La France est l'un des moutons noirs du pétard en Europe. Non contente d'être l'un des pays les plus répressifs de l'Union, elle est également l'un de ceux où l'on fume le plus. Les chiffres sont sans appel: 22% des jeunes Français auraient consommé du cannabis au cours du dernier mois –record européen– contre 1% en Suède.
Source : Rue89.com
Au total, "la France figure parmi les pays les plus consommateurs en Europe tant chez les jeunes adultes que les adolescents", conclue le rapport "Cannabis, données essentielles" publié mardi par l'Office français des drogues et toxicomanies (OFDT) et qui dresse un bilan très complet du phénomène en France.
En 2005, près de 4 millions de nos compatriotes avaient ainsi expérimenté cette drogue et plus d'un demi-million en consommaient même tous les jours. Pour achever ce premier tableau statistique, la part des consommateurs réguliers (dix fois par mois) est en hausse: entre 2000 et 2005, elle est passée de 3,8 à 5,9%. Ainsi, "depuis 2000, l’usage régulier de cannabis se trouve à un niveau très proche de l’usage régulier d'alcool".
Ces chiffres sont connus, d'autres le sont moins. Ainsi, par exemple, le nombre de consommateurs recourant à l’autoculture, qui pourrait être estimé à 200 000. Ou encore la chute du prix moyen du gramme, qui se situe aujourd’hui autour de 4€, soit une baisse de 30% en dix ans. Au total, le chiffre d’affaires annuel issu de la vente de cannabis serait évalué en France à 832 millions d’euros (on appréciera la surprenante précision du chiffre...).
Côté idées reçues, le rapport nous apprend que "les cadres s’avèrent plus souvent consommateurs réguliers que les ouvriers". Ou encore que "les étudiants du supérieur ne sont pas plus souvent consommateurs de cannabis que les actifs occupés du même âge". Point de vue santé, le constat serait presque rassurant: "Dans l’ensemble et de façon qualitative, le cannabis fumé se comporte comme le tabac fumé. Les mêmes effets sont retrouvés, en termes de cancer, maladies cardio-cérébro-vasculaires ou respiratoires, avec le même impact aussi sur le risque de maladies infectieuses et sur la vie reproductive."
Côté répression, chaque année, 90000 personnes sont interpellées pour usage de cannabis (contre 12000 il y a vingt ans) et la répression coûte à l'Etat plus de 500 millions par an, soit 0,4% du PIB. En 2005, cette somme avait, entre autres, permis de saisir 83 tonnes de résine et 3 tonnes d'herbe. Mais pour quels résultats? C'est la question que se garde bien de poser l'OFDT.
Les prix baissent et la consommation n'a cessé de croître depuis l'adoption de l'arsenal législatif français, la fameuse loi de 1970. Elle est pourtant l'une des plus répressives d'Europe, ce que n'évoque pas le rapport de l'OFDT. Ainsi, des pays de l'Union à 25, la France compte parmi les cinq seuls à rendre la simple consommation de cannabis passible d'une peine de prison (lire le rapport de l’OFDT).
Et alors que les Pays-Bas sont régulièrement pointés du doigt pour laxisme en la matière, les jeunes Néerlandais fument en moyenne beaucoup mois que leurs homologues français. Que les prohibitionnistes se rassurent toutefois, avec des lois également assez souples en matière de cannabis, le Royaume-Uni connaît, lui, des taux de consommation comparables à la France, alors que la Suède, très répressive, figure en queue de peloton des fumeurs de pétards.
De là à en déduire que les politiques publiques ne changent pas grand chose en la matière, il n'y a qu'un pas. Qu'a franchi, dans les années 80, le docteur John Marks, pionnier britannique des programmes de distribution d'héroïne et de cocaïne. Il expliquait ainsi:
"La dépendance se structure sur un cycle d'une durée moyenne de dix ans. Puisque les toxicomanes se défont de leur toxicomanie en dépit des docteurs et des policiers et non grâce à eux, la meilleure intervention possible consiste à les maintenir en bonne santé, non délinquants et vivants, jusqu'à ce qu'ils s'en défassent au terme de ce cycle. Ce qui ne veut pas dire que pendant les dix années de maintenance il faille renoncer à persuader les patients de laisser tomber leur usage de drogues."
Les 90000 usagers simples de cannabis arrêtés chaque années apprécieront.