Le printemps pointe le bout de son nez. C'est le moment choisi par les amateurs de chanvre pour planter du cannabis. Rencontre sur un balcon toulousain avec un cultivateur d'herbe.
Source : Ladépèche.fr
Au troisième étage de cette résidence cossue de l'Ouest toulousain, la vue est imprenable. Premier constat : les habitants ont la main verte. Les plantes garnissent les balcons. Ficus, yuccas et autres papyrus se partagent les 3 m² qui leur sont offerts. Au milieu de ces plantes traditionnelles, poussent des espèces toutes aussi vertes, mais plus discrètes. Les gelées hivernales passées, les amateurs de chanvre profitent du redoux pour se lancer dans la culture du cannabis.
« Au moins, je sais ce que je fume »
Mathieu (1), 27 ans, habitant de l'immeuble depuis cinq ans, entreprend, pour la troisième année consécutive, une plantation sur son balcon. Cinq pieds de cannabis, d'une hauteur moyenne de 20 cm, sont plantés dans des pots au coin de sa terrasse, protégés des regards indiscrets par le mur délimitant le balcon. « Je cultive du cannabis pour ma consommation personnelle, avertit le fumeur de joints. Je ne souhaite pas faire d'agriculture intensive. Une fois récoltés, mes pieds me permettent de fumer de l'herbe pendant environ trois mois, d'octobre à janvier. »
Mathieu met en avant l'aspect économique pour justifier son activité :
« Financièrement, c'est très intéressant. Cela ne demande pratiquement aucun investissement : quelques graines, du terreau, un peu d'eau et le tour est joué ! » Outre l'intérêt pécuniaire, Mathieu vante également la qualité de sa production : « Je n'utilise aucun engrais chimique ni pesticide. Alors que le haschich qu'on achète au coin de la rue est bourré de produits toxiques. Moi, au moins, je sais ce que je fume ! »
La pratique s'est banalisée
Conscient de la peine encourue (voir encadré), Mathieu estime malgré tout qu'il est plus risqué « de côtoyer des dealers dans la rue que de planter des pieds de cannabis sur sa terrasse ».
Les « cultivateurs urbains », comme Mathieu les qualifie, sont de plus en plus nombreux selon le jeune homme. Ce qui lui permet de relativiser la gravité de cette pratique. « Regardez ! lance Mathieu en pointant du doigt les terrasses de ces voisins. Dans la résidence, pas moins de cinq balcons accueillent du cannabis. »
Une fois les plants en pots, la patience est la plus grande vertu du cultivateur de cannabis. Mathieu doit maintenant attendre le mois d'octobre pour récolter son chanvre.
1. Prénom d'emprunt
La législation, sans concession
Naïvement, les cultivateurs de cannabis pourraient penser que planter du chanvre sur un terrain privé est une pratique tolérée qui les protège de sanctions pénales. Mais que nenni ! Ces cultivateurs « urbains » encourent une peine de trois ans de prison et 50 000 € d'amende.
« Au mois d'octobre, les pieds peuvent atteindre 2 mètres, explique Mathieu. Ils sont visibles par de nombreux passants. C'est à ce moment que le risque de délation est le plus élevé. »
La majorité des saisies policières interviennent le plus souvent au cours des mois de septembre et d'octobre, lorsque les cultures arrivent à maturité.
Le chiffre : 3
kilos de cannabis> Saisie policière. En août dernier, lors d'une patrouille, les policiers aperçoivent des pieds de cannabis dans le jardin d'un particulier, route de Seysses. Ils décident de mener une perquisition. Plusieurs pieds de cannabis sont alors découverts. Au total 3 kilos de drogue sont saisis.
Les quinquas plantent aussi
Les jeunes adultes ne sont pas les seuls à faire pousser leur cannabis. Quinquas et sexagénaires sont souvent adeptes de cette culture illégale. Un médecin, travaillant dans un grand hôpital de la ville, profite de sa propriété située au nord de Toulouse pour planter ses pieds. Une dizaine pousse à l'abri des regards. « C'est naturel, c'est pas plus mauvais que la cigarette », insiste-t-il. L'été dernier, des adeptes de la fumette se sont servis dans son jardin. Ils ont volé toute la récolte.