C'est le constat d'une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publiée ce lundi...
Plus conscients, plus méfiants, mais aussi moins libéraux dans leur opinion. En quelques années, la perception des Français vis-à-vis des drogues et des consommateurs s’est considérablement durcie. Le constat est fait par l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), qui publie ce lundi les résultats d’une enquête sur les opinions et perceptions des Français sur les drogues. Cette étude, menée fin 2008 par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de 2.300 personnes âgées de 15 à 75 ans, est la troisième en dix ans, après les exercices de 1999 et 2002.
Premier constat, l’appréhension des Français vis-à-vis des produits licites comme illicites n’a cessé de s’amplifier. Ils sont ainsi 92% à juger la consommation d’héroïne dangereuse dès le stade de l’expérimentation, et presque autant pour la cocaïne. La crainte s’est aussi largement accrue vis-à-vis du cannabis, (gagnant près de 10 points en une décennie), confortée par la thèse - non vérifiée - de l’escalade, selon laquelle le cannabis mènerait vers les drogues dures. Cette méfiance s’étend à l’alcool, mais surtout au tabac, cité comme le produit le plus addictif, et qui subit clairement une «dénormalisation», selon Jean-Michel Costes, directeur de l’OFDT. Le pourcentage de personnes l’estimant dangereux dès la première utilisation a doublé, passant de 21% en 1999 à 43% en 2008.
De victime, l'usager de drogue est devenu «coupable»
L’autre constat, plus préoccupant, concerne la représentation de l’usager de drogues. De victime, il est passé à responsable, et donc coupable. L’archétype du toxicomane, l’héroïnomane, est ainsi très majoritairement perçu comme «dangereux pour l’entourage (à 84%), et à 24% seulement comme malade (contre 51% en 1999). «L’addiction, d’après Jean-Michel Costes, est vue comme une responsabilité individuelle», plus que comme la conséquence de problèmes. «Or, rappelle Etienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (MILDT), les Français doivent savoir qu’une personne dépendante est malade, et doit être soignée comme telle.»
De telles évolutions de l’opinion publique sont considérées comme «significatives» pour Jean-Michel Costes. Car contrairement aux thèmes du terrorisme ou de la violence, l’opinion reste habituellement stable quant aux questions liées aux drogues. Le directeur de l’OFDT y voit une «intériorisation des messages publics de prévention, qui mettent l’accent sur la responsabilité individuelle», conjuguée aux effets du principe de précaution mis en avant ces dernières années.
Contre les salles de shoot
Un durcissement de l’opinion publique d’autant plus étonnant que la France n’est pas aussi touchée que ses voisins européens. A titre d’exemple, l’augmentation de l’usage de cocaïne n’a pas été aussi massive en France (entre 250 et 300.000 usagers) qu’au Royaume Uni, en Espagne et en Italie, qui comptent chacun un million de consommateurs.
En matière de politiques publiques, ces mêmes Français adhèrent massivement aux mesures de contrôle de l’offre, telles que l’interdiction de la vente aux mineurs. Ils sont en revanche plus partagés en matière de taxes, sur le tabac, notamment. Concernant les produits illicites, ils voient d’un bon œil tout ce qui peut aider à sortir de la dépendance (substituts), mais demeurent réservés vis-à-vis des nouveaux dispositifs, à l’image des salles de shoot, alors que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) doit rendre prochainement les conclusions de son expertise. De telles mesures seraient associées dans l’imaginaire collectif à une dépénalisation progressive des drogues.
Source : 20minutes