Traqués par la police, les petits producteurs de cannabis sont en voie de disparition aux Pays-Bas. Résultat : la qualité de l’herbe baisse et les coffee shops sont obligés de s’approvisionner auprès des réseaux criminels.
Source: Courrier International
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Photo: THCganja/Flickr
◄ Pas seulement pour sa consommation personnelle.
Un petit producteur de cannabis aux Pays-Bas.
On ne les voit ou on ne les entend presque plus, mais ils existent toujours, ces petits cultivateurs qui chouchoutent leurs petits pieds de cannabis à domicile. Ils le font pour leur propre consommation, pour approvisionner leurs proches en cannabis médicinal ou pour le vendre aux coffee shops. Et ils se sentent de plus en plus menacés.
Depuis 2004, la police et la justice néerlandaises leur font une chasse assidue. “Ce sont surtout eux qui se font prendre”, explique Nicole Maalsté, sociologue à l’université de Tilburg. “Pour la police, il est plus facile d’organiser une descente dans un quartier populaire. Mais les grands truands restent généralement hors d’atteinte. Pour les arrêter, il faudrait enquêter plus longuement.” D’après elle, la criminalité organisée profite de ces interventions policières plus vigoureuses. “Au fur et à mesure que les petits cultivateurs sont chassés du marché, les durs remplissent ce vide. Les coffee shops sont poussés vers des individus avec lesquels ils n’auraient jamais voulu travailler.”
Un fonctionnaire municipal de 36 ans (souhaitant rester anonyme) qui réside dans le quartier populaire de Woensel-West, à Eindhoven, et qui cultive du cannabis dans son grenier, ne se considère pas du tout comme un criminel : “Mon amie et moi cultivons pour notre propre consommation. Ce qu’ils vendent dans les coffee shops est cher et de qualité de plus en plus médiocre. Ils y ajoutent des produits chimiques ou l’alourdissent avec de la poudre de verre ou de métaux.”
Dans son grenier, deux armoires contiennent chacune cinq pieds de cannabis éclairés par de fortes lampes. Le fonctionnaire affirme qu’il respecte les règles de la politique dite “de tolérance” : sa copine et lui possèdent chacun cinq pieds de cannabis [la culture est interdite mais pénalisée seulement à partir de six pieds]. Mais, lorsqu’on cultive à partir de semences, il faut en semer au moins le double, car seules les graines femelles fleurissent. Il y a un an et demi, il a eu la visite de deux agents de police tuyautés par un voisin. Les policiers se sont montrés compréhensifs. Un autre cultivateur, Kees (40 ans), habitant la ville de Huizen, a été moins chanceux : “Je n’ai pas réussi à faire comprendre au policier que pour avoir cinq plantes il en fallait dans un premier temps bien plus. Ils ont tout détruit.” Kees cultive du “cannabis de qualité, 100 % biologique”. Ce qu’il ne consomme pas, il le vend au coffee shop – entre 270 et 340 euros les 100 grammes, selon la qualité et le coffee shop. Nicole Maalsté, comme de nombreux maires, souhaite que l’approvisionnement des coffee shops auprès de petits cultivateurs contrôlés soit dépénalisé [les coffee shops peuvent vendre jusqu’à 5 grammes de cannabis par client, mais n’ont pas le droit de s’approvisionner, pas même auprès des petits cultivateurs]. Elle voudrait que la police fasse surtout la chasse aux réseaux criminels : “Les petits cultivateurs, qui sont le socle de la politique néerlandaise de tolérance, devraient être choyés. Ils cultivent de la bonne herbe, généralement dépourvue d’additifs. La qualité est clairement supérieure à ce que les grands produisent en gros et qui envahit de plus en plus les rayons.”