Que connaît-on de la culture rastafari ? Nous sommes la majorité à penser – mis à part le fait de se laisser pousser des dreadlocks, de fumer du gandia et d’écouter du reggae - qu’il n’y a pas grand-chose à savoir à propos du rastafari. Mais loin de là. Cette culture dissimule une riche et fascinante histoire qui, jusqu’ici, était impopulaire aux yeux du grand public, mais qui a pourtant tout le mérite d’être dévoilée.
Retour à l’ère coloniale, où les peuples minoritaires ont été déracinés de leurs terres par les Blancs pour s’embarquer dans les bateaux négriers en direction de la Jamaïque. Ceux en provenance d’Afrique étaient maltraités, victimes de discrimination. Ils se sentaient déracinés et perdus et avaient un réel besoin d’identité. Il faut dire que l’émergence du Rastafari, initié par Leonard Percival Howell (voir ci-dessous) plus tard dans les années 1930, a su donné sens à leur vie. Le Rastafari représente alors une alternative spirituelle, une tentative d’assurer la survie de la culture africaine, un anti-esclavage initial, anticolonial et une lutte anti-impérialiste.
«Majoritairement africaine, influencée par les Indiens, mais totalement jamaïcaine»
Les Afro jamaïcains et les Indiens: des peuples réprimés
Les travailleurs importés d’Inde (1845-1917) étaient également un peuple arraché et réprimé. Les Afro-Jamaïcains les ont alors accueillis.
Le documentaire dreadlocks story nous raconte – à travers des interviews de jamaïcains, de sadhus entre autres – comment les liens entre les travailleurs indiens et les Afro Jamaïcains se sont mutuellement tissés au fil des années. Ils ont partagé leurs états d’esprits et certaines de leurs valeurs communes. Face à l’oppression, ces deux communautés ont – sans le réaliser – choisi de tisser un lien très fort pendant cette période pénible.
Une parenté formée d’une souffrance partagée. Les deux communautés enlevées par la force de leur patrie, réprimées par le système colonial britannique. Elles se sont côtoyées, adoptées, absorbées mutuellement. D’où le parallélisme flagrant entre ces deux cultures de nos jours.
Leonard Percival Howell: le premier Rasta - la voix contre l’oppression !
Leonard Percival Howell, est le fondateur du mouvement rasta. Même s’il n'a inventé ni les dreadlocks, ni l'herbe (introduite en Jamaïque par les Indiens) et encore moins le reggae, il a apporté à la Jamaïque une convergence, un ensemble de revendications et d’attitudes. C’était un révolutionnaire, après avoir soutenu les propos de Marcus Garvey et avoir participé avec ferveur à la déification d’Hailie Selassie, Leonard Percival Howell s’est fermement engagé à réunir le peuple jamaïcain contre l’oppression.
A l’époque, révolté par la domination des blancs dans le pays, en 1934, Howell a clamé la noblesse de la race noire en prônant la marijuana comme sacrement. Jadis, un Noir s'adressait à un Blanc, tête baissée. Et lui n’hésitait pas à crier haut et fort qu'il fallait cesser de verser l'impôt à la Reine d'Angleterre.
En 1939, Howell est devenu le premier homme noir à acheter et posséder un lopin de terre dans les montagnes de St Andrews, en Jamaïque, appelée le Pinnacle, où il a bâti la première communauté rasta. Il y prêchait des idées d'autonomie, de liberté, de mise en commun des moyens de production, de fraternité entre les hommes et les peuples. Malheureusement, Howell a été persécuté par le gouvernement de la Jamaïque et son lieu de rassemblement détruit maintes fois, pour finalement être totalement incendié par les colons en 1958.
Surnommé le Gong ou Gangunguru, Howell est considéré comme une personne d’influence, voire un prophète tout comme Marcus Garvey auteur de la fameuse phrase : «Regardez vers l'Afrique, où un roi noir sera couronné, car le jour de la délivrance est proche.»
Howell vivra ses derniers jours dans la réclusion totale – suivant la pression imposée par les forces gouvernementales – après maintes incarcérations et séjours forcés en hôpital psychiatrique. Il rend l’âme le 12 février 1981. Il aura été la voix du peuple.
«Dis-leur, là-bas [en France], que rasta n'est pas une mode ni un choix, mais une révélation à toi-même.»
Le rastafarisme: une religion ?
Alors que certains parlent de religion, d’autres parlent plutôt d’une réalité. Une culture. D’ailleurs, certains préceptes rastafari varient selon les individus et les communautés. Ils sont nombreux à éviter l'alcool, la consommation de la chair, la violence, la politique, fument de l'«herbe sacrée» et se laissent pousser les cheveux, tout ceci dans le respect de la nature et de l’évolution vertueuse de l’être humain – sans les artifices du monde occidental. Mais chaque individu est libre d'élaborer ses propres règles, puisqu'il est en contact direct avec son créateur.
Même la divinité de l'empereur d'Ethiopie Haïlie Sélassie n'est pas reconnue parmi tous les rastas: certains reconnaissent Jésus en tant que Messie, d'autres préfèrent la notion d'une «mystique naturelle» qui habite toute chose et fait de nous des êtres divins.
«Religion ? Ce n’est pas la religion… c’est la vie !» Bob Marley
Le rastafarisme est une anarchie totale, sans chefs où rien n’a été établi. Le mouvement abrite différentes branches, séparées par de subtiles différences, allant des plus libres aux plus rigoureuses, comme le groupe appelé «les douze tribus d’Israël» et dont l’un des plus célèbres adeptes était Bob Marley.
La popularisation du mouvement Rastafari
Aurions-nous connu la culture rastafari si Bob Marley n’était pas devenu aussi populaire ? A travers ses messages conscients d’unité et d’amour, Bob Marley était l’un des premiers à toucher le cœur de plusieurs milliers de personnes, des différentes couches sociales, à travers tout le globe. Fort de son succès planétaire, l’auparavant méconnu Jah Rastafari a commencé à retentir un peu partout dans le monde, à la radio, en disque vinyle ou en cassettes. Ces messages relatant – la discrimination des Blancs envers les Noirs, les conditions de vie misérables, la décadence politique, les messages d’unité, d'autosuffisance et d'autonomisation ou encore la vision positive du changement – ont été perpétués de génération en génération et continuent de l’être, grâce au reggae. Tel est l’héritage que laisse Bob Marley 35 ans après sa mort. Une popularisation du reggae, mais bien plus encore, du rastafarisme.
"If dem want to win the revolution
Must win it, wit rasta!
Can't win no other way
Because if you win other way, you go fight again
If rasta win, den no more war" - Bob Marley
Retrouvez l'une de nos anciennes vidéos sur la culture Rastafari à Maurice (en vo créole):
Source: lexpress.mu