Le 25 février 2020, le Centre américain pour le contrôle et la prévention de la maladie (CDC), en collaboration avec la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis, les services de santé locaux et des états, et d'autres partenaires cliniques ou publics en santé ont publié une mise à jour sur l'éclosion de maladies pulmonaires sévères associées au vapotage (MPAV). Sur un total de 2807 hospitalisations, 68 se sont avérées fatales. On attribue les lésions pulmonaires fatales à l'acétate de vitamine E qu'on retrouve dans les produits de vapotage et dans les liquides pulmonaires des sujets affectés [1].
En novembre 2019, la Belgique rapportait un cas de décès associé à l'usage de cigarettes électroniques contenant du cannabidiol (CBD) [2].
OBJECTIF
L'objectif de l'étude est de déterminer la présence de vitamine E ou d'acétate de vitamine E ainsi que d'autres substances potentiellement dangereuses dans les échantillons commerciaux de liquides à vapoter (aussi appelé e-liquides) enrichis de CBD vendus sur le marché européen.
MÉTHODOLOGIE
Tests d'identification
Entre la fin 2019 et le début 2020, 1 unité (bouteille) de 15 marques différentes de liquides à vapoter enrichis de CBD a été achetée à divers endroits (par internet, chez les buralistes, en boutique).
Chacune des bouteilles a été analysée selon une méthode de chromatographie en phase gazeuse/spectrométrie de masse (CPG-MS) en mode de balayage complet (scan), ce qui nous a permis d'obtenir l'information sur le contenu total des échantillons. Les substances détectées séparément par la chromatographie ont été comparées avec une base de données (bibliothèque NIST) ce qui a permis de les identifier avec un certain degré de fiabilité. L'analyse d'identification a été menée au moyen de deux méthodes de chromatographie différentes et dans des laboratoires distincts, ce qui nous a permis de détecter un plus grand nombre de substances présentes. De plus, l'une des méthodes a été réalisée au moyen de deux techniques d'injection différentes, c'est-à-dire l'injection directe et la technique dite de « l'espace de tête ».
Bien que les tests décrits ci-dessus permettent d'identifier un grand nombre de substances présentes dans les échantillons, un autre test d'identification spécifique pour la vitamine E et l'acétate de vitamine E a été exécuté par CPG-MS. Celui-ci a été réalisé selon les directives de la pharmacopée européenne (04/2005:0439) pour l'identification de ces deux substances.
Tests de quantification
Lorsque les résultats d'identification ont été obtenus, le CBD a été quantifié par chromatographie en phase liquide avec détecteur à barrette de diodes (HPLC-DAD) et l'acétate de vitamine E par CPG-MS. Dans les deux cas, les échantillons ont été analysés deux fois (contre-analyse).
RÉSULTATS
Tests d'identification
La plupart des échantillons (14 sur 15) ont démontré la présence de propylène-glycol (PG) ou du glycérol (VG), composés de base qui se retrouvent généralement dans les liquides à vapoter. L'un d'eux n'en contenait aucun. Dans ce dernier, du squalane et du tricaprylate de glycérol ainsi qu'une forme de vitamine E ont été identifiés. Dans les tests spécifiques pour l'identification de la vitamine E et de l'acétate de vitamine E, ce même échantillon a donné un résultat positif pour la présence d'acétate de vitamine E.
En plus de ces composés, la plupart des échantillons (12 sur 15) contenaient des terpènes qui sont également présents naturellement dans la plante de cannabis. Les plus fréquents étaient le ß-caryophyllène, détecté dans 10 des 15 échantillons, le limonène dans 8 échantillons et le ß-myrcène et le farnesène dans 7 échantillons.
Des phytocannabinoïdes autres que le CBD ont également été détectés : d9-THC a été identifié dans tous les échantillons et CBDV dans 12 d'entre eux.
La présence d'alcool benzylique pouvant provoquer de la toux, des étourdissements et des maux de tête a été relevée dans un échantillon, et ce, selon les deux méthodes [3].
Tests de quantification
En ce qui a trait au CBD, l'analyse de 14 des 15 échantillons a démontré des valeurs inférieures à celles figurant sur l'étiquette. Seuls 4 échantillons ont démontré un écart de moins de 10 % inférieur au pourcentage déclaré (-6 %, -3,4 %, -2,5 % et -8 %). En moyenne, la concentration de CBD était de 27 % inférieure à la valeur indiquée sur l'étiquette, avec les extrêmes allant de +6,67 % à -78,33 % de CBD. Un seul échantillon révélait une valeur supérieure à celle déclarée (6,67 %). Le coefficient de variation (% CV) lors de la contre-analyse était très élevé pour certains échantillons (jusqu'à 40,03 %), ce qui indique un manque d'homogénéité du produit.
Figure 1. La concentration de CBD dans les échantillons analysés par rapport aux valeurs sur les étiquettes
L'échantillon ayant obtenu un résultat positif pour l'acétate de vitamine E a rapporté une concentration de 244,48 mg d'acétate de vitamine E par gramme de l'échantillon lors du test de quantification.
CONCLUSIONS
La présence d'acétate de vitamine E a été confirmée dans un des 15 produits examinés dans le cadre de cette étude.
Il n'y a aucune donnée relative au seuil de dangerosité de ce composé lorsqu'il est inhalé dans un liquide à vapoter. Cependant, la documentation existante sur l'utilisation de cigarettes électroniques et la présence d'acétate de vitamine E par les gens souffrant de maladies pulmonaires graves tend à en déconseiller la consommation.
De la même manière, la présence d'autres composés comme l'alcool benzylique, qui peut entraîner des problèmes pulmonaires à court et à long termes, souligne le besoin d'exercer un meilleur contrôle sur la composition de tels produits, soit en limitant leur usage ou en fournissant des informations sur l'étiquette.
La présence de d-9 THC dans tous les échantillons signifie que, selon la quantité consommée, les tests de dépistage pourraient donner des résultats positifs pour cette substance.
En ce qui a trait au contenu en CBD, dans certains échantillons, l'écart entre la valeur déclarée et celle quantifiée était très grand, tout comme le manque d'homogénéité, ce qui démontre un manque de contrôle et l'absence de pratiques exemplaires dans la fabrication du produit.
On remarque aussi une tendance à ajouter des terpènes typiques à la plante de cannabis dans le liquide à vapoter, possiblement avec comme objectif de rapprocher le goût du liquide à vapoter à celui de la plante.
Source : Fondation Canna