Parallèlement à l'explosion du trafic de drogues, le cannabis cultivé "à la maison" se répand dans certains logements. Pourquoi les consommateurs utilisent-ils ce procédé ? Des Boulonnais témoignent
Eric est un Boulonnais d'une quarantaine d'années. Il fume du cannabis depuis plus de vingt ans. Des allers-retours en Belgique ou aux Pays-Bas, il en a fait des dizaines et des dizaines, parfois en se faisant "toper" par les autorités françaises.
« Le placard
c'est la liberté »
Il y a quelques années, il se met à cultiver la plante chez lui sur les conseils d'un ami. « Car quand on fume, notre réseau est bien souvent aussi fumeur », affirme Éric. Pourquoi une telle initiative ? « La crainte du trajet pour aller chercher ses doses, la qualité du produit, le coût », énumère-t-il. Il ne se fournit jamais sur le net, trop risqué à son goût. Il préfère les tuyaux de ses amis, les systèmes D. Son installation lui a coûté entre 400 et 600 euros, dans des boutiques légales. La culture "indoor" (dans un placard) se répand. Ce sont souvent des gens souhaitant rester en marge du trafic de drogue et « préserver leur liberté ». Les produits seraient également plus naturels. Avec l'expansion du trafic, la qualité en serait négligée selon les consommateurs. « Le produit n'est plus ce qu'il était, le taux de THC a diminué, parfois on retrouve du sable, du pneu, je ne veux pas mettre ma santé en danger, je ne cautionne pas ce marché parallèle », explique Éric.
Fumer,
un « exutoire »
Le Boulonnais est simple consommateur, il ne revend jamais ses récoltes. Sa dépendance ? Il ne la considère pas vraiment. « Je ne suis pas un drogué, rejet de la société, j'ai une vie active », plaide-t-il. Sa consommation oscille entre 5 et 8 joints par jour, en fonction de ses états d'âme, car le Boulonnais l'avoue frileusement, mais « ça me canalise quand même beaucoup, et je fume plus quand j'ai des soucis personnels. » Le cannabis, un exutoire, c'est la réponse de beaucoup de consommateurs. Alex* et Jonathan*, deux étudiants boulonnais sont du même avis. « Au début, on a commencé à fumer pour faire comme les copains, en soirée. Puis c'est vite devenu une obsession, on ne peut pas vraiment sans passer », analyse Alex. Lui aussi a quelques plants chez lui, ou plutôt chez ses parents... Une installation très simpliste, qui n'a rien à voir avec celle d'Éric, mais qui convient au jeune homme. Cultiver à domicile serait-il devenu "tendance" dans le milieu de la marijuana ? Les trajets à l'étranger sont devenus de plus en plus périlleux avec l'intensification des contrôles. « En plus, les Hollandais en ont ras-le-bol des Français, ironise Éric. Pneus crevés, tags sur les voitures, les "touristes" ont souvent des surprises. » Pour ces consommateurs de cannabis, « la culture indoor ne fait de mal à personne et permet peut-être de réduire le trafic. » Un avis qui n'est guère du goût des autorités françaises. Les cultivateurs risquent jusqu'à vingt de réclusion criminelle et une amende pouvant aller jusqu'à 7 500 000 euros (Art 222-37 du code pénal).
* Les prénoms ont été changés.
Louise HAZELART
mercredi 09.02.2011, 14:00
Source: la semaine dans le boulonnais