J'avoue que c'est toujours avec une délectation à la limite de la perversité que je découvre les nouvelles campagnes antidrogues. Je n'ai donc pas boudé mon plaisir ce matin en allant sur le site de l'Inpes pour la cuvée 2009 : « Drogues : ne fermons pas les yeux ».
Source: Rue89
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Au départ, toujours le même constat :
« Il est nécessaire de refaire le point sur ces risques [liés à l'usage de drogues, ndlr], alors que l'on constate aujourd'hui des expérimentations de plus en plus précoces, une augmentation des usages de la plupart des drogues et une plus grande accessibilité des produits. »
Au vu de tels résultats et lorsque l'on sait que les jeunes Français sont les plus gros consommateurs de cannabis d'Europe, on se dit qu'il serait temps de se poser des questions sur les stratégies actuelles. Mais quand on travaille dans la lutte antidrogues, on se dit que ce constat est un encouragement à lutter encore plus fort dans la même direction et, pourquoi pas, à se payer une énième campagne de sensibilisation.
Avant d'aller plus loin et pour mesurer le chemin parcouru, une célèbre chanson de la Fondation Michel Platini qui a bien failli faire sombrer toute une classe d'âge dans l'héroïne à force de ridicule en 1987. (Voir la vidéo)
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On n'évite pas les clichés sur le site Web
Le thème de la campagne qui sera diffusée en octobre est qu'« aujourd'hui la drogue s'est banalisée », la preuve on en plaisante à la télé (Thierry Ardisson a dû apprécier de se voir érigé en symbole de la banalisation de la drogue…). Le clip télé est relativement efficace parce qu'il n'est pas trop caricatural. Les spots radios développent le même thème pour chaque produit : cannabis, cocaïne, ecstasy.
Vient ensuite la campagne Web. Première impression : le site n'a pas été réalisé par monsieur Royal ; il est même graphiquement plutôt réussi, interactif et simple d'utilisation. Le principe de « Drogues : guette l'info, traque l'intox » (sous-titre : « Et si ton dealer te disait la vérité ») est simple : des jeunes gens font des affirmations sur les drogues, à vous de deviner si c'est de « l'info » ou de « l'intox ».
Et là, déception dès la première question. Max y affirme : « Je fume juste des joints, il y a pas de soucis ». Dans le doute, je clique « info ». Perdu ! Et pourquoi ma bonne dame ?
« Parce que le cannabis est un stupéfiant interdit par la loi au même titre que l'héroïne ou la cocaïne. Il contient du THC, un principe actif fort qui agit sur le cerveau et peut rendre psychologiquement dépendant. »
Cannabis, cocaïne, héroïne dans le même panier, ça commence mal. Plus grosses ficelles ensuite, Clara affirme : « Avec toute l'herbe que tu fumes, au lit ça doit pas être brillant. » On est cette fois censé cliquer « info » : « Fumer du cannabis diminue le désir, la libido et peut provoquer des problèmes d'érection… » Les fumeurs parmi mes lecteurs ne manqueront de laisser leurs témoignages à ce sujet dans les commentaires.
On quitte ensuite les ados et le jardin public pour arriver au bureau. Martin affirme : « Moi je prends pas de coke, ça rend malade ce truc-là. » Après une longue hésitation et parce que je me suis déjà fait avoir, je clique « info » :
« La cocaïne peut entraîner une forte dépendance psychique, des délires paranoïdes ou des crises de panique. »
Jusque-là, difficile de dire le contraire. Mais on lit ensuite : « Par son effet désinhibant, elle peut aussi conduire à des actes de violence et des agressions sexuelles. » Loin de moi l'idée de dire que cela n'arrive jamais, mais qui oserait dire : « La voiture peut rendre violent et entraîner le meurtre d'un autre automobiliste. » La crédibilité en prend un coup.
Autre scène, autres drogues, Alex croit savoir que le « poppers, c'est dingue niveau cul ». « Intoooooooox », crie le choeur de la foule qui, à force, a fini par piger le système : « Le poppers peut entrainer des troubles respiratoires graves allant jusqu'au décès. » Rien sur le fait que
son interdiction a été sanctionnée par le Conseil d'Etat et que si l'on en trouve dans tous les sex shops c'est peut-être parce que ça a quelque effet au lit…
Si les drogues sont dangereuses, c'est justement parce que c'est bon
Les campagnes antidrogues ne gagneraient-elles pas à un peu moins de caricature, en expliquant, par exemple, que si la drogue ce n'était que de la merde, personne n'en prendrait plus depuis longtemps et que c'est justement parce que c'est bon, au début du moins, qu'on finit par y prendre goût et que ça devient dangereux.
Parce qu'à force de faire croire aux jeunes qu'ils risquent l'overdose au premier pétard (on ressort ainsi l'histoire du type qui se balance par la fenêtre parce qu'il veut voler après avoir fumé un pétard…), on perd toute crédibilité lorsque, en fumant le premier, ils trouvent ça beaucoup plus sympa que ce qu'on leur avait dit. Et puisqu'on leur a menti là-dessus, comment croire les adultes lorsqu'ils disent que c'est dangereux…
Pour finir sur une note positive, voilà ce que ça pourrait donner avec un peu d'humour en plus. (Voir la vidéo)
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Par Arnaud Aubron
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