Le projet de loi de prévention de la délinquance, examiné à l'Assemblée nationale, contient quelques surprises. Les salariés des sociétés de transport ont ainsi découvert qu'ils pourraient être l'objet, sur réquisition du procureur de la République, de contrôles policiers destinés à dépister l'usage de stupéfiants.
Source : Le Monde
Cette disposition est incluse dans l'article 28 du projet de loi, élaboré par Nicolas Sarkozy, lequel durcit d'un à cinq ans d'emprisonnement et de 3 750 à 75 000 euros d'amende les sanctions pénales pour usage de stupéfiants à l'encontre de deux catégories professionnelles : les personnels chargés d'assurer le transport terrestre, maritime ou aérien de marchandises ou de personnes, ainsi que les personnes chargées d'une mission de service public ou dépositaires de l'autorité publique.
L'entourage du ministre de l'intérieur précise que les contrôles policiers au sein des sociétés de transport visent "à prévenir le plus en amont possible les conduites à risque des conducteurs, dans un but de protection des voyageurs, notamment les enfants". "Ces contrôles seront faits sur le même modèle que le travail clandestin", ajoute la Place Beauvau, qui refuse de préciser si cette mesure était ou non réclamée par des entreprises de transport.
"INTRUSION INACCEPTABLE"
De fait, il semblerait que ni les syndicats ni les sociétés concernées n'aient été associés à la réflexion. Première à découvrir la disposition, la CGT-Transports a réagi, le 13 septembre, jugeant ce texte "dangereux pour les salariés du transport et les libertés individuelles" et soulignant que le syndicat "n'acceptera pas l'intrusion des forces de police dans les entreprises".
"C'est une façon de désigner ces salariés de façon très négative, sans aucune base sérieuse", s'indigne Jean-François Rupert, secrétaire général adjoint de la CFDT-Transports et équipements, qui déplore un "effet d'affichage qui ne prend pas en compte les sanctions professionnelles déjà existantes". Contactées, Air France et la RATP n'ont pas souhaité réagir. Tout juste fait-on valoir, à la SNCF, qu'un contrôle policier "serait un sujet hypersensible, connaissant notre corps social...".
L'incompréhension est d'autant plus grande que des politiques de dépistage des stupéfiants existent déjà. A la SNCF, à la RATP comme à Air France, des tests urinaires sont pratiqués lors de la visite d'embauche pour les emplois de sécurité (conducteurs, aiguilleurs, contrôleurs, personnels navigants...). Ces dépistages sont requis par deux arrêtés ministériels, l'un du 27 janvier 2005 pour le personnel de l'aviation, l'autre du 30 juillet 2003 pour le personnel du réseau ferroviaire. Les préfectures assurent également un dépistage lors de la délivrance du permis de conduire ou de son renouvellement pour le transport de personnes et le transport routier.
Si elle est décidée par les sociétés de transport, la recherche de stupéfiants doit être inscrite au règlement intérieur et s'effectuer lors des visites annuelles au médecin du travail. C'est le praticien qui déclare l'aptitude ou l'inaptitude du salarié à son poste de travail. La loi est stricte : en aucun cas le résultat des tests n'est communiqué à l'employeur, qui ignore les causes de la déclaration d'inaptitude de son salarié.
Les données épidémiologiques manquent sur l'usage de substances psychoactives en milieu professionnel. Selon un médecin du travail de la SNCF qui témoignait dans l'ancienne revue Toxibase, en 2004, sur 90 000 tests pratiqués chaque année dans cette société, moins de 4 personnes sur 1 000 sont déclarées inaptes à occuper leur poste de travail.
L'enquête Stupéfiants et accidents mortels de la circulation, rendue publique fin 2005, a réussi à isoler deux types de comportements des professionnels : le nombre de conducteurs de poids lourd consommant du cannabis est ainsi estimé à 1,8 % contre 0,3 % pour l'alcool, tandis que les conducteurs de véhicule utilitaire, souvent plus jeunes, sont consommateurs de cannabis à 5,5 % contre 2,7 % pour l'alcool.
Cécile Prieur
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