Le manifeste publié en 1976 par quelques journalistes de Libération étant toujours d'actualité dix-sept ans plus tard, le Circ, collectif d'information et de recherche cannabique, décida de relancer « l'Appel du 18 joint » en organisant en 1993 un premier rassemblement au Parc de La-Villette, à Paris.
Source: Rue89
Seize ans ont passé. Le 18 juin reste le seul jour de l'année où les amateurs de cannabis peuvent fumer des pétards sans risquer dix ans de prison, la peine prévue pour usage et détention. C'est aussi le seul jour de l'année où tout citoyen peut revendiquer pour cette plante appréciée en France par plus d'un million de personnes issues de toutes les classes sociales, un autre statut que celui de stupéfiant.
En 1995, l'année où Jacques Chirac devint président de la République, le préfet de police eut la bonne idée d'interdire le rassemblement de « l'Appel du 18 joint ». Cette interdiction, et celles qui suivirent, permit au Circ de nouer de solides alliances avec les politiques, en particulier avec les Verts, et d'amener des associations, par exemple la ligue des Droits de l'homme, à se positionner sur le problème des drogues. C'était le temps où la seizième chambre correctionnelle de Paris servait de tribune au Circ pour exprimer ses idées sur les multiples effets pervers de la prohibition.
Les fumeurs de cannabis, du citoyen lambda à l'ennemi de l'intérieur
Depuis 1998, « l'Appel du 18 joint » est toléré à Paris, mais aussi dans les quelques villes où il se déroule, même si chaque année le responsable du rassemblement parisien est convoqué par la brigade des stupéfiants à la demande du parquet qui ne donne pas suite.
Trop souvent présenté comme un rassemblement de nostalgiques, de babas cools ou de gauchistes, « l'Appel du 18 joint » est pourtant l'occasion unique de démontrer par le nombre que les fumeurs de cannabis sont des citoyens comme les autres. Or, bon an mal an, à Paris seulement deux mille personnes répondent à l'appel du Circ et quelques centaines à Lyon.
Aujourd'hui, la politique des drogues est plus que jamais axée sur la tolérance zéro. En quelques années, à coup de campagnes de prévention caricaturales, alors que les médias s'autocensuraient et donnaient rarement la parole aux partisans de la légalisation, Etienne Apaire (un des artisans de la loi sur « la prévention de la délinquance ») et président de la Mildt peaufinait son « plan gouvernemental et triennal de lutte contre les drogues et les toxicomanies ».
Avec ce plan sorti en juillet 2008, la Mildt entend imposer son discours unique sur les drogues, chargeant le CSA de traquer les téléfilms présentant les stupéfiants sous un jour favorable ou proposant de former des « spécialistes » chargés de délivrer la bonne parole dans les collèges, les lycées, les universités, les entreprises, les stades, les familles, les prisons…
Afin de mieux contrôler l'information, la Mildt promet aussi de s'attaquer aux sites internet qui « font la promotion de l'usage du cannabis et vendent du matériel destiné à la culture ». Elle n'a pas encore trouvé la parade pour éradiquer la vente de graines, mais ça ne saurait tarder… En attendant, elle va doter la police « de moyens de détection innovants » et traquer le nouvel ennemi de l'intérieur : le cannabiculteur.
Toujours d'après ce plan, tout usager pris le pétard au bec aura droit à son « stage de sensibilisation sur les dangers des produits stupéfiants » et le gouvernement va multiplier les consultations jeunes consommateurs, « y compris dans les zones rurales ».
Permis de conduire retiré pour six mois… même si vous avez fumé la veille !
Cette politique a déjà porté ses fruits puisqu'elle s'est traduite en 2008, par 177 954 interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants dont 90% concernent le cannabis. Et attention aux peines planchers ! Condamné une première fois pour usage et détention (une infraction en théorie punie de dix ans de prison), vous serez automatiquement condamné à quatre ans de prison ferme si on vous interpelle une seconde fois en possession de quelques grammes.
Le gouvernement a déclaré la guerre aux amateurs de cannabis. Aujourd'hui, tout fumeur prenant le volant doit s'attendre à tomber sur un gendarme lui demandant de se plier à un test salivaire. Positif, le malheureux sera traîné à l'hôpital, et au cas où la prise de sang révèlerait quelques nanogrammes de THC, son permis de conduire lui sera retiré pour une durée de six mois… Qu'importe si son dernier joint, il l'a fumé la veille !
Plus que jamais, « l'Appel du 18 joint » est d'actualité. Le débat autour du cannabis que l'on croyait à jamais enterré a resurgi lors des élections européennes avec la candidature sur la liste Europe écologie d'Anne Coppel (fondatrice de l'Association Française de Réduction des risques) et la constitution de la liste « Cannabis sans frontières ». Composée à quelques semaines du scrutin, superbement ignorée par les médias, disposant de moyens dérisoires, la liste « Cannabis sans frontières » a tout de même recueilli 3988 voix dans la région Ile-de-France.
Que vous soyez amateur de cannabis ou simple citoyen, si vous en avez marre d'un gouvernement qui veut vous dicter vos plaisirs, un gouvernement qui privilégie la politique de la matraque au détriment de la prévention et de l'éducation, « l'Appel du 18 joint » est l'occasion, inespérée… Après, il sera trop tard, pour dire non à la politique de tolérance zéro pour le cannabis.
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