Drogues: Pendant le ramadan, c’est le kif

Par Invité ,

En compensation de l'absence d’alcool, la consommation de haschisch et de psychotropes augmente au cours du mois de jeûne. Un sujet largement tabou, alcool et drogues étant théoriquement proscrits toute l’année.

 

inforama.jpgCrédits photo: Des fumeurs en Turquie. (Flickr/Carlos Octavio Uranga)

 

Dès les 40 jours qui précèdent le ramadan, trouver de l’alcool en vente au Maroc ou en Algérie relève de la mission impossible. En revanche, vendeurs de kif et de psychotropes fleurissent dans la rue pendant la période de jeûne. L’alcool manquant, la demande de drogues augmente. Dès 2004, le service de psychiatrie du CHU Ibn Rochd de Casablanca constatait le phénomène dans le cadre d’une étude "Alcool et ramadan". Le rapport estimait notamment entre 10 et 15% la hausse de la consommation de psychotropes.

 

"Pendant le ramadan, la consommation d’alcool diminue fortement, mais elle est remplacée par des drogues de substitution : cannabis et médicaments", confirme le professeur Driss Moussaoui, responsable du service de psychiatrie. "Nous n'avons pas encore de chiffres précis plus récents. Mais l'augmentation de la consommation de drogues pendant le ramadan est évidente. Bien sûr, ces drogues ne sont pas consommées pendant la journée, mais à partir de la rupture du jeûne", précise le professeur Soumia Berrada, qui dirige l’unité d’addictologie du CHU de Casablanca.

 

D'après les études en psychiatrie et en toxicologie, cette consommation de stupéfiants concentrée dans le temps associée aux grandes quantités de café et au manque d'alcool provoque une irritabilité des comportements. "Le changement de substance du jour au lendemain dans un contexte de physiologie perturbée provoque un grand énervement, notamment chez les plus jeunes", ajoute le professeur Berrada.

 

"L'interdiction des drogues ne vaut que par analogie"

 

Le constat est partagé en Algérie, où un fonctionnaire de l’Office national de lutte contre les drogues et la toxicomanie confie : "Les soirées du ramadan donnent lieu à une consommation de drogue plus intense que d’habitude." Les drogues sont pourtant elles aussi interdites. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) est catégorique sur le sujet : "les drogues sont complètement prohibée. Il n'y a donc aucune raison qu'il y ait hausse de la consommation."

 

"L’interdiction de l’alcool est coranique et très sévèrement condamnée. En revanche, l’interdiction des drogues ne vaut que par analogie : elles font les même effets que l’alcool et sont mauvaises pour l’être humain, donc proscrites", explique Fateh Kimouche, responsable du blog musulman Al-Kanz.org.

 

Mais c’est sans doute cette ambiguïté d’une interdiction non explicite qui pousse à la substitution de l’alcool par du haschisch. "Il n’y a pas de verset clair sur le sujet", constate Soumia Berrada.

 

D’après Fateh Kimouche le phénomène ne peut en revanche pas être observé en France. Aucune étude ne permet en effet de l’étudier. Néanmoins, selon le docteur Salim Mehallel, psychiatre à l’hôpital Avicenne (ex-hôpital franco-musulman de Bobigny),

 

"chez les anciens de la première génération d’immigrés, il y a effectivement une surconsommation de cannabis pendant le ramadan. Mais cela n’est pas transposable pour les plus jeunes. C’est un rapport culturel au haschisch qui est propre au Maghreb."

 

D'après son collègue en ethnopsychiatrie, le docteur Abbal, "il y a même quelque chose de mystique dans la culture du haschisch là-bas."

 

Le tabou de l'addiction commence à se lever

 

Le phénomène reste pourtant nié par les autorités sanitaires. Aux ministères de la Santé algérien et marocain, c’est silence radio. "Il n’y a pas de politique de santé spécifique, car nous ne sommes pas censés consommer de l’alcool tout au long de l’année !", constate Soumia Berrada. Lutter contre les produits de substitution, c’est reconnaître une consommation habituelle. Un tabou qui semble néanmoins se lever progressivement, comme en témoigne l'inauguration récente du service d'addictologie au CHU de Casablanca. La reconnaissance de l'addiction était selon elle inimaginable il n'y a pas si longtemps.

 

Autre phénomène significatif : l’affluence des patients au service d’addictologie à l’approche du ramadan : "de nombreux buveurs pathologiques viennent se préparer à un mois qui sera difficile pour eux. Certains font des réserves en prévision." Mais la substitution ne concerne pas que les malades d’alcoolisme. "La hausse de consommation de drogue est générale, et la population classique s’ajoute aux addictifs", explique le professeur Barrada. "Pendant le mois du ramadan, on interdit le licite. Mais qu’en est-il de l’illicite ?", interroge finalement Fateh Kimouche.

 

Source : les inrocks


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