Après un caricatural numéro de Zone interdite intitulé "Cannabis: les nouveaux dangers" (Libération du 17 mai 2002), Bernard de LaVillardière, pris à partie par des militants procannabis, avait promis de revenir sur le sujet. C'est désormais chose faite avec "Cannabis: la grande hypocrisie" : d'un côté, d'intéressants reportages sur le cannabis thérapeutique, la production de hasch dans le Rif marocain ou la disparité flagrante des sanctions selon les tribunaux; de l'autre, d'affligeantes interventions en plateau et deux reportages sur la "grande hypocrisie" le dispute à la grande intox.
Ainsi du portrait de Gregory, 21 ans et trois cures de désintoxication au cannabis ("La drogue a pris le contrôle de sa vie, [ ... 1 il est dangereux quand il a pas sa dose", dixit sa mère), qui tient plus du fumeur de crack en phase terminale que de l'amateur de pétard. S'il ne s'agit pas de nier les risques du hasch consommé à trop haute dose chez certaines personnes, le parti pris de surdramatisation systématique du reportage sur les dangers du cannabis ôte toute crédibilité à l'émission. Mais cela ne serait rien sans le bouquet final intitulé "Dealers: attention dangers". Un morceau d'anthologie dans lequel les reporters de M6 nous ramènent vingt ans en arrière, pratiquant volontairement l'amalgame entre héroäne et hasch, parlant des victimes d'overdose sur fond d'images de joints et s'appuyant sur le témoignage d'une ex-toxicomane pour démontrer la fourberie des dealers de shit... Le tout, enrobé d'une bonne dose de commentaires façon La Villardière, type "une drogue pas si douce que certains voudraient le faire croire", fournirait un parfait argumentaire à un ministre de l'Intérieur qui souhaiterait, par exemple, mettre un terme à la banalisation du cannabis.
Source : Libération - jeudi 5 juin 2003 - Arnaud AUBRON
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