Jean Costentin est un professeur en pharmacologie à l’Université de Rouen, également membre de l’Académie Nationale de Médecine et de Pharmacie. Il a publié en 2006 un ouvrage intitulé « Halte au Cannabis ! » où il engage une véritable guerre contre le cannabis, qu’il soit utilisé à des fins médicinales ou récréatives.
Le professeur Costentin développe dans ses écrits et à travers ses nombreuses interventions une vision prohibitionniste du chanvre, systématiquement à charge contre le cannabis, parfois en déformant clairement les faits. Passage en revue de ses petits arrangements avec la vérité.
Cannabis et accidents de la route
Jean Costentin se fait fort de dire que « 300 morts sur la route sont le fait d’une consommation isolée du cannabis, ce qui est considérable. Le nombre des morts est autour de 3.500 morts. »
Pourquoi c’est faux ?
Selon le site Centaure, le cannabis est impliqué certes dans certains accidents de la route, mais est seulement dans 1 accident sur 8 soit 230 morts par an, un chiffre arrondi et exagéré. On se permettra de rappeler également que la présence de THC dans le sang n’implique pas que le conducteur est sous son effet, contrairement à l’alcool.
Selon une autre étude parue sur le site Cannabis-Med.org, on constate que la consommation de cannabis n’est pas directement liée aux accidents de la route. La conduite en état d’ivresse reste la principale cause d’accident. Le THC est également moins perturbant qu’un analgésique de niveau 2 ou 3 (tramadol ou codéine).
Costentin explique également
Cannabis et addictions
Jean Costentin exagère volontiers le potentiel addictif du THC : « le THC est une drogue, un agent toxicomanogène, donc une substance génératrice d’une pharmacodépendance, d’une addiction ».
Le professeur Costentin fait également souvent allusion à ce que les américains appellent la « stepping-stone theory », et en français, la théorie de l’escalade des drogues. En schématisant, cette théorie voudrait qu’en commençant à fumer un joint, on finit par prendre de l’héroïne. Costentin en parle dans la vidéo linkée plus haut .
« On va appeler ça le ‘phénomène de tolérance’ : lorsque l’effet du cannabis est épuisé car le fumeur en consomme déjà quotidiennement, très naturellement le consommateur va aller frapper à la porte d’autres drogues comme la cocaïne, l’ecstasy et pour finir, l’héroïne. » affirme t-il.
Pourquoi c’est faux ?
De nombreuses études scientifiques se sont penchées sur cette théorie qui a émergé dans les années 30, en pleine Amérique ségrégationniste, et qui visait directement les populations noires et sud-américaines. L’étude la plus probante, reprise par Libération, montre que les utilisateurs de cannabis passent rarement à des drogues plus dures, alors que la première drogue consommée par les consommateurs de cannabis reste l’alcool.
Cannabis et légalisation
Jean Costentin s’oppose évidemment à la légalisation du cannabis : « Légaliser serait adresser un épouvantable message de banalisation du cannabis à notre jeunesse. Un État ne saurait faciliter l’accès de ses citoyens à un agent toxique. Par des enquêtes réalisées en collèges et en lycées, à la question posée aux potaches abstinents « Pourquoi ne consommez-vous pas de cannabis ? », 40 % répondent « Parce que c’est toxique » et 60 % « Parce que c’est interdit ». Lever l’interdiction ferait croire aux premiers que ce n’est pas dangereux et serait, pour les seconds, un encouragement du type « allons-y gaiement » »
Pourquoi c’est faux ?
Lever l’interdiction d’une drogue pour les adultes n’encourage a priori pas sa consommation de cannabis chez les plus jeunes. Les exemples existent aujourd’hui, autour de nous tout d’abord (Pays-Bas et Portugal), puis plus loin, dans les Etats américains ayant légalisé le cannabis. Selon les derniers chiffres, 40% de la population française a déjà essayé du cannabis, contre 25% aux Pays-Bas et 9% au Portugal.
Au Colorado, ce sont les +35 ans qui profitent davantage de la légalisation du cannabis, avec un gros boom chez les personnes âgées.
Un changement de loi en France, qui restreint aujourd’hui la liberté d’expression autour du cannabis, permettrait une prévention plus marquée sur la population jeune et une meilleure prise en compte en amont des risques du cannabis pour les mineurs et les jeunes majeurs.
Cannabis et schizophrénie
Dernière idée appuyée par le professeur en pharmacologie : le cannabis et la schizophrénie. Jean Costentin a notamment déclaré que le THC est responsable de la schizophrénie : « longtemps suspectée mais désormais bien établie au plan épidémiologique et bien expliquée au plan neurobiologique ». Il cite l’étude séminale d’Andreasson (publiée en 1987 sur le site médical The Lancet) qui « établissait que le fait d’avoir fumé plus de 50 joints en tout, avant l’âge de la conscription, multipliait d’un facteur de 6 le risque de développer une schizophrénie. »
Pourquoi c’est biaisé ?
Le lien entre cannabis et schizophrénie est plus compliqué que ne le pensaient les scientifiques il y a 20 ans. Le risque est bien présent, mais Costentin « oublie » le lien de causalité. Les études ont montré, par exemple celle-ci, que les personnes schizophrènes avaient davantage tendance à se tourner vers le cannabis. Le cannabis déclencherait donc des troubles schizophrènes chez les personnes étant prédisposées à la maladie.
Cannabis et Jean Costentin
Nous avions déjà parlé de Jean Costentin lors de la dernière intervention de l’Académie de Pharmacie, dont Costentin est membre, sur le sujet de la légalisation du cannabis. Dans ce débat, tous les arguments sont bons à prendre. On peut objectivement dire qu’il y a à la fois des avantages et des risques à légaliser n’importe quelle substance. Mais encore faut-il ne pas s’arranger avec la vérité, les nombreuses études scientifiques disponibles et les exemples des pays alentours. La dangerosité de la prohibition vient aussi du fait que certaines « raisons » sont biaisées dès l’origine.
Mehdi Bautier
Source: newsweed.fr
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