La principale victoire des partisans de la guerre à la drogue a été de faire passer leur croisade morale pour une politique rationnelle et leurs adversaires pour de fumeux idéalistes. Seul un impératif moral a, en effet, depuis quarante ans, pu justifier une politique qui a échoué dans tous les domaines.
Jamais les consommateurs de drogues illicites n’ont été aussi nombreux, jamais les quantités disponibles n’ont été aussi importantes, leur prix si bas et les bénéfices engrangés par les mafias qui en font commerce si élevés. De l’autre côté de l’échiquier, la guerre à la drogue engloutit des millions, justifie
d’innombrables atteintes aux libertés et envoie de plus en plus de gens en prison.
A l’étranger, des voix s’élèvent pour dénoncer cet échec. Et, à l’instar de la Californie, la tentation d’une forme de légalisation se fait jour. D’autant que les pays qui s’y sont essayé n’ont pas connu de hausse conséquente de la consommation.
Comme sur d’autres sujets de société auparavant (vote des femmes, avortement, mariage gay…), la France fait de la résistance, se satisfaisant d’un paradoxe qui fait d’elle l’un des pays les plus répressifs d’Europe et l’un de ceux où la jeunesse est la plus friande de cannabis.
Et lorsque ses scientifiques l’enjoignent d’ouvrir des salles de consommation supervisée qui ont fait leur preuve à l’étranger en termes de santé publique, le gouvernement leur oppose une fin de non-recevoir, toujours au nom du même impératif moral.
En rendant passible d’un an de prison non seulement la consommation de stupéfiants, mais aussi le simple fait de les présenter sous un jour favorable, la vieille loi de 1970 a confisqué le débat. Il est plus que temps de le rouvrir.
Temps de débattre d’une politique qui n’ait plus pour horizon un impératif moral mais la santé publique. Il n’existe pas de modèle universel pour une politique des drogues juste et efficace, mais l’on sait aujourd’hui que la nôtre est un échec. Ayons le courage d’en changer pour une approche plus pragmatique, rationnelle. Il est étonnant que ce soit au pays de Descartes que ce changement soit le plus dur à faire accepter.
D’autant que lorsqu’il vivait à Amsterdam, il se dit que Descartes, lui, fumait du cannabis.
Par Arnaud Aubron
Source : blog les Inrocks