Légalisation du cannabis à usage récréatif : un business lucratif ?

Légalisation du cannabis à usage récréatif : un business lucratif ?
Par mrpolo ,

En 2013, l’Uruguay est le premier pays à légaliser la consommation récréative de cannabis. Ce précurseur a été rapidement suivi par de nombreux pays au cours de ces six dernières années, comme le Canada ou plusieurs États américains. Dans certaines régions du globe, on a fait le choix de la dépénalisation. C’est notamment le cas en Europe. Face à cet élan de légalisation à travers le monde qu’attend la France pour se lancer ? Le business du cannabis est-il vraiment rentable ? Éléments de réponse.

 

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Les profits générés par la légalisation

Les premières études qui ressortent sur la légalisation du cannabis à usage récréatif démontrent une manne financière monstrueuse. En 2016, aux États-Unis, l’industrie a permis aux États du Colorado et de Washington de récolter entre 200 et 300 millions de dollars en taxes et impôts. Cette même année, les Américains auraient déboursé environ 6,7 milliards de dollars pour se procurer du cannabis de manière légale, selon Arcview Market Research.

Toujours au Colorado, dans les trois premières années de mise en place de la nouvelle législation, près de 18 000 emplois nets ont été créés. Un chiffre impressionnant quand on sait que l’État abrite une population de seulement 5,5 millions d’habitants.

 

Le tourisme du cannabis

Si cette industrie est aussi lucrative, c’est parce qu’elle donne la possibilité aux États d’empocher trois fois plus de taxes que l’alcool. Au total, pour le Colorado, ce serait presque 500 millions de dollars récoltés entre 2014 et 2017. Une manne qui aura tout de même permis à l’État d’investir dans l’éducation et dans des programmes de sensibilisation contre les drogues.

Cette légalisation a ouvert la voie au tourisme de masse. En effet, le Colorado se retrouve isolé, au milieu d’États qui n’ont pas légalisé le cannabis à usage récréatif. Ainsi, il attire de nombreux frontaliers qui souhaitent se procurer ce produit en respectant la loi. Ce phénomène se retrouve dans de nombreux pays en Europe.

 

Le cannabis dans l’Union européenne

Sur notre continent, la majorité des pays ont fait le choix de la dépénalisation. La consommation est autorisée, dès lors que la loi est respectée. Ainsi, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Suisse, les Pays-Bas, l’Autriche, la Norvège, l’Estonie, la Moldavie, la République tchèque, la Slovénie et la Croatie ont décidé de ne plus condamner les consommateurs. En Allemagne et en Pologne, le cannabis à usage récréatif est toujours illégal, mais toléré.

Concrètement, la dépénalisation autorise une consommation très encadrée. Aux Pays-Bas par exemple, le cannabis à usage récréatif peut être consommé uniquement dans les coffee shops et à son domicile. Il est interdit dans la rue. Dans les faits, les Amstellodamois fument très régulièrement dans la ville sans être verbalisés. Ce business et ce « laxisme » à l’égard des fumeurs fonctionnent plutôt bien pour les Pays-Bas. Un peu trop bien.

De ce fait, la hausse du tourisme est devenue beaucoup trop importante pour Amsterdam et d’autres zones du pays. Certaines villes ont pris des mesures fortes. En 2010, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne permet à Maastricht d’interdire l’accès de ses coffee shops aux touristes. Amsterdam a, par exemple, stoppé la publicité faisant la promotion de la ville. Face à l’afflux massif de touristes du cannabis, La Haye (capitale économique du pays) est devenue la première ville des Pays-Bas à interdire cette substance dans son centre-ville.

 

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Ne pas devenir le nouvel Amsterdam

Observant les problématiques rencontrées par les Pays-Bas, le Luxembourg a pris des mesures radicalement différentes. Le pays est sur le point d’être le premier État européen à pleinement légaliser la consommation du cannabis à usage récréatif. Pour autant, le Premier ministre a déjà annoncé qu’il ne voulait pas devenir « le nouvel Amsterdam ».

Ainsi, le Luxembourg n’autorisera que les résidents du pays à se procurer du cannabis. Étienne Schneider, ministre de la Santé, est très ferme et refuse toute vente aux frontaliers. L’objectif du pays n’est pas de générer du business autour de la légalisation, mais bien de contrer le marché noir. Comme l’expliquait Étienne Schneider, l’interdiction ne fait que nourrir le circuit parallèle.

En légalisant le cannabis à usage récréatif, le Luxembourg souhaite avant tout permettre de réglementer ce business. L’objectif ? Fournir à ses habitants des produits de meilleure qualité. Le projet de loi n’autorisera la consommation que dans le cadre privé. Elle sera interdite dans la rue et dans les cafés. L’intégralité des revenus n’ira pas dans la poche de l’État, mais sera dédiée à un fonds de prévention très actif dans la prévention de nombreux dangers comme la toxicomanie.

 

Cannabis et marché noir, une grande histoire d’amour

Au Colorado, comme au Luxembourg, l’idée de départ était de reprendre la main sur un trafic illégal qui générait des milliards de dollars. Problème : dans certains pays ayant légalisé l’usage récréatif du cannabis, le marché noir grossit.

Pourquoi ? Premièrement parce que les taxes sont trop élevées. Au Colorado, celles-ci s’élèvent à 29,9 %. Une augmentation qui rend les consommateurs frileux quant à l’achat de cannabis en toute légalité, d’autant plus que l’État américain a aussi autorisé la pousse de ses propres plants de cannabis. Une décision qui a participé à la hausse du marché noir.

En effet, le Colorado est isolé au milieu d’États qui n’ont pas légalisé l’usage récréatif de cette substance. Ainsi, les différents acteurs du marché noir n’hésitent plus à faire pousser leurs plants dans cette zone où c’est légal, avant de les revendre aux consommateurs qui vivent dans les régions frontalières.

Depuis 2014, la DEA, l’agence chargée de la lutte contre le trafic de drogues, estime qu’elle dédie 15 % de son temps au cannabis. Un chiffre qui a triplé par rapport à la période qui a précédé la légalisation. Près de dix États autour du Colorado sont ainsi abreuvés par le cannabis produit au Colorado.

 

L’échec de la légalisation : le cas canadien

Au nord des États-Unis, la situation n’est pas bien glorieuse non plus. Certains experts ont avancé l’hypothèse que la légalisation n’entraînerait pas une hausse du nombre de consommateurs. Au premier trimestre 2019, le Canada a vu l’arrivée de 646 000 nouveaux clients.

Cette hausse significative a eu un réel impact sur les stocks de cannabis au Canada. Légalisé le 17 octobre 2018, l’État était déjà à court de marchandise 10 jours plus tard. Résultat, les magasins ont dû réduire les heures d’ouverture, n’ouvrant que quatre jours par semaine. Alors que le gouvernement avait prévu l’installation de 50 points de vente avant la fin décembre, seuls 12 ont ouvert leurs portes. Conséquence : une fois encore le marché noir s’est enflammé.

 

Le cannabis en France

Fin 2018, l’Observatoire des drogues et des toxicomanies indiquait que la consommation de cannabis dans notre pays avait atteint son plus haut niveau depuis 25 ans. Si la France a une des politiques les plus répressives en la matière en Europe, c’est aussi le pays qui possède le plus haut taux d’expérimentation. En 2016, en France, 41,4 % des 15-64 ans avaient consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie, contre en moyenne 18,9 % en Europe.

Mi-2019, le Conseil d’analyse économique (CAE) a dressé un état des lieux sur la consommation de cette substance en France. L’étude met notamment en avant le fait que le nombre d’affaires liées au cannabis est si important que la justice ne peut pas toutes les saisir. Certaines solutions sont mises en place pour désengorger les tribunaux, allant du simple rappel à la loi à une amende de 200 €. Malgré tout, la police et la justice y dédient une importante partie de leur temps et de leurs ressources.

Pour lutter contre la consommation du cannabis, le budget estimé serait de 568 millions d’euros. « Si on rajoute les pertes de revenus, de production et de prélèvements obli­gatoires liées à l’emprisonnement, le coût social du cannabis serait supérieur de 40 %, soit 919 millions d’euros », expliquent les experts du CAE. Près d’un milliard d’euros seraient déboursés par l’État pour un business clandestin qui ne rapporte donc rien. Qu’attend donc le gouvernement pour se décider ?

 

La drogue à travers les âges

Avant de comprendre pourquoi la France ne légalise pas le cannabis à usage récréatif, il est important de savoir comment les drogues ont été interdites. Au XIXe siècle, leur consommation était très répandue. De nombreuses personnes à travers le monde étaient adeptes de l’opium, par exemple. On comptait environ 25 millions de consommateurs réguliers au début des années 1900. Cela représentait environ 1,5 % de la population mondiale de l’époque.

Ce n’est qu’au début du XXe siècle que la guerre contre la drogue est déclarée. En 1961, les Nations Unies prennent le problème en main en ratifiant la Convention unique sur les stupéfiants. Ce texte n’autorisait la production et l’utilisation de drogues que dans un objectif médical ou scientifique.

Aux États-Unis, Richard Nixon fait de ce combat une cause nationale, pour sa réélection en 1971. En réalité, son mantra, War on Drugs, n’était qu’une tentative de discréditer ses deux ennemis, les Afro-Américains et les hippies en leur associant une image de drogués.

Après plusieurs années de lutte contre la drogue, plusieurs prix Nobel signent le rapport Ending the Drug Wars, en 2014. Cette tribune démontre les effets négatifs d’une politique répressive contre les consommateurs de drogue.

Aujourd’hui, certains chiffres du rapport mondial sur la consommation des drogues démontrent un potentiel business important. Près de 3,9 % de la population mondiale aurait consommé du cannabis au moins une fois dans sa vie, soit 192 millions de personnes environ, selon l’étude de 2016. Des consommateurs qui n’ont pas la possibilité de se fournir légalement.

 

Quand la France va-t-elle légaliser le cannabis ?

Le CAE met en avant une donnée importante : de manière générale, dans les pays qui dépénalisent le cannabis, la criminalité a tendance à baisser. Son rapport indique également que la France pourrait grandement bénéficier d’une légalisation du cannabis. En effet, cette décision permettrait au pays de réaliser une économie significative sur les frais déboursés pour lutter contre cette substance. De plus, l’impôt et les taxes générés par la vente légale du cannabis représentent une manne financière importante pour l’État.

Cependant, la France se montre très réticente à une telle légalisation. Entre 2018 et 2019, de nombreux coffee shops ont ouvert leurs portes, vendant des produits contenant du cannabidiol à très faible quantité. Le gouvernement les a fait fermer dans leur grande majorité.

En août 2019, Édouard Philippe s’est exprimé sur la possibilité de légaliser le cannabis à usage thérapeutique. Même si le gouvernement étudiait prochainement cette piste, le Premier ministre a affirmé que cette décision n’ouvrirait pas la voie à la dépénalisation du cannabis. Dans les prochains mois, le Luxembourg servira de zone test pour l’Europe. S’il arrive à maîtriser ce business, le pays pourrait être un modèle pour de nombreux autres États dans l’UE.

 

Les effets du cannabis sur la santé

Il s’agit bien sûr du gros point noir qui inquiète les autorités publiques et ralentit la légalisation du cannabis en France. Aux États-Unis, le bilan est mitigé. Les hôpitaux ont enregistré une baisse de 5 % de la fréquentation pour des douleurs chroniques. Mais la consommation de cannabis aurait augmenté de 10 % le nombre d’accidents de la route selon le British Medical Journal.

Cependant, le CAE, qui met en avant de nombreuses études de 2017 sur les risques pour la santé de ce produit, affirme que les effets chez l’homme sont minimes. « De fait, le cannabis est une drogue particulière, car, à l’inverse de l’héroïne, de la cocaïne ou même de l’alcool, il est presque impossible de faire une overdose. De plus, le cannabis est beaucoup moins addictif que les autres substances légales (alcool, tabac). »

 

Des diplômes en cannabis

Le business du cannabis s’étend aussi au secteur de l’éducation. En effet, face au succès de la légalisation de cette substance outre-Atlantique, de nombreuses universités ont développé des cursus dédiés au cannabis. Certaines études prédisent que ce marché aura créé 467 000 emplois aux États-Unis d’ici 2022.

Ainsi, de prestigieux établissements américains et canadiens comme The University of Washington, UCLA ou encore Northern Michigan University délivrent un diplôme reconnu par l’État. Les cours abordent tout le spectre du cannabis, de la biologie au médical en passant par l’impact économique. De quoi susciter des vocations outre-Atlantique.

 

Source: business-cool.com


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