’est pas bon pour la santé. Mais le chichon, c’est traditionnel, ça fait pas mal " ».
Tradition pour certains, donc, mais surtout un désir de liberté, et de singularité par rapport au reste de la France, pour beaucoup d’autres. Avec ses bons, et ses mauvais côtés comme l’illustrent différents articles de cette série. Par exemple, cette liberté qui permet à chaque Marseillais de se sentir libre de porter un maillot de l’OM en toutes circonstances. Mais aussi cette volonté de s’affranchir de certaines règles, comme celles du Code de la route. A Marseille, on ne fait pas les choses comme ailleurs. Ce qui fait tout son charme.
Adrien Max
Source: 20minutes.fr
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