Dans une étude menée en France, les chômeurs se distinguaient des actifs par des niveaux d’usage de substances psychoactives nettement supérieurs.
LODI FRANCK/SIPA
Les consommations régulières ou problématiques de substances psychoactives sont plus fréquentes chez les demandeurs d’emploi que chez les actifs occupés. C'est la conclusion du dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) publié ce mardi.
Cette étude menée par les épidémiologistes de l'Institut de Veille Sanitaire (InVS) a consisté en une analyse des données du Baromètre santé 2010. Il s'agit d'une enquête nationale conduite auprès d’un large échantillon représentatif de la population française, concernant les usages du tabac, de l’alcool et du cannabis.
Résultat, quelle que soit la situation professionnelle, les prévalences des usages de substances psychoactives se sont révélées plus élevées parmi les hommes que parmi les femmes. En outre, les chômeurs se distinguaient des actifs occupés par des niveaux d’usage de substances psychoactives nettement supérieurs. Ainsi, en 2010, 51 % d’entre eux déclaraient fumer quotidiennement (contre 33,5 % des actifs occupés), 25 % avaient une consommation d’alcool à risque (contre 15 %) et 6 % déclaraient une consommation régulière de cannabis (contre 2 %).
Gestion du stress
Pour les auteurs des travaux, le lien entre chômage et usage de substances psychoactives correspond à plusieurs situations bien décrites (1). « La situation de chômage peut être à l’origine d’une augmentation des usages de substances psychoactives dans un but de gestion du stress et de l’humeur, ce motif étant en partie une construction des milieux populaires », écrivent-ils.
Par ailleurs, ils alertent sur le risque que les usages de substances psychoactives « peuvent parfois rendre plus difficile la recherche d’un emploi ou favoriser la perte d’emploi, soit par la modification des comportements qu’ils engendrent, pour l’alcool ou le cannabis notamment, soit en lien avec la survenue de maladies ».
Enfin, les populations les plus susceptibles de consommer des substances psychoactives pourraient être également les plus susceptibles de rencontrer la situation de chômage en lien avec des facteurs tiers comme : « la préférence pour le présent ou une difficulté à se projeter dans l’avenir, certaines formes de déni du risque au moins démontrées concernant le tabagisme ou, plus directement, le fait d’avoir été victime de violences ».
Vers un partenariat avec Pôle emploi
Face à ce constat, ces épidémiologistes proposent de réduire ces inégalités « par des interventions de prévention bénéficiant spécifiquement aux demandeurs d’emploi et tenant compte des difficultés de cette population surexposée aux pratiques addictives, par exemple grâce à un partenariat avec Pôle emploi », conseillent-ils.
Et ils concluent : « Quelle que soit la nature du lien entre chômage et usage de substances psychoactives, la population des demandeurs d’emploi est en effet identifiable et accessible pour une offre préventive ».
Pour rappel, en France, le taux de chômage est en augmentation depuis 2008, en lien avec le ralentissement de l’activité économique qu’a connu le pays depuis cette date. Les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi représentaient ainsi, au premier trimestre 2016, environ 10 % de la population active en France métropolitaine.
par Julien Prioux
(1) Schmitz H. Why are the unemployed in worse health? The causal effect of unemployment on health. Labour Economics. 2011;18(1):71-8.
Source: pourquoidocteur.fr