Le Perthus sur Cannabis.
De circonstance : l’Elefant Rosa. Militant : Maria Grow Shop. Design : Nova Store.
Les enseignes des trois magasins spécialisés dans la culture du cannabis au Perthus résument un marché bien vivace. Clin d’œil, et pas hallucination, les trois boutiques se situent carrer Doctor-Subiros... Surfant sur une législation espagnole souple avec l’usage et la culture du cannabis, interdits en France, le village frontalier est devenu une adresse de choix pour les cannabiculteurs français. Deux autres établissements du même genre complètent l’offre à La Jonquera.
Aux côtés du merchandising rasta pas toujours de bon goût, tout l’arsenal de la culture de “l’herbe magique” s’épanouit en rayons. Chambres de culture, bacs, leds haute pression, tuyaux d’irrigation, thermomètres, engrais et surtout graines ou semences s’exposent en vente libre.
« Je n’alimente pas les trafics clandestins »
« J’ai juste acheté quelques graines. Je viens ici une ou deux fois par an », confie Michel, un Alsacien à la quarantaine juvénile. « Je cultive sous serre dans mon appartement, à peu près deux kilos par an pour ma consommation personnelle. C’est simple : à 10 ou 20 euros le gramme dans la rue, j’économise quelque 4 000 euros par an pour un investissement d’une centaine d’euros. Et surtout, je n’alimente pas les trafics clandestins », justifie-t-il.
Ipad à la main, Lionel démontre les atouts de la Skunk à un jeune couple perpignanais. « Elle est très efficace pour les floraisons rapides », garantit le propriétaire roussillonnais du Nova Store. Ouverte il y a un an, après une première expérience à Figueres, la boutique a des allures de jardinerie haut de gamme. A l’image de ses frigos spécialisés permettant de conserver les semences à 7° C et à l’abri de toute humidité. « Comme un caviste ses bonnes bouteilles ».
« Il n’existe pas de portrait-robot de nos clients. Cela va de 20 ans à 60 ans, basés au sud de la France et, surtout, il faut oublier l’image du cannabiculteur marginal, toutes les classes sociales viennent chez nous », précise ce « professionnel » depuis six ans.
A partir de 500 euros le kit complet, le “jardinage “peut débuter. « Les clients sont décomplexés et surtout, de plus en plus avertis. Ils se documentent beaucoup sur les sites et les forums Internet avant de franchir le pas », ajoute Lionel. « On va certainement s’offrir tout ça pour Noël », sourit le jeune couple.
L’alibi médicinal:
« Je ne pense pas que des revendeurs s’approvisionnent chez nous. La très grande majorité de nos clients se contente de leur consommation personnelle. De toute façon, la loi espagnole interdit la vente en grande quantité de graines dans nos établissements. Elle contrôle également notre registre d’achats et l’hygiène de nos installations », milite Lionel.
Ce marché prospère surfe sur une nouvelle tendance depuis quelques mois : le cannabis médicinal, vantant ses principes apaisants. « Les gens sont très demandeurs. D’ailleurs, certains producteurs de semences privilégient désormais les espèces fortes en CBD, une molécule apaisante, plutôt qu’en THC euphorisante ». Tout cela sans insister sur les effets secondaires nocifs ou les risques d’accoutumance.
Et si l’Etat français dépénalisait le cannabis en France, serait-il candidat à une implantation hexagonale ? « Faut voir. Mais la dépénalisation serait surtout une bonne affaire pour l’Etat ». Estimée à 1 milliard d’euros par an par Pierre Kopp, professeur à l’université Panthéon-Sorbonne, si le cannabis était taxé comme le tabac.
Ils cultivent en France
Difficile de préciser le nombre exact de cannabiculteurs en France. Et pour cause, l’activité, même à l’échelle de la consommation personnelle, est strictement interdite par la loi. Une étude de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies l’évaluait à 200 000 en mars 2008, pour une production annuelle de 32 tonnes de cannabis domestique.
Selon l’OFDT, cela équivaudrait à 11,5 % de la consommation totale, soit un joint sur neuf fumés dans l’Hexagone.
Source:L'Indépendant.