L’herbe affole l’Amérique

Par Invité ,

 

 

Les découvertes de plantations de marijuana explosent au Texas : l’effet d’une relocalisation des cultures du Mexique aux Etats-Unis.

 

Source: LibérationAu bout d’une route de caillasses, une propriété qui semble parfaitement ordinaire : des barbelés, une grille en fer et un panneau «No trespassing» («défense d’entrer»). Au-delà, des arbres et des herbes folles, rien qui donne l’envie d’y pénétrer. Le terrain est à moins de 12 kilomètres de la ville voisine de Corsicana, chef-lieu du comté de Navarro, au Texas, et à 100 kilomètres, à peine, au sud de la grande ville de Dallas. C’est là, derrière les herbes folles, que les policiers ont découvert cet été la plus grande plantation clandestine de cannabis du comté : 8 600 pieds de chanvre. Une récolte potentielle de 8,6 millions de dollars (5,7 millions d’euros), estime le commissaire Tanner, chef de la brigade antidrogue locale, qui montre le site.

 

La marijuana fumée à New York ou à Los Angeles n’a plus besoin d’être importée clandestinement du Mexique. L’herbe magique est de plus en plus souvent cultivée aux Etats-Unis, en plein air, parfois à quelques kilomètres seulement des villes ou des attractions touristiques. Avec le renforcement des contrôles à la frontière mexicaine, les producteurs de cannabis tendent à «relocaliser» leurs cultures aux Etats-Unis. «Ils ont fait ce que toute activité commerciale en plein essor ferait : se rapprocher de leurs consommateurs», traduisait récemment le Wall Street Journal en langage économique.

 

Longtemps concentrées dans quelques Etats seulement, sur la côte Ouest (Californie, Oregon et Washington), à Hawaï et au centre-est (le couloir Virginie occidentale, Kentucky, Tennessee), les cultures de cannabis se sont répandues dans pratiquement tout le pays. Même si ces sept Etats restent les plus gros producteurs. En 2008, les policiers ont découvert et arraché un record de 8 millions de pieds de cannabis, contre 3,2 millions de pieds en 2004. Et 94 % des plants découverts l’an dernier étaient cultivés à l’air libre, indique le dernier rapport du National Drug Intelligence Center (NDIC), l’agence fédérale qui centralise les informations sur les drogues.

 

23 000 pieds, 23 millions de dollars

 

Les plantations américaines sont particulièrement rentables, déplore la police. Le cannabis y est généralement de «bien meilleure qualité» que celui cultivé au Mexique. En 2008, la teneur moyenne des plants en THC (tétrahydrocannabinol, la molécule psychotrope du cannabis), était de près de 10,1 %, contre 3,7 % pour les plants saisis en 1988. Une grande exploitation, dispersée sur une douzaine de champs (pour prévenir les risques de saisie globale) de 10 000 pieds chacun, nécessite un investissement de départ de moins de 500 000 dollars, calculent les spécialistes américains. Pour le prix d’un petit appartement à Paris, la recette peut atteindre les 120 millions de dollars, en une seule saison. Vu leurs marges, les planteurs n’ont même pas trop à s’inquiéter des descentes de police : il suffit qu’un champ sur douze soit récolté pour que l’affaire soit encore profitable.

 

Dans le seul comté de Navarro, au Texas, le commissaire Tanner et ses hommes ont découvert cette année 23 000 pieds de marijuana, soit une recette potentielle de 23 millions de dollars. «On estime qu’un bon pied de marijuana peut produire une livre de haschich, qui se vend environ 1 000 dollars actuellement aux Etats-Unis», explique un adjoint du commissaire. En vingt et un ans de service à Navarro, le commissaire Tanner n’avait jamais fait une telle récolte : «Jusqu’à présent, nous n’avions jamais saisi plus de 200 ou 300 pieds de cannabis par an.»

 

Le plus grand champ découvert cette année dans le comté de Navarro était à moins de 12 kilomètres des bureaux du shérif. Quelques maisons sont même toutes proches de la grille d’accès au terrain. Mais les cultivateurs étaient suffisamment discrets pour que les voisins n’aient pas trop de soupçons. «Au printemps dernier, j’ai bien vu une douzaine de Mexicains arriver, raconte George Wise, voisin immédiat de la ferme clandestine. Ils ont installé la clôture barbelée tout autour de leur terrain et m’ont dit qu’ils voulaient mettre du bétail. Je n’y ai pas trop cru car les piquets n’étaient pas bien solides. Ils n’auraient pas résisté au bétail. Mais bon, c’était leur affaire, on n’y faisait pas vraiment attention.» Les week-ends, ce voisin voyait parfois «cinq ou dix Mexicains» venir travailler sur la propriété, mais là encore, il ne voulait pas s’en mêler, assure-t-il : «Je pensais que c’étaient des illégaux. De toute façon, il y en a partout et personnellement, cela ne me dérange pas.»

 

Dans ce recoin du Texas, les terres ne sont pas chères et toutes sortes de gens de passage, en panne de fortune, viennent garer leur mobile-home quelque temps, raconte un autre voisin. Certains ont pris l’habitude d’emprunter des outils ou objets qui disparaissent ensuite un beau jour avec eux. Tant et si bien que chacun préfère maintenant se tenir à distance des nouveaux venus, explique ce voisin.

 

La police de Corsicana a tout de même été alertée par un coup de fil - d’un habitant des environs, sans doute - passé sur le numéro spécial de délation du crime, qui permet de faire des dénonciations totalement anonymes et de gagner une récompense de 1 000 dollars si l’information permet une arrestation. «Avant de pouvoir inspecter une propriété privée, nous devons toutefois avoir un mandat de perquisition, et donc un soupçon étayé, explique le commissaire Tanner. Pour cela, nous avons dû d’abord survoler la propriété en hélicoptère. Là, nous avons bien repéré les plants de cannabis. Mais quand nous sommes arrivés le lendemain avec notre mandat de perquisition, les cultivateurs s’étaient enfuis, alertés par les rondes de l’appareil.» Sur les films de la police (1) tournés à bord de l’hélicoptère, on distingue bien les petits buissons de chanvre dès que la camera zoome. Sans le zoom, on ne voit rien, même d’avion : les plants sont cachés par les arbres.

 

Quand ils arrivent sur le terrain, les hommes du commissaire Tanner découvrent généralement des traces encore toutes fraîches de camping : des tentes, des réchauds à gaz, des casseroles de haricots ou des bouteilles de sauces épicées, qui trahissent l’origine sud-américaine des agriculteurs. Souvent, les policiers américains tombent aussi sur toute une infrastructure agricole : des pompes et des tuyaux pour irriguer les cultures, des engrais et des herbicides. «Généralement, nous trouvons des armes, mais c’est sans doute pour se protéger des animaux sauvages», expliquent les policiers du comté de Navarro.

 

L’ombre des «gangs» mexicains

 

La plupart du temps, les cultivateurs réussissent à s’enfuir avant l’arrivée des forces de l’ordre. Dans le comté de Navarro, quelques-uns ont tout de même été arrêtés cette année. Ce sont des immigrés clandestins d’Amérique latine installés depuis quelque temps déjà aux Etats-Unis. Les policiers eux-mêmes semblent avoir plutôt pitié d’eux : «Ils restent des mois à camper dans les sous-bois sans électricité pour ne pas attirer l’attention. Ils se font dévorer par les moustiques», souligne un agent. Les enquêtes en cours pour retrouver les «patrons» suggèrent qu’au moins quatre champs découverts dans ce comté et celui, voisin, d’Ellis étaient «gérés» par un même groupe criminel. Qui n’est pas forcément mexicain, souligne le commissaire Tanner : «Il n’y a pas de preuves que ces plantations soient liées aux cartels mexicains de la drogue. Nous avons là une production nationale de marijuana, cultivée et distribuée aux Etats-Unis.»

 

Dans d’autres Etats américains, en revanche, les autorités soupçonnent les cartels mexicains d’être derrière ces plantations. Le cannabis est la drogue qui a fait leur fortune. Les autorités estiment à 9 milliards de dollars les revenus que ces cartels tirent chaque année du commerce de la marijuana. Selon la DEA (l’agence fédérale de lutte antidrogue), ils tirent 60 % de leurs revenus de l’herbe et il est donc logique qu’ils veuillent garder le contrôle des opérations, même sur le sol américain.

 

En Oregon, la police a identifié un trafiquant mexicain, Artemio Corona, qu’elle soupçonne être à l’origine de plusieurs plantations dans des réserves indiennes. Plusieurs de ses «employés» ont été arrêtés, mais il reste introuvable. Un petit arsenal a même été découvert en 2008 près des champs de marijuana de la réserve de Yakama. Et dans l’Etat voisin de Washington, à l’extrême nord-ouest des Etats-Unis, les tueurs du cartel Los Zetas, constitué d’anciens déserteurs de l’armée mexicaine, sont déjà à l’œuvre pour assurer la sécurité des récoltes, selon la police américaine.

 

En Californie, qui reste de loin le premier producteur de cannabis clandestin, les policiers ont eu plusieurs accrochages, cette année, avec des «gangs mexicains» qui, au lieu de s’enfuir à leur arrivée, ont ouvert le feu. Les autorités californiennes accusent des «réseaux mexicains» de recruter les clandestins et de fournirt tout le matériel, armes comprises.

 

Tandis que les enquêteurs s’acharnent à traquer les plantations clandestines, l’opinion publique américaine amorce un changement d’approche sur la question du cannabis. Les Américains ne sont plus que 54 % pour l’interdiction de sa consommation, contre 84 % en 1970 . Et 44 % seraient désormais favorables à sa légalisation, selon un récent sondage Gallup. Une large majorité approuve déjà l’usage médical de la marijuana, qui est autorisé en Californie et dans une douzaine d’autres Etats. Les producteurs installés aux Etats-Unis ne font donc peut-être que devancer une future légalisation du cannabis. Elle réduirait considérablement leurs risques, mais aussi leurs marges de bénéfices.

 

 

 

Par LORRAINE MILLOT envoyée spéciale à Navarro (Texas)

 

Pour voir des vidéos et des photos du champs en question: https://snipurl.com/T2NWT

 

 

 

 

 

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«On estime qu’un bon pied de marijuana peut produire une livre de haschich, qui se vend environ 1 000 dollars actuellement aux Etats-Unis" ... ben voyons, 1 pied = 500 grammes de shit ... ca doit etre sacrement de la merde leur h !!

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Invité Haze009

Posté(e)

Un mot a dire, bravo à ceux qui on fait pousser tout sa, bon boulot et continuer ;-)

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oué mais c'est de l'outdoor et au texas y fait quasiment tout le temps soleil donc y doivent faire 1kg par pied

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Quand ils arrivent sur le terrain, les hommes du commissaire Tanner découvrent généralement des traces encore toutes fraîches de camping : des tentes, des réchauds à gaz, des casseroles de haricots ou des bouteilles de sauces épicées, qui trahissent l’origine sud-américaine des agriculteurs.

 

:mdr: Mais oui c'est bien connue, les mexicains bouffent du chili con carne à longueur de temps...

 

 

En tous cas l'augmentation des cultures aux states est exponentielle, comme les prémices d'un grand boulversement...

 

On vit une époque formidables les enfants!

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"Tandis que les enquêteurs s’acharnent à traquer les plantations clandestines, l’opinion publique américaine amorce un changement d’approche sur la question du cannabis. Les Américains ne sont plus que 54 % pour l’interdiction de sa consommation, contre 84 % en 1970 . Et 44 % seraient désormais favorables à sa légalisation, selon un récent sondage Gallup. Une large majorité approuve déjà l’usage médical de la marijuana, qui est autorisé en Californie et dans une douzaine d’autres Etats."

 

 

 

Mouhahahahahah vivement la suite

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Invité boul2bud

Posté(e)

c'est con chez nous y fait moins beau et c'est moins grand ..

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En Californie, qui reste de loin le premier producteur de cannabis clandestin, les policiers ont eu plusieurs accrochages, cette année, avec des «gangs mexicains» qui, au lieu de s’enfuir à leur arrivée, ont ouvert le feu. Les autorités californiennes accusent des «réseaux mexicains» de recruter les clandestins et de fournirt tout le matériel, armes comprises.

 

 

La Californie : Ou comment l'État donne un statut légal à la mafia ! :supair:

(:-()

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Le problème se situe en Californie parce que le climat y est plus favorable à la culture.

 

Ça n'a rien à voir avec la légalisation de l'usage thérapeutique du cannabis en Californie, si c'est ce que tu sous entendais Reggaeman.

Les dispensaires ont l'autorisation de produire leur Ganja en quantité nécessaire.

 

Les réseaux mexicains se développent pour satisfaire la demande en herbe "récréative" croissante dans l'Amérique du nord, et supplantent peu à peu la positions d'exportateur occupé par le Mexique depuis des années.

 

Donc cette situation qui s'envenime est dû à ces années de prohibitions qui favorisent le développement des organisations mafieuses en les finançant (plutôt en les laissant se financer, ce qui revient au même), et cause des dommages sociaux avérés (c.f. Le rapport sur les drogues 2009 UNDOC).

 

Les Américains sont de plus en plus nombreux à s'en rendre compte et à vouloir un changement, le contexte économique aidant à franchir le pas, cette situation pourrait bientôt trouver un dénouement dans certains état U.S avec la légalisation.

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