S'il est des sujets sur lesquels les passions se déchaînent et les opinions se veulent nécessairement orientés, la question du Cannabis en fait assurément partie. En somme, a-t-on déjà assisté à un discours objectif, mettant à la fois en avant les vertus de cette plante ante diluvienne, avertissant des dangers pouvant résulter de sa consommation et proposant une approche sociétalo-politico-juridique prenant en compte l’ensemble de ces facteurs ? Diantre non ! la partisanerie est maîtresse d’oeuvre dans cet imbroglio de considérations morales et de fantasmes libertaires d’un pathos affligeant.
Source: Le monde
Observons. Comparons. Quelle est la législation en vigueur dans notre pays contre cette "drogue douce" ? Article L 3421-1 du code de la santé publique : "l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende".
Voyons voir ce qu'il en est chez nos voisins européens. Allemagne : simple usage non pénalisé, la possession est une infraction; Espagne : tolérance de la consommation dans une sphère privée; Pays-Bas : consommation réglementée, dans les "coffee shops"; Belgique : simple procès verbal pour possession inférieure à trois grammes; USA : La législation varie selon les États. Ainsi, le Nevada punie la possession de 20 ans de réclusion. La Californie n'inflige qu'une contravention à celui, non récidiviste, qui ne possède pas plus d’un once (28,35 grammes). Le représentant Californien Tom Ammiano a déposé une proposition de loi visant à la légalisation strictement réglementée et à la taxation du Cannabis. Alléché par une rentrée fiscale qui dépasserait le milliard, Governator s’est dit "personnellement opposé" mais ouvert au débat. Constatons, pour écarter tout délit de mauvaise foi, que les californiens sont traditionnellement plus portés sur la fumette que les Français.
Mais au delà de l’identité culturelle, les faits nous parlent. La France est, parmi les pays de l'UE, celui qui détient à la fois le plus grand nombre de consommateur (en proportion) et la législation la plus draconienne. Quel décalage ! Comment les débats politique et législatif peuvent-ils être à ce point éloignés de la réalité sociale ?
Policiers et juges l’ont bien compris, eux qui n’arrêteront ou ne condamneront pas quelqu’un pour la possession d’une faible quantité. Tout le monde fait semblant, le satisfecit de l’électorat réactionnaire est au beau fixe, les bobos planent et les dealers prospèrent. Force est de constater, en effet, que la politique répressive en vigueur depuis des décennies n’a en rien enrayé le phénomène. "Tout le monde" s’improvise dealer, les moins prudents pourrissent à l’ombre par milliers, et les jeunes fument à s’en faire éclater l’hypophyse.
Et alors, qu’attendent donc les politiques pour se pencher sur la question ? La réglementation, inévitable à long terme, n’est pas à l’ordre du jour. Le premier pas serait de sortir de ce mutisme, de lever les tabous et de s’exprimer sans langue de bois sur cette substance, dont évidemment seule le dérivé ayant des effets psychotropes est l’objet de cette chronique. La société évolue, la jurisprudence évolue, les esprits évoluent, le discours politique est figé ! Pourquoi une telle chape de plomb ?
La faute au Marihuana tax act de 1937 qui faisait partie du package livré avec le plan Marshall. En outre, une convention de 1988 commande de réprimer similairement drogues dures et cannabis.
La faute à l’obscurantisme. L'information et la prévention adoptent un langage propagandiste, et ceci est tout aussi vrai pour les partisans. Mais la liste des risques liés au cannabis dramatise à souhait. Qu’il soit mauvais pour la santé, personne ne le nie. Qu’il ait des effets psychotropes, c’est une évidence. Qu’il "ralentisse", "démotive", c'est une vérité ô combien unanime. Paranoïa ? schyzophrénie ? Ces termes sont utilisés à tout va pour prévenir des dangers du cannabis, et il est sordide et regrettable de généraliser le marginal. Passerelle vers les drogues dures ? même enseigne. J’ose affirmer que l’alcool a plus de chance de conduire à la cocaïne ou à l’extasy. Peut-on faire une overdose de cannabis ? négatif. Existe t-il une addiction physique ? Non plus ! Mon discours va peut être semblé rébarbatif à certains coutumiers des chantres de la légalisation, mais l’alcool est bien plus dévastateur que le cannabis. Plus addictif, ivresse plus puissante, et, fait non négligeable, grand stimulateur de violences en tout genre.
Est-il utopique d’envisager l’ouverture de débats dans lesquels verseraient tous les représentants de la société civile ? Urgence est de cesser de diaboliser ce désormais produit de consommation courante, car cela engendre soit le rejet en bloc et la condamnation ferme de tout ce qui touche au cannabis, soit la réaction inverse de défiance visant à accueillir avec bienveillance une substance qui, somme toute, n’est pas à mettre en toutes les mains et doit être consommée avec modération.