La drogue envahit le monde du travail

Par Invité ,

Des entreprises en viennent à soumettre leurs salariés à des tests de dépistage.

 

Un grutier qui sous l'emprise du cannabis manipule sans précaution des tonnes de béton au-dessus de la tête de ses collègues de chantier. Un trader qui prend des positions délirantes sur le marché boursier, parce que, venant de sniffer un rail de coke, il se croit subitement hyperlucide… La drogue au travail n'épargne plus aucun secteur d'activité, aucune couche sociale.

 

C'est en tout cas le message délivré par Étienne Apaire, président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). À l'occasion d'un important colloque à Paris, vendredi dernier, ce magistrat, proche de Nicolas Sarkozy, vient de révéler que «20% des accidents du travail, de l'absentéisme ou des conduites inappropriées, comme des bagarres» sur les lieux professionnels, sont «liés à des addictions».

 

L'alcool fait certes partie du lot. Les entreprises y sont confrontées depuis longtemps. «Il n'était pas rare, au siècle dernier, que les ouvriers boivent jusqu'à six litres de vin par jour pour tenir», rappelle un spécialiste de la Mildt. Selon cet organisme, quatre millions de Français vivraient encore sous cette dépendance.

 

Mais surtout, le cannabis a pris racine dans l'Hexagone, avec 550.000 consommateurs quotidiens et un record européen : plus de 4 ados sur 10 l'ont expérimenté! «Beaucoup arrivent sur le marché de l'emploi avec leurs addictions», déplore le juge Apaire, qui précise : « L'alcool aussi a fortement progressé chez les jeunes, ce qui aboutit souvent à une polyconsommation très préjudiciable à leur intégration dans le monde de l'entreprise.»

 

10% des salariés touchés

 

La question de la sécurité sur les lieux de travail est évidemment posée. «Cela vaut pour le consommateur de stupéfiants, bien sûr, qui se met en danger, mais aussi pour ceux qu'il expose, à commencer par ses collègues de travail et ses éventuels clients», rappelle Jean-Denis Combrexelle, directeur général du travail au ministère du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique.

 

À en croire les études épidémiologiques, «10% des salariés» consommeraient des «substances illicites». Et certaines professions seraient plus touchées que d'autres: les métiers de la construction, notamment, mais aussi ceux du transport, du tourisme ou de la sécurité privée, avec des vigiles «parfois un peu limites», confie le responsable de la sûreté d'un grand groupe. Pour les marins aussi, les analystes évoquent une «surexposition au risque».

 

Lors du colloque parisien, l'un des experts intervenant assurait que l'échouage de l'Exxon-Valdez, ce pétrolier américain qui déversa des millions de litres de pétrole sur la côte de l'Alaska en 1989, était largement dû au sérieux problème d'addiction de l'homme de quart. «Celui qui boit ou qui se shoote peut aussi se trouver aux manettes d'un Boeing transportant des centaines de passagers ou au pupitre de commandes d'une centrale nucléaire», s'inquiète Étienne Apaire. Selon lui, le risque tient surtout à la fonction exercée.

 

«La Belgique et le Canada ont déjà engagé une véritable politique de prévention contre ce fléau», confie un haut cadre de la direction du Travail. Et, aux États-Unis, une société qui veut travailler pour l'État fédéral n'obtiendra de contrat que si elle s'engage à dépister l'usage de produits illicites parmi son personnel. La police américaine est aussi régulièrement contrôlée.

 

La France n'en est pas encore là. Mais certains secteurs ont engagé une réflexion avec les syndicats pour réduire les risques, notamment dans le bâtiment. Des tests salivaires sont même pratiqués dans certaines entreprises, sans psychodrame connu à ce jour.

 

Les mentalités évoluent. Particulièrement prudents hier sur la question, les DRH seraient, selon une étude citée par la Mildt, «favorables aux tests de dépistage sur le cannabis, à 69% dans les entreprises de plus de 50 salariés et à 61% dans les petites entreprises».

 

Les professions les plus exposées

 

Des études épidémiologiques permettent d'identifier les secteurs d'activité les plus touchés par les comportements d'addiction.

 

Chauffeurs routiers

 

Cette branche est de plus en plus surveillée. Dans le Nord-Pas-de-Calais, des dépistages urinaires chez les chauffeurs ont permis de découvrir que 8,5% d'entre eux étaient positifs au test du cannabis et ses dérivés, 5% à l'alcool et 4,1% aux opiacés. Conduire sous l'effet du cannabis multiplie par 1,8 le risque d'être responsable d'un accident mortel, comparé à 8,5 pour l'alcool.

 

Professions médicales

 

Catégorie très étudiée «pour les consommations d'alcool», relève cliniquement la Mildt. Une enquête nationale de 2005 sur les anesthésistes-réanimateurs illustre cette tendance. Ses conclusions : «10,9% étaient abuseurs ou dépendants à au moins une substance autre que le tabac : l'alcool (59 %), les tranquillisants et les hypnotiques (41%), le cannabis (6,3%), les opiacés (5,3%) et les stimulants (1,9%).»

 

Marins et matelots

 

Une étude de 2008, portant sur 19 ports, révèle que les expérimentations de produits, non négligeables chez les pêcheurs, sont encore plus élevées chez les marins embarqués sur les navires de commerce. «21,9 % des marins civils ont consommé du cannabis dans les douze derniers mois», notent ses auteurs. Et d'ajouter : «L'expérimentation de produits stupéfiants hors cannabis concerne 15,4% des marins. On peut citer par exemple les champignons hallucinogènes (7,5%), la cocaïne (7,2%), le poppers (6,8%) ou l'ecstasy (5,1%).»

 

Intérimaires du bâtiment

 

Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), dans ce milieu où puisent beaucoup les entreprises du bâtiment, «31% des salariés consomment du cannabis. L'usage répété (plus de dix épisodes par an ou plus) touche presque 20% des intérimaires. 77% des consommateurs ont moins de 26 ans.»

 

Artistes, serveurs, chômeurs

 

L'OFDT assure que la consommation de cocaïne concerne toutes les catégories sociales et reste dissociée du travail, sauf pour deux types d'activité. D'abord, «les professionnels des arts et du spectacle». Ensuite, «des personnes qui connaissent des conditions de travail particulières induisant pour elles la nécessité de se sentir hyperperformant. Le secteur de la restauration en zone touristique, par exemple». Les chômeurs connaissent, quelle que soit la drogue, des taux de consommation plus élevés que la moyenne.

 

 

source:Le FigaroDes entreprises en viennent à soumettre leurs salariés à des tests de dépistage.

 

Un grutier qui sous l'emprise du cannabis manipule sans précaution des tonnes de béton au-dessus de la tête de ses collègues de chantier. Un trader qui prend des positions délirantes sur le marché boursier, parce que, venant de sniffer un rail de coke, il se croit subitement hyperlucide…


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