Concertées ou non, les interventions des présidents sud américains cette semaine à la tribune de l’Assemblée générale des nations Unis ont montré une grande cohérence dans l’approche que ces pays ont de la problématique du trafic de drogue. Les présidents Felipe Calderon, du Mexique, Juan Manuel Santos, de Colombie, Otto Perez, du Guatemala et Evo Morales, de Bolivie, ont formellement demandé, chacun à leur manière que l’ONU ouvre rapidement un débat sur la stratégie mondiale face aux drogues.
La Bolivie et la Colombie sont, avec le Pérou, les principaux producteurs de cocaïne, le Mexique et le Guatemala sont sur la route des drogues destinées aux Etats-Unis. S’ajoute au débat le projet de loi uruguayen de légaliser le cannabis. Ces chefs d’Etats ne sont ni des illuminés baba cool post soixante huitard, ni des gauchistes anti impérialistes cherchant la cause de tout leur maux dans l’attitude de Washington.
Felipe Calderon
Ce sont juste des pays qui ont payé un très lourd tribu à la lutte contre le trafic de drogue et qui constate que cette politique prohibitionniste n’a diminué en rien la production de drogue ni la consommation et que, par contre, les mafias se sont enrichis grâce à cette politique mondiale de prohibition jusqu’à être capable de défier un Etat comme le Mexique.
Felipe Calderon a déclenché la guerre contre les cartels de la drogue à son arrivée au pouvoir en 2006 ; Depuis on compte plus de 60 000 assassinats. La Colombie a certes réussi à diminuer la production de cocaïne sur son sol, mais au prix d’un programme couteux de plus de 6 milliards de dollars en 10 ans et la persistance d’une guérilla qui, sans le juteux commerce de la drogue, serait probablement tellement affaiblie qu’il ne serait plus la peine de négocier avec elle.
Juan Manuel Santos
A New York mercredi, le président colombien a donc mis en cause la politique de répression en réclamant une étude sur des « bases objectives scientifiques » permettant de faire le bilan de cette politique prohibitionniste. Le président du Guatemala a rappelé son projet de dépénaliser le trafic de drogue sur son sol estimant que le coup de la lutte contre la drogue était si élevé qu’il empêchait l’Etat guatémaltèque de remplir ses fonctions régaliennes les plus basiques comme assurer la sécurité de ses citoyens.
Le président mexicain Felipe Calderon a de son coté tentait de convaincre que le crime organisé financer par le trafic de drogue est « l’une des menaces les plus graves de notre temps ». Le Capo Guzman qui dirige le cartel de Sinaloa au Mexique est classé par le magazine Forbes 55e homme le plus puissant du monde grâce à sa richesse amassée grâce au trafic de drogue. «Aujourd’hui, je propose formellement que (les Nations Unies) … procéder à une évaluation en profondeur de l’état d’avancement et les limites de l’approche prohibitionniste actuelle à la drogue», a lancé Felipe Calderon.
Otto Perez
L’Amérique latine s’était déjà exprimée sur le sujet d’une seule voix au Sommet de Carthagène en avril dernier demandant une révision de la politique anti drogue mondiale. Quand les pays consommateur comme la France prendront-ils conscience de leur responsabilité dans la situation extrêmement difficile des pays latino américains ?
Des Etats comme le Honduras ont déjà quasi disparu face au déferlement d’argent que le passage de la drogue vers les Etats-Unis et l’Europe a provoqué. Si le Nord du Mali est entré en rébellion, c’est aussi parce qu’il est devenu un lieu de passage privilégié pour la cocaïne en provenance d’Amérique latine. Si les groupes comme Aqmi contestent l’autorité centrale du gouvernement malien, c’est peut-être surtout pour pouvoir se livrer au trafic de drogue sans contrôle de Bamako.
Le problème posé par les chefs d’Etat latino américain est mondiale. Il est urgent que la communauté internationale les écoute. (Photos EFE, Laprensalatina)
Par Patrick Bèle le 29 septembre 2012
Source: blog.lefigaro.fr