Fribourg: Un individu est jugé en appel pour avoir grièvement blessé un cultivateur de chanvre lors d'une partie de chasse.
La défense plaide l'acquittement . Image: Illustration/AFP
Le chasseur qui avait tiré sur un cultivateur de chanvre en le prenant pour un sanglier écope d'un an de prison avec sursis pour lésions corporelles graves par négligence. Il avait fait appel contre sa condamnation, mais le Tribunal cantonal fribourgeois a confirmé sa peine lundi.
En tirant sans voir sa cible, le prévenu a commis une faute lourde, de sorte que cette sanction est adéquate, a estimé la Cour. Celle-ci a toutefois réduit la durée du sursis (3 ans au lieu de 5) et la durée du retrait de l'autorisation de chasser (4 ans au lieu de 5), afin de tenir compte du temps écoulé durant la procédure.
La défense plaidait l'acquittement ou, à défaut, une réduction de la peine. Le Ministère public et la partie plaignante s'opposaient à toute diminution de la sanction.
Les faits ont eu lieu le 6 octobre 2012 lors d'une partie de chasse près d'un champ de maïs à Villeneuve (FR).
Vingt minutes après les trois coups de corne signifiant la fin de la battue, le chasseur se rendait au point de rendez-vous du groupe, quand il a entendu «une sorte de grognement» et a vu bouger des plants de maïs.
Distinguant une tache sombre à environ 80 centimètres de hauteur, le quadragénaire a pensé qu'il s'agissait d'un sanglier. Il a tiré avec son fusil, et ce, après y avoir introduit une cartouche à grenaille au lieu d'une cartouche à balle comme il est d'usage.
Seize opérations
Mais sa cible s'avéra être un agriculteur sexagénaire, qui cueillait du chanvre dans une culture dissimulée dans le champ de maïs. Il a été atteint notamment à l'abdomen et s'est trouvé en danger de mort. Il a subi 16 interventions chirurgicales et a séjourné 56 jours à l'hôpital. Il a encore des séquelles physiques et psychiques.
En novembre 2013, le prévenu a été condamné par ordonnance pénale à six mois de prison avec un sursis de cinq ans. Il a fait recours. Mais en mai 2015, la juge de police de la Broye a multiplié sa peine par deux.
Vendredi devant les juges cantonaux, le chasseur a dit regretter tous les jours cet accident et ses conséquences sur la santé de la victime. «Je l'aurai sur ma conscience jusqu'à la fin de mes jours.»
De bonne foi
Le prévenu n'est pas de mauvaise foi, il était convaincu que c'était un sanglier, a affirmé son avocat André Clerc. «Il n'a pas tiré comme un sauvage», son erreur n'est pas d'avoir tiré sans avoir identifié la cible, mais d'avoir mal identifié celle-ci.
«On ne doit pas confondre la gravité des conséquences de l'accident avec la gravité de la culpabilité», a dit l'avocat. Selon lui, il fallait même nuancer cette culpabilité, car il était difficile de s'attendre à ce qu'une personne sorte à quatre pattes d'un champ de maïs avec un sac noir sur le dos.
Le défenseur a aussi précisé que la fin de la battue signifie que les chasseurs se rendent au lieu de rendez-vous. Cela ne veut pas dire qu'on n'a plus le droit de tirer.
Promeneurs en danger
Pour le procureur Fabien Gasser, le fait que des cultures de chanvre sont parfois cachées parmi des plants de maïs est connu, et non pas étonnant. Mais selon lui, le prévenu était «tellement fébrile d'abattre enfin une proie après une journée sans succès» qu'il a violé les règles élémentaires du bon sens.
Le prévenu a fait recours contre toutes les décisions prononcées au fil de l'affaire, a rappelé le procureur: il «a fait tout faux» et ne veut pas l'admettre. Réduire sa peine aurait été lui offrir «une prime à l'entêtement».
Jean-Yves Hauser, avocat de la victime, a dit que raison de la présence de son client dans ce champ n'était certes pas glorieuse, mais que le danger pouvait concerner tout un chacun. Il aurait suffi qu'un enfant perde un ballon dans le champ, ou qu'un promeneur y soulage ses besoins naturels, pour devenir «une victime désignée de ce sniper». (ats/nxp)
Source: tdg.ch