Le cannabis soigne en douce

Par Invité ,

align=lefthttps://www.ulg.ac.be/intranet/graphisme/pictos/medecine/medecine.gris.72.gif[/img]«Connaissez-vous beaucoup de myopathes qui peuvent se déplacer sans canne ni siège roulant?» Jérôme Tétaz, 27 ans, est décharné par la maladie. Mais, depuis qu'il consomme du cannabis, il dit revivre: 100 grammes par mois, en cigarettes et infusions, lui permettent d'apaiser les douleurs provoquées par sa myopathie, une thrombose oculaire et un foie détraqué. «Mon foie ne supportait plus la morphine, explique-t-il, alors que les vertus analgésiques du chanvre ne sont pas accompagnées d'effets secondaires indésirables.» Problème: en France, le cannabis a disparu de la pharmacopée en 1953 et la loi de 1970 lui a donné le statut d'une drogue, au même rang que la cocäne ou l'héroäne. Jérôme Tétaz a finalement trouvé la parade: une lettre de son médecin traitant, lui recommandant l'usage thérapeutique du cannabis, l'a conduit en Suisse, chez un naturopathe. Depuis, Jérôme Tétaz se fait légalement prescrire du chanvre, qu'il achète à un producteur bio de l'autre côté des Alpes avant de repasser la frontière. En mai dernier, le jeune myopathe a fondé Prisam (Patients et réseau d'information sur les alternatives médicales) pour faire bénéficier d'autres malades de son expérience; 22 d'entre eux, souvent des personnes âgées, ont déjà adhéré afin d'être mis en contact avec des médecins capables de leur prescrire du chanvre.

 

En France, la loi ne distingue pas cannabis thérapeutique et récréatif

 

Pourquoi le cannabis plutôt que d'autres médicaments sur le marché? Antinauséeux puissant pour les cancéreux en chimiothérapie, stimulant de l'appétit chez les malades du sida, propre à apaiser les spasmes musculaires dans les cas de sclérose en plaques, le cannabis permettrait d'accompagner les traitements les plus lourds. Il est autorisé pour cet usage en Suisse, en Australie, au Canada, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et dans 35 Etats américains. En France, la loi ne distingue pas cannabis thérapeutique et récréatif. En 1998, l'avocat Francis Caballero, président du Mouvement de légalisation contrôlée (MLC), avait fait une demande d'importation de 10 kilos de cannabis en provenance de Suisse, pour 10 patients incurables. Une requête rejetée à ce jour par trois des cinq juridictions administratives appelées à statuer. «Les tribunaux de Paris, de Toulouse et de Grenoble ont refusé l'opération lors de jugements rendus en 2001 et 2002, en vertu de l'absence d'application thérapeutique avérée du cannabis», explique Me Caballero. Le 13 septembre, un Marseillais de 50 ans, séropositif, a été condamné à dix mois de prison pour «détention de stupéfiants»: il disait fumer du cannabis «pour retrouver l'appétit»...

 

Jérôme Tétaz sait qu'il risque gros avec son association. En théorie, un an d'emprisonnement pour usage de cannabis, dix ans assortis d'une amende de près de 9 000 euros pour importation ou incitation à la consommation. «Pour se couvrir, j'ai conseillé à mon client de toujours garder sur lui sa prescription médicale», explique son avocate, Me Pascale Torgemène. Une précaution inutile d'un strict point de vue légal. Pourquoi, dès lors, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) délivre-t-elle des autorisations nominatives d'utilisation temporaire de THC, le principe actif le plus important du cannabis? «Peu de praticiens utilisent cette possibilité, par méconnaissance, conviction ou en raison de la procédure très lourde pour le médecin, qui doit justifier sa prescription», relativise toutefois le Dr Bertrand Lebeau. Attaché à l'hôpital parisien Saint-Antoine, dans le service des maladies infectieuses, il avoue avoir déjà eu recours à ce procédé pour soulager l'un de ses patients atteint de sclérose en plaques. Une démarche qui restera marginale tant que l'intérêt thérapeutique du cannabis n'aura pas été validé scientifiquement.

 

En juin 2001, Bernard Kouchner, alors ministre délégué à la Santé, avait annoncé des expérimentations thérapeutiques sur le cannabis en France. Un an après, les programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) ont été attribués à deux établissements, le service de médecine interne du centre Monte-Cristo (Hôpital européen Georges-Pompidou), dirigé par le Pr Le Jeune, et le service de neurologie de la Pr Catherine Lubetzki à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Après des essais en Grande-Bretagne et au Canada, un spray composé de THC et d'autres cannabinoädes actifs sera testé pour la première fois sur des patients français. En cas d'expérimentation concluante, le laboratoire britannique GW Pharmaceuticals pourrait commercialiser le médicament dès 2003.

 

Source : L'Express


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