Le mécano Sarkozien est en marche, son projet de loi de prévention de la délinquance présenté fin juin est maintenant inscrit en première lecture au Sénat les 13 et 14 septembre 2006.
Source : Chanvre-Info
Préalablement, la Commission des Affaires Sociales a nommé un rapporteur pour avis. Mr About semble avoir le profil adéquat pour donner une tonalité "humaniste" à un projet de loi anti-social. Ce parlementaire UDF, plutôt jeune ce qui est rare au Sénat, médecin, est membre, entre autre, d’un groupe d’études sur la lutte contre l’exclusion et du Comité national de l’organisation sanitaire et sociale. Il est aussi membre de groupes parlementaires internationaux comme France-Liban ou France-Maroc, il préside le groupe France-Egypte. Ce sénateur va peut-être soumettre quelques amendements mineurs pour permettre à Sarkozy de faire mousser le travail du Sénat et de paraître ouvert au dialogue avec les autres partis, toujours bon en période de campagne présidentielle. On de doit pas espérer de modification de fond.
Le projet de loi de Sarkozy est ainsi présenté pour ce qui concerne la politique en matière de drogues (toxicomanie) : "Selon une estimation du ministère de l’Intérieur, le niveau d’expérimentation du cannabis chez les jeunes adultes a doublé depuis le début des années 90." Jugeant que "le cannabis facilite aussi le passage à l’acte agressif en créant une euphorie artificielle", Nicolas Sarkozy souhaite "rendre la loi applicable et dissuasive, notamment à l’égard des jeunes, qui représentent deux tiers des consommateurs". Le projet de loi étend donc la procédure de l’ordonnance pénale au délit d’usage pour les majeurs et celle de la composition pénale pour les mineurs. Il élargit en outre le registre des peines de substitution : stage de citoyenneté ou stage de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants. Il établit des tests de dépistage dans les entreprises de transports et dans toutes les administrations, la question restant ouverte pour les élèves de l’Education Nationale.
L’opposition a déposé deux motions : La première tendant à opposer la question préalable par les membres du Groupe Socialiste, apparentés et rattachés ; La seconde tendant à exposer la question d’irrecevabilité par les membres du Groupe Communiste Républicain et Citoyen. Contenu intégral de ces motions, quelques passages sont vraiment percutants. Espérons que la gauche saura s’en souvenir au moment de l’alternance, si Sarkozy laisse un jour sa place...
Pour les socialistes :
« Il substitue aux missions de prévention et de médiation, un contrôle social institutionnalisé de toute une catégorie de personnes présumées déviantes en contrevenant à l’éthique des pratiques sociales et aux règles de déontologie des travailleurs sociaux.
Il privilégie la répression et l’enfermement au détriment des soins et du respect des droits des malades.
Il introduit toute une série de nouvelles dispositions pénales dans la continuité d’une politique à visée uniquement répressive alors même que celle-ci s’est illustrée par son échec.<...>
Modifier ces dernières en permanence pour répondre au seul objectif de promouvoir une « communication institutionnelle » en vue de la prochaine campagne présidentielle du ministre de l’intérieur aboutit à les fragiliser davantage sans parvenir aux résultats escomptés. »
Pour le groupe Communiste Républicain et Citoyen :
« Loin de répondre à des objectifs de prévention en matière de sécurité ou de santé publique, il organise un nouvel ordre social fondé sur la répression et le contrôle des individus considérés comme vulnérables ou déviants. Ce faisant, il bafoue un certain nombre de principes constitutionnels, sans qu’ils soient ici énumérés de façon exhaustive.
Les libertés individuelles sont ainsi clairement menacées, que ce soit avec les dispositions sur l’hospitalisation d’office ou la multiplication des fichiers telle que prévue par le texte. »
Les futures "victimes" sont bien les professionnels du transport, tous les fonctionnaires de toutes les administrations (fonction publique d’état, hospitalière et des collectivités territoriales). A ce rythme, il risque d’y avoir du grabuge. Car cela sera peut être pire si les professions relevant de la "délégation de service public" sont aussi concernées. Par exemple, tous les professionnels exerçant dans une association de prévention et de Réduction des Risques touchant des subventions seraient également soumis aux dépistages.
Il y a fort à parier que les 10 millions d’usagers occasionnels de cannabis seront aussi ciblés, sans doute de manière plus sournoise, notamment s’il s’agit de redresser les torts parentaux au travail ou dans l’éducation de leurs enfants. Ce projet de loi est donc discriminatoire, à l’égard des mineurs, des jeunes et des fonctionnaires. Il institue une peine "préventive" en sanctionnant durement l’usage privé de drogues sans faute professionnelle. Des traces de produits suffiront à perdre son travail, surtout pour le cannabis qui reste longtemps décelable. Il renforce le contrôle social à l’égard des fonctionnaires et des populations fragilisées. Les syndicats et les ONG doivent organiser d’urgence la lutte contre ce projet.
Laurent Appel
« Si tu es prêt à sacrifier un peu de liberté pour te sentir en sécurité, tu ne mérites ni l’une ni l’autre. » Thomas Jefferson, 3ème président des USA
Remerciements à Farid Ghehioueche, Responsable du Groupe de Travail National Drogues des Verts, pour son analyse et ses informations qui ont largement alimenté cet article.