Alors que les principaux candidats à la présidentielle française font de leur mieux pour éviter le sujet, la question du statut légal des drogues sera l’un des principaux points abordés au Sommet des Amériques, qui se déroule -tout un symbole- en Colombie ce weekend, en présence de chefs d’Etat de tout le continent. Et le Président Obama, attendu ce vendredi à Carthagène, pourrait ne pas être à la fête, alors que de nombreux dirigeants latino-américains mettent aujourd’hui ouvertement en cause la guerre à la drogue impulsée depuis quarante ans par les Etats-Unis.
Histoire de donner le ton des discussions à venir, le nouveau président du Guatemala, Otto Perez Molina, lançait le 7 avril dans les colonnes du Guardian, un appel à la « régulation » du marché des drogues, soit une légalisation contrôlée de toutes les drogues. Ancien général et responsable des services secrets, Perez n’est pas précisément un idéaliste hippie mal redescendu de son nuage de fumée.
Mais le Guatemala se trouve sur la route du trafic qui mène de Colombie aux Etats-Unis et paie de ce fait un lourd tribu à la guerre à la drogue: « Nous sommes juste un petit territoire qui se trouve être géographiquement situé entre les plus grands marchés de la drogue et les principaux producteurs », résume le chef d’Etat, qui constate qu’après vingt ans de guerre à la drogue dans son pays, consommation et production sont toujours à la hausse.
Il ne s’agit pas, précise Otto Perez Molina, de mettre les drogues en vente libre, ce qui serait « irresponsable ». Mais « la consommation et la production devraient être légalisées dans certaines limites et conditions. La légalisation ne veut pas dire libéralisation sans contrôles »:
Dans une région du Monde où les morts se comptent par milliers chaque année pour tenter, en vain, de protéger la jeunesse des Etats-Unis du fléau de la drogue, ce discours est loin d’être isolé. En octobre dernier, le président colombien, Juan Manuel Santos, ancien ministre de la Défense, appelait de son côté à la légalisation mondiale de la marijuana et serait aujourd’hui prêt à ouvrir le dialogue sur la base des propositions de son homologue guatémaltèque. Dans une récente interview au Washington Post, il déclarait ainsi:
Une position également défendue début mars par la présidente du Costa Rica, Laura Chinchilla et, à en croire le président colombien, par de nombreux autres leaders latino-américain qui hésitent encore à sortir du bois, inquiets des réactions de leur opinion publique et de Washington.
Plus étonnant encore, le président mexicain, Felipe Calderon, engagé dans une sanglante guerre contre les cartels de la drogue de son pays (une guerre qui a causé plus de 50 000 morts), a lui-même suggéré en septembre dernier qu’il serait peut-être temps d’envisager des « alternatives de marché » pour affaiblir les narcotrafiquants:
Des prises de position qui ne sont pas du goût de Washington, accusé par ses voisins du Sud d’être la cause de tous leurs maux, en raison de l’appétit immodéré des Américains pour les substances illicites. Début mars, à l’occasion d’un voyage au Mexique, le vice-président Biden a ainsi, poliment, fermé la porte à toute discussion sur le sujet:
Avant de préciser sa pensée:
Peu de chances, donc, de voir le rendez-vous de Carthagène accoucher de propositions concrètes sur la sortie de la guerre à la drogue. Mais le Sommet pourrait toutefois rester comme le premier de l’histoire au cours duquel plusieurs présidents en exercice, qui plus est en première ligne de ce conflit, auront officiellement appelé à la paix des drogues.
Arnaud Aubron
Source:Les inrocks
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