La chasse aux usagers de cannabis bat son plein.
Selon les derniers chiffres de l'OCRTIS (1), que Libération s'est procurés, le nombre d'interpellations ne cesse d'augmenter. En 2005, il y a eu, rien que pour usage, 106 610 infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS), soit une hausse de 4,4 % par rapport à l'année précédente. Contre 10 982 ILS pour trafic, en baisse de 2 %. Les fumeurs de shit se retrouvent de plus en plus derrière les barreaux. En un an, les incarcérations ont augmenté de 18,5 % pour usage simple. Dans les comités locaux de prévention de la sécurité et de la délinquance, on «sent la pression du sous-préfet sur le commissaire divisionnaire pour faire du chiffre : qu'il s'agisse d'un trafiquant ou d'un petit fumeur, tous sont fléchés ILS».
Source : Libération
Amalgame.«Contrairement au discours officiel, on réprime à tour de bras et on réprime les usagers de cannabis. C'est la seule drogue qui est visée : on ne voit plus guère d'héroïnomanes dans les rues et la consommation de cocaïne, pourtant en plein essor, passe inaperçue», analyse la sociologue Anne Coppel. Pour cette spécialiste des drogues, «au lieu de cibler les vrais méchants, on fait peur à tous les jeunes qui ont un joint en poche».
En 2004, le gouvernement britannique a transféré le cannabis de la catégorie B de stupéfiants (amphétamines, barbituriques) à la C, la plus anodine. Et recommandé aux policiers de ne plus arrêter les fumeurs «porteurs d'une faible quantité de cannabis». Deux ans après, selon Petra Maxwell, porte-parole de l'observatoire indépendant Drugscope : «Nous avons enregistré une baisse de la consommation chez les collégiens de 11-15 ans et les adultes de 19 à 26 ans.»
En France, sur les bancs UMP de l'Assemblée nationale, on pense que «le cannabis, c'est la clé dans la serrure de la maladie, de la folie et du suicide». Le 27 janvier, 80 députés de droite dont Bernard Debré et Claude Goasguen ont exigé une commission d'enquête sur la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Amalgamant fumeurs de shit et héroïnomanes, ils accusent la Mildt de financer des associations qui inciteraient les jeunes à «se droguer propre».
Clandestins.Un bilan des consultations de jeunes lancées après la campagne télé «Le cannabis, une réalité» doit être publié en mars. «On n'a pas vu de hordes de jeunes souffrant d'un usage problématique. Même si pour certains la rencontre a été utile», explique Jean-Pierre Couteron, de l'Association nationale des intervenants en toxicomanie. Sept jeunes sur dix ayant franchi la porte de ses consultations y ont été envoyés par les autorités judiciaires, scolaires ou parentales. «La répression fait que les consommations se clandestinisent et on passe à côté de jeunes qui ne vont pas bien», regrette Valère Rogissart, directeur de l'association Sida Parole, à Colombes.
(1) Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants.