Drogues. A l'occasion de la journée mondiale, un rapport fait le point sur la consommation en Europe.
Par Arnaud AUBRON
samedi 26 juin 2004
«Les scientifiques sont tous d'accord : le cannabis n'est pas une drogue inoffensive. D'autant que sa concentration en principe actif, aujourd'hui, est souvent dix fois ce qu'elle était dans le joint des soixante-huitards»,
déclarait en octobre le sénateur Plasait, auteur d'une proposition de loi sur les stupéfiants déposée la semaine dernière.Quant au tsar américain antidrogues, John Walters, il parle lui de «crack de marijuana» par
analogie au puissant dérivé de la cocäne. Récurrent, ce thème est devenu l'un des
principaux arguments des partisans de la prohibition du cannabis.
A l'occasion de la Journée mondiale contre les drogues (lire ci-dessous),
l'Office européen des drogues et toxicomanies (OEDT) publie, ce samedi, un rapport qui bat cette idée en brèche.
«Les affirmations, dans les médias populaires, selon lesquelles la concentration en THC (principe actif, ndlr) du cannabis aurait augmenté de 10 fois ou plus dans les dernières décennies ne sont pas confirmées par les données, limitées, disponibles en Europe ou aux Etats-Unis», balaient d'emblée les chercheurs.
Depuis plusieurs années, ce taux de THC
tournerait dans la plupart des pays «autour de 6 à 8 %». Deux exceptions :
les Etats-Unis,mais «avant les années 80, la concentration du cannabis (1 %) y était très faible comparée à l'Europe».
Et les Pays-Bas, «où en 2001-2002, elle a atteint 16 %».
Pourquoi les Pays-Bas ? Car, rapportait cet hiver l'économiste néerlandais Adrian Jansen, plus de 80 % de l'herbe fumée sur place y est produite. L'OEDT parle elle de «plus de 50 %». Et rappelle que «le cannabis issu de cultures intensives en intérieur a habituellement des taux de THC supérieurs aux produits importés».
De deux à trois fois.
Or, toujours selon le Pr Jansen, «un quart de ce qui est consommé en Europe y est produit».
Un phénomène né dans les années 90 et qui «ne peut se comprendre sans se référer au statut
illégal du cannabis»
, qui rend la culture intensive en intérieur plus
rentable et moins risquée que l'importation.
Situation identique aux Etats-Unis, dont l'ONU fait en 2002 le premier producteur, avec un tiers
des 32 000 tonnes d'herbe produites en 2002 dans le monde.
Ou au Canada, où le cannabis serait devenu la première manne agricole, rapportant, selon les
estimations, entre 4 et 7 milliards de dollars par an.
Or, ajoute l'OEDT, si une légère hausse de concentration a pu être observée
dans certains pays, «elle peut être quasi-exclusivement attribuée à l'augmentation de la consommation de cannabis domestique.» La boucle est bouclée : la prohibition a permis une explosion de la production dans les pays développés. Lesquels font du cannabis plus concentré en THC. Ce qui sert à justifier le régime de prohibition...
Et la santé dans tout cela ? Selon l'OEDT, aucune étude ne permet d'affirmer que les variétés d'herbe à forte teneur en THC sont plus nocives, une des explications étant que les amateurs semblent freiner sur les quantités quand la concentration monte.
De quoi rassurer le sénateur Plasait.
Source : liberation.fr
© Libération
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